Marianne Chatain

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Marianne Chatain
Dénomination(s) soeur Jeanne
Biographie
Date de naissance 28 mai 1729?
Date de décès 19 juin 1816
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Nicole Pellegrin, 2021

Marianne Châtain serait née le 28 mai 1728 ou 1729 en Bas-Poitou, à Rorthais, dans le nord de l’actuel département des Deux-Sèvres. Son origine sociale est obscure : actuellement inconnue, elle est assurément modeste. La jeune Poitevine apparaît en 1767 dans les archives de la congrégation des Filles de la Sagesse quand elle demande à être agrégée à celle-ci comme sœur converse auprès du couvent et maison-mère de Saint-Laurent-sur-Sèvre, en actuelle Vendée. Sans doute pauvre et pieuse, cette fille de peine souhaite avoir un statut jusqu’alors refusé par les fondateurs : elle déclare qu’elle est déjà membre de la confrérie des Vierges de Saint-Laurent instituée par le père Grignion de Montfort, qu’elle a donc fait un vœu de célibat renouvelable chaque année et qu’elle remplit, à ce titre, au sein de la communauté, des tâches essentielles de servante rétribuée ; son travail est si absorbant qu’il ne lui permet pas de s’acquitter correctement des exercices de piété auxquels elle aspire. Elle souhaite donc offrir gratuitement et définitivement son labeur « dans l’obéissance », c’est-à-dire sous le voile. Face à sa demande, la mère Anastasie (née Jeanne Barré à Niort en 1727 et supérieure générale de 1759 à 1768) est embarrassée car, selon les Constitutions de la Sagesse, sa communauté ne saurait recevoir des personnes « ayant été en service », injonction qui reflète la vision dégradée du travail servile qui prévaut dans la société d’Ancien Régime et au-delà. Marie-Louise Trichet, première supérieure générale, avait d’ailleurs refusé d’incorporer une « Vierge » comme converse, se contentant à la mort de celle-ci de faire dire en sa faveur les prières en usage pour les religieuses défuntes. Finalement Marianne Châtain obtient d’entrer en communauté et, sous le nom de sœur Jeanne, elle revêt un habit brun distinct de celui de ses sœurs de chœur habillées de gris (la coiffe notamment est modifiée pour ne pas gêner les travaux de cuisine et de buanderie).
Elle survit aux violentes tribulations engendrées par la guerre civile en Vendée : sac de Saint-Laurent par l’armée républicaine le 31 janvier 1794, départ à pied des religieuses enchaînées deux à deux vers les prisons de Nantes via la brève embauche de certaines à l’hôpital de Cholet (successivement occupé par les républicains puis par les royalistes et à nouveau par les Bleus), arrivée à Nantes les 7 ou 8 mars, incarcération dans différentes prisons jusqu’au début 1795, dispersions, etc. De ce convoi initial, 12 religieuses sur 35 ont pu survivre et, parmi elles, la sœur Jeanne, à moins qu’elle ne soit restée cachée aux environs de Saint-Laurent. Aux dires des historiens de la Sagesse, peu précis à propos de cette converse, elle aurait d’ailleurs, pendant toute cette période, rendu de multiples services à ses compagnes, mais on n’en connaît ni les moyens ni le contenu. Par contre, on sait avec assurance que lorsqu’en 1800 les professions reprennent à Saint-Laurent, elle refuse, ainsi que trois sur cinq de ses humbles compagnes, de quitter son état de converse. Par modestie sans doute, par crainte peut-être aussi de devoir faire, à 71 ans, un an de noviciat. Sa mort ne survient, à la maison-mère de Saint-Laurent, que sous le règne de Louis XVIII, le 19 juin 1816, à l’âge de 87 ou 88 ans.
Marianne Châtain devenue sœur Jeanne est la première converse d’une congrégation qui, après avoir refusé, en ses débuts, d’établir de différences entre ses membres en spécialisant leurs emplois, a recruté de nombreuses religieuses de rang subalterne jusqu’en 1954 (avec une interruption de 1845 à 1859), et cela pour mieux permettre aux sœurs de chœur d’accomplir un apostolat féminin très apprécié dans le domaine des soins et de l’éducation des pauvres. Malgré son importance dans le fonctionnement de tous les couvents, le personnage de la converse (ou du frère lai) n’est guère étudié, sauf quand il est endossé par quelques grand.e.s mystiques assoiffé.e.s de pénitences et d’humiliations (la carmélite Barbe Avrillot-Acarie, future sainte Marie de l’Incarnation ; la visitandine Jeanne Pinczon du Hazay ; etc.). Même sous sa forme strictement utilitaire, c’est une figure essentielle mais trop souvent oubliée d’engagement religieux féminin.

Choix bibliographique

  • ARNOLD, Odile, Le corps et l’âme. La vie des religieuses au XIXe siècle, Paris, Seuil, 1984.
  • DERVAUX, J.-F., Le doigt de Dieu. Les Filles de La Sagesse après La mort des Fondateurs, t. I : 1759 à 1800, Saint-Laurent-sur-Sèvre, Communauté des Filles de la Sagesse, 1954, ill.
  • FONTENEAU, Père, Histoire de la Congrégation de la Sagesse, Paris et Poitiers, Oudin, 1878.
  • LANGLOIS, Claude, Le Catholicisme au féminin. Les congrégations à supérieure générale au XIXe siècle, Paris, Cerf, 1985.
  • MURPHY, Gwenaël, Les religieuses dans la Révolution française, Paris, Bayard, 2005.

Jugements

  • Une justification traditionnelle : « c’est la divine Providence qui a inspiré de faire ce changement auquel on n’avait point pensé jusque là. […] ces modestes religieuses […] ne sont point étrangères à la famille de Montfort, […] bien qu’à un degré inférieur. […] Le travail des mains est l’occupation des Sœurs converses. Cependant ce travail n’absorbe pas tellement tous leurs instants qu’elles ne puissent, de temps en temps dans la journée, se livrer à quelques exercices de piété. Avent tout, elles sont Religieuses pour travailler à leur propre sanctification. N’étant point chargées du gouvernement des maisons et de la direction des Sœurs, n’ayant point à traiter avec les administrations, ne prenant qu’une faible part de responsabilité dans les emplois qui sont toujours dirigés par une Sœur de chœur, elles ont une grande facilité à s’occuper d’elles-mêmes. Leurs journées se passent tranquillement dans l’obéissance, le travail et les exercices de piété, comme l’avait désiré la Sœur Jeanne qui leur a ouvert à toutes le chemin de la Sagesse. Sans se préoccuper du lendemain, elles peuvent se reposer délicieusement dans le Cœur de Jésus, leur Époux et leur modèle. […] » (Le père FONTENEAU, Histoire de la Congrégation de la Sagesse, Paris et Poitiers, Oudin, 1878, p. 116).
  • Une vision plus contemporaine : « Jusqu’au bout humble, active, infatigable éplucheuse de légumes, elle en faisait la principale occupation de son grand âge » (J.-F. Dervaux, Le doigt de Dieu. Les Filles de La Sagesse après La mort des Fondateurs, t. I : 1759 à 1800, Saint-Laurent-sur-Sèvre, Communauté des Filles de la Sagesse, 1954, p. 23).
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