Marie-Madeleine Pioche de La Vergne

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Marie-Madeleine Pioche de La Vergne
Titre(s) Comtesse de La Fayette
Conjoint(s) François Motier, comte de La Fayette
Dénomination(s) Madame de La Fayette
Biographie
Date de naissance 1634
Date de décès 1693
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)


Notice de Joan DeJean, 2006.

Marie-Madeleine Pioche de La Vergne fut baptisée à Saint-Sulpice, à Paris, le 18 mars 1634 et mourut dans la même ville le 25 mai 1693 (ses funérailles eurent lieu dans la même église le 27 mai). Elle débuta sur la scène littéraire comme une jeune précieuse pendant l’âge d’or des salons (1650-1658). Pendant les premières années de son mariage avec François, comte de Lafayette, célébré le 15 février 1655, elle s’installa en Auvergne pour vivre sur les terres de son mari. Elle donna le jour à Louis puis à Armand en 1658 et 1659 respectivement. Son mari vécut avec elle de manière intermittente à Paris, dans leur maison de la rue Férou. En novembre 1661, il regagna seul l’Auvergne, après avoir signé un document laissant à sa femme pleine autorité sur les affaires légales de la famille. Très peu de femmes à cette époque ont joui de cette sorte d’indépendance. Les époux ne devaient plus jamais vivre ensemble ensuite pendant une période de temps un peu longue. Ils restèrent néanmoins en bons termes jusqu’à la mort de François de Lafayette en 1684.

À partir de ce moment, Mme de Lafayette mena sa vie de Parisienne et d’écrivaine. Son premier ouvrage publié est un portrait de son amie de longue date, la marquise de Sévigné. Elle poursuivit en écrivant une série de romans historiques. Toute sa carrière se déroula au centre de la vie littéraire et intellectuelle du temps, Mme de Lafayette fréquentant les salons les plus influents ainsi qu’un grand nombre de figures parmi les plus importantes du temps. La marquise de Sévigné et le comte de La Rochefoucauld, ses meilleurs amis, étaient des écrivains connus. Un certain nombre de ses amis collaborèrent de différentes façons à la rédaction de ses romans, pratique commune à une époque où bien des auteurs faisaient circuler leurs oeuvres sous forme manuscrite avant de les publier. Ainsi par exemple, à la demande de Mme de Lafayette, Pierre Daniel Huet et Jean Regnauld de Segrais l’aidèrent-ils à corriger le style du plus long de ses romans, Zayde: on raconte qu’elle se sentait trop proche de celui de Madeleine de Scudéry, figure la plus importante dans le domaine du roman quand Mme de Lafayette commença sa carrière.

Mme de Lafayette fut aussi une figure influente de la cour de Louis XIV. Elle géra les biens considérables de sa famille, négocia les carrières de ses deux fils et poursuivit des négociations diplomatiques avec la maison de Savoie. Les contributions de Mme de Lafayette à l’histoire de son temps -- Histoire de madame Henriette d’Angleterreet Mémoires de la cour de France -- ne furent pas publiées de son vivant. A l’époque, personne ne rendait publics des ouvrages historiques avant la mort de ceux dont ils racontaient l’histoire. Dans le type de roman que Mme de Lafayette rendit célèbre, elle utilisa sa connaissance intime du fonctionnement de la politique de la cour pour élargir les horizons de la fiction. De même que certains de ses précurseurs les plus connus, parmi lesquels Mlle de Scudéry, elle écrivit des romans historiques. Elle tira souvent ses sujets de l’histoire moderne et travailla à documenter les faits qu’elle rapportait avec une précision qui n’avait jamais été atteinte jusqu’alors. A procéder ainsi, elle brouilla les frontières entre fiction et non fiction. Mme de Lafayette utilisa ce brouillage comme moyen de dénonciation politique, ainsi, par exemple l’influence délétère de la vie à la cour. L’oeuvre de Mme de Lafayette est également célèbre à cause de la manière dont elle su transformer la forme romanesque et lui donner une audace de ton et d’observation inimaginable auparavant. Les romans qui précèdent les siens étaient généralement extrêmement longs, remplissant parfois un grand nombre de volumes et des milliers de pages. À l’inverse, Mme de Lafayette composa des romans d’une surprenante concision: elle élimina presque entièrement les récits intercalés dans l’intrigue principale qui composaient la majeure partie des romans avant elle, elle réussit réduire sa prose à l’essentiel et à éliminer tout ce qui paraissait superflu.

On attribue souvent à Mme de Lafayette l’invention du roman psychologique. Dans un mouvement qui conduit de La Princesse de Montpensier à Zayde puis à La Princesse de Clèves, ses héroïnes luttent pour trouver un espace protecteur dans lequel elles se sentent en sécurité pour explorer leur réponse émotionnelle aux principaux événements de leurs vies. Chaque fois que le personnage de la princesse de Clèves est à même de trouver quelque intimité au milieu d’une vie de cour particulièrement envahissante, elle analyse ses actions par le recours au monologue intérieur. Les contemporains de Mme de Lafayette virent dans les conflits qui tourmentaient ses personnages un rapport direct avec ce dont eux-mêmes faisaient l’expérience au quotidien. L’oeuvre généralement reconnue comme la meilleure, La Princesse de Clèves, est souvent considérée comme le premier roman moderne. Elle est régulièrement incluse dans la liste des meilleurs romans français existants; Mme de Lafayette est souvent la seule femme à figurer sur ces listes. Les lecteurs actuels continuent de voir dans le souci de Mme de Lafayette de donner au roman une dimension plus intime la preuve de la modernité de sa démarche.

(traduction Martine Reid)

Oeuvres

  • 1659 : «Portrait de Madame la Marquise de Sévigné sous le nom d’un inconnu», dans Recueil des portraits en vers et en prose dédié à Son Altesse royale Mademoiselle [par Mademoiselle de Montpensier et sa cour], Paris, C. de Sercy et C. Barbin, 2 vols -- dans OEuvres complètes de Madame de Lafayette, éd. Roger Duchêne, Paris, François Bourin, 1990.
  • 1662 : La Princesse de Montpensier, Paris, C. de Sercy (publication anonyme) -- dans OEuvres complètes, voir supra
  • 1662-1664 ? : La Comtesse de Tende, dans le Nouveau Mercure, septembre 1718 (sans doute rédigé à la même période que La Princesse de Montpensier) -- dans OEuvres complètes, voir supra.
  • 1666-1670 : Histoire de Mme Henriette d’Angleterre, Amsterdam, M.-C. Cène, 1720 -- dans OEuvres complètes, voir supra.
  • 1670-1671 : Zayde, histoire espagnole, Paris, C. Barbin, 2 vols. (attribué à Jean Regnauld de Segrais sur la page de titre) -- dans OEuvres complètes, voir supra.
  • 1678 : La Princesse de Clèves, Paris, Barbin (publication anonyme). Toutes les éditions actuellement disponibles reproduisent de manière injustifiée le texte d’une copie annotée de la première édition; les lecteurs ne peuvent donc plus aborder le texte tel que Lafayette l’avait écrit.
  • 1690? : Mémoires de la cour de France pour les années 1688 et 1689, Amsterdam, J.-F. Bernard, 1731 -- dans OEuvres complètes, voir supra.
  • Correspondance, éd. André Beaunier, Paris, Gallimard, 1992, 2 vol.


Choix bibliographique

  • Genette, Gérard, «Vraisemblance et motivation», dans Figures II, Paris, Seuil, 1969, p.71-99.
  • Gevrey, Françoise, L’Esthétique de Madame de Lafayette, Paris, S.E.D.E.S, 1997.'
  • Madame de Lafayette, Actes de Davis [1988], Biblio 17, v.40, Paris-Seattle-Tübingen, PFSCL, 1988.
  • Laugaa, Maurice, Lectures de Mme de Lafayette, Paris, Colin, coll. « U2 », 1971.
  • Poulet, Georges, Études sur le temps humain (1952), t.1, Paris, éd. du Rocher, coll. « Agora », 1989, chap VII «Madame de Lafayette».


Choix filmographique

  • Jean Delannoye, La Princesse de Clèves, 1960.
  • Manoel de Olivera, La Lettre (La Carta), 1999.
  • Andrej Zuslavsky, La Fidélité, 2000.


Jugements

  • «Cette héritière perfectionnée de Mme de Rambouillet, cette amie de Mme de Sévigné toujours, de Mme de Maintenon, longtemps, a son rang et sa date assurée en notre littérature en ce qu’elle a réformé le roman, et qu’une part de cette divine raisonqui était en elle, elle l’appliqua à ménager et à fixer un genre tendre où les excès avaient été grands, et auquel elle n’eut qu’à toucher pour lui faire trouver grâce auprès du goût sérieux qui semblait disposé à l’abolir» (Sainte-Beuve, Revue des Deux mondes, Ier septembre 1836, p.514).
  • «Segrais rapporte qu’elle disait volontiers: C’est assez d’être.Elle entendait par là que pour être heureux, il fallait vivre “sans ambition et sans passions, au moins sans passions violentes”» (Bernard Pingaud, Mme de Lafayette par elle-même, éd. du Seuil, 1959, p.18).


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