Rosalie Ducrollay : Différence entre versions

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Version du 11 septembre 2018 à 16:34

Rosalie Ducrollay
Conjoint(s) Marc-Antoine Jullien dit Jullien de la Drôme (18 avril 1744-27 septembre 1821)
Dénomination(s) Rosalie Jullien
Biographie
Date de naissance 9 septembre 1745
Date de décès 28 avril 1824
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)



Notice d'Annie Duprat, 2018

Fille d’un marchand-mercier de Pontoise, Rosalie Ducrollay est née dans cette ville le 9 septembre 1745. Elle a reçu une très bonne instruction, peut-être à l’école des Ursulines de Pontoise (mais aucune liste d’élèves n’a été conservée). En 1777, elle épouse secrètement à Paris Marc-Antoine Jullien, précepteur au service de la duchesse d’Enville, sur recommandation du philosophe Gabriel de Mably. Jullien est élu député de la Drôme, suppléant à l’assemblée législative (1er octobre 1791-21 septembre 1792), puis titulaire à la Convention (21 septembre 1792-26 octobre 1795). Leur premier fils, prénommé également Marc-Antoine (1775-1848), naît avant leur mariage. On le nomme aussi Jullien de Paris, pour le différencier de son père, Jullien de la Drôme. Sa mère l’appelle parfois Jules. Rosalie met au monde deux autres enfants, Bernard, mort à dix-huit mois en 1778 et Auguste (1779-1845). Elle mène une vie bourgeoise sur ses terres de Romans-sur-Isère où elle élève ses enfants, se passionne pour l’élevage du ver à soie et fréquente les salons de lecture de Romans et de Valence. Le couple se sépare provisoirement en 1785 : tandis que son mari part à Paris suivre l’éducation de leur fils aîné au collège de Navarre, Rosalie reste à Romans avec Auguste jusqu’en 1787, date à laquelle la famille est réunie. Désormais, ils se partagent entre la capitale et le Dauphiné, avec de fréquents séjours en famille ou chez des amis, à Mantes, Pontoise ou Versailles. Rosalie meurt le 28 avril 1824 moins de trois ans après son mari.
Rosalie Jullien est connue par sa correspondance-fleuve : entre 1775 et 1810, plus de 900 lettres sont échangées avec ses proches (son mari et leur fils aîné) et avec quelques amies, tout au long d’une période des plus tourmentées de l’Histoire de France. Elle y évoque avec passion les événements de la Révolution : les Jullien vivent la politique en couple et avec fougue.
Rosalie Jullien est très diserte sur certains événements clés de la Révolution (les journées d’octobre 1789, les massacres de septembre 1792, le procès des Girondins en 1793), beaucoup moins voire pas du tout sur d’autres (la prise de la Bastille, la fuite à Varennes, les procès de Louis XVI et de Marie-Antoinette, la chute de Robespierre). Elle se passionne pour les intrigues politiciennes sous le Directoire, mais ignore quasiment Napoléon, qu’elle évite même de nommer. En revanche, elle se passionne pour les campagnes d’Italie, car ses deux fils y servent le général Bonaparte. Il est difficile d’expliquer ces impasses : prudence ? destruction ultérieure des lettres ?
Rosalie Jullien lit les journaux de toutes tendances – mais de préférence ceux alors dits « patriotes » (i.e. favorables à la Révolution), court à l’Assemblée et dans les clubs et cela, à la demande de son mari, souvent en Dauphiné. Elle envoie sa bonne recueillir sur le Pont Neuf rumeurs et dernières nouvelles, ce qui nourrit une correspondance remarquable par la précision des informations qu’elle délivre. Elle observe, s’enthousiasme, prend peur, raisonne et soutient sans faille les idéaux de la Révolution. Elle donne sans cesse des conseils à son fils aîné qui, politisé très jeune, est fréquemment en déplacement (d’abord en Angleterre, pour parfaire son éducation mais aussi pour observer les réseaux d’influence, puis dans les provinces françaises pour des missions de surveillance sur demande de Robespierre). Rosalie Jullien reçoit à sa table quelques uns des collègues de son mari, au premier chef les frères Robespierre, qu’elle tient en très grande estime, ou encore Bertrand Barère. Femme des Lumières, elle est passionnée par les nouveautés comme la vaccination antivariolique qu’elle conseille d’autant plus à son entourage que son fils Bernard est mort de la variole dans des souffrances qu’elle n’oubliera jamais. Cultivée, elle émaille sa correspondance de citations en français (La Fontaine, Racine, ou des écrivains de l’Antiquité) et de petits mots doux en italien. Mêlant ou non l’intime au politique, elle sait que ses lettres peuvent être lues publiquement, en particulier dans les cercles de sociabilité dauphinois. Il lui arrive même d’en adresser copie directement à la presse locale.
La correspondance de Rosalie Jullien a été fréquemment utilisée comme une source documentaire essentielle. Mais elle y apparaissait toujours comme « femme de » et « mère de », et non comme l’épistolière politique hors pair qu’une édition critique récente permet d’appréhender.

Oeuvres

  • Journal d’une bourgeoise pendant la Révolution. 1791-1793, publié par son petit-fils Édouard Lockroy, Paris, Calmann-Lévy, 1881 [édition partielle et anonyme de la correspondance][1].
  • « Les affaires d’État sont mes affaires de cœur. » Lettres de Rosalie Jullien, une femme dans la Révolution, 1775-1810, prés. A. Duprat, Paris, Belin, 2016 [édition partielle et critique de la correspondance présentée par Annie Duprat]

Principales sources

  • Moscou, Institut d’Histoire sociale, Moscou, fonds Jullien, 317/1, pièces 626-925
  • Paris, Archives nationales, 39 AP1, 39 AP2, 39 AP3, 39 AP4
  • Paris, Bibliothèque nationale de France, manuscrits, fonds Lockroy NAP 28340
  • Romans, Archives communales, 61 S, fonds de la Société des Amis de Marc-Antoine et Rosalie Jullien [dont 61 S 26, lettres des différents membres de la famille Jullien reçues par la famille Nugues]

Choix bibliographique

  • Gascar, Pierre, L’ombre de Robespierre, Paris, Gallimard, 1979.
  • Hustache, Marie Louise, « Le moi et l’Histoire dans la correspondance de Rosalie Jullien, 1794-1799 », Thèse de Lettres, Université Lyon 2, 1992, sous la direction de Pierre Rétat.
  • Krakovitch, Odile, « Un cas de censure familiale : la correspondance revue et corrigée de Rosalie Jullien, 1789-1793, Histoire et Archives, vol. 9, 2001, p. 81-123.
  • Parker, Lindsay, Writing the Revolution. A French woman’s history in letters, Oxford University Press, 2013.
  • Tackett, Timothy, The Coming of the Terror in the French Revolution, Cambridge, Harvard University Press, 2015 -- Anatomie de la Terreur. Le processus révolutionnaire, 1787-1793,trad. fr. par Serge Chassage, Paris, Seuil, 2018.


Jugements

  • « […] Cette famille si jacobine, si profondément honnête, si ardemment française, groupée autour d’une femme supérieure qui n’aime dans le monde entier que son mari, ses deux enfants et plus qu’eux encore, peut-être, la Patrie » ([Édouard Lockroy], « Introduction », Journal d’une bourgeoise pendant la Révolution. 1791-1793, Paris, Calmann-Lévy, 1881, p. VI).
  • « Elle possède le latin, l’anglais et l’italien. Elle a été de surcroît nourrie des idées nouvelles qui commencent à gagner dans la bourgeoisie moyenne à laquelle ses parents appartiennent » (Pierre Gascar, L’ombre de Robespierre, Paris, Gallimard, 1979, p. 14).
  • « Rosalie Jullien, née Ducrollay, mariée en 1774 au futur député de la Drôme Marc-Antoine Jullien, se révèle, à travers son abondante correspondance, une femme politique, une remarquable théoricienne, dotée d’un très grand sens de l’observation et de l’analyse, personnalité de surcroît généreuse et courageuse » (Odile Krakovitch, « Un cas de censure familiale : la correspondance revue et corrigée de Rosalie Jullien, 1789-1793, Histoire et Archives, vol. 9, 2001, p. 81).
  • « In light of this reality, it is questionable if the Revolution had a lasting impact on Rosalie. However within he intimate letters and private relationship, Rosalie’s politicized identity remained intact, although it was perhaps dormant » (Lindsay Parker, Writing the Revolution. A French woman’s history in letters, Oxford University Press, 2013, p. 3).
  • « Rosalie Jullien, qui avait été tant effrayée par l’agitation et le chaos de 1789, prenait maintenant [1790] goût à la culture démocratique. Elle siégeait dans les galeries de la salle des séances de l’assemblée constituante et assistait aux réunions de sa section » (Timothy Tackett, Anatomie de la Terreur. Le processus révolutionnaire, 1787-1793, Paris, Seuil, 2018. p. 103).
  • « Rosalie Jullien, une héroïne ordinaire. Elle tint un journal [sic] qui témoigne au jour le jour de ce que fut l’engagement des Français dans la tourmente révolutionnaire » (Annie Jourdan, Nouvelle histoire de la Révolution, Paris, Flammarion, 2018, p. 339).
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