Marguerite de Lussan

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Marguerite de Lussan
Dénomination(s) Madame de Lussan[t]
Biographie
Date de naissance 1682
Date de décès 31 mai 1758
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779)


Notice de Nicole Pellegrin, 2017

Née à Paris en 1682, Lussan est probablement la fille naturelle du frère du prince Eugène, Thomas de Savoie, comte de Soissons, qui semble lui avoir fait donner une excellente éducation et l’avoir autorisée à porter le blason de sa maison. Quant à sa mère, c’est, au choix des biographes, soit une courtisane inconnue, soit une célèbre « devineresse », la Fleury qui, arrêtée comme « fausse sorcière » en 1724 et alors âgée de 79 ans, confie ses maigres biens à « Mlle de Lussant » qu’elle déclare avoir élevée et qui « ne la laisse manquer de rien ».
Intelligente, instruite mais bâtarde, Lussan ne semble pas avoir été reçue dans les salons de la haute société (rien du moins ne l’atteste), mais elle fréquente nombre d’hommes de lettres et de savants qui, comme l’érudit archevêque d’Avranches, Huet (1630-1721), la poussent, âgée de 25 ans, à écrire et publier des romans. Avant même la publication des quatre premiers contes des Veillées de Thessalie (1731), l’Histoire de la comtesse de Gondez (1725) a assez de succès pour qu’on l’attribue à un « teinturier » de vingt ans son aîné, Louis Langlade de La Serre (1662-1756), auteur d’opéras, censeur royal, joueur impénitent et gentilhomme de Cahors, avec lequel elle aurait vécu jusqu’à la mort de celui-ci en 1756. La diversité des écrivains qui sont supposés l’avoir aidée (Hamilton, Langlade, les abbés Chiron de Boismorand et Baudot de Juilly) atteste d’un réseau important d’amitiés intellectuelles de qualité autant que du refus, alors habituel, d’accorder aux écrivaines la capacité d’écrire des ouvrages abondants, longs et documentés comme ceux que fait publier, sous son nom, Marguerite de Lussan entre 1723 et 1757.
Formant une cinquantaine de petits volumes in-12, les treize titres qui composent son œuvre introduisent des intrigues amoureuses dont les héroïnes, déchirées entre raison et sentiment, vivent au milieu de personnages du passé et dans un décor de fééries, de guerres ou de complots : la Grèce antique des magiciennes rustiques, la France médiévale et les violences de sa noblesse, le royaume de Naples en révolution, etc. Cette « couleur locale » est alors fort prisée et lui vaut d’avoir des dédicataires (et protecteurs ?) de poids (la marquise de Pompadour, les princes de Condé et de Conti) et de bénéficier d’une pension annuelle de 2 000 livres versée par la Cour.
Quand meurt l’écrivaine (une indigestion, les mauvais soins consécutifs à celle-ci ou le bain qui a précédé son repas ?) le 31 mai 1758, elle est si célèbre que cette anecdote est commentée partout, y compris à l’étranger où des traductions et imitations, notamment en russe et en anglais (par Richardson en 1760), lui conservèrent une renommée certaine, même après sa mort. En effet, si sa succession (grevée de très lourdes dettes) « avoit été adjugée au Roy par droit de bâtardise », ses écrits continuent d’être lus et de servir de sources d’inspiration à des littérateurs et artistes médiévalisants comme La Vallière, auteur en partie plagiaire des Infortunées Amours de Gabrielle de Vergy et de Raoul de Coucy (1755), ou Mme de Beaufort d’Hautpoul et son Childéric de 1806. Quant aux Anecdotes de la Cour de Philippe Auguste (1733) et celles concernant François Ier (1748), elles sont encore rééditées à Paris en 1820 et 1821. Nommée par Mme de Genlis parmi les « femmes auteurs les plus célèbres des deux derniers siècles » (Annales de la Vertu, 1811, p. 204), Marguerite de Lussan n’est plus guère connue aujourd’hui que comme l’imitatrice des écrits « historiques » et autres contes de Mmes de La Fayette, Villedieu et L’Héritier. Elle est pourtant une des pionnières du roman troubadour et de fictions à succès qui, ancrées dans le passé et puisant dans des sources authentiques, sont enjolivées par des péripéties dramatiques et des exclamations moralisantes.
La lente dégradation de la notoriété de Lussan mérite une attention particulière. Fruit de l’obscurité relative de sa naissance (pourtant fort romanesque), cet oubli résulte, plus encore, de l’éviction post-révolutionnaire des femmes hors des nombreux champs scientifiques, et notamment des disciplines historiques, où certaines brillèrent au XVIIIe siècle avant l’avènement des « professionnels », qu’ils soient de purs romanciers à la Walter Scott ou que, détenteurs de chaires universitaires d’histoire, ils soient trop obsédés par l’archive manuscrite et les faits authentiques pour apprécier les talents de conteuse de Lussan et son goût des vieilles chroniques.[[Catégorie:

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