Marguerite de Polastron/Hilarion de Coste

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[II,427] MARGUERITE DE POLASTRON, FONDATRICE DE LA CONGREGATION de Nostre-Dame des Feuillentines.
JE serois obligé de faire une infinité de volumes, si je voulois entreprendre les Eloges des Religieuses illustres en pieté et en doctrine qui ont fleury en ces derniers siecles: je me contenteray seulement de faire ceux des Dames qui ont fondé des Congregations et des Familles Religieuses en l'honneur de la Mere de Dieu, comme sainte Terese, la Reyne Jeanne de France, Antoinette d'Orleans, Beatrix de Sylve, Marie-Victoire Fornere, Jeanne-Françoise Fremiot, et autres: c'est pourquoy je ne doy pas oublier cette tres-pieuse et tres-vertueuse Dame Marguerite de Polastron, Fondatrice de la devotieuse Congregation des Meres Feuillentines, sous l'Ordre de Cisteaux, si devot à la tres-sainte Vierge.
[428] Dom Jean de la Barriere, de bien-heureuse memoire, s'estant rendu Religieux de l'Ordre de Cisteaux, et ayant pris l'habit le 9. de May de l'an 1573. ne manqua pas d'introduire aussi-tost dans le Monastere de la Charité de Nostre-Dame des Feuillens, duquel en son jeune aage il avoit esté Abbé Commendataire, une exacte reformation, suivant l'ancienne Regle de saint Benoist. Ce Bien-heureux homme, digne fils de ce grand Patriarche des Moines de l'Occident, a eu le contentement de voir établir sa sainte Congregation en plusieurs villes de France, d'Italie, et de Savoye, dans laquelle ont fleury plusieurs Religieux remarquables, tant pour leur doctrine que pour leur pieté, qui ont suivy les traces de saint Robert Abbé de Cisteaux, et de ces deux grands devots et serviteurs de la Vierge, saint Bernard de Saffres, natif de Fonteine en Bourgogne, Abbé de Clairvaux; saint Amé ou Amedée de Coste, natif du Viennois, Abbé de Hautecombe en Savoye, et puis Evéque de Lauzane. Celuy-là, dont les oeuvres sont toutes remplies des louanges de la Mere de Dieu, qui luy ont acquis le titre de Chapelain et de Panegyriste de Nostre-Dame. Celuy-cy est loué de plusieurs doctes hommes (1), pour avoir publié huit Homelies en l'honneur de cette méme Reyne des Anges et des hommes, fideles témoins de sa devotion vers la sainte Vierge.
A l'exemple de Dom Jean de la Barriere, plusieurs Dames devotes desirerent de suivre ce saint Institut, et renouveller le saint Ordre de Cisteaux, (celebre pour avoir aussi donné à l'Eglise tant de saintes Vierges et Religieuses; entre autres les Humbelines (2), les Franches, les Hildegardes, les Ides, les Agnés, les Hedwiges, les Helvindes, les Caterines, les Tereses, les Urraques, et une infinité d'autres, dont le Reverend Pere Chrysostome Henriqués a fait les Eloges dans ses Notes sur le Menologe de Cisteaux, et en ses Lys du méme Ordre; et Ange manriqe dans les Annales de cette sainte Famille:) elles prierent ce devot Abbé de Feuillens de vouloir chercher quelque ville dans le Diocese de Rieux, où est située l'Abbaye de Nostre-Dame de Feuillens, pour y bastir un Monastere de Dames, qui desiroient [429] vivre exactement sous la mesme Regle de saint Benoist, et ayant choisi la ville de Montesquieu de Volvestre, avec la permission de Jean Baptiste de Bourg, pour lors Evéque de Rieux, le consentement des habitans, et sous le bon plaisir du Pape Sixte V. pour y servir Dieu et y garder la Regle de saint Benoist, et les Constitutions des saints Robert et Bernard; elles prindrent le voile des mains de Monsieur l'Evéque de Rieux le 19. Juin de l'an 1588. Les premieres Dames qui firent profession en cet Institut, furent les Meres Marguerite de Polastron, et sa fille Jaqueline de Dimpatal de Marguestaud, lesquelles avec les autres premieres Religieuses de l'Ordre, se voyans logées avec de grandes incommoditez dans la ville de Montesquieu, furent transferées au Convent des Bequins de Tolose, avec la permission du Pape Clement VIII. par une Bulle expresse du 1. Juin 1598. (3) à laquelle s'estans opposez les Religieux Bequins, qui estoient en petit nombre dans ce Monastere là; le Superieur des Peres Feuillens, voyant qu'elles ne trouvoient point de lieu pour se loger dans Tolose, leur quitta la maison et le jardin qu'ils avoient au faux-bourg de saint Cyprien, qui leur avoit esté donné par Monsieur du Pin Conseiller en la Cour de Parlement, et où ils avoient basty une petite Chapelle. Ce fut le 30. de May, au grand contentement des habitans de cette ville capitale de Languedoc, qui se vante de n'avoir point dans ses murailles aucune famille qui ne fasse profession de la Religion Catholique. Là ces bonnes Dames menerent une vie plus admirable qu'imitable. On ne voyoit rien de si Religieux que ce nouveau Monastere de Feuillentines, qui faisoient profession de l'exacte observance de la Regle du Pere saint Benoist (dont saint Robert Abbé de Cisteaux, et saint Bernard Abbé de Claivaux, estoient les disciples) avec une tres-profonde humilité, une pauvreté tres-estroite, et la pratique de toutes les autres vertus, si soigneusement pratiquées par ceux qui aspirent à aymer Dieu parfaitement, et qui se veulent détacher des affections des creatures. Maison sainte, où plusieurs Religieuses ont mené une vie angelique et celeste; entre autres la premiere Prieure de ce devot Monastere, dont le [430] Menologe de Cisteaux (publié par Chrysostome Henriquez Docteur en Theologie, et Historiographe general de cet Ordre là) parle de cette sainte ame (4).
A Tolose en France le trespas de Marguerite de bien-heureuse memoire, veuve, et Prieure du Monastere des Feuillentines de la mesme ville, qui estant desireuse de l'amour de la celeste Patrie, et ayant méprisé les plaisirs et les richesses du monde (dont elle avoit abondance) elle embrassa ce tres-austere genre de vie, qu'elle garda avec rigueur extréme jusques à la fin des jours de sa tres-sainte vie.
Il rapporte l'authorité du Reverend Pere Pierre de sainte Marie, Prieur des Peres Feuillens de Paris, qui depuis a esté General de cet Ordre, lequel en fait mention en son Catalogue des Religieux et des Religieuses de son Ordre illustres en sainteté, où on lit ces mots: Il n'y a pas eu peu de Religieuses de cette Congregation des Feuillens, qui ayent paru en sainteté; entre lesquelles celle qui a gouverné la premiere en qualité de Prieure, qu'on nommoit Marguerite de Polastron, et qui estoit veuve d'Anne de Dimpatal, Seigneur de Marguestaud, Dame d'une singuliere pieté et sagesse, qui ayant atteint l'aage de 58. ans, a gardé cette vie tres-rigoureuse et tres-austere jusques à la fin de ses jours. Elle a esté receue Religieuse la 2. en ce Monastere; car elle defera la primauté à Jaqueline sa fille qui estoit entrée avec elle, à cause de sa virginité. Ce premier Monastere des Religieuses reformées, basty et fondé à Tolose, fleurit encore en opinion de sainteté.
Dés le vivant de cette Prieure des Feuillentines de Tolose, la bonne odeur de leur vertu fut tellement espandue par la France, qu'une Princesse des Maisons de Bourbon et de Longueville Antoinette d'Orleans Marquise de Belle-Isle s'y rendit contre le gré de ses parens avec plusieurs autres Dames. Cette devote Princesse entra en ce saint Monastere de sainte Scholastique le 25. d'Octobre 1599. fit sa profession le 6. Janvier, feste de l'Epiphanie de l'an 1601. et a fait bastir une partie de l'Eglise et du Cloistre.
Depuis cette Princesse quitta ce Convent des Feuillantines de Tolose contre son gré, et en vertu du commandement qui luy fut fait, tant par le Pape Clement VIII. que par le Roy Henry IV. pour soulager Eleonor de Bour-[431]bon tante de sa Majesté en l'administration de l'Abbaye et de l'Ordre de Font-Evraud: depuis elle a fondé celuy des Benedictines du Calvaire, comme l'on peut voir au 1. Tome, dans la vie de cette Religieuse Princesse, et dans l'Eloge de ses soeurs Caterine et Marguerite d'Orleans. Ces deux saintes Congregations de Font-Evraud et du Calvaire ont de grandes obligations à celle des Feuillentines, qui a donné à celle-là une parfaite Religieuse et Superieure; et à celle-cy une Mere et Fondatrice, laquelle, pour témoigner l'affection qu'elle avoit à l'Ordre de Cisteaux, et à son Monastere de sainte Scholastique de Tolose, a desiré d'y estre inhumée; ce qui fut honorablement executé par son fils Monsieur le Duc de Raiz et ses parens, lesquels firent porter son corps de Poitiers, où elle estoit decedée, à l'Eglise des Feuillentines de Tolose, où elle a receu les honneurs de la sepulture. En ce Monastere des Meres Feuillentines s'est aussi retirée Marguerite Clausse, fille de Henry Clausse Seigneur de Fleury, grand Maistre des Eaux et Forests de France, et veuve de Salomon de Bethune Seigneur de Rosny, Gouverneur de la Ville et Citadelle de Mante, frere de Maximilien I. Duc de Sully, Pair et Mareschal de France, et de Philippe de Bethune Comte de Selles et de Charrots, Chevalier des Ordres du Roy, et Ambassadeur extraordinaire pour les Rois Henry IV. et Louys XIII. à Rome et en Escosse: laquelle estant demeurée veuve à l'aage de 22. ans, et n'ayant point eu d'enfans, se retira par un rare exemple de vertu en ce Monastere, pour y mener une vie fort austere.
La Reyne (maintenant Regente en France) qui a un zele ardent pour toutes les oeuvres de pieté, ayant desiré que les Reverendes Meres Feuillentines de Tolose fussent établies dans Paris, écrivit pour ce sujet aux Reverens Peres de la Congregation de Nostre-Dame des Feuillens, assemblez à Pignerol à leur Chapitre general, au mois de May de l'an 1622. qui ayans receu les lettres de sa Majesté, luy accorderent sa juste demande, par leur decret du 12. Juin de la méme année; et le Reverend Pere Dom Jean de saint François, qui estoit lors General de la mesme Congregation, pour l'execution de [432] ce decret, en donna la commission le 29. Juillet de la méme année 1622. aux Peres Dom Pierre de saint Eloy, Provincial d'Aquitaine, et Dom Jean de saint Marcial Provincial de France, pour les aller conduire et établir à Paris, où la Mere Domne Marguerite de sainte Marie, Superieure, et cinq autres Religieuses, arriverent le 28. de Novembre, et furent menées et conduites en procession dans leur Monastere du faux-bourg saint Jaques, entre celuy du Val de Grace, et le grand Convent des Ursulines, qui leur a esté donné et fondé par feue Madame Anne Gobelin, veuve de Monsieur de Plainville, de la Maison d'Estourmel (5) en Picardie, qui estoit Gouverneur de Corbie, et premier Capitaine des Gardes du corps.
Il y a eu plusieurs autres Princesses et Dames nommées Marguerites en ces derniers temps, dont je ferois des Eloges, si j'en avois des Memoires; entre autres Marguerite d'Austriche, fille et soeur d'Empereurs, et de Reynes de France et d'Espagne, dont je parleray en l'Eloge de sa mere l'Imperatrice Marie; et Marguerite de Mantoue Duchesse de Lorraine, et autres; ou si je ne craignois de grossir trop ce 2. Tome: ce qui m'oblige de finir cette VI. partie, pour faire la VII. où je décriray les vertus des Maries. Or je suis obligé de commencer par la grande Marie de Medicis, femme, mere, et ayeule de nos Rois.

(1) Gibonus. A. Miraeus. C. Henriquez. A. Manrique. Theo. Raynaudus in vita D. Amedei Lausanensis Episcopi.
(2) Sainte Humbeline soeur de saint Bernard.
(3) G. de Catel au 2. livre de ses Memoires du Languedoc.
(4) Le 21. de Novembre.
(5) Estourmel, de gueules, à la Croix cretelée ou dentelée d'argent. Gobelin, d'azur, au chevron d'argent, accompagné de deux étoiles d'or en chef, et d'un demy vol de mesme en pointe.

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