Marie-Élisabeth Boué, dite Mme de La Fite

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Marie-Élisabeth Boué, dite Mme de La Fite
Titre(s) Dame de La Fite
Conjoint(s) Jean-Daniel de La Fite
Dénomination(s) Madame de Lafite
Biographie
Date de naissance 1737
Date de décès 1794
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)



Notice d' Isabelle Havelange, 2019

Marie-Élisabeth Boué, née le 21 août 1737 à Hambourg dans le milieu de la diaspora huguenote, est la fille d’Alexandre Boué, marchand, et de Marie-Élisabeth Cottin, tous deux originaires d’une famille française de la région de Bordeaux. Marie-Élisabeth a un frère et trois sœurs. En 1768, elle épouse Jean-Daniel de La Fite (1719-1781), issu d’une famille de petite noblesse protestante du Béarn. Né à Holzapfel en Allemagne, il devient pasteur comme son père et officie dans les Pays-Bas. À partir de 1752, il s’installe à La Haye où il est pasteur de l’Église wallonne. En 1780, il est nommé chapelain de la cour du stathouder. Il participe également à l’éducation des enfants du stadhouder. Le couple La Fite a trois enfants : le premier, né en août 1769, meurt quelques heures après sa naissance. La seconde, Élise, née le 17 août 1770, décèdera à Londres à l’âge de quinze ans. Le troisième, Henri François Alexandre (1773-1831), deviendra pasteur à son tour.
De 1777 à 1781, Mme de La Fite est l’une des régentes de l’Hospice wallon de La Haye. Elle collabore aussi à la Bibliothèque des sciences et des beaux-arts dont son mari, de 1754 à 1778, est le principal rédacteur. Dans ce cadre, elle fournit des comptes rendus d’ouvrages (jamais signés), parmi lesquels on retrouve ceux qu’elle-même allait bientôt traduire, forte de son intime connaissance de la littérature allemande. La large palette des ouvrages qu’elle traduit témoigne de ses enthousiasmes littéraires comme de ses convictions philosophiques et religieuses [voir liste des œuvres]. Elle placera aussi des passages traduits de l’allemand dans les livres que, dès 1775, elle écrit en son propre nom, comme les Lettres sur divers sujets, série d’essais critiques et de considérations morales. Même chose lorsqu’elle entreprend d’écrire pour les enfants et particulièrement les demoiselles, ce type d’écriture la plaçant parmi les pionniers de la littérature de jeunesse du second 18ème siècle.
En 1781, le mari et le père de Mme de La Fite décèdent, ne lui laissant qu’une pension de veuve et un héritage modiques. Elle décide alors de chercher en Angleterre un emploi digne de ses talents, comme Mme Leprince de Beaumont l’avait fait trente ans avant elle. Recommandée par son ami, le physicien et géologue suisse Jean-André Deluc, lecteur de la reine Charlotte, Mme de La Fite est nommée elle-même lectrice de la reine et gouvernante des princesses pour l’allemand et le français. Elle est accompagnée de sa fille Élise, âgée de onze ans, mais pas de son fils. Élise poursuivra en Angleterre une correspondance avec son amie la princesse Louise de Prusse, qui fourmille d’informations sur la façon dont les idées pédagogiques de Madame de La Fite sont mises en pratique. À Windsor, cette dernière est également chargée de seconder Sarah Trimmer dans les écoles charitables de la reine, s’associant ainsi à une figure marquante de l’éducation et de la littérature de jeunesse anglaise.
Mme de La Fite cultive les contacts et l’amitié d’écrivains en vue. Elle rencontre Berquin à Londres en 1783. Sa position d’éducatrice princière autorise bientôt un rapprochement avec Mme de Genlis qui, l’année précédente, avait été nommée « gouverneur » des enfants de la famille d’Orléans. Les deux femmes entretiennent des rapports d’estime littéraire dont témoignent leurs ouvrages respectifs. En 1785, Mme de la Fite parvient à introduire Mme de Genlis auprès de la reine. Par la suite, celle-ci aidera Mme de La Fite à publier Eugénie et ses élèves (1787), écrit à l’intention de l’une des princesses royales. En 1786, Mme de La Fite rencontre également à Londres son amie Sophie von La Roche. La scène a été dépeinte dans une des lettres de Frances Burney qui, elle, ne manifeste que peu de sympathie à l’égard de Mme de La Fite. Encore en pleine activité, continuant à écrire et traduire, Mme de La Fite meurt en novembre 1794 dans le quartier résidentiel de Pimlico à Londres, où elle bénéficiait d’un logement aussi bien qu’à Windsor.
Après sa mort, ses propres ouvrages seront traduits. En France, sa postérité la place au même rang que Mmes Leprince de Beaumont ou de Genlis, ces grandes gouvernantes de l’élite aristocratique ou royale connues pour l’influence de leur œuvre pédagogique et littéraire. La particularité de Mme de La Fite, protestante française née en Allemagne, ayant vécu dans les Pays-Bas puis en Angleterre, est aussi d’avoir œuvré activement en tant que « passeuse » culturelle, illustrant les transferts multiples qui parcourent le monde des Lumières.

Oeuvres

  • 1775 : Lettres sur divers sujets, par Madame D* L* F*, La Haye, P.-F. Gosse.
  • 1778 : Entretiens, drames et contes moraux destinés à l'éducation de la jeunesse, par Madame de La Fite, La Haye, Detune.
  • 1782 : « De rijke man, een Ostersche vertelling », Vaderlandsche Letteroefeningen, 2, p. 292-293. La version française de cette histoire, intitulée “L’homme riche”, se trouve dans les Entretiens, drames et contes moraux.
  • 1783 : [avec C.F. Weisse et C. Knöppel], Lectures agréables pour les enfants et particulièrement à l’usage de ceux qui apprennent la langue française à d’autres, ou par leur application privée, Stockholm, Pierre Hesselberg.
  • 1787 : Eugénie et ses élèves à l’usage […] des jeunes personnes, par Madame de La Fite, auteur des Entretiens, drames et contes moraux à l’usage des enfans, Paris, Onfroy et Née de La Rochelle, 2 vol., et Amsterdam-Leiden-Rotterdam-Utrecht, chez les Libraires associés (écrit à l’intention de l’une des princesses royales).
  • 1790 : Réponses à démêler, ou l’oracle pour servir à l’instruction et à l’amusement des jeunes gens, Londres, J. Murray.

Traductions

  • 1773 : Histoire de la conversion du comte J. F. Struensée. Ci-devant ministre privé du cabinet de Sa Majesté Danoise. Avec une relation faite par lui-même, de la manière dont il est parvenu à changer de sentimens par rapport à la religion, traduite de l’allemand [de Balthazar Munster] par Madame de La Fite, Amsterdam, s.e., 2 vol.
  • 1773 : Mémoires de mademoiselle de Sternheim, publiés par M. Wieland et traduits de l’allemand [de Sophie von La Roche] par Madame D.L.F. La Haye, P.-F. Gosse, 2 vol.
  • 1775 : Vie et Lettres de Gellert [de l’allemand de Johann Andreas Cramer], Utrecht, J. Van Schoonhovent, 3 vol.
  • 1781-1803 : Essais sur la physiognomonie, destiné à faire connoître l'homme et à le faire aimer, traduit de l’allemand [de Johann Caspar Lavater]. La Haye, Jaques van Karnebeek puis I. Van Cleef, 4 vol. [traduits par Mme de La Fite, M. M. Caillard et H. Renfer].
  • 1790 : Pensées sur les mœurs des Grands [par Hannah More], traduites de l’anglais sur la septième édition par Mme de La Fite, lectrice de S.M. la Reine de la Grande-Bretagne et suivies de deux morceaux traduits de l’allemand par ordre de Sa Majesté : Avis d’un père à son fils qu’il envoie à l’Université.- Monument sur la route de la vie, La Haye, Gosse.
  • 1792 : Miss Lony, traduit de l’allemand de Mme de La Roche, par Mme de ***, Lausanne, L. Luquiens.

Principales sources

  • La Haye, Koninklijke Bibliotheek, Dossier A 32-158: Mme de La Fite, Lettres à Rijklof Michaël Van Goens.
  • La Haye, Koninklijk Huis Archief, Collection des Archives de la Maison Royale, Dossier 130 D 14, L 49-55: Élise de La Fite, Lettres à la Princesse Louise de Prusse.

Choix bibliographique

  • Havelange, Isabelle, « Mme de La Fite », in Dictionnaire des femmes des Lumières, dir. Huguette Krief et Valérie André, Paris, H.Champion, 2015, p. 657-661.
  • Janse, Ineke, «Mme de La Fite : une éducatrice et un intermédiaire culturel du XVIIIe siècle», Mémoire de maîtrise sous la direction de Madeleine van Strien-Chardonneau, Université de Leide, Département de langue et culture françaises, juin 2008, 95 p.
  • Janse, Ineke, « Traveller, pedagogue and cultural mediator : Marie-Elisabeth de La Fite and her female context », in Women Writing Back / Writing Women Back. Transnational Perspectives from the Late Middle Ages to the Dawn of the Modern Era, dir. Anke Gilleir, Alicia Montoya et Suzan van Dijk, Boston, Brill, 2010, p. 309–326.
  • Meschinet de Richemond, Louis-Marie, « Mme de la Fite, lectrice de la reine Charlotte et gouvernante des princesses d'Angleterre (1737–1797) : sa vie et ses écrits », Revue Chrétienne, 1878, n° 25, p. 243–252.
  • Orr, Clarissa Campbell, « Aristocratic feminism, the learned governess, and the republic of letters », in Women, gender and Enlightenment, dir. Sarah Knott et Barbara Taylor, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2005, p. 306-325 [sur Mmes Leprince de Beaumont, de La Fite et de Genlis].

Choix de liens électroniques

  • Orr, Clarissa Campbell, « Mme de La Fite », in Oxford Dictionary of national biography [1].

Jugements

  • « Ce dernier ouvrage [Entretiens, drames et contes moraux destinés à l'éducation de la jeunesse] est malheureusement peu connu, parce qu’il n’a point été imprimé en France ; mais il a valu à son estimable auteur une place distinguée à la cour d’Angleterre, et la confiance d’une grande reine, dont les lumières et les vertus rendent le suffrage également honorable, flatteur et précieux » (Mme de Genlis, Adèle et Théodore, Paris, 1782, préface).
  • « Je dinaî à Windsor, chez Mme de Lafitte, sous gouvernante des princesses, avec laquelle j’avais eu un commerce de lettres, parce qu’elle m’avoit envoyé un petit ouvrage d’elle des Entretiens d’une gouvernante avec ses élèves dont à sa prière j’ai été l’éditeur, et auquel j’ai fait une préface » (Mme de Genlis, Mémoires inédits sur le 18ème siècle et la Révolution française…, 1825, t. 3, p. 275).
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