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Louise Chatillon
Biographie
Date de naissance 1753
Date de décès 1805
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Christiane Escanecrabe et Nicole Pellegrin, 2008

Filles d’un tonnelier, alphabétisé tout comme le sont ses sept enfants, les soeurs Chatillon sont nées à Châtellerault en Poitou (actuel département de la Vienne) dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Louise et Rose Chatillon, célibataires et catholiques, sont des marchandes «tenant boutique». Elles ne nous sont connues que par la mention de la seule Louise dans les registres des corporations rénovées par les édits de Turgot, par la présence de leurs signatures sur quelques actes notariés et par leurs démêlés avec les autorités révolutionnaires de leur ville. À la veille de la Révolution, Louise se présente comme «marchande mercière drapière», comme «épicière» ou comme «mercière», puis en 1796, comme simple «marchande». À cette date Rose se dit «lingère» avant de mourir «marchande» tout comme une troisième de leurs soeurs, Thérèse, veuve d’un élagueur et propriétaire d’une maison où elles habitent toutes trois avec leur mère et les deux fils de Thérèse.

En 1794, suite à la pénurie de savon, Rose et Louise entreprennent de fabriquer un onguent dégraissant et rédigent une pétition dans laquelle elles demandent la fixation du prix de vente de leur nouveau produit comme l’exigaient les lois -antilibérales- du maximum (depuis le 29 septembre 1793, était imposé un prix-plafond pour les denrées de première nécessité et les salaires). Mais l’initiative des soeurs Chatillon est peu appréciée par les administrateurs municipaux car le prix qu’elles demandent est jugé trop élevé (celui du savon de Marseille a entre temps baissé de près de moitié en trois mois et use moins le linge). On prétend de plus que leur produit risque de déséquilibrer l’économie locale, en utilisant le suif dont les fabricants de chandelles ont par ailleurs besoin.

Deux ans plus tard, le 22 messidor an IV (10 juillet 1796), les gendarmes arrêtent chez les trois soeurs un ancien chanoine d’Ingrandes, réputé «réfractaire», à qui elles ont donné asile. Considérées comme complices de l’ecclésiastique, elles sont arrêtées et incarcérées à la maison d’arrêt de la ville, puis transférées à Poitiers avant de revenir devant la justice de paix de leur ville natale. Parce que Louise et Thérèse étaient absentes lors de l’arrivée du prêtre, elles sont rapidement remises en liberté tandis que Rose se proclame seule coupable. Son jugement est prononcé le 20 fructidor an IV (31 août) et, à l’issue d’une habile défense (l’accusée n’avait-elle pas 24 heures pour dénoncer le prêtre alors qu’il n’a été appréhendé que cinq heures après son arrivée?), Rose Chatillon est acquittée deux mois après son arrestation (entre temps le prêtre s’est évadé de la prison de Châtellerault et son évasion sera mise en chanson). L’inventaire des effets de la boutique des soeurs, effectué le 4 thermidor (22 juillet) en raison des poursuites judiciaires dont elles sont l’objet, mentionne toutes sortes de textiles (cotonnades, droguets et lainages bon marché), de la mercerie (laines à tricoter, galons), de l’épicerie (cassonade), de la poudre à cheveux, des mèches de lampe, etc.

Le goût d’entreprendre, le sens de la solidarité (au moins infra-familiale), la constance religieuse, l’ingéniosité et le courage de ces trois femmes n’ont sans doute rien d’exceptionnel. Ces travailleuses, aussi «receleuses de prêtres», ont, dans toutes les villes de France, des homologues qui restent à découvrir. En mêlant problèmes économiques et enjeux politico-religieux, les archives judiciaires de cette époque révèlent l’importance des initiatives féminines dans tous les champs d’activité.

Sources

  • Archives départementales de la Vienne : L suppl. 197 : Justice de paix du canton de Châtellerault (inventaire et procès).
  • Archives départementales de la Vienne : L 317 : Statistiques agricoles, commerciales et industrielles (prix du savon)

Choix bibliographique

  • Escanecrabe, Christiane, «Une pétition présentée par des Châtelleraudaises au sujet d’un savon qu’elles fabriquent pendant la Révolution», Revue d’histoire du pays châtelleraudais, 4, 2e semestre 2002, p.168-179.
  • Escanecrabe, Christiane, «Recel et évasion: les soeurs Chatillon et le chanoine Chambelan», Revue d’histoire du pays châtelleraudais, 7, 1er semestre 2004, p.55-79.
  • Juratic, Sabine et Nicole Pellegrin, «Femmes, villes et travail en France dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle», Histoire, économie et société, 3e trimestre 1994, p.477-500.
  • Roux, Marquis de, Histoire religieuse de la Révolution à Poitiers et dans la Vienne, Lyon, Lardanchet, 1952.


Jugements

«Trois citoyennes dont la vie fut toujours irréprochable paraissent en ce moment devant vous couvertes à la vérité de l’ignominie du crime, mais fortes du témoignage de leur conscience et pleines de cette sécurité qu’inspire la certitude de l’innocence.» (Mémoire de leur avocat [1796], tel que cité par Christiane Escanecrabe, «Recel et évasion...», voir supra, Choix bibliographique, p.78)

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