Marguerite de Véni d'Arbouze

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Marguerite de Véni d'Arbouze
Titre(s) Abbesse du Val-de-Grâce
Dénomination(s) Mère Marguerite de Saint-Gertrude
Marguerite d'Arnouze
Biographie
Date de naissance 1580
Date de décès 1626
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Hilarion de Coste (1647)


Notice de Marie-Elisabeth Henneau, 2007

Marguerite d’Arbouze, née le 15 août 1580 à Villemont en Auvergne, est la fille du chevalier Gilbert de Véni d’Arbouze, gentilhomme de la chambre du roi, et de Jeanne d’Épinac, parente du garde des sceaux Michel de Marillac. Son oncle Jacques d’Arbouze est abbé et réformateur de Cluny († 1639). A l’âge de neuf ans, Marguerite entre à l’abbaye bénédictine de Saint-Pierre de Lyon, puis y fait profession le 21 août 1599, peu avant la nomination comme abbesse de Françoise de Beauvilliers, dont la soeur Marie est abbesse à Montmartre (Paris). Soutenue par sa supérieure et encouragée par le jésuite Claude de Lingendes, Marguerite tente de réformer l’établissement, dont la règle mitigée ne correspond pas à son désir d’austérité. Au bout de dix ans, lassée de la résistance de ses compagnes, Marguerite cherche à rejoindre une communauté plus observante. Elle songe au Carmel, puis à Montmartre, car la réforme introduite par Marie de Beauvilliers en a fait une pépinière de bénédictines engagées dans le renouveau de la vie contemplative. Les démarches de Marguerite finissent par aboutir. Arrivée à Montmartre durant l’été 1611, elle est tenue, en signe de soumission à une règle plus rigoureuse, de recommencer un noviciat avant de prononcer ses voeux, le 12 août 1612. Chargée du noviciat d’une maison dépendante de Montmartre, La Ville-l’Évêque, au Faubourg Saint-Honoré, Marguerite en devient la prieure durant l’absence de Marie de Beauvilliers, appelée à d’autres fonctions en 1614. Marguerite fait rapidement de ce lieu, agrandi par ses soins, un point de rencontre de l’aristocratie féminine parisienne activement engagée dans la Réforme catholique. Au retour de l’abbesse, l’entente entre les deux femmes au caractère trempé semble compromise. L’autorité naturelle de Marguerite, ses initiatives en faveur du prieuré et son succès auprès des élites de la Cour portent ombrage à Marie. Des malentendus surgissent, notamment à propos de l’adoption d’une règle que Marguerite souhaite plus épurée. Son désir de retour aux sources rejoint les préoccupations des réformateurs, au moment où l’adoption des décrets du Concile de Trente est à l’ordre du jour de l’Assemblée du Clergé (1615). La notoriété de Marguerite s’accroît encore lorsqu’elle reçoit la visite d’Anne d’Autriche, amenée à La Ville-L’Évêque par les soeurs du roi. C’est le début d’une indéfectible amitié. Après un bref retour à Montmartre, que l’abbesse lui impose, Marguerite, désormais protégée de la reine, est nommée par Louis XIII au siège abbatial du Val-de-Grâce, dans la vallée de la Bièvre.

Soutenue par son cousin Michel de Marillac, elle s’y installe en 1619, avec l’intention d’y reconstituer une communauté de bénédictines réformées; elle consulte à cette fin Eustache de Saint-Paul Asseline, de l’ordre des Feuillants, Laurent Bénard, le prieur du collège de Cluny, et le capucin Honoré de Paris. Son futur biographe et admirateur inconditionnel, le théologien Jacques Ferraige, la rejoint pour la seconder dans une entreprise qui prend corps avec le transfert du couvent au Faubourg Saint-Jacques, en 1621. Soucieuse d’y rétablir la règle de saint Benoît à la lettre, elle en prépare une édition commentée, publiée en 1623. Ses efforts pour restaurer la clôture et la communauté des biens ne plaisent pas à toutes les moniales. De nouvelles recrues sont au contraire séduites. Leurs familles contribuent à la prospérité et à la renommée d’un Val-de-Grâce cher au coeur de la reine. Conseillère spirituelle de ses filles, pour qui elle compose des textes de direction, Marguerite, jalouse de son charisme, s’efforce de limiter l’intervention des confesseurs auprès des moniales. Dotée d’une autorité que lui confèrent ses expériences mystiques et son érudition et que lui reconnaissent théologiens (Duval, Le Clerc) et religieux (Binet, Granger, d’Attichy), elle se voit régulièrement consultée, tant par d’autres supérieures que par quantité de visiteurs qui se pressent au parloir. Refusant d’exercer un abbatiat à vie, elle présente sa démission en 1626. Elle consent ensuite à se rendre à La Charité-sur-Loire, puis à Charenton-en-Berry, pour aider à la réforme de communautés bénédictines. En visite chez la Maréchale de Montigny, elle s’éteint le 16 août 1626, au château de Sery.

Considérée au XVIIe siècle comme l’une des figures majeures du renouveau bénédictin, Marguerite d’Arbouze sera redécouverte au XXe siècle par Bremond, avant d’être l’objet de l’attention des historiens des agents féminins de la Réforme catholique.

Oeuvres

- 1623 : La Vraie Règle de S. Benoît, avec les constitutions accomodées à icelle pour les religieuses bénédictines de Notre-Dame du Val de Grâce, dite de la Crèche, par la Mère Marguerite d’Arbouse et Dom Eustache de Saint-Paul, Paris, Veuve Chastellain.
- 1623 : La Vraye règle de S. Benoist avec les constitutions accomodées à icelle pour les religieuses bénédictines de Nostre-Dame du Val de Grace, ditte de la Crèche, par le commandement de Monseigneur le réverendissime archevesque de Paris, Paris, J. Bessin.
- La vraye règle de saint Benoist avec les constitutions accommodées à icelle, que la Bienheureuse Mère Marguerite d’Arbouze, de sainte Gertrude, autrefois Abbesse du Monastère Royal du Val-de-Grâce a faites d’authorité apostolique et sont confirmées de la mesme authorité, Paris, sn, 1628.
- La Règle du bien-heureux Père s. Benoist, patriarche des religieux de l’Occident, avec les constitutions qui y ont esté accommodées pour la réforme de l’abbaye royale de Nostre-Dame du Val de Grâce, Paris, Louis Billaine, 1676.
- Exercice journalier pour les Religieuses Bénédictines de Nostre-Dame du Val-de-Grâce, par la Révérende Mère Marguerite de Veni d’Arbouze, abbesse et réformatrice de l’Abbaye de Nostre-Dame du Val-de-Grâce, avec un Traité de l’Oraison mentale par la même, Paris, Louis Billaine, 1676.

Choix bibliographique

- Bremond, Henri, «Marguerite d’Arbouze», dans Histoire littéraire du sentiment religieux en France, t.II, L’invasion mystique (1590-1620), Paris, Bloud et Gay, 1916, p.485-536.
- Chaussy, Yves, Les bénédictines et la Réforme catholique en France au XVIIe siècle, Paris, Éditions de la Source, 1975.
- Delsart, H.-M., Marguerite d’Arbouze, abbesse du Val de Grâce, 1580-1626, Paris, Desclée de Brouwer, 1923.
- Diefendorf, Barbara B., From Penitence to Charity. Pious Women and the Catholic Reformation in Paris, Oxford, Oxford University Press, 2004.
- Heurtebize, Benjamin, «Arbouze (Marguerite de Vény d’)», dans Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, t.I, 1932, col.837-839.

Choix iconographique

- 1628 : Crispin de Passe, Marguerite de Véni d’Arbouze et Anne d’Autriche en prières devant le St-Sacrement (gravure en frontispice) -- Jacques Ferraige, La vie admirable et digne d’une fidèle imitation de la B. Mère Marguerite d’Arbouze, ditte de saincte Gertrude, Paris, Fiacre Dehors, 1628 -- Trésors d’art sacré à l’ombre du Val de Grâce, dir. Jacques Charles, Paris, Délégation à l’Action artistique de la Ville de Paris, 1988, p.187 -- Barbara B. Diefendorf, From Penitence to Charity..., voir supra, choix bibliographique, p.155.
- 1685 : L. Moreau, Portrait de Marguerite de Véni d’Arbouze (gravure en frontispice) -- Claude Fleury, La Vie de la vénérable Mère Marguerite d’Arbouze, abbesse et réformatrice de l’abbaye royale du Val de Grâce, Paris, chez la veuve Clouzier, Pierre Aubouyn et Pierre Emery, 1685.
- XVIIe s.? : Anonyme, Portrait de Marguerite d’Arbouze en jeune fille (huile sur toile), coll. part. -- Trésors d’art sacré..., voir supra, p.182 (mention sans reproduction).
- XVIIe s.? : Anonyme, Portrait de Marguerite d’Arbouze en religieuse (pastel), coll. part. -- Trésors d’art sacré..., voir supra, p.182 (mention sans reproduction).

Jugements

- «Lorsqu’elle estoit encores au Val, elle eut un grand amour à lire la saincte Escriture [...], le Verbe éternel, qui exprime en soy tout ce qui est en la divinité, en la terre et au ciel, luy en avoit donné une cognoissance infuse, une intelligence savoureuse et une science amoureuse de sorte qu’elle entendoit l’Escriture et les Pères les plus difficiles, les lisant en latin, sans jamais l’avoir appris, ce que j’admirois grandement, mais surtout qu’elle comprit avec tant de clarté et promptitude la Somme de S. Thomas et les oeuvres éminentes de S. Denys, qui sont difficiles, et les oeuvres du grand S. Augustin qu’elle admiroit, notamment les Traittez qu’il a fait sur S. Jean. [...] Elle sçavoit le latin, françois, italien, espagnol sans estude, comprenoit les plans de bastiments, parloit et ordonnoit des médecines fort à propos, chantoit et sçavoit la notte, composoit en vers, quand Dieu luy inspiroit quelque mystère, sans qu’elle eust jamais appris les mesures ny les quantitez qu’il y falloit observer.» (Jacques Ferraige, La vie admirable..., voir supra, choix iconographique, p.181 et p.235)
- «La réputation de la bienheureuse Mère ayant rempli toute la France, elle passa jusqu’en Italie et aux autres lieux les plus éloignés et inspira le désir à Madame Catherine de Lorraine, Abbesse de Remiremont, de venir à Paris et de s’enfermer six mois au Val de Grâce, afin de recevoir ses sages instructions. » (Jacqueline Bouette de Blémur, «La vie de la Bienheureuse Marguerite d’Arbouze, abbesse du Val de Grâce et réformatrice», dans L’Année bénédictine, t.4, juillet-août, Paris, Louis Billaine, 1670, p.149)
- «La M. d’Arbouze sembloit estre née pour gouverner des âmes: sa gravité, sa démarche majestueuse, sa bonne mine, ses regards, ses manières, la douceur et la force de ses paroles estoient de puissants moyens pour enlever les coeurs.» (Claude Fleury, La Vie de la vénérable Mère Marguerite d’Arbouze..., voir supra, choix iconographique, p.86)
- «Sainte, elle l’était certes, et si grande, si parfaitement aimable qu’en plaçant ici son portrait en face de celui de Marie de Beauvilliers, j’ai peur d’évoquer entre les deux abbesses une comparaison qui ne flatterait pas cette dernière. Marie de Beauvilliers nous intéresse au plus haut point, Marguerite d’Arbouze nous émeut. Nous ne pouvons pas ne pas l’aimer. [...] Réformatrice elle aussi, elle n’a pas déployé moins d’énergie que l’autre et elle ne semble moins héroïque que parce qu’elle fut plus souple et plus tendre. Elle a gagné tous les coeurs; ses filles nous paraissent unies entre elles plus intimement et plus simplement que les moniales de Montmartre. Elle est l’Abbesse idéale. Il est vrai nous éprouvons quelque peine à prêter des couleurs modernes à sa vie et à son oeuvre, mêlées pourtant d’une manière assez éclatante et souvent très pittoresque à l’histoire générale de son temps. Effacez quelques noms propres, oubliez quelques dates, et Marguerite paraîtra la contemporaine des grandes mystiques médiévales. Mais nous tenons les causes, ou l’une des principales causes, de l’étrange recul que l’on impose instinctivement à cette image de sainte. Marguerite d’Arbouze a été de son temps comme tout le monde et elle le représente fort bien, mais elle a eu pour biographe une façon de Joinville, naïf, suave et savant qui paralyse, bon gré mal gré, chez nous le sens historique et qui nous impose les traits délicieusement archaïques sous lesquels il lui a plu de se représenter son héroïne.» (Henri Bremond, «Marguerite d’Arbouze», voir supra, choix bibliographique, p.486)
- (A propos de la publication en 1622 par Françoise de Beauvilliers, devenue abbesse d’Avenay, de méditations tirées des enseignements de Gertrude de Helfta) «Cela ne peut manquer d’intriguer, quand on sait que Marguerite d’Arbouze, qui avait une grande dévotion à sainte Gertrude et même adopté son nom, avait aussi rédigé un Exercice journalier pour les religieuses bénédictines du Val de Grâce… Avec un traité de l’Oraison mentale. [...] Sensiblement plus court, et aussi, il faut le dire, moins savoureux, l’Exercice de Marguerite d’Arbouze s’apparente à celui de son ancienne Abbesse et témoigne, sans doute, d’une source commune qui ne peut guère être située qu’à Montmartre; nouvelle preuve de l’influence directe ou indirecte de Marie de Beauvilliers.» (Yves Chaussy, Les bénédictines..., voir supra, choix bibliographique, p.240)
- «Marguerite de Sainte-Gertrude’s ability to articulate spiritual matters found recognition after her death in the publication of a book, the Exercice journalier pour les religieuses bénédictines de Nostre-Dame du Val-de-Grâce, which included a treatise on silent, or meditative, prayer. [...] Clearly, the superiors of Parisian convents were engaged on a very personal and individual level with the spiritual development of their nuns. [...] In the words of Marguerite de Sainte-Gertrude d’Arbouze, the abbess was “accountable for the souls as well as the bodies” of the nuns entrusted to her care. As a consequence, she encouraged her daughters, in particular novices, to “communicate their souls” to her as well as to their confessor. [...] The importance of her role in forming new generations of nuns was clearly recognized. Marguerite de Sainte-Gertrude d’Arbouze served as mistress of novices during at least part of her tenure as abbess of Val-de-Grâce and did not hesitate to take on this office again after stepping down from her position as abbess. Her lessons for the novices are reported to have been so popular that the new superior gave permission for the professed nuns to attend as well. But perhaps most remarkable here is the implicit equality of the sacramentally ordained confessor, the abbess, and the mistress of novices when it came to offering spiritual direction. Ferraige even suggests that the abbess’s role as spiritual counselor was more important than the confessor’s. It is only in unreformed houses that the nuns seem to want always to have a confessor around, he comments; in well-regulated houses, they are “content to communicate their souls to their Mother.”» (Barbara B. Diefendorf, From Penitence to Charity..., voir supra, choix bibliographique, p.152-154)

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