Perrine Testu

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Perrine Testu
Biographie
Date de naissance Après 1600
Date de décès Avant 1700
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Nicole Dufournaud, 2012

On ne sait rien de Perrine Testu ni de Marie Barbe avant 1669. Ayant au moins l’âge requis de vingt-cinq ans, elles décident de s'associer à Nantes. Dans l’acte notarié (1670) où leur association est formalisée, il est précisé non seulement leur état – « filles usantes de leurs droits, majeures » – mais aussi leurs activités : Perrine est tailleuse et marchande d’étoffes, Marie est lingère. L’acte précise aussi la mauvaise santé de Perrine. Un an plus tôt, en 1669, celle-ci avait établi un testament en faveur de Marie avec laquelle elle demeurait depuis fort longtemps, à Nantes, rue des Carmes dans la paroisse de Saint-Saturnin. Se sentant mourir, Perrine lui faisait don d'une somme de 30 livres. En 1670, Perrine se remet de sa maladie et les deux femmes décident de fonder une société « en considération de l'amour et affection qu'elles se portent et des services qu'elles se sont respectivement rendus et rendent journellement ». Dans cet acte, elles se font aussi donation mutuelle de tous leurs biens « tant meubles, linge, crédits, effets qu’acquêts qu’elles pourront faire pendant leur dite société, attendu même que ce qu’elles ont à présent de meubles et marchandises, de travail, leur appartient en commun ». L’acte prévoit également une éventuelle séparation des deux femmes avec un partage de tous leurs biens. Entre 1672 et 1682, six actes notariés mentionnent les deux femmes : en 1672, Marie Barbe, qualifiée d’honnête femme, prend Jeanne Thibaud âgée de 18 ans pour apprentie, avant d’embaucher, en 1681, Catherine Tellier âgée de 11 ans ; en 1672, Perrine Testu et Marie Barbe prennent à bail une première chambre, puis en 1680 deux autres chambres ; en 1677, elles s’en font don mutuellement mais, six mois plus tard, Perrine, malade, refait son testament en faveur de sa propre mère, testament qu’elle ratifie seulement en 1682. En 1683, Perrine change encore ses dispositions et revient à un testament en faveur de Marie : les deux compagnes veulent maintenant être enterrées ensemble aux Carmes de Nantes. On sait qu’en 1684, Perrine est toujours vivante car une servante domestique, Jeanne Sinais, âgée de 30 ans, fait établir un testament où elle les cite : les trois vivent ensemble sous le même toit. Un an plus tard, rien ne va plus : Perrine et Marie révoquent toutes deux la donation passée sept ans plus tôt, en 1677 ; elles restent cependant associées en affaire pour la vente et l'achat d'étoffes pendant six ans. Cette période écoulée, elles demeurent toujours ensemble et, en janvier 1686, prennent à bail deux nouvelles chambres, mais six mois plus tard, le testament d’une dénommée Henriette Guyot, mentionne qu’elle demeure avec Marie Barbe, sans mention de Perrine ! En 1687, les actes notariés montrent un nouveau changement : le 11 mars, Marie établit son testament en faveur de son frère établi tabellion en Normandie et de Jeanne Barbe, sa nièce, demeurant maintenant avec elle ; huit jours plus tard, Perrine, bien portante cette fois-ci, révoque tous les anciens testaments qui étaient en faveur de Marie. Pourtant, en 1691, elles sont de nouveau ensemble pour prendre à bail deux nouvelles chambres. Enfin, en 1693, Perrine refait un testament et nomme pour exécutrice testamentaire celle en qui elle remet sa confiance, Marie Barbe. Un nouveau contrat d’apprentissage, en 1697, mentionne Marie Barbe demeurant seule avec sa nièce Jeanne dans une autre paroisse de Nantes, Sainte-Croix ; ce qui laisse supposer la disparition de Perrine vers 1693.
La vie commune de Perrine Testu et Marie Barbe n’est donc connue qu’à travers plusieurs actes notariés établis entre 1669 et 1693 : testaments, baux, actes d’apprentissage, actes d’association, révocations et donation. Que sait-on de leurs affaires commerciales ? Peu de chose sinon qu'elles s'associent ensemble contractuellement : aucune autre donnée chiffrée, aucune notification de faillite. À propos de leur formation, on peut relever que, seule Marie Barbe sait signer et que c’est elle qui prend des jeunes filles en apprentissage. On constate aussi qu'elles vivent ensemble pendant une longue durée – certes entrecoupée de plusieurs séparations –, leur espace de vie mêlant boutique et habitation, comme il est d'usage à cette époque. A un moment donné, elles veulent être enterrées ensemble aux Carmes de Nantes, lieu prestigieux de leur paroisse où repose le cœur d’Anne de Bretagne. De leurs relations strictement personnelles, on ne sait rien, sinon qu’elles semblent tumultueuses. Perrine et Marie sont un exemple d'un couple de femmes vivant ensemble dans la seconde moitié du XVIIe siècle au vu et su de tous, souhaitant partager la même tombe dans la mort.

Sources inédites

  • Nantes (France), Archives départementales de Loire-Atlantique : Delalande 4E2/622, Belon 4E2/197, Bourdays 4E2/384, Lebreton 4E2/1234, Petit 4E2/1607, Breteche 4E2/410-1, Houet 4E2/1096, Breteche 4E2/413, Breteche 4E2/414, Breteche 4E2/416-1, Breteche 4E2/416-2, Breteche 4E2/417, Alexandre 4E2/6-2, Alexandre 4E2/10-1 et Alexandre 4E2/18.

Choix bibliographique

  • Crowston, Clare H., Fabricating Women. The Seamstresses of Old Regime France, 1675-1791, Durham, Duke U P, 2001.
  • Dufournaud, Nicole, « Les femmes au travail dans les villes de Bretagne, XVIe et XVIIe siècles», Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, 114, 3, 2007, p. 43-66.
  • Dufournaud, Nicole et Michon, Bernard, « Les femmes et le commerce maritime à Nantes (1660 - 1740) : un rôle largement méconnu », Clio Histoire, Femmes et Sociétés, Le genre du sport, Toulouse, PU du Mirail, mai 2006, n° 23, p. 311-330.
  • Jones, Jennifer M., Sexing la Mode. Gender, Fashion and Commercial Culture in Old Regime France, Oxford-NY, Berg, 2004.
  • Juratic Sabine et Pellegrin Nicole, "Femmes, villes et travail en France dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Quelques questions", Histoire, Economie et Société, 1994, n°3, pp. 85-108.
  • Savary Des Bruslons, Jaques, « Linger, lingere », Dictionnaire universel de commerce : d’histoire naturelle, et des arts et métiers…, Genève, Cramer et Cl. Philibert, 1750, t. II, p. 1075-1076.

Remerciements

  • Cette notice a pu être établie grâce à un travail publié avec Bernard Michon et grâce à M. Rouziou qui nous a offert la transcription d'un acte (cf. ADLA 4 E 2 / 197 : notaire Belon, le 28 août 1670) et nous a fait prendre connaissance de l'ensemble des actes concernant ce couple.
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