Madeleine Charlotte Émilie Le Fèvre de Caumartin : Différence entre versions

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Charlotte-Émilie Le Fèvre de Caumartin naît vers 1674 dans une famille de robins qui a occupé de hautes fonctions (son bisaïeul, Louis Le Fèvre -1552/1623- est garde des sceaux en 1622). Son aïeul, en épousant Madeleine de Choisy, s'allie, et aux Pontchartrain, et à la finance. Son père, Louis-François Le Fèvre de Caumartin (1624-1687), lié au coadjuteur de Retz pendant la Fronde, devient intendant en Champagne et conseiller d'état ; en épousant, en secondes noces, Catherine-Madeleine de Verthamon, il renforce l'endogamie des grands robins de Paris (Bignon, Talon, Voysin, d'Aligre). Soucieux de l'éducation de ses enfants, en particulier de ses fils, il leur donne de bons précepteurs, Fléchier pour l'aîné Louis-Urbain, né d'un premier lit, homme brillant qui, allié à Pontchartrain, devient intendant des finances et conseiller d'état.<br/>
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Charlotte-Émilie Le Fèvre de Caumartin naît vers 1674 dans une famille de robins qui a occupé de hautes fonctions - son bisaïeul, Louis Le Fèvre (1552/1623) est garde des sceaux en 1622. Son aïeul, en épousant Madeleine de Choisy, s'allie, et aux Pontchartrain, et à la finance. Son père, Louis-François Le Fèvre de Caumartin (1624-1687), lié au coadjuteur de Retz pendant la Fronde, devient intendant en Champagne et conseiller d'état ; en épousant, en secondes noces, Catherine-Madeleine de Verthamon, il renforce l'endogamie des grands robins de Paris (Bignon, Talon, Voysin, d'Aligre). Soucieux de l'éducation de ses enfants, en particulier de ses fils, il leur donne de bons précepteurs, Fléchier pour l'aîné Louis-Urbain, né d'un premier lit, homme brillant qui, allié à Pontchartrain, devient intendant des finances et conseiller d'état.<br/>
 
A la mort du père, Louis-Urbain doit marier ses cinq sœurs ; la seconde, épouse un d'Argenson, désargenté mais plein d'avenir, et Jacques de La Cour ( ?-1725), issu de la meilleure noblesse normande, épouse la troisième, Charlotte-Émilie, sans dot, le 8 mars 1693. Pourvu d'une charge de maître des requêtes, mais peu fait pour la vie à Paris, La Cour vend cette charge, acquiert la terre de Balleroy (dans l’actuel Calvados) et son magnifique château (il a appartenu aux Choisy, parents de sa femme) et s'installe en Normandie. Émilie se fait promettre, par tous ses parents et amis restés dans la capitale, l'envoi de lettres, lui permettant d'assister, de loin, à tout ce qui fait la vie de la bonne société et de la cour. De 1704 à 1724, tous lui écrivent, plus ou moins régulièrement. Ce sont ces lettres qui dressent, en creux, un portrait de Charlotte-Émilie et font apparaître le personnage, central sous l’Ancien Régime, de l’épouse dont l’invisible entregent social permet ou facilite l’ascension d’un vaste ensemble de familles alliées.<br/>
 
A la mort du père, Louis-Urbain doit marier ses cinq sœurs ; la seconde, épouse un d'Argenson, désargenté mais plein d'avenir, et Jacques de La Cour ( ?-1725), issu de la meilleure noblesse normande, épouse la troisième, Charlotte-Émilie, sans dot, le 8 mars 1693. Pourvu d'une charge de maître des requêtes, mais peu fait pour la vie à Paris, La Cour vend cette charge, acquiert la terre de Balleroy (dans l’actuel Calvados) et son magnifique château (il a appartenu aux Choisy, parents de sa femme) et s'installe en Normandie. Émilie se fait promettre, par tous ses parents et amis restés dans la capitale, l'envoi de lettres, lui permettant d'assister, de loin, à tout ce qui fait la vie de la bonne société et de la cour. De 1704 à 1724, tous lui écrivent, plus ou moins régulièrement. Ce sont ces lettres qui dressent, en creux, un portrait de Charlotte-Émilie et font apparaître le personnage, central sous l’Ancien Régime, de l’épouse dont l’invisible entregent social permet ou facilite l’ascension d’un vaste ensemble de familles alliées.<br/>
 
Si ses correspondants (ses frères, ses neveux d'Argenson et Guitaut, son cousin Breteuil et, dans une moindre mesure, ses sœurs) montrent tant d'esprit, on peut imaginer qu'elle-même n'en était pas dépourvue, et que l'humour dont ils font preuve comble son attente. Coquette ? Les factures dont parle son époux en témoignent. Cultivée ? Les livres que son neveu d'Argenson lui envoie, le prouvent. Pieuse ? Son frère, Caumartin de Boissy, la raille : « Je me recommande à vos saintes prières. Quand vous viendrez nous voir, de quel parti serez-vous sur la Constitution ? ». Mais Émilie s'ennuie dans son château. Son mari qui ne supporte pas Paris, mais y fait de longs séjours, pour régler des dettes, suivre ses procès, s'occuper de ses fils, lui écrit : « depuis que j'ai quitté Balleroy, je m'ennuie autant à Paris que je vous ai vue vous ennuyer à Balleroy ». Ces lettres (1175 au total),  pieusement conservées par leur destinataire, sont attendues avec impatience, lues en public et sans doute relues avec plaisir et une pointe de nostalgie.<br/>
 
Si ses correspondants (ses frères, ses neveux d'Argenson et Guitaut, son cousin Breteuil et, dans une moindre mesure, ses sœurs) montrent tant d'esprit, on peut imaginer qu'elle-même n'en était pas dépourvue, et que l'humour dont ils font preuve comble son attente. Coquette ? Les factures dont parle son époux en témoignent. Cultivée ? Les livres que son neveu d'Argenson lui envoie, le prouvent. Pieuse ? Son frère, Caumartin de Boissy, la raille : « Je me recommande à vos saintes prières. Quand vous viendrez nous voir, de quel parti serez-vous sur la Constitution ? ». Mais Émilie s'ennuie dans son château. Son mari qui ne supporte pas Paris, mais y fait de longs séjours, pour régler des dettes, suivre ses procès, s'occuper de ses fils, lui écrit : « depuis que j'ai quitté Balleroy, je m'ennuie autant à Paris que je vous ai vue vous ennuyer à Balleroy ». Ces lettres (1175 au total),  pieusement conservées par leur destinataire, sont attendues avec impatience, lues en public et sans doute relues avec plaisir et une pointe de nostalgie.<br/>

Version actuelle en date du 19 septembre 2021 à 13:52

Madeleine Charlotte Émilie Le Fèvre de Caumartin
Titre(s) marquise de Balleroy
Conjoint(s) Jacques de La Cour, Jacques, marquis de Balleroy
Biographie
Date de naissance 1674 ?
Date de décès 1749
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Jeanne Rochaud, 2021

Charlotte-Émilie Le Fèvre de Caumartin naît vers 1674 dans une famille de robins qui a occupé de hautes fonctions - son bisaïeul, Louis Le Fèvre (1552/1623) est garde des sceaux en 1622. Son aïeul, en épousant Madeleine de Choisy, s'allie, et aux Pontchartrain, et à la finance. Son père, Louis-François Le Fèvre de Caumartin (1624-1687), lié au coadjuteur de Retz pendant la Fronde, devient intendant en Champagne et conseiller d'état ; en épousant, en secondes noces, Catherine-Madeleine de Verthamon, il renforce l'endogamie des grands robins de Paris (Bignon, Talon, Voysin, d'Aligre). Soucieux de l'éducation de ses enfants, en particulier de ses fils, il leur donne de bons précepteurs, Fléchier pour l'aîné Louis-Urbain, né d'un premier lit, homme brillant qui, allié à Pontchartrain, devient intendant des finances et conseiller d'état.
A la mort du père, Louis-Urbain doit marier ses cinq sœurs ; la seconde, épouse un d'Argenson, désargenté mais plein d'avenir, et Jacques de La Cour ( ?-1725), issu de la meilleure noblesse normande, épouse la troisième, Charlotte-Émilie, sans dot, le 8 mars 1693. Pourvu d'une charge de maître des requêtes, mais peu fait pour la vie à Paris, La Cour vend cette charge, acquiert la terre de Balleroy (dans l’actuel Calvados) et son magnifique château (il a appartenu aux Choisy, parents de sa femme) et s'installe en Normandie. Émilie se fait promettre, par tous ses parents et amis restés dans la capitale, l'envoi de lettres, lui permettant d'assister, de loin, à tout ce qui fait la vie de la bonne société et de la cour. De 1704 à 1724, tous lui écrivent, plus ou moins régulièrement. Ce sont ces lettres qui dressent, en creux, un portrait de Charlotte-Émilie et font apparaître le personnage, central sous l’Ancien Régime, de l’épouse dont l’invisible entregent social permet ou facilite l’ascension d’un vaste ensemble de familles alliées.
Si ses correspondants (ses frères, ses neveux d'Argenson et Guitaut, son cousin Breteuil et, dans une moindre mesure, ses sœurs) montrent tant d'esprit, on peut imaginer qu'elle-même n'en était pas dépourvue, et que l'humour dont ils font preuve comble son attente. Coquette ? Les factures dont parle son époux en témoignent. Cultivée ? Les livres que son neveu d'Argenson lui envoie, le prouvent. Pieuse ? Son frère, Caumartin de Boissy, la raille : « Je me recommande à vos saintes prières. Quand vous viendrez nous voir, de quel parti serez-vous sur la Constitution ? ». Mais Émilie s'ennuie dans son château. Son mari qui ne supporte pas Paris, mais y fait de longs séjours, pour régler des dettes, suivre ses procès, s'occuper de ses fils, lui écrit : « depuis que j'ai quitté Balleroy, je m'ennuie autant à Paris que je vous ai vue vous ennuyer à Balleroy ». Ces lettres (1175 au total), pieusement conservées par leur destinataire, sont attendues avec impatience, lues en public et sans doute relues avec plaisir et une pointe de nostalgie.
La marquise de Balleroy a deux fils nés en 1694 et 1696 à Paris. En 1720, le fils aîné est marié à une fille du maréchal de Matignon, alliance prestigieuse, qui rapproche de la cour les Balleroy, mais c’est une mésalliance pour la maison de Matignon. Mariage qui cause un froid entre la marquise et son frère de Boissy qui rêvait d'une telle alliance pour sa fille. En 1722, le marquis de la Cour imagine faire entrer le cadet dans la garde du cardinal Dubois et demande conseil à son épouse. L'achat de Balleroy a vraiment grevé les finances familiales. Est-ce la raison pour laquelle Émilie n'accompagne pas son mari à Paris, lors de ses nombreux séjours ?
En 1744, l'aîné des fils Balleroy, devenu marquis à la mort de son père, gouverneur du duc de Chartres en 1735, est disgracié (soupçonné d'être hostile à Mme de Châteauroux, maîtresse du roi) ; la marquise écrit à son neveu d'Argenson, alors ministre de la guerre, sans succès. Après la mort de son mari en 1725, Émilie rejoint probablement Paris, mais c'est à Balleroy, aux côtés de son fils exilé, qu'elle meurt en 1749.
La marquise de Balleroy reste une femme méconnue. Vouée à une vie brillante par sa famille et son éducation, elle partage le sort de bien des jeunes femmes, pas assez titrées ou pas assez riches, que le mariage oblige à vivre en province. Elle n'a d'existence qu'à travers l’abondante correspondance dont elle est la destinataire, puisque ses propres lettres n'ont pas survécu, à quelques exceptions près. Elle est la figure, paradoxale mais trop négligée par les études littéraires et historiques de la réceptrice.

Oeuvres

  • Bibliothèque Universitaire de Poitiers, AA, P 77 : dossier Mme de la Cour lettres manuscrites, au comte d'Argenson
  • Barthélémy, Édouard de, Les correspondants de la marquise de Balleroy d'après les originaux inédits de la Bibliothèque Mazarine, Paris, Hachette, 1883, t.1, p. LXV : une lettre à son frère Caumartin de Boissy à propos de la succession de son frère Louis-Urbain.

Principales sources

  • Sévigné, Marie de Rabutin-Chantal, Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis, éd .par M. Monmerqué, Paris, Hachette, 1862, 14 vol.
  • Saint-Simon, Louis de Rouvroy, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon sur le siècle de Louis XIV et la Régence, collationnés sur le ms. original par M. Chéruel et précédés d'une notice par M. Sainte-Beuve, Paris, Hachette, 1856-1858, 20 vol.
  • Barthélémy, Édouard de, Les correspondants de la marquise de Balleroy d'après les originaux inédits de la Bibliothèque Mazarine, Paris, Hachette, 1883.

Choix bibliographique

  • Argenson, Françoise d', Caron, Philippe, et autres, « Le comte d'Argenson et les dames. La place des femmes dans les réseaux du secrétaire d'état à la guerre à travers les archives d'Argenson », Revue historique du Centre-Ouest, 2020, t. XVIII, p. 7-86.
  • Aubertin, Charles, « Une marquise sous la Régence », Revue des Deux-Mondes, 1872-01, p. 182-203
  • Combeau, Yves, Le comte d'Argenson, 1696-1764 : Ministre de Louis XV, Paris, École des Chartes, 1999.
  • Dagen, Jean, « Les Caumartin : entre gens de cour et gens de plume », Cahiers Saint-Simon/ Année 2007/35, Les Belles-Lettres à la Cour, p. 3-15.
  • Frostin, Charles, Les Pontchartrain, ministres de Louis XIV, alliances et réseaux d'influence, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006.

Choix de Liens électroniques

  • Barthélémy, Édouard de, Les correspondants de la marquise de Balleroy d'après les originaux inédits de la Bibliothèque Mazarine, Paris, 1883 : [1] et [2]
  • Dagen, Jean, « Les Caumartin : entre gens de cour et gens de plume », Cahiers Saint-Simon, 2007/35, Les Belles-Lettres à la Cour, p.3-15 :[3]

Jugements

  • « Je vous aime trop pour vous faire la moindre peine, je suis sans reproches devant Dieu et devant les hommes. […] Je vous assure que je vous regarde comme ma consolation, et je crois que la petite indisposition que j'ai eue vient autant d'ennui d'être sans vous que d'autre chose » le marquis de Balleroy. (cité par Charles Aubertin, « Une marquise sous la Régence », Revue des Deux-Mondes, 1872-01, p. 188).
  • « Les légitimés ont donné leur requête au Parlement. Je ne doute pas que cette cabale n'écrive à votre fils pour lui faire signer cette ridicule requête. Il est homme d'esprit, mais il est jeune, et je crains sa tête. Faites lui bien comprendre dans quoi il se jette. S'il a signé, faites en sorte qu'il retire sa signature s'il le peut : c'est le plus grand service que vous puissiez lui rendre. Servez-vous de votre bon esprit, ma chère sœur, pour lui faire distinguer le faux du vrai » (Caumartin de Boissy à la marquise de Balleroy le 21 juin 1717, cité par É. de Barthélémy, Les correspondants de la marquise de Balleroy, Paris, Hachette, 1883, p. 167-168).
  • « Parlant des Matignon, la seconde fille du maréchal de Matignon qui, n'était plus jeune, et s'ennuyait de n'être point mariée, épousa Basleroy, colonel de dragons. Son nom était La Cour, et si peu de chose, que son père, qui était riche, épousa pour rien la sœur de Caumartin conseiller d'état, et se fit maître des requêtes ; il n'alla pas plus loin. Les Matignon outrés furent fort longtemps sans vouloir ouïr parler de Basleroy et sa femme, et à la fin les virent et leur pardonnèrent » (Saint-Simon, Mémoires, Paris, 1858, t. 17, chapitre 21, p. 452).
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