Louise Labé

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Louise Labé
Dénomination(s) Louise Charly
La belle cordière
Biographie
Date de naissance Vers 1520
Date de décès 1566
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)
Dictionnaire Charles de Mouhy (1780)
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779)


Notice de Françoise Charpentier, 2005.

On sait peut de choses concernant Louise Labé et sa famille. Elle naît à Lyon entre 1516 et 1523 dans un milieu de marchands cordiers très aisés, de Pierre Charly et Étiennette Roybet (morte en 1523 ou 1524). Elle tient le nom de Labé d'un premier mariage de son père. Quant à son surnom de Belle Cordière, il est peut-être dû à sa résidence dans le quartier de la Gela habité par des cordiers. Louise épousera du reste un cordier.

Son éducation reste une énigme. Elle est en tout cas très supérieure à celle que l'on concède alors aux filles. Bien que l'on ne connaisse pas ses activités, on la sait avant 1555 dans des milieux humanistes lyonnais, où elle continue à absorber lectures et savoirs. Le vague parfum de scandale qui règne autour d'elle, son surnom, un méchant propos de Calvin (1560) suggèrent une vie romanesque et libre, mais ce genre d'accusation n'est alors pas rare à l'encontre de femmes cultivées et trop brillantes. Qu'elle connaisse Olivier de Magny est certain: il séjourne à Lyon en 1554, ses vers croisent parfois ceux de Louise. Est-ce suffisant pour supposer une liaison amoureuse?

Le volume, très soigné, des Euvres de L.L.Lyonnoise paraît en 1555 chez Jean de Tournes. Les écrits de Louise y sont suivis d'un important groupe d'hommages poétiques, dont beaucoup attribuables à des noms célèbres. L'ensemble suggère ainsi une femme inspirée, savante, au centre d'un groupe de poètes et d'humanistes réfléchissant ensemble sur la poésie, l'amour, les questions de la culture contemporaine. Quatre textes composent les Euvres. Dans l'épître dédicatoire à «M.C.D.B.L.» (Clémence de Bourges, jeune poétesse de grande famille), que l'on considère comme un des premiers manifestes féministes, Louise pose fermement les questions essentielles de la condition des femmes (leur éducation, leur droit à la culture, etc.), affirme la supériorité des activités de l'esprit sur les «occupations mulièbres», avec une discrète revendication d'«honneste liberté»; elle donne par ailleurs une pénétrante analyse du plaisir de l'écriture, de sa puissance de remémoration qui annonce la recherche d'un temps retrouvé. Le Débat de Folie et d'Amour est un dialogue satirique en prose: dans un Olympe de fantaisie, un procès entre Amour et Folie évoque les moeurs amoureuses contemporaines et oppose l'amour épuré néo-platonicien à un amour-passion naturaliste et total; le verdict, pessimiste et ironique, condamne Folie à accompagner partout Amour. Ce Débat plein de verve entretient de nombreuses correspondances avec les Poésies, malgré leur disparité d'écriture. Trois Élégies (326 v.) retracent le parcours d'une persona poétique, derrière laquelle se profile l'expérience de Louise: un amour sensuel, passionné, sublime et douloureux, toujours lié à l'écriture qu'il déclenche. Puis vingt-quatre Sonnets profondément lyriques (le premier en italien) explorent les moments discontinus de cette expérience érotico-poétique; malgré sa science extrême de la prosodie et des rythmes, malgré son évidente pratique des moyens poétiques, l'écriture y paraît d'une suprême simplicité, et refuse certains des tics voyants de la Pléiade; ces sonnets font peut-être entendre la note la plus pure de toute la lyrique amoureuse du siècle.

Après une deuxième édition en 1556, Louise se retire souvent à la campagne, et se tait. Elle meurt en 1566. Son testament, généreux, notamment envers des femmes et des jeunes filles qu'elle prend soin de doter, suggère la vie simple et aisée d'une bonne chrétienne.

Cette image contraste avec les vignettes galantes de sa vie avant sa retraite, qui l'ont malheureusement suivie dans sa postérité. Elle suscite dès son époque des jugements contradictoires. Sa beauté est généralement reconnue, sa personne, ses moeurs et son talent sont tantôt vilipendés (Rubys, Calvin...), tantôt reconnus (La Croix du Maine) voire loués (Billon, Peletier, Paradin...). Il faut attendre, pour la diffusion de son oeuvre, une édition lyonnaise de 1762, et enfin un intérêt plus sérieux, avec celles de Bréghot du Lut (1824), Blanchemain (1875) et Boy (1887). Cependant sa réputation sulfureuse a encore fait délirer bien des imaginations et, en 1985, un roman de K. Berriot, respectable, donne d'elle une image séduisante mais improbable. Ses oeuvres suscitent aujourd'hui de savantes et sérieuses études faisant droit à son talent, voire son génie. En 2005, elle a été mise au programme de l'agrégation de Lettres, pour la première fois dans l'histoire de ce concours.

Oeuvres

1555 : Euvres de Louïze Labé Lionnoize, Lyon, J. de Tournes. Réimpr. corrigée 1556 -- Éd. Fr. Rigolot, OEuvres complètes, Paris, Flammarion «G.-F.», 2004.

Choix bibliographique

  • Demerson, Guy (dir.), Les Voix du lyrisme, Saint-Étienne/Paris, Publications de l'Université de Saint-Étienne/Éditions du CNRS, 1990.
  • Lazard, Madeleine, Louise Labé Lyonnaise, Paris, Fayard, 2004.
  • Martin, Daniel, Signes d'Amante. L'agencement des EUVRES de Loïze Labé Lionnoise, Paris, Honoré Champion, 1999.
  • O'Connor, Dorothy,Louise Labé. Sa vie, et son oeuvre, Genève, Slatkine reprints, 1972 [1926].
  • Rigolot, François,Louise Labé Lyonnaise ou la renaissance au féminin, Paris, Honoré Champion, 1997.

Choix iconographique

  • 1555: Woëriot, Pierre, «Louise Labé Lyonnoise» (gravure),(le seul portrait effectué du vivant de Louise Labé, retrouvé au XIXe siècle, authentifié par la signature P. W. et la date) -- Reproduit dans la plupart des éditions modernes, dont celle citée dans choix bibliog.


Jugements

  • «Il est vrai que plusieurs poëtes du tems ont paru amoureux d'elle dans leurs ouvrages; mais les poëtes sont en droit d'aimer & de déclarer leur passion, sans faire tort à la réputation de celles qu'ils adorent; il est vrai aussi que ses élegies, & ses sonnets sont remplis d'une passion vive & délicate; mais pourquoi une femme qui fait des vers amoureux n'aurait-elle pas le droit de les adresser à un amant imaginaire, comme les poètes ont celui de se faire des maîtresses dans le même genre?» (Beauchamps, Recherches sur les théâtres de France, Paris, Prault, 1735, t.I, partie «Auteurs de mystères, entremets, moralités, sotties, satires et farces avant 1552», p.354).
  • «Dans les OEuvres de la Belle Cordière, imprimées à Lyon en 1555, et réimprimées dans la même ville en 1762, on trouve une pièce très ingénieuse, la meilleure de toutes, intitulée Débat de Folie et d'Amour» (J.M.B. Clément et J. de Laporte, Anecdotes dramatiques, Paris, Veuve Duchesne, 1775, p.238).
  • «femme au demeurant, de bon & gaillard esprit & de mediocre beauté: recevoit gracieusement en sa maison seigneurs, gentilhommes & autres personnes de merite avec entretien de devis & discours, Musique tant à la voix qu'aux instrumens où elle estoit fort duicte, lecture de bons livres latins, & vulgaires Italiens & Espaignols dont son cabinet estoit copieusement garni, collation d'exquises confitures, en fin leur communiquoit privement les pieces plus secretes qu'elle eust, & pour dire en un mot faisoit part de son corps à ceux qui fonçoyent: non toutefois à tous, & nullement à gens mechaniques & de vile condition quelque argent que ceux là luy eussent voulu donner. Elle ayma les sçavans hommes sur tous, les favorisant de telle sorte que ceux de sa cognoissance avoient la meilleure part en sa bonne grace, & les eust preferé à quelconque grand Seigneur & fait courtoisie à l'un plustost gratis qu'à l'autre pour grand nombre d'escus: qui est contre la coustume de celles de son mestier & qualité. Ce n'est pas pour estre courtisanne que je luy donne place en cete Bibliotheque, mais seulement pour avoir escrit en prose françoise, Debat de Folie & d'Amour, dialogue. Et en vers, III. Elegies, XXIIII. Sonnets, dont y en a un en Italien.» (Antoine du Verdier, Bibliothèque, 1584, p.822).
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