Marguerite de Bourgogne (vers 1290-1315)

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Marguerite de Bourgogne (vers 1290-1315)
Titre(s) Reine de Navarre
Reine de France
Conjoint(s) Louis X dit le Hutin
Biographie
Date de naissance 1290
Date de décès 1315
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Gaëlle Audéon, 2020

Marguerite de Bourgogne est la fille du duc Robert II de Bourgogne et d’Agnès de France (dernière enfant du «roi-saint», Louis IX, et de Marguerite de Provence). Elle est aussi cousine germaine de Philippe le Bel par sa mère. Née en 1290, elle est fiancée dès 1300 avec l’héritier du trône de France, Louis, fils du roi Philippe le Bel et de la reine Jeanne de Navarre. Le contrat de mariage est signé à Vincennes le 28 mars 1301, mais les guerres contre les Flamands (1302-1304), puis la mort de la reine Jeanne (1305) reportent la célébration de son union avec Louis, devenu roi de Navarre au décès de sa mère. La cérémonie a lieu sans faste le 23 septembre 1305 à Vernon. Marguerite devient alors reine de Navarre et c’est ainsi qu’elle sera nommée dans les chroniques, comptes et actes royaux.
À la cour, Marguerite est entourée d’un confesseur lettré et renommé, Durand de Champagne, et de dames de compagnie. Elle rejoint les filles de la comtesse Mahaut d'Artois, Jeanne et Blanche de Bourgogne, qui ont été élevées à la cour, et qui deviennent bientôt ses belles-sœurs par leur mariage avec les fils cadets du roi. Les dernières années du règne sont traversées d’évènements tragiques: expulsion des juifs en 1306, chute du Temple en 1307, procès pour hérésie de l’écrivaine mystique Marguerite Porete, de l’évêque Guichard de Troyes et du pape Boniface VIII en 1310.
Le 28 janvier 1312, après sept années d’un mariage sans enfant, une fille nait au couple de Navarre, prénommée Jeanne. L’année suivante, lors des fêtes de l’adoubement des fils du roi, Marguerite copréside au Louvre, avec sa jeune belle sœur la reine d’Angleterre Isabelle, un banquet exceptionnel offert aux dames par Philippe le Bel. Les princes, répondant à la volonté du pape Clément V, se croisent le 6 juin 1313. Marguerite, ses belles-sœurs Jeanne et Blanche ainsi que de nombreuses femmes nobles se croisent à leur tour le 7 juin. C’est certainement un évènement important pour Marguerite, dont la famille s’enorgueillit d’une véritable tradition de croisade. En juillet 1313, Marguerite assiste très vraisemblablement aux mariages qui se déroulent à Fontainebleau, celui de sa sœur Jeanne unie à Philippe de Valois (futur Philippe VI), et celui de son frère Louis de Bourgogne, qui épouse Mahaut de Hainaut, titulaire de la principauté de Morée (Péloponnèse).
Le 9 avril 1314, au lendemain de Pâques, à la surprise générale, la reine de Navarre ainsi que ses belles-sœurs, Jeanne et Blanche de Bourgogne, sont arrêtées sur ordre du roi. Elles sont accusées d’avoir entretenu une liaison adultère pendant plusieurs années avec deux chevaliers au service des princes, les frères d’Aulnay. Ces derniers sont écorchés vifs, émasculés et pendus, et de nombreuses personnes considérées comme complices sont torturées et noyées. Le 1er mai 1314, les princesses sont emprisonnées, Marguerite et Blanche à Château-Gaillard (Normandie) et Jeanne à Dourdan. Ce scandale retentissant est connu comme «l’affaire des brus» ou «de la Tour de Nesle».
Marguerite meurt en avril 1315 en prison, de maladie selon l’auteur (contemporain) de la Chronique métrique, et elle est inhumée à Vernon. Philippe le Bel est alors décédé depuis cinq mois et Louis, devenu roi, a reconnu la légitimité de sa fille Jeanne, seule héritière du trône de France à cette date, mais il n’a pas fait libérer son épouse.
L’affaire des brus a définitivement entaché la renommée de Marguerite de Bourgogne et de sa belle-sœur Blanche (Jeanne, initialement accusée de complicité, ayant été totalement innocentée). Aucun des chroniqueurs contemporains n’a mis en doute la culpabilité de la reine de Navarre, mais nul n’a expliqué comment ces liaisons auraient pu se tenir dans un lieu aussi surveillé que la cour de Philippe le Bel, ni pourquoi les princesses auraient méconnu à ce point leurs intérêts. L’historiographie n’a rien expliqué de plus, mais elle est restée largement à charge, et des œuvres de fiction se sont emparées du scandale (théâtre, littérature, cinéma), notamment Les Rois maudits de Maurice Druon en 1957-1960 (1.Le Roi de fer, 2.La Reine étranglée). Des historiennes invitent cependant désormais à revoir cet épisode inouï au prisme des procès de l’époque, des diffamations nombreuses au XIIIe et XIVe siècles des reines et princesses royales, et du «coup d’État» de Philippe V, monté sur le trône au détriment de sa nièce Jeanne de France, première manœuvre visant à l’exhérédation des femmes de la couronne, plus tard théorisée sous le nom de «loi salique».

Principales sources

  • Chronique de Guillaume de Nangis, de 1113 à 1327, Édition Guizot, 1825 p.301-302
  • Grandes Chroniques de France, Éd. Jules Viard, Paris, Société de l’Histoire de France, t.8, 1934, p.297-298.
  • Chroniques de Saint-Denis, depuis 1285 jusqu’en 1328, Recueil des Historiens des Gaules et de la France [RHF], t.XX, 1840, p.691.
  • La Chronique métrique attribuée à Geoffroy de Paris, Éd. Armel Diverrès, Paris, 1956, (Publications de la faculté des lettres de l’Université de Strasbourg, fasc. 129), p.202-205 et 226.
  • « Extraits d’une chronique anonyme intitulée Anciennes chroniques de Flandre », RHF, t.XXII, s.d. [entre 1840 et 1904], p.397-398.
  • Robert Fawtier, Comptes royaux (1285-1314), Paris, 1954, t.II, p.542-548.

Choix bibliographique

  • Adams, Tracy, «Between History and Fiction: Revisiting the Affaire de la Tour de Nesle», in. Viator, vol.2, 2012, p.165-192.
  • Allirot, Anne-Hélène, «“Aiiés pité de moy”: la pénitence de quelques dames scandaleuses entre 1250 et 1350», Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 25 | 2013, p.213-221.
  • Audéon, Gaëlle, Philippe le Bel et l’Affaire des brus, Éd. L’Harmattan, 2020, Préface d’Éliane Viennot.

Jugements

  • «La jeune Marguerite, reine de Navarre, et Blanche, femme du frère puîné de Charles, roi de Navarre, furent, comme le méritaient leurs fautes, répudiées par leurs maris pour avoir commis de honteux adultères avec les deux frères les chevaliers Philippe et Gautier d’Aunay […]» (Chronique de Guillaume de Nangis, de 1113 à 1327, Ed.Guizot, 1825, pp. 301-302).
  • «Que la faute fut réelle ou non, la punition fut atroce.» (Jules Michelet, Histoire de France, Philippe le Bel [1837], Ed. des Equateurs, 2008, p. 145).

- (À propos de Marguerite de Bourgogne) «Elle était de ces femmes qui ne trouvent de renouvellement dans le désir qu’au spectacle des souffrances qu’elles infligent, jusqu’à ce que ce spectacle même leur devienne lassant.» (Maurice Druon, Les rois maudits [1955], Paris, Éd. Plon, 2014, p.46).

  • «On ne voit pas dans l’histoire de la dynastie capétienne d’équivalent à une telle tragédie, ni, dans les annales de la justice d’alors, une sévérité comparable à celle ainsi déployée pour une cause d’adultère qui finalement n’a été “prouvée” que par la torture.» (Régine Pernoud, Saint Louis et le crépuscule de la féodalité, Paris, Albin Michel, 1985, p.78).
  • «La liste serait longue, de ces drames qu’illuminent le bûcher des hérétiques de Carcassonne et celui des templiers pris au piège de la procédure, que scandent les grands complots, celui de l’évêque de Pamiers et celui de l’évêque de Troyes, que clôt l’horrible gâchis créé par les incartades amoureuses de princesses lasses de leurs époux inattentifs.» (Jean Favier, Un roi de marbre, Fayard, 1998, 2005, p.11).
  • «Toutes trois âgées d’une vingtaine d’années, jeunes et insouciantes, les trois jeunes filles ne mesurèrent sans doute pas la gravité de leur faute lorsqu’elles entamèrent une relation avec les deux nobles normands.» (Christelle Balouzat-Loubet, Louis X, Philippe V, Charles IV, Les derniers Capétiens, Passés composés, 2019, p. 59).
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