Marguerite Guillomance/Aloïs Delacoux

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[61] COUTENCEAU (MARGUERITE GUILLOMANCE, madame), fondatrice et sage-femme en chef de l’hospice de la Maternité de Bordeaux, née à Clermont-Ferrand en 1753, nièce, élève et survivante de Marguerite Dutertre-Ducoudray, morte à Paris en 1825.

Il est des familles dont l’heureux privilége est de se perpétuer pour la consolation de l’humanité et les plus chers intérêts de la société. Quel sujet de réflexions pour l’homme juste qui compare froidement les actes de l’esprit humain, qu’on pourrait si souvent appeler des caprices du sort! Quel est donc le génie secret qui pousse les hommes à élever des autels à des foudres de guerre, aux destructeurs de l’espèce humaine qui ne marquent leur passage que par le carnage et la désolation des peuples, qui ne laissent après eux que des désastres à réparer, quand on voue à l’oubli des ames généreuses qui ont reçu du ciel la mission d’ouvrir les portes de la vie, de sécher les pleurs, d’adoucir les maux, et de rallumer le flambeau de l’espérance! Quand donc la vertu aura-t-elle ses ovations solennelles et ne sera-t-elle plus exclue des bénéfices temporels?

[62] La famille Coutenceau a laissé des souvenirs précieux dans l’ame de ceux qui l’ont connue pour les services importans qu’elle a rendus à son pays. On pourrait même dire que tous ses membres ont un droit égal à notre reconnaissance. Une tante s’est rendue célèbre autant par son savoir que par ses bienfaits; une nièce a dignement marché sur ses traces, et son époux a honoré la même profession; un fils dont la perte prématurée a été vivement sentie par le corps médical, avait avant le temps payé le plus honorable tribut à la science et à l’humanité; aujourd’hui une veuve avec des enfans, sans fortune, est tout ce qui reste d’une famille qui reflète un si bel éclat.

Un établissement des plus utiles, un hospice de la Maternité fut fondé à Bordeaux aux sollicitations et par les soins de Coutenceau et ceux de Marguerite sa femme, qui surent trouver parmi les démagogues de 94 des philanthropes assez éclairés pour apprécier l’importance et l’utilité d’un pareil projet et pour seconder les efforts généreux du couple Lucinien. Cet établissement resta pour ainsi dire le domaine de ses fondateurs qui en eurent constamment la direction. Les vues grandes et le zèle à créer honorent l’homme sans doute; mais il est d’autres services plus difficiles encore et plus méritoires: ce sont ceux que rend le désintéressement. Pendant la disette de 95, les hospices manquèrent des choses de première nécessité; celui de la Maternité de Bordeaux fut longtemps soutenu et approvisionné aux frais de son directeur Coutenceau. Aussi ce bienfaiteur de l’humanité n’a-t-il vécu que pour léguer un nom cher et des souvenirs précieux à sa famille. Que de réflexions fait naître l’ingratitude des hommes et la partialité des gouvernans! On ennoblit l’agioteur [63] et le maltôtier, on élève sur le pavois l’intrigue et l’opulence, on récompense le délateur, on accorde des priviléges à celui qui a trouvé des trésors dans la boue, et l’on oublie les descendans de ces hommes de bien dont le seul tort est de n’avoir point pensé à leur fortune.

C’est au profit de l’hospice de la Maternité de Bordeaux que la digne épouse de Coutenceau consacra ses veilles; c’est dans l’intérêt de son pays qu’elle employa et son expérience et son instruction à former des élèves sages-femmes dont un grand nombre suivirent et suivent encore la même voie que leur avait tracée cette habile maîtresse. Madame Coutenceau, élève de madame Ducoudray sa tante, montra de bonne heure toutes les qualités qui lui étaient nécessaires pour soutenir la réputation et marcher sur les traces de sa tutrice. Ce furent ces mêmes qualités qui valurent à mademoiselle Guillomance, sur la demande de sa tante et de sa bienfaitrice, le titre de survivante par brevet du roi de 1774. Par le même brevet elle fut admise à jouir de la pension allouée à madame Ducoudray et à faire conjointement avec elle dans toute l’étendue du royaume des cours publics sur l’art des accouchemens. C’est dans le cours de cette mission et en séjournant à Bordeaux que mademoiselle Guillomance fut recherchée par Coutenceau qu’elle épousa. Madame Ducoudray étant morte, sa pension passa à sa nièce, et elle lui fut maintenue par un arrêté de la Convention nationale de 1793, et conservée jusqu’à son décès. En 1794, madame Coutenceau fut chargée conjointement avec son mari de la direction de l’hospice de la Maternité de Bordeaux. Dans cet établissement d’une réputation justement méritée, la mémoire de sa fondatrice sera toujours révérée, et l’on ne parlera ja-[64]mais de cet hospice sans que le nom de Coutenceau soit cité.

Sous le titre d’Instructions sommaires, théoriques et pratiques, sur les accouchemens, à l’usage des sages-femmes, madame Coutenceau publia en l’an VI un ouvrage où les principes de son art sont exposés avec autant de méthode que de clarté. Cet ouvrage composé à l’intention de ses élèves est peut-être le seul rudiment qu’on puisse mettre entre les mains de celles qui commencent l’étude des accouchemens, le plus convenable à les former au langage de l’art obstétrical et à leur en faire connaître les élémens radicaux. Madame Coutenceau avait reconnu combien il y avait de perte de temps pour les élèves sans éducation première avant qu’elles fussent en état de lire avec fruit la plupart des Traités d’accouchemens; aussi sa méthode d’instruction, parfaitement d’accord avec son livre, était toute positive, et se réduisait à ce grand principe: de ne passer à une proposition subséquente que lorsque celle dont elle se déduisait avait été bien comprise. Les exercices publics de ses élèves étaient chaque année pour elle l’occasion des hommages les plus flatteurs, tant de la part de ses disciples et du public que de celle de l’administration locale. L’Écho du Commerce de Bordeaux ne manquait jamais d’en rendre compte dans les termes les plus touchans. Sa position moins encore que ses hautes qualités faisait rechercher madame Coutenceau; et toutes les personnes qui la connurent contractèrent envers elle une dette d’affection qui, chez ceux qui lui ont survécu, s’est changée en une dette de souvenir envers sa mémoire.[61] COUTENCEAU (MARGUERITE GUILLOMANCE, madame), fondatrice et sage-femme en chef de l’hospice de la Maternité de Bordeaux, née à Clermont-Ferrand en 1753, nièce, élève et survivante de Marguerite Dutertre-Ducoudray, morte à Paris en 1825.

Il est des familles dont l’heureux privilége est de se perpétuer pour la consolation de l’humanité et les plus chers intérêts de la société. Quel sujet de réflexions pour l’homme juste qui compare froidement les actes de l’esprit humain, qu’on pourrait si souvent appeler des caprices du sort! Quel est donc le génie secret qui pousse les hommes à élever des autels à des foudres de guerre, aux destructeurs de l’espèce humaine qui ne marquent leur passage que par le carnage et la désolation des peuples, qui ne laissent après eux que des désastres à réparer, quand on voue à l’oubli des ames généreuses qui ont reçu du ciel la mission d’ouvrir les portes de la vie, de sécher les pleurs, d’adoucir les maux, et de rallumer le flambeau de l’espérance! Quand donc la vertu aura-t-elle ses ovations solennelles et ne sera-t-elle plus exclue des bénéfices temporels?

[62] La famille Coutenceau a laissé des souvenirs précieux dans l’ame de ceux qui l’ont connue pour les services importans qu’elle a rendus à son pays. On pourrait même dire que tous ses membres ont un droit égal à notre reconnaissance. Une tante s’est rendue célèbre autant par son savoir que par ses bienfaits; une nièce a dignement marché sur ses traces, et son époux a honoré la même profession; un fils dont la perte prématurée a été vivement sentie par le corps médical, avait avant le temps payé le plus honorable tribut à la science et à l’humanité; aujourd’hui une veuve avec des enfans, sans fortune, est tout ce qui reste d’une famille qui reflète un si bel éclat.

Un établissement des plus utiles, un hospice de la Maternité fut fondé à Bordeaux aux sollicitations et par les soins de Coutenceau et ceux de Marguerite sa femme, qui surent trouver parmi les démagogues de 94 des philanthropes assez éclairés pour apprécier l’importance et l’utilité d’un pareil projet et pour seconder les efforts généreux du couple Lucinien. Cet établissement resta pour ainsi dire le domaine de ses fondateurs qui en eurent constamment la direction. Les vues grandes et le zèle à créer honorent l’homme sans doute; mais il est d’autres services plus difficiles encore et plus méritoires: ce sont ceux que rend le désintéressement. Pendant la disette de 95, les hospices manquèrent des choses de première nécessité; celui de la Maternité de Bordeaux fut longtemps soutenu et approvisionné aux frais de son directeur Coutenceau. Aussi ce bienfaiteur de l’humanité n’a-t-il vécu que pour léguer un nom cher et des souvenirs précieux à sa famille. Que de réflexions fait naître l’ingratitude des hommes et la partialité des gouvernans! On ennoblit l’agioteur [63] et le maltôtier, on élève sur le pavois l’intrigue et l’opulence, on récompense le délateur, on accorde des priviléges à celui qui a trouvé des trésors dans la boue, et l’on oublie les descendans de ces hommes de bien dont le seul tort est de n’avoir point pensé à leur fortune.

C’est au profit de l’hospice de la Maternité de Bordeaux que la digne épouse de Coutenceau consacra ses veilles; c’est dans l’intérêt de son pays qu’elle employa et son expérience et son instruction à former des élèves sages-femmes dont un grand nombre suivirent et suivent encore la même voie que leur avait tracée cette habile maîtresse. Madame Coutenceau, élève de madame Ducoudray sa tante, montra de bonne heure toutes les qualités qui lui étaient nécessaires pour soutenir la réputation et marcher sur les traces de sa tutrice. Ce furent ces mêmes qualités qui valurent à mademoiselle Guillomance, sur la demande de sa tante et de sa bienfaitrice, le titre de survivante par brevet du roi de 1774. Par le même brevet elle fut admise à jouir de la pension allouée à madame Ducoudray et à faire conjointement avec elle dans toute l’étendue du royaume des cours publics sur l’art des accouchemens. C’est dans le cours de cette mission et en séjournant à Bordeaux que mademoiselle Guillomance fut recherchée par Coutenceau qu’elle épousa. Madame Ducoudray étant morte, sa pension passa à sa nièce, et elle lui fut maintenue par un arrêté de la Convention nationale de 1793, et conservée jusqu’à son décès. En 1794, madame Coutenceau fut chargée conjointement avec son mari de la direction de l’hospice de la Maternité de Bordeaux. Dans cet établissement d’une réputation justement méritée, la mémoire de sa fondatrice sera toujours révérée, et l’on ne parlera ja-[64]mais de cet hospice sans que le nom de Coutenceau soit cité.

Sous le titre d’Instructions sommaires, théoriques et pratiques, sur les accouchemens, à l’usage des sages-femmes, madame Coutenceau publia en l’an VI un ouvrage où les principes de son art sont exposés avec autant de méthode que de clarté. Cet ouvrage composé à l’intention de ses élèves est peut-être le seul rudiment qu’on puisse mettre entre les mains de celles qui commencent l’étude des accouchemens, le plus convenable à les former au langage de l’art obstétrical et à leur en faire connaître les élémens radicaux. Madame Coutenceau avait reconnu combien il y avait de perte de temps pour les élèves sans éducation première avant qu’elles fussent en état de lire avec fruit la plupart des Traités d’accouchemens; aussi sa méthode d’instruction, parfaitement d’accord avec son livre, était toute positive, et se réduisait à ce grand principe: de ne passer à une proposition subséquente que lorsque celle dont elle se déduisait avait été bien comprise. Les exercices publics de ses élèves étaient chaque année pour elle l’occasion des hommages les plus flatteurs, tant de la part de ses disciples et du public que de celle de l’administration locale. L’Écho du Commerce de Bordeaux ne manquait jamais d’en rendre compte dans les termes les plus touchans. Sa position moins encore que ses hautes qualités faisait rechercher madame Coutenceau; et toutes les personnes qui la connurent contractèrent envers elle une dette d’affection qui, chez ceux qui lui ont survécu, s’est changée en une dette de souvenir envers sa mémoire.

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