Marie-Élisabeth Rocbert de la Morandière

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Marie-Élisabeth Rocbert de la Morandière
Conjoint(s) Claude-Michel Bégon de la Cour
Dénomination(s) Élisabeth Bégon
Biographie
Date de naissance 1696
Date de décès 1755
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Rachel Ferland, 2004

Marie-Élisabeth Rocbert de la Morandière (Montréal, 27.7.1696-Rochefort, 1.11.1755) est la fille aînée d'Étienne Rocbert, sieur de la Morandière, et d'Élisabeth Duverger. De 1712 à 1718, le sieur Rocbert (1682-1753), garde-magasin du roi, loge Claude-Michel Bégon de La Cour, chevalier de Saint-Louis (1683-1748), frère de l'intendant et futur gouverneur de Trois-Rivières. Il rencontre Élisabeth Rocbert et devient amoureux d'elle. Le 16 novembre 1718, après maintes interdictions de la famille Bégon, le mariage est prononcé. Deux enfants naissent de cette union: Claude-Michel-Jérôme (1732-1797) et Marie-Catherine-Élisabeth (1720-1740). L'union d'un Bégon, famille apparentée à celle de Colbert, à une fille d'un rang très inférieur fait scandale dans l'illustre maison. Élisabeth Bégon est considérée comme «l'Iroquoise» par sa belle-famille. Malgré le rejet lié à son mariage, Mme Bégon se taille une place de choix dans la colonie où, pendant près de vingt-cinq ans, elle tient salon. Chez elle se réunissent les personnes les plus influentes de la colonie. On y boit du « vin de champagne», on y parle politique, économie et littérature. On y joue des pièces de théâtre, notamment Corneille. C'est avec cette ouverture d'esprit que l'épistolière éduque ses enfants et ses petits-enfants. Les lectures jalonnent leur éducation, y compris celle des filles. «Persuadée que cela cultive l'esprit» (janvier 1753), elle leur fait lire de la poésie, Ducerceau, Don Quichotte, les dictionnaires français et latin, des ouvrages de géographie, d'histoire française ou romaine. En 1737, sa fille épouse Honoré-Michel de Villebois de la Rouvillière (1704-1752), commissaire du roi, qu'elle laisse veuf en 1740 avec deux enfants en bas âge, Honoré-Henri-Michel-Etienne et Marie-Catherine. Mme Bégon rejoint son gendre à Montréal pour s'occuper des enfants. Son mari, alors en mission sur les mers, ne regagne la colonie que deux ans plus tard. Des liens forts se nouent entre Villebois et sa belle-mère pendant cette période. En 1747, le ministre de la Marine envoie Villebois à la Nouvelle-Orléans pour y prendre le poste de commissaire ordonnateur. L'année suivante, à la suite du décès de Claude-Michel Bégon, commence une correspondance soutenue entre la veuve et son gendre qui ne s'achèvera qu'avec la mort de ce dernier en décembre 1752. La correspondance retrouvée s'échelonne du 12 novembre 1748 au 8 novembre 1752. À l'été 1749, accompagnée de son père, de sa petite-fille et de sa nièce, Mme Bégon laisse définitivement derrière elle sa terre natale pour gagner la France, où elle s'installe à Rochefort. Elle consacre les dernières années de sa vie à la consolidation d'un réseau composé de personnes influentes, tel le marquis de la Galissonnière, dans le but de placer au mieux ses enfants et petits-enfants. L'écriture est alors l'élément stabilisateur de sa nouvelle vie.

Les lettres de Mme Bégon, aujourd'hui conservées aux Archives nationales du Québec, sont retrouvées, après plus d'un siècle et demi d'oubli, en 1932 par Claude de Bonnault, dans le grenier de la comtesse de Rancougne, descendante des Bégon. Elles sont regroupées en neuf cahiers, le premier débutant le 12 novembre 1748 et le neuvième se terminant le 12 avril 1752. Des lettres écrites sur feuilles volantes ont également été retrouvées. La correspondance a débuté avant le 12 novembre 1748 mais les lettres qui précèdent cette date n'ont jamais été retrouvées. Écrits de Nouvelle-France, les six premiers cahiers prennent la forme de la «lettre-journal», écriture hybride aux frontières de deux genres. Les quatre derniers cahiers sont rédigés de France, et prennent tour à tour la forme conventionnelle de la lettre et celle de la «lettre-journal».

Après avoir suscité l'attention des historiens, les lettres de Mme Bégon intéressent maintenant les littéraires. En effet, les nombreux voyages des épistoliers entre la France et les colonies, de même que le calendrier des traversées, dont dépend l'acheminement des lettres, déterminent un espace et un rythme épistolaires intenses. Les chercheurs étudient aujourd'hui ces lettres sous divers angles: psychanalyse, sociocritique, réseaux de sociabilités... Mais plus important encore, l'écriture de Mme Bégon arrive à emporter et à émouvoir, 250 ans après leur rédaction, de nombreux lecteurs.

Oeuvres

- 1748-1753 : «Correspondance de Madame Bégon, née Rocbert de la Morandière», in Pierre-Georges Roy (ed.), Rapport de l'Archiviste de la Province de Québec (1934-35), Québec, Imprimeur De Sa Majesté Le Roy, 1935 (trad. moderne par Claude de Bonnault, suivie du texte original).
- 1748-1753 : Élisabeth Bégon, textes choisis, présentés et annotés par Céline Dupré, Montréal et Paris, Fides, coll. «Classiques canadiens», 1960.
- 1748-1753 : Lettres au cher fils: correspondance d'Elisabeth Bégon avec son gendre (1748-1753), éd. Cl. de Bonnault, préf. Nicole Deschamps, Montréal, Hurtubise HMH, 1972.
- 1748-1753 : Lettres au cher fils, ed. revue et augmentée, préf. Nicole Deschamps, Montréal, Éditions du Boréal, 1994.

Choix bibliographique

- Ferland, Rachel. «Du Nouveau Monde à l'Ancien: l'inscription d'un choc identitaire dans le réseau épistolaire et les Lettres au cher fils d'Élisabeth Bégon», in Danielle Forget et France Martineau (dir.), Des identités en mutation: de l'Ancien au Nouveau Monde, Ottawa, David, 2002, p.141-169.
- Melançon, Benoît. "Letters, Diary, and Autobiography: Relations between the Genres in Eighteenth-Century France. The case of Diderot, Madame Bégon, and Rousseau", in Patrick Coleman, Jayne Lewis et Jill Kowalik (éd.), Representations of the Self from Renaissance to Romantisism, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p.151-170.
- Melançon, Benoît. «La configuration épistolaire: lecture sociale de la correspondance d'Élisabeth Bégon». Lumen, XVI, 1997, p.71-82.
- Robitaille, Martin, «Du rapport à l'image dans les lettres d'Élisabeth Bégon». Studies on Voltaire and the Eighteenth-Century, IV, 2000, p.41-57 et 249-250.
- Rubinger, Catherine. "Love or Family Love, in New France. A New Reading of the Letters of Madame Bégon". Man and Nature/L'homme et la nature, XI, 1992, p.187-199.

Choix iconographique

- Anonyme. Marie-Élisabeth Rocbert de La Morandière (huile sur toile), Rochefort, vers 1750 -- Ottawa, Archives nationales du Canada, C-010594 (voir choix de liens électroniques).
- Flornoy, Olivier. Portrait de Madame Bégon. Huile sur toile (copie de la toile précédente). Québec, vers 1940, Québec, Archives nationales du Québec en dépôt au Musée du Québec --Lettres au cher fils, Montréal, Éditions du Boréal, 1994.

Liens électroniques

  • Morceaux choisis: Élisabeth Bégon [1]
  • Notice biographique et revue de presse [2].
  • Portrait: la maisonnée Bégon[3]().
  • Extraits de lettres originales[4]().
  • Bibliothèque et archives Canada, Dictionnaire biographique du Canada en ligne; biographie de Marie-Élisabeth Rocbert de la Morandière (Bégon de La Cour)[5].

Jugements

- «[L]a meilleure des Canadiennes de ce temps là, tout au moins de celles que nous connaissons. La plus intelligente peut-être, la plus spirituelle certainement et la plus touchante» (Cl. de Bonnault, «Saintonge et Canada: les Tilly», Bulletin des recherches historiques, 41, 1935, p.241).
- «Sa place de petite-fille du grand Bégon, Élisabeth Rocbert la tenait dignement. Elle aimait à obliger, on le savait. Elle était écoutée en haut lieu, on ne l'ignorait pas. Volontiers on s'adressait à elle et sollicitait-on sa protection» (Cl. de Bonnault, voir supra..., p.311).
- «Sa belle-mère [Mme Bégon], née Rocbert de la Morandière, se donne des airs de grande dame, bien que les Bégon lui trouvent des origines trop obscures à leur gré; elle possède toutefois une bonne tête, un coeur d'or et une jolie plume» (Guy Frégault, Le Grand marquis, Montréal et Paris, Fides, 1952, p.275)
- «Ce qui reste de cette correspondance donne la mesure de l'oeuvre qu'une femme, née à Montréal en 1696, pouvait se permettre d'écrire. [...] Il n'est pas indifférent qu'elle ait enseigné la langue et la littérature à sa petite-fille, malgré ses origines qui la feront qualifier d'"Iroquoise" par sa famille française, qu'elle ait vécu ou soit morte en exil. Bienheureux exil, qui est d'abord celui de l'affranchissement individuel, social et familial qu'accomplit, bon gré ou mal gré, tout écrivain» (Deschamps, Nicole et Martin Robitaille, «De l'acte d'écrire comme tiers épistolaire: l'oeuvre d'Élisabeth Bégon», in George Bérubé et Marie-France Silver (dir.), la Lettre au XVIIIe siècle et ses avatars, Toronto, GREF, 1996, p.304).
- «Lire les lettres d'Élisabeth Bégon, c'est peut-être, comme Jean Le Moyne en a déjà eu l'intuition, approfondir l'image traditionnelle de la femme dans notre société» (Deschamps, Nicole, «Préface», Élisabeth Bégon, Lettres au cher fils, Montréal, Boréal, 1994, p.18).
- «Elle livre d'elle-même l'image étonnante d'une chroniqueuse toujours en marge, ne participant qu'exceptionnellement aux événements» (Benoît Melançon, «La Configuration épistolaire lecture sociale de la correspondance d'Élisabeth Bégon», Lumen, XVI, 1997, p.74).
- «Dans l'ombre de la retraite où le deuil la confinait, Mme Bégon observait d'un oeil ironique le comportement de ses concitoyens. Elle notait quotidiennement, en les commentant, leurs faits et gestes, ainsi que les événements qui constituaient l'actualité d'alors ou simplement la trame de sa vie familiale. L'épistolière était bien informée beaucoup de visiteurs, souvent aussi intéressés qu'importuns, visitaient son salon car on connaissait l'influence de Mme Bégon sur le gouverneur général intérimaire de la colonie, BARRIN de la Galissonière» (Céline Dupré, Dictionnaire biographique du Canada en ligne, Université Laval/University of Toronto, [6], 2000).
- «L'auteur de ces lettres est une femme spirituelle et charmante dont l'histoire s'est souvenue avec tendresse, peut-être parce qu'elle sut, non sans tact, raconter l'histoire d'une façon vraisemblable, et peut-être aussi parce que, à son insu, s'élaborait en elle un archétype des héroïnes qui ont longtemps hanté nos rêves collectifs et inspiré notre littérature» (Anonyme, association franco-yukonnaise, [7] [8], 2004).

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