Marguerite d'Anjou/Philibert Riballier et Catherine Cosson

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[356] MARGUERITE D’ANJOU, fille de René Roi de Sicile, réunit en elle le rare assemblage des plus héroïques vertus. Mariée à Henri VI. Roi d’Angleterre, ce Royaume étoit alors divisé en deux partis acharnés à se détruire. L’un, de la rose rouge, qui tenoit pour Henri; l’autre, de la rose blanche, qui tenoit pour Edouard. L’armée de Henri défaite près de Northampton, et lui-même fait prisonnier, il est enfermé dans la tour de Londres. Ce revers affreux, n’abbat point le grand courage de Marguerite, mais lui donne au contraire du ressort. Elle déploie aussi-tôt toutes les ressources de son génie, leve promptement d’autres troupes, [357] et à leur tête, défait à son tour l’armée rebelle, détruit plusieurs des principaux chefs, et par une double victoire parvient à sortir son malheureux époux de sa prison et à le rétablir sur le Trône. Elle ne jouit pas long-tems du fruit de ses heureux exploits. Le parti de la rose blanche reprit de nouvelles forces, et par une suite d’événemens malheureux, réduisit Henri et Marguerite à se réfugier en Ecosse. Marguerite ayant tout perdu, hors son courage et l’espérance, passe en France, y sollicite des secours qu’elle obtient, et rentre à leur tête dans ses Etats; mais le sort des armes devoit encore lui être contraire. Sa nouvelle armée est entiérement dissipée, et l’infortunée Marguerite se voit réduite à chercher son salut dans la fuite, seule, et portant son fils unique entre ses bras. Arrivée, à travers mille périls, sur les bords de la mer, elle a l’intrépidité de se jetter dans une simple barque de pêcheur, qui la transporte en France. Elle y fait tant encore, par ses prieres et par ses larmes, qu’elle obtient de nouveaux secours, avec lesquels, rentrée en Angleterre, elle continue de s’exposer aux hasards des batailles. La fortune la traite cruellement que jamais: dès la premiere charge toute son armée plie et s’abandonne à une déroute totale. A cet horrible spectacle, Marguerite épuisée de fatigues et de douleur, tomba évanouie, et ce fut dans cet état que les troupes victorieuses d’Edouard la rencontrerent, la firent prisonniere et la mirent sur un chariot pour être transportée à la tour de Londres. Son fils, après l’avoir défendue avec le plus grand courage, forcé de céder au nombre, [358] fut également pris et conduit à Edouard. Dès que cet homme atroce vit ce jeune Prince près de lui, il le frappa ua visage de son gantelet, et à cette espece de signal, quelques Seigneurs du parti du cruel vainqueur se jetterent sur l’infortuné Prince de Galles et le percerent de coups. Marguerite resta pendant quatre ans entiers dans sa prison, et n’en sortit que pour être rendue à Louis XI, qui se trouva assez de générosité pour exiger sa delivrance et en faire même une des conditions du traité de Pecquigni, en 1475; mais avant de quitter l’Angleterre, la malheureuse Princesse avoit pour ainsi dire subi toutes les horreurs de la mort de son mari et de celle de ses parens et de tous ses fideles serviteurs, que le féroce Edouard avoit successivement immolés à la sûreté de son usurpation. Il ne restoit plus à Marguerite que la stérile gloire d’avoir soutenu dans douze batailles rangées les droits les plus légitimes et les plus sacrés. Consumée de chagrins et de douleurs, elle mourut en 1482, bien digne de l’admiration et des regrets de tout l’univers.