Marguerite d'York

De SiefarWikiFr

Marguerite d'York
Titre(s) Duchesse de Bourgogne, duchesse douairière de Bourgogne
Conjoint(s) Charles de Valois-Bourgogne
Dénomination(s) Marguerite d’Angleterre, « Madame la Grande », la « duchesse diabolique »
Biographie
Date de naissance 3 mai 1446
Date de décès 23 novembre 1503
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Ghislain Tranié, 2020

Marguerite d’York naît le 3 mai 1446 au château de Fotheringhay. Son enfance est marquée par la guerre des Deux-Roses : son père Richard, 3e duc d’York, y est tué en décembre 1460 mais son frère reprend la main, devenant le roi Édouard IV en mars 1461. Son éducation est dirigée par sa mère, Cécile Neville, qui fait d’elle une princesse cultivée, parlant le français et, de façon plus malaisée, l’anglais. D’abord promise au connétable de Coimbra en 1465, elle fait l’objet de négociations avec la France et le Grand principat bourguignon en 1467-1468. La cour est déchirée entre le comte de Warwick, partisan de Louis XI, et Lord Scales, beau-frère du roi, favorable à un traité commercial avec le duc de Bourgogne Charles le Téméraire.
Ces paramètres décident le roi : Marguerite d’York épouse Charles le Téméraire à Damme le 3 juillet 1468. Processions, joutes, tournois et banquets suivent à Bruges, célébrant dix jours durant la puissance du Grand principat bourguignon.
Marguerite d’York satisfait dès lors aux fonctions de sa dignité ducale : elle commande des manuscrits, protège des clercs, visite les églises et les couvents, effectue des pèlerinages, reçoit des ambassades et veille sur Marie de Bourgogne, l’héritière du Grand Principat. Ses voyages entre Flandre, Brabant et Hainaut rendent visible le pouvoir ducal : ses « joyeuses entrées » réaffirment le lien entre le pouvoir ducal et les villes. Mais elle réside le plus souvent au Prinsenhof (Gand), au palais du Coudenberg (Bruxelles) et au château d’Hesdin.
La succession des revers de fortune de Charles le Téméraire fait de Marguerite d’York une actrice politique majeure, bien qu’elle demeure sans enfants. Elle négocie ainsi avec les Quatre Membres des Flandres une aide exceptionnelle (septembre 1475), plaide la cause du duc aux États généraux (printemps 1476) et voyage en Hollande (automne 1476) pour raffermir le pouvoir ducal. Mais la mort du duc à Nancy le 5 janvier 1477 change la donne. Marguerite d’York aide Marie de Bourgogne, la nouvelle duchesse, à gérer une situation de crise : Louis XI envahit la Bourgogne et l’Artois, et les Flamands veulent régenter la duchesse. Marguerite d’York, jugée trop pressante, est chassée par les Gantois. Marie de Bourgogne conquiert néanmoins le pouvoir avec son époux Maximilien d’Autriche. Marguerite d’York l’assiste par une mission diplomatique en Angleterre en 1480. Elle s’occupe surtout de son douaire, dont les revenus lui permettent de tenir son rang de duchesse douairière.
Le décès de Marie de Bourgogne le 27 mars 1482 la remet au centre du jeu politique. Associée à Maximilien d’Autriche, elle entre en conflit avec les États généraux de Flandre pour la tutelle du jeune comte de Flandre. L’affaire s’achève à son avantage en 1486. Outre l’éducation de Philippe le Beau, elle relève les fonctions curiales et religieuses dévolues à une duchesse de Bourgogne. Elle développe aussi une politique plus personnelle vis-à-vis de l’Angleterre : elle s’oppose en effet au nouveau roi, Henri VII Tudor en finançant tous les prétendants qui se présentent à elle. En retour, Henri VII la dénigre et se plaint du mauvais traitement qu’elle infligerait à l’épouse de Philippe le Beau, Jeanne de Castille. Car elle demeure bien jusqu’à sa mort, le 23 novembre 1503, une actrice importante de la cour, malgré son retrait dans un béguinage situé en face de son palais malinois. Elle est ainsi encore présente lors du baptême de Charles de Gand, le 9 mars 1500, dont elle est l’une des marraines.
Marguerite d’York incarne dans le dernier quart du XVe siècle une forme de continuité dans l’exercice du pouvoir et la vie curiale du Grand principat bourguignon. Non sans difficultés, elle préserve le pouvoir ducal. Princesse de son temps, elle patronne les clercs réformateurs, les copistes, les enlumineurs et les imprimeurs, ainsi que les étudiants prometteurs (tel Érasme). Sa spiritualité exigeante est également typique de son temps, entre influence anglaise et rhéno-flamande. Elle est enfin une actrice politique attachée à une conception lignagère du pouvoir et qui maîtrise les pratiques du gouvernement. Cette situation est exploitée par Louis XI et Henri VII qui diffusent une légende noire la duchesse, faisant d’elle tantôt une femme adonnée à ses passions, tantôt une incarnation diabolique.
Mais les études historiques ont montré depuis la fin du XXe siècle qu’à l’instar d’autres dames Marguerite d’York a eu un rôle politique, religieux et culturel de premier plan.

Oeuvres commandées

  • Vers 1468-1477 : Nicolas Finet, Benois seront les misericordieux, circa 1468-77, Brussels, Bibliotheque Royale, Ms. 9296
  • Vers 1468-1477 : Nicolas Finet, Le dialogue de la duchesse de Bourgogne a Jesus Christ, circa 1468-7. London, British Library, Add. Ms. 7970
  • Vers 1468-1477 : Œuvres de Jean Gerson. Brussels, Bibliotheque Royale, Ms. 9305-06
  • 1475 : Frère Laurent du Bois, Somme de perfection ou Somme le roi . Bruxelles, Bibliothèque Royale, ms.9106.
  • 1475 : Guy de Thurno, Vision de l’âme. Malibu, J. Paul Getty Museum, ms.31.
  • 1475 : Les visions du chevalier Tondal. Malibu, J. Paul Getty Museum, ms.30.
  • 1475 : Œuvres religieuses. Oxford, Bodleian Library, ms. Douce 365.
  • 1476 : Boèce, De la consolation de Philosophie. Iéna, Universitätsbibliothek, ms. El.f.85.

Principales sources

  • Le Trosne d'honneur, en prose et en vers, pour le mariage de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, avec Marguerite d'York (1468). XVe siècle. Paris, Bibliothèque nationale de France, NAF 21532.
  • Finet, Nicolas, Benois seront les misericordieux. Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, ms. 9296.
  • Finet, Nicolas, Dialogue de la duchesse de Bourgogne à Jésus-Christ. Londres, British Library, ms. add. 7970.
  • La Marche, Olivier de, « Traité des noces de monseigneur le duc de Bourgogne et de Brabant », dans La Marche, Olivier de, Mémoires, éd. H. Beaune et J. d’Arbaumont, Paris, 1883-1888, tome IV, p.95-144.
  • Molinet, Jean, Chroniques de Jean Molinet publiées, pour la première fois, d'après les manuscrits de la Bibliothèque du Roi, par J.-A. Buchon, Paris, Verdière, 1827-1828, 5 vol.

Choix bibliographique

  • Cauchies, Jean-Marie (dir.), Marguerite d’York et son temps. [Actes des] Rencontres de Malines (25 au 27 septembre 2003), Publications du centre européen d'études bourguignonnes, n° 44, 2004.
  • Eichberger, Dagmar (éd.), Women of distinction. Margaret of York, Margaret of Austria, Leuven, Davidsfonds ; Turnhout, Brepols, 2005.
  • Eichberger, Dagmar, Legaré, Anne-Marie, Hüsken, Wim (dir.), Women at the Burgundian Court : Presence and Influence. Femmes à la Cour de Bourgogne : Présence et Influence, Turnhout, Brepols, 2010 [Burgundica XVII].
  • Hommel, Luc, Marguerite d'York ou La Duchesse Junon (1446-1503), éd. Le Cri, 2003.
  • Krenn, Thomas, Margaret of York, Simon Marmion, and the Visions of Tondal. Papers delivered at a Symposium Organized by the Department of Manuscripts of the J. Paul Getty Museum in collaboration with the Huntington Library and Art Collections. Malibu (CA), The J. Paul Getty Museum, 1992.
  • Weightman, Christine B., Margaret of York, Duchess of Burgundy, Gloucester, A. Sutton ; New York, St Martin’s press, 1989.

Choix iconographique

  • Vers 1468 : Maître du Girart de Roussillon, Marguerite d’York exécutant les sept œuvres de miséricorde, enluminure dans Nicolas Finet, Benois seront les misericordieux. Bruxelles, KBR, ms. 9296, f.1.
  • Vers 1468-1470 : Anonyme, Marguerite d’York (Huile sur bois, 20,5 x 12cm). Paris, musée du Louvre. R.F. 1938-17. [1]
  • Vers 1490 : Poursuivant de Rogier van der Weyden, Déposition (huile sur bois, 61 x 99,7 cm). Malibu, The J. Paul Getty Museum. [2]

Jugements

  • « This lady Margaret although she knewe the familye and stocke of the house of Yorke to be in maner distroyed and utterly defaced by her brother kyng Richard, yet not being saciate nor content with the long hatred and continual malice of her parentes which subverted and overthrew almost the progeny and lignage of kyng Henry the VI and the house of Lancaster, nor yet remembryng the newe affinitie and strong alliaunce that was lately concluded, by the whiche the heyres of both the houses and progenies were united and conjoined together in lawfull matrimony, lyke one forgetting bothe God and charite, inflamed with malice diabolicall instinction, invented and practiced all mischiefes, displeasures and damages that she could devyse against the kyng of England » (Edward Hall, Hall’s Chronicle containing the history of England during the reign of Henry the Fourth and the succeeding monarchs, to the end of the reign of Henry the Eighth…, Londres, J. Johnson, 1809, p. 430).
  • « Une foule tumultueuse, réunie sur la grand-place, témoignait le plus vif désir de voir le jeune prince [Philippe le Beau], car parmi le peuple s’étaient mêlés plusieurs partisans des Français, qui disaient que ce n’était qu’une jolie fille. Le cortège étant arrivé au milieu de la place, et au centre de la multitude, la princesse Marguerite s’arrêta, montra de nouveau le jeune prince tout nu au peuple et dit : « Mes enfants, voici votre jeune seigneur, Philippe, du sang de l’empereur des Romains ». Convaincu que c’était un garçon, le peuple fit éclater la plus grande allégresse » (Octave Delepierre, Chronique de faits et gestes admirables de Maximilien Ier durant son mariage avec Marie de Bourgogne, translatée du flamand en français pour la première fois et augmentée d’éclaircissements et de documents inédits, Bruxelles, Société typographique belge, 1839, ).
  • « Once more Margaret had eluded her investigators. To a very large extent Margaret will continue to elude history. She may assert her existence in her bold autograph and in the few words which she added to her official letters. A few of her gifts and books have survived. But the various possible portraits provide little more than conventional images of the great lady of the fifteenth century. There is the fashionable melancholia, the pious gloom which led the far from gloomy Olivier de La Marche to adopt as his device ‘tant a suffert La Marche’. There are also the symbols : the marguerites, the coats of arms, the devices, the initials, and the white roses which were all integral to her political existence. There are, however, few signs of her vigour and intelligence which were not considered relevant by the artists of her time but were very significant indeed for the Duchy of Burgundy and for the crown of England » (Christine Weightman, Margaret of York Duchess of Burgundy 1446-1503, Gloucester, A. Sutton ; New York, St Martin’s press, 1989, p.218)
Outils personnels