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Version du 22 avril 2011 à 13:42

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Mahaut d'Artois
Titre(s) Comtesse d'Artois
Comtesse de Bourgogne
Conjoint(s) Othon IV, comte palatin de Bourgogne
Dénomination(s) Mathilde d'Artois
Biographie
Date de naissance Vers 1269
Date de décès 1329
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Anne-Hélène Allirot, 2004.

Mahaut, petite-nièce de Louis IX (saint Louis), née vers 1269, est la fille cadette du comte Robert II d'Artois et d'Amicie de Courtenay. Elle épouse Othon IV, comte palatin de Bourgogne et compagnon d'armes de son père, en janvier 1285. Elle en a cinq enfants: Robert Ier, né avant 1291 et mort en bas âge, Jeanne, née avant 1291, Blanche, née après 1295, Jean, né à une date inconnue et mort en bas âge, sans doute avant 1302, et Robert dit l'Enfant, né vers 1299-1300. Jeanne est promise en 1292 au deuxième fils de Philippe le Bel, Philippe de Poitiers, qu'elle épouse en 1307, avec pour dot le comté de Bourgogne (comme cela a été décidé en 1295). Blanche pour sa part épouse le troisième fils de Philippe le Bel, Charles, en 1308.
Après avoir perdu son père lors de la bataille de Courtrai en 1302, Mahaut devient veuve en mars 1303. Le comté de Bourgogne est alors partagé en deux: une moitié constitue le douaire de Mahaut, et l'autre moitié demeure gérée par les agents de Philippe le Bel, avant de revenir à sa fille Jeanne. Philippe le Bel attribue toutefois l'héritage du comté d'Artois à Mahaut au détriment de son neveu Robert. Mahaut devient ainsi pair de France. Robert tente de faire valoir contre Mahaut ses droits d'héritier en 1308-1309, en vain. En 1314, il met en oeuvre une nouvelle procédure accusant Mahaut de sortilège et de tentative d'empoisonnement sur la personne du roi Louis X, premier fils de Philippe le Bel tout juste monté sur le trône, mais la justice lave celle-ci de tout soupçon.
Le gouvernement de Mahaut en Artois ne va pas de soi: en 1306, elle doit mater sévèrement une révolte à Saint-Omer. En 1316, Robert d'Artois lance un soulèvement nobiliaire contre elle et se livre au pillage de ses biens. Condamné par Philippe le Long (c'est-à-dire Philippe de Poitiers, à son tour monté sur le trône en 1317), il doit rembourser les dommages causés à la comtesse: Mahaut touche ainsi les dividendes de l'aide qu'elle a apportée à son gendre pour monter sur le trône en lieu et place de la fille de Louis X, Jeanne (origine de la «règle» de masculinité du trône de France). Mahaut livre par ailleurs d'incessants procès contre toutes sortes d'opposants nobles, royaux ou ecclésiastiques. L'affaire dite «des brus de Philippe le Bel» en 1314 représente un autre événement dramatique pour la comtesse d'Artois, puisque deux des trois jeunes femmes accusées d'adultère sont ses propres filles: Jeanne est innocentée, mais Blanche est condamnée et enfermée à Château-Gaillard. Elle en sortira en 1324, lors de l'avènement de son propre époux au trône de France (Charles IV le Bel), pour mourir en 1326 à Maubuisson.
Au plan religieux, la comtesse semble suivre l'exemple de son grand-oncle Louis IX en favorisant largement les établissements religieux mendiants du comté. Elle crée plusieurs hôpitaux, à Hesdin, Saint-Omer, Bapaume et Calais. Amatrice d'oeuvres d'art, elle commande par ailleurs de riches vêtements et de l'orfèvrerie, et possède l'une des bibliothèques féminines les mieux fournies en ouvrages d'histoire et en romans divers de son temps. Particulièrement soucieuse de préserver la mémoire des membres défunts de sa famille, elle fait ériger pas moins de sept tombeaux, dont elle met grand soin à choisir l'emplacement et la composition. En 1329, Robert d'Artois rouvre pour la troisième fois le procès de la succession au comté, muni de faux documents. Mahaut meurt le 27 novembre de la même année, juste avant que la preuve de son bon droit soit établie. Robert est alors banni du royaume; l'Artois et la Franche-Comté sont alors absorbés par le duché de Bourgogne. La comtesse d'Artois est enterrée aux côtés de son père et de sa fille, à Maubuisson, tandis que son coeur est porté aux Cordeliers de Paris auprès de son fils Robert.
Femme de pouvoir ayant combattu sa vie durant pour défendre ses droits patrimoniaux, Mahaut a laissé une image controversée de comtesse colérique et maléfique, que l'on retrouve au XXe siècle dans le roman très populaire de Maurice Druon, Les Rois maudits. L'admiration qu'éprouvait à son égard Jules-Marie Richard, archiviste du Pas-de-Calais de 1874 à 1879, n'a encore été que peu relayée par les recherches historiques récentes, et ce, malgré des sources abondantes. Le Trésor d'Artois comprend environ 12000 pièces originales dont les comptes de bailliages, d'oeuvres, de la recette générale d'Artois et de l'hôtel, parmi lesquels figurent mandements de la comtesse, quittances et contrats.

Choix bibliographique

  • L'Enfant oublié. Le gisant de Jean de Bourgogne et le mécénat de Mahaut d'Artois en Franche-Comté au XIVe siècle, Besançon, Musée des Beaux-Arts, 1998.
  • Le Roux de Lincy, Antoine? «Inventaire des biens, meubles et immeubles de la comtesse Mahaut d'Artois pillés par l'armée de son neveu en 1316», Bibliothèque de l'École des Chartes, 3e série, 3,1832-1853, p.53-79.
  • Redoutey, Jean-Pierre, «Les trois testaments de Mahaut d'Artois», in Mémoires de la société pour l'histoire du droit et des institutions des anciens pays bourguignons, comtois et romands, 39, 1982, p.161-178.
  • Richard, Jules-Marie, Une petite-nièce de saint Louis: Mahaut comtesse d'Artois et de Bourgogne 1302-1329, Étude sur la vie privée, les arts et l'industrie en Artois et à Paris au commencement du XIVe siècle, Paris, 1887.

Jugements

  • «Aussi n'étais-je pas exempt de toute prévention à son égard lorsque j'analysais les débris de ses archives: mais leur étude complète et sincère m'a fait voir en elle une femme honnête, bienfaisante, à l'esprit cultivé, aux goûts artistiques, appliquée à bien gouverner les pays que la Providence avait confiés à sa garde» (Jules-Marie Richard, voir supra «choix bibliogr.», p.XI).
  • [Pensée de Philippe, comte de Poitiers, futur Philippe V] «Elle est fourbe comme le renard, obstinée comme le sanglier; elle a sans doute du sang sur les mains, mais je ne pourrais jamais me défendre d'avoir pour elle de l'amitié. [...] Dans sa violence comme dans son mensonge, il y a toujours une pointe de naïveté [...]» (Maurice Druon, Les Rois maudits, 3, Les poisons de la couronne, Paris, Del Duca, 1956, réed. 1966, p.82-83).
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