Suzanne Habert : Différence entre versions

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Suzanne Habert naît à Paris de Jacqueline de Montmillet et d’un maître d’écriture, Pierre Habert, frère du poète François Habert. L’édition du ''Chemin de bien vivre'' que son père publie en 1572 témoigne de sa carrière et de son intérêt pour l’instruction féminine ; devenu commis du trésorier général du duc d’Anjou, il dédie ce manuel aux filles du trésorier Moreau, Charlotte et Marie. Dans les années 1580, il appartient au premier cercle de Henri III, par sa charge de secrétaire des finances du roi, de la maison et couronne de France, dans laquelle lui succède son fils Isaac, né vers 1560, poète estimé.
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Déjà mariée en 1576 à Charles Du Jardin, orfèvre du roi, désigné comme valet de chambre du roi en 1581, Suzanne est déclarée séparée de biens en janvier 1584 et devient veuve après 1585. Le verdict d’un procès qu’elle intente indique que son époux est en faillite fin 1585. Bien qu’elle ait d’abord obtenu la saisie des biens de son mari, afin de préserver sa dot et son douaire, un banquier génois s’oppose à une telle saisie qui privilégierait l’épouse parmi les créanciers. Elle perd en appel, le verdict tranchant en faveur d’un dédommagement des créanciers en proportion des créances respectives.
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Cette période de déboires correspond cependant à celle de sa renommée humaniste. Des sonnets de Jean Bertaut célèbrent ses qualités morales et intellectuelles. Imprimés dans un recueil (1610) réuni en hommage au beau-frère de Suzanne, l’homme de lettres Roland Du Jardin, ils sont conservés dans les papiers de Jean Dorat. La Croix Du Maine distingue son savoir en mathématiques et philosophie (1584). Enfin, Lucas Tremblay, professeur de mathématiques, lui dédie un traité d’arithmétique (1585).
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Après 1599, veuve dévote et riche héritière, Suzanne Habert manoeuvre pour préserver son patrimoine, sollicitant le chancelier de Bellièvre dans la succession de son père contre un Gondi (1603), gagnant un procès au sujet d’une reconnaissance de dette signée par son mari (1604). Dans la lignée de cette gestion patrimoniale active, elle finit par léguer sa fortune (1615) aux bénédictines de Notre-Dame-de-Grâce, prieuré érigé deux ans plus tôt dans le faubourg parisien de la Ville-l’Évêque. En contrepartie, elle y est admise comme oblate jusqu’à sa mort.
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Suzanne Habert devient ainsi la bailleuse de fonds de cette fondation religieuse : si les lettres royaux et patentes ainsi que l’acte notarié sont aux noms des duchesses Catherine d’Orléans-Longueville et Marguerite d’Orléans-Estouteville, l’acte est signé chez elle, et c’est elle qui fournit des revenus au couvent. Elle s’avère donc au contact direct de la mystique espagnole, les duchesses d’Orléans étant proches du cercle Acarie, lui-même à l’origine de l’installation à Paris du Carmel réformé par Thérèse d’Avila (1604). Il est plausible que, suivant son hagiographe Hilarion de Coste, le curé de sa paroisse René Benoist ait morigéné sa pratique de l’oraison mentale avant qu’elle entre en clôture. Dépendant de l’abbaye de Montmartre, le prieuré est alors dirigé par la réformatrice [[Marguerite d’Arbouze]].
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Une lettre sans date du cardinal Jacques Du Perron (1556-1618) publie le rôle de conseil éditorial que Suzanne Habert joue discrètement auprès de lui, ainsi que leur dialogue intellectuel et spirituel. L’inventaire (1631) de la bibliothèque d’étude de l’humaniste dévote confirme les talents de polyglotte et les compétences théologiques mentionnés par Hilarion de Coste : la centaine d’ouvrages comprend un fonds scripturaire, y compris en grec biblique ; des volumes produits depuis le début du siècle par les docteurs de la Sorbonne ou les jésuites du Collège romain, en théologie néo-scolastique, exégèse biblique et controverse ; des livres mystiques ou dévots et des usuels relevant des arts libéraux. De son rôle dévot et spirituel, il reste pour trace deux manuscrits reproduits par Hilarion de Coste : un programme de visites charitables à l’Hôtel-Dieu de Paris et un texte sur l’humilité, qui devait faire partie d’un traité sur les voeux monastiques. Sa créancière et proche Jeanne-Angélique Paulet, familière de l’hôtel de Rambouillet, hérite de sa bibliothèque.
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Après la mort de Suzanne, Hilarion de Coste publie son hagiographie, pour l’édification des veuves dévotes et femmes instruites. Cette tradition élogieuse conduit F. Briquet à attribuer sans preuve à Suzanne Habert un recueil de vers de son frère. Tante du théologien Isaac Habert, elle n’est en revanche pas apparentée à Philippe et Germain Habert.
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Version du 22 mars 2021 à 16:36

Suzanne Habert
Conjoint(s) Charles Du Jardin
Dénomination(s) Dame ou Madame Du Jardin, Dujardin, veuve de Charles Du Jardin
Biographie
Date de naissance 1559
Date de décès 1633
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)
Dictionnaire Hilarion de Coste (1647)
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779)


Notice de Audrey Duru, 2020

Suzanne Habert naît à Paris de Jacqueline de Montmillet et d’un maître d’écriture, Pierre Habert, frère du poète François Habert. L’édition du Chemin de bien vivre que son père publie en 1572 témoigne de sa carrière et de son intérêt pour l’instruction féminine ; devenu commis du trésorier général du duc d’Anjou, il dédie ce manuel aux filles du trésorier Moreau, Charlotte et Marie. Dans les années 1580, il appartient au premier cercle de Henri III, par sa charge de secrétaire des finances du roi, de la maison et couronne de France, dans laquelle lui succède son fils Isaac, né vers 1560, poète estimé. Déjà mariée en 1576 à Charles Du Jardin, orfèvre du roi, désigné comme valet de chambre du roi en 1581, Suzanne est déclarée séparée de biens en janvier 1584 et devient veuve après 1585. Le verdict d’un procès qu’elle intente indique que son époux est en faillite fin 1585. Bien qu’elle ait d’abord obtenu la saisie des biens de son mari, afin de préserver sa dot et son douaire, un banquier génois s’oppose à une telle saisie qui privilégierait l’épouse parmi les créanciers. Elle perd en appel, le verdict tranchant en faveur d’un dédommagement des créanciers en proportion des créances respectives. Cette période de déboires correspond cependant à celle de sa renommée humaniste. Des sonnets de Jean Bertaut célèbrent ses qualités morales et intellectuelles. Imprimés dans un recueil (1610) réuni en hommage au beau-frère de Suzanne, l’homme de lettres Roland Du Jardin, ils sont conservés dans les papiers de Jean Dorat. La Croix Du Maine distingue son savoir en mathématiques et philosophie (1584). Enfin, Lucas Tremblay, professeur de mathématiques, lui dédie un traité d’arithmétique (1585). Après 1599, veuve dévote et riche héritière, Suzanne Habert manoeuvre pour préserver son patrimoine, sollicitant le chancelier de Bellièvre dans la succession de son père contre un Gondi (1603), gagnant un procès au sujet d’une reconnaissance de dette signée par son mari (1604). Dans la lignée de cette gestion patrimoniale active, elle finit par léguer sa fortune (1615) aux bénédictines de Notre-Dame-de-Grâce, prieuré érigé deux ans plus tôt dans le faubourg parisien de la Ville-l’Évêque. En contrepartie, elle y est admise comme oblate jusqu’à sa mort. Suzanne Habert devient ainsi la bailleuse de fonds de cette fondation religieuse : si les lettres royaux et patentes ainsi que l’acte notarié sont aux noms des duchesses Catherine d’Orléans-Longueville et Marguerite d’Orléans-Estouteville, l’acte est signé chez elle, et c’est elle qui fournit des revenus au couvent. Elle s’avère donc au contact direct de la mystique espagnole, les duchesses d’Orléans étant proches du cercle Acarie, lui-même à l’origine de l’installation à Paris du Carmel réformé par Thérèse d’Avila (1604). Il est plausible que, suivant son hagiographe Hilarion de Coste, le curé de sa paroisse René Benoist ait morigéné sa pratique de l’oraison mentale avant qu’elle entre en clôture. Dépendant de l’abbaye de Montmartre, le prieuré est alors dirigé par la réformatrice Marguerite d’Arbouze. Une lettre sans date du cardinal Jacques Du Perron (1556-1618) publie le rôle de conseil éditorial que Suzanne Habert joue discrètement auprès de lui, ainsi que leur dialogue intellectuel et spirituel. L’inventaire (1631) de la bibliothèque d’étude de l’humaniste dévote confirme les talents de polyglotte et les compétences théologiques mentionnés par Hilarion de Coste : la centaine d’ouvrages comprend un fonds scripturaire, y compris en grec biblique ; des volumes produits depuis le début du siècle par les docteurs de la Sorbonne ou les jésuites du Collège romain, en théologie néo-scolastique, exégèse biblique et controverse ; des livres mystiques ou dévots et des usuels relevant des arts libéraux. De son rôle dévot et spirituel, il reste pour trace deux manuscrits reproduits par Hilarion de Coste : un programme de visites charitables à l’Hôtel-Dieu de Paris et un texte sur l’humilité, qui devait faire partie d’un traité sur les voeux monastiques. Sa créancière et proche Jeanne-Angélique Paulet, familière de l’hôtel de Rambouillet, hérite de sa bibliothèque. Après la mort de Suzanne, Hilarion de Coste publie son hagiographie, pour l’édification des veuves dévotes et femmes instruites. Cette tradition élogieuse conduit F. Briquet à attribuer sans preuve à Suzanne Habert un recueil de vers de son frère. Tante du théologien Isaac Habert, elle n’est en revanche pas apparentée à Philippe et Germain Habert.

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