Louise de Stolberg-Gedern

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Louise de Stolberg-Gedern
Titre(s) princesse, reine d’Angleterre in partibus, comtesse d'Albany
Conjoint(s) Charles-Édouard Stuart
Dénomination(s) comtesse d'Albany
Biographie
Date de naissance 1752
Date de décès 1824
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Francesca Piselli, 2020

Issue d’une ancienne famille noble de Thuringe, Louise de Stolberg-Gedern est née le 20 septembre 1752 à Mons (Hainaut)). Elle est l’aînée des trois filles de la princesse Élisabeth de Hornes (1733-1825) et du prince héritier Gustave Adolphe de Stolberg-Gedern (1722-1757). Après la mort prématurée de son père à la bataille de Lützen (1757), Louise est reçue à quatorze ans dans le chapitre noble de Sainte-Waudru à Mons et y bénéficie, de la part de Marie-Thérèse d’Autriche, d’une prébende canoniale jusqu’à sa sortie le 20 juin 1767. Quatre ans plus tard, Charles-Édouard Stuart (1720-1788), le prétendant au trône d’Angleterre sous le nom de Charles III, demande sa main et lui permet de devenir reine in partibus à l’âge de vingt ans. Le mariage est célébré le 17 avril 1772 à Macerata, dans la chapelle de la famille Compagnoni Marefoschi. Depuis son enfance, Charles-Édouard vit en exil à Rome et le couple royal y fixe sa résidence au palais Muti. La vie conjugale avec ce prince quinquagénaire s’avère bientôt difficile pour Louise. Il lui interdit de sortir et elle prend l’habitude d’accueillir chez elle une société restreinte qui compte, parmi ses habitués, le philosophe Charles Victor de Bonstetten (1745-1832), avec lequel la « reine des cœurs » se lie d’une tendre amitié.
En octobre 1774, Charles-Édouard, sans héritier et sans espoir de devenir roi, quitte Rome pour Florence avec son épouse. Trois ans plus tard, la comtesse d’Albany, nom sous lequel elle signe désormais ses lettres, fait la connaissance du poète et écrivain piémontais Vittorio Alfieri (1749-1803) et entame une relation amoureuse avec lui. En butte aux mauvais traitements d’un mari violent et alcoolique, elle abandonne le domicile conjugal le 30 novembre 1780. Avec la complicité du gouvernement grand-ducal, elle se réfugie dans le couvent florentin des Dames Blanches, puis dans un couvent d’ursulines à Rome, grâce à la protection de son beau-frère Henri Stuart (1725-1807), le cardinal d’York. Alfieri rejoint Rome le 12 mai 1781, où il revoit la comtesse, mais le cardinal découvre cette liaison et le poète doit quitter les États Pontificaux le 4 mai 1783. Toutefois, par l’entremise de son beau-frère et surtout du roi de Suède Gustave III, qui visitait alors l’Italie, la séparation légale des deux époux est approuvée le 3 avril 1784. Louise abandonne tous ses droits sur la succession Stuart, ne conservant que le titre de comtesse d’Albany. Elle part le 20 mai pour les eaux de Baden et retrouve deux mois plus tard, Alfieri à Colmar. Puis le nouveau couple s’installe à Paris. Polyglotte éduquée en français (sa langue de communication), cette femme, affable et ouverte aux idées nouvelles, tient salon jusqu’à la prise des Tuileries. Alfieri et la comtesse décident alors de regagner Florence où, dès le 3 novembre 1792, ils établissent leur résidence sur le Lungarno, au Palazzo Gianfigliazzi. La comtesse y reçoit des artistes, des diplomates, des gens de lettres, des hommes politiques et des voyageurs de passage, comme Mmes de Staël et Genlis, lady Morgan, Friederike Brun, Chateaubriand, Lamartine, Sismondi, Canova, Foscolo et Gino Capponi. Ceux-ci comptent aussi parmi ses correspondants. Louise se consacre aussi à la lecture (Locke, Montaigne, Milton, Euripide et Chateaubriand sont ses auteurs préférés) et à l’art, notamment après la mort d’Alfieri, survenue le 7 octobre 1803. Avec le soutien du peintre Francois-Xavier Fabre (1766-1837) qui deviendra son légataire universel, la comtesse veille à la publication des Œuvres complètes (1804) et à l’édification du monument funèbre du poète par Canova dans l’église Santa Croce, inauguré en 1810. En mai 1809, craignant que le salon du Lungarno ne devienne un foyer de résistance politique, Napoléon enjoint à la comtesse de se rendre à Paris où elle reste plus d’un an. Après une entrevue avec l’empereur, elle est finalement autorisée à rentrer à Florence, où elle continue à tenir salon jusqu’à sa mort, le 29 janvier 1824, au Palazzo Gianfigliazzi.
Idéalisée par Alfieri dans sa Vita, cette femme au caractère bien trempé n’a pas fait l’unanimité chez ses contemporains. D’illustres Italiens, comme Massimo D’Azeglio, Gino Capponi et Giuseppe Giordani, l’ont ouvertement critiquée. En revanche, au XIXe siècle, ses biographes ont été moins sévères à son égard et le XXe siècle a mis en avant les multiples facettes d’une personnalité hors-pair, brillante salonnière et inlassable épistolière.

Oeuvres

  • Lettres et écrits divers de la comtesse d’Albany, éd. par L. G. Pélissier, Paris, E. Paul Éditeur, 1901.
  • "Notes sur l’Angleterre (1791)", dans Marc Fumaroli, Quand l’Europe parlait français, Paris, le Livre de Poche, 2003, p. 547-549.
  • "Remarques sur L’influence des passions ou le bonheur des individus et des nations de Madame de Staël (1797)", dans Marc Fumaroli, Quand l’Europe parlait français, Paris, le Livre de Poche, 2003, p. 549-550.
  • Tragedia d’Oreste di Psipsio paragonata con quella di Voltaire da Psipsia (1783), éd. par Diomede Bonamici, Livorno, Belforte, 1903.

Voir aussi les éléments de sa correspondance publiés dans les biographies et études mentionnées infra Principales sources

Principales sources

  • Vittorio Alfieri, Vita scritta da esso, Londres, 1804 [1806].- Ma Vie, une traduction française récente par Mélanie Traversier : Paris, Mercure de France, 2012.
  • Francia Ennio, Delfina de Custine, Luisa Stolberg, Giulietta Récamier a Canova, Lettere inedite, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 1972.
  • Lettere inedite di Luigia Stolberg Contessa d’Albany a Ugo Foscolo e dell’abate Luigi di Breme alla Contessa d’Albany, éd. par C. Antona-Traversi, D. Bianchini, Roma, Euseo Molino Editore, 1887.
  • Lettres de la comtesse d’Albany au chevalier de Sobirats, suivies de quelques pièces inédites ayant rapport à elle éditées par le marquis de Ripert-Monclar, Paris-Monaco, Imprimerie de Monaco-Librairie Picard, 1916.
  • Lettres inédites de la comtesse d’Albany à ses amis de Sienne (1797-1820), mises en ordre et publiées par Léon-Gabriel Pélissier, t.I. Lettres à Teresa Regoli Mocenni et au chanoine Luti (1797-1802), Paris, Fontemoing, 1904 ; t. II. Lettres à l’archiprêtre Luti et à Vittorio Mocenni (1802-1809), Toulouse, E. Privat, 1912 ; t.III. Lettres à Alessandro Cerretani (1803-1820), Toulouse, E. Privat, 1915.
  • Léon-Gabriel Pélissier, "Lettres inédites de la comtesse d’Albany", dans Studi letterari e linguistici dedicati a Pio Rajna, Florence, Tipografia E. Ariani, 1911, p. 853-871.
  • Francesca Piselli, Il francese della Contessa d’Albany. Con un’appendice di lettere inedite, Rome, Aracne, Coll. «Recherches su Toiles» 3, 2013.
  • Herbert Millingchamp Vaughan, The last Stuart Queen: Louise, Countess of Albany : her life & letters, Londres, Duckworth, 1910.

Choix bibliographique

  • Lacretelle, Anne de, La comtesse d’Albany. Une égérie européenne, Monaco, Edition du Rocher, 2008.
  • Louthe, Vivienne, Louise de Stolberg, une reine sans couronne, Paris, Les Éditions Clément, 2014.
  • Pellegrini, Carlo, La contessa d’Albany e il salotto del Lungarno, Naples, Edizioni Scientifiche Italiane, 1951.
  • Piselli, Francesca, « Le français langue de l’intime dans la correspondance de la comtesse d’Albany », dans M.-C. Kok Escalle et M.M. van Strien-Chardonneau (éds.), Le français langue seconde, langue de l’intime (XVIe-début XXe siècles). Europe du Nord, Europe Orientale, Méditerranée, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2017, p. 87-105.

Choix iconographique

  • 1772 (?) ; Princess Louisa of Stolberg. Wife of Prince Charles Edward Stuart, huile sur toile, 56.40 x 43.30 cm. National Galleries of Scotland (Edinburgh).
  • 1793, François-Xavier Fabre, Portrait de Louise Stolberg-Gedern, comtesse d’Albany, huile sur toile. Galleria degli Uffizi (Firenze).
  • 1796, François-Xavier Fabre, Portrait de Louise Stolberg-Gedern, comtesse d’Albany, huile sur toile. Galleria degli Uffizi (Firenze).

Choix de liens électroniques

  • Médiathèque Émile Zola de Montpellier, Fonds Albany [1]

Jugements

  • « La comtesse d’Albanie étoit, par sa figure, ses manières, son esprit, son caractère et son sort, la femme la plus généralement intéressante. Elle étoit de taille moyenne, mais bien prise et d’une grande blancheur ; elle avoit de très beaux yeux, les dents parfaitement belles, l’air noble et doux, un maintien simple, élégant et modeste ; son esprit cultivé par la lecture des meilleurs auteurs, y avoit puisé un discernement juste, et acquis la facilité de bien juger des hommes et ouvrages de goût. » (M. Dutens, Mémoires d’un voyageur qui se repose, Paris, Bossange, Masson et Besson, 1806, vol. 2, p. 250-251).
  • « Pendant l’été précédent que j’avais passé tout entier à Florence, j’y avais vu plusieurs fois une belle et aimable femme, étrangère et très distinguée sous tous les rapports […]. La première impression qu’elle avait produite sur moi avait été infiniment agréable. Des yeux noirs remplis de feu et de la plus douce expression, joints (chose qui se rencontre rarement) à une peau très blanche et à des cheveux blonds, donnaient à sa beauté un éclat dont il était difficile de se défendre. Vingt-cinq ans, beaucoup de penchant pour les lettres et pour les beaux-arts, un caractère d’ange, une fortune brillante, et des circonstances domestiques très pénibles, qui la rendaient malheureuse ; comment échapper à tant de raison d’aimer ! » (V. Alfieri, Vie de Victor Alfieri écrite par lui-même et traduite de l’italien par M. ***, Paris, Nicolle, 1809, t. 2, p. 58-59).
  • « Le caractère de la reine était plus français qu’allemand. Elle était née princesse de Stolberg-Gedern ; elle avait alors vingt-quatre ans. Sa gaieté naturelle était un peu piquée de malice, ses malices étaient quelque fois de l'amitié, ou mieux que cela […]. La reine des cœurs, que j’avais vue à Rome, était de moyenne taille, est blonde, avec des yeux d’un bleu foncé ; elle a le nez légèrement retroussé et un teint d’une blancheur éclatante, comme celui d’une Anglaise, l’air gai, malin et sensible à faire tourner toutes les têtes. Je la revis a Florence en 1807, sous le nom de comtesse d’Albany […]. À Rome la reine d'Angleterre se faisait bergère, à Florence la comtesse d'Albany se faisait reine tant qu’elle pouvait. Elle avait un air de dignité, convenable à son âge, et plus encore au cothurne d’Alfieri, avec lequel elle avait vécu ; son esprit avait beaucoup gagné dans le commerce de l’homme de génie. » (C.V. de Bonstetten, Souvenirs écrits en 1831, Paris, Cherbuliez, 1832, p. 64).
  • « M. Fabre savait acheter des tableaux, mais non pas en faire. J’ai vu de lui, à Florence, le portrait d'Alfieri ; cela est bien dessiné, et, du reste, n’a ni relief, ni vérité, ni couleur. On voit en pendant le portrait de madame la comtesse d'Albany. C’est en vain que je cherche un mot, un mot un peu digne ; je suis obligé d'avouer que je ne vois là qu’une cuisinière qui a de jolies mains. » (Stendhal, "Mémoires d’un touriste [1838], dans Voyages en France, éd. par V. Del Litto, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1992, p. 550).
  • « J’ai connu Madame d’Albany à Florence ; l’âge avait apparemment produit chez elle un effet opposé à celui qu’il produit ordinairement : le temps ennoblit le visage, et, quand il est de race antique, il imprime quelque chose de sa race sur le front qu’il a marqué : la comtesse d’Albany, d’une taille épaisse, d’un visage sans expression, avait l’air commun. Si les femmes des tableaux de Rubens vieillissaient, elles ressembleraient à madame d’Albany à l’âgé où je l’ai rencontrée. » (F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, Paris, Penaud Frères, 1850, p. 99).
  • « Madame d’Albany était […] une personne de son siècle ; sa forme d’esprit, si agréablement revêtue dans la jeunesse, était surtout modérée, judicieuse, capable d’expérience en avançant, et même positive. Heureuse autant qu’on pouvait l’être après une première existence très éprouvée, elle savait au fond ce que vaut la plus idéale des félicités humaines. » (C.-A. Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, Paris, M. Lévy Frères, 1866, t. 5, p. 426).
  • « Des cheveux blonds, des yeux noirs, doux et brûlants, des dents parfaitement belles, de blanches épaules, la beauté éblouissante d’une Flamande de vingt-cinq ans, relevée et animée d’un je ne sais quoi de spirituel, l’élégance de la taille, ce charme de la tournure qui est la séduction ordinaire des femmes petites, une grande distinction alliée à une extrême simplicité : voilà la comtesse d’Albany quand Alfieri la rencontra à Florence. Mme d’Albany avait pour elle plus que sa beauté : elle avait le roman d’une vie malheureuse et le bénéfice de ces chagrins qui entourent une jeune femme de la pitié des nobles cœurs. » (E. et J. de Goncourt, "La Comtesse d’Albany", dans Portraits intimes du dix-huitième siècle. Études nouvelles d’après les lettres autographes et les documents inédits, Paris, Charpentier, 1878, p. 425-461).
  • « Rien ne rappelait en elle, à cette époque déjà un peu avancée de sa vie, ni la reine d’un empire ni la reine d’un cœur. C’était une petite femme dont la taille, un peu affaissée sous son poids, avait perdu toute légèreté et toute élégance. Les traits de son visage, trop arrondis et trop obtus aussi, ne conservaient aucunes lignes pures de beauté idéale […]. Mais ses yeux avaient une lumière, ses cheveux cendrés une teinte, sa bouche un accueil, toute sa physionomie une intelligence et une grâce d’expression qui faisaient souvenir, si elles ne faisaient plus admirer. Sa parole suave, ses manières sans apprêt, sa familiarité rassurante, élevaient tout de suite ceux qui l’approchaient à son niveau. On ne savait si elle descendait au vôtre, ou si elle vous élevait au sien, tant il y avait de naturel dans sa personne. » (A. de Lamartine, Souvenirs et Portraits, Paris, Hachette, 1886, t. 1, p. 130).
  • « Oubliée des biographes français depuis Saint-René Taillandier (1863), vivante dans la mémoire anglaise grâce à Vernon Lee, la comtesse d’Albany, comme le prince de Ligne, est un exemple caractéristique de la continuité et de la vitalité de la haute société lettrée européenne, entre Lumières et Romantisme […]. Le cercle européen qu’elle réunit autour d’elle à Florence, sans pouvoir rivaliser avec les grandes heures de Coppet, avec lequel il était en liaison, bénéficia d’une plus longue durée. […] Le salon florentin de Mme d’Albany, à partir de 1792, fut l’un des centres nerveux délocalisés de la civilisation européenne. » (M. Fumaroli, Quand l’Europe parlait français, Paris, le Livre de Poche, 2003, p. 529-530).
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