Louise Bourgeois

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Louise Bourgeois
Conjoint(s) Martin Boursier
Dénomination(s) Dame Boursier
Dame Bourcier
Biographie
Date de naissance 1563
Date de décès 1636
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)
Dictionnaire Aloïs Delacoux (1833)


Notice de Alison Klairmont Lingo, 2015

Née en 1563 dans une famille aisée du Faubourg Saint-Germain, Louise Bourgeois y apprend à lire et à écrire. Le 30 décembre 1584, elle épouse le chirurgien Martin Boursier, ancien élève du célèbre chirurgien Ambroise Paré. En 1589, les troupes d’Henri IV attaquent Paris, avec des conséquences désastreuses pour les propriétés de la famille Bourgeois. Avec sa mère et ses trois enfants (son mari étant à la guerre), elle se réfugie à Paris. Vivant dans le besoin, elle décide de devenir sage-femme. Sa carrière commence en 1593 ou en 1594 dans son quartier de la Rive Gauche, où elle accouche les femmes des milieux modestes. Sa réputation s’établit vite. Elle affirme avoir présidé à deux mille naissances en quinze ans.
Le 12 novembre 1598, Bourgeois est reçue sage-femme jurée de la ville de Paris malgré l’opposition de Marguerite Dupuis, sage-femme de la reine. Ambitieuse et intelligente, elle accouche bientôt des femmes de toutes les classes sociales. Elle parvient à se faire connaître de la Reine, Marie de Médicis, alors enceinte, et à remplacer Dupuis dans sa charge. Selon Bourgeois, c’est grâce à son habileté lors de la naissance du futur Louis XIII en 1601 que la stabilité de la monarchie est préservée. Par la suite, Bourgeois accouche la reine de cinq autres enfants. La protection de celle-ci rend possible la publication des Observations diverses de Bourgeois, le premier traité médical en France écrit par une femme. Le domaine des imprimés médicaux n’est plus exclusivement masculin. Le premier tome des Observations paraît en 1609, suivi de deux autres en 1617 et en 1626.
Bourgeois jouit de son prestige et de ses relations avec la Cour jusqu’en 1627, lorsqu’elle accouche Marie de Bourbon-Montpensier, belle-sœur du roi Louis XIII. Celle-ci meurt cependant six jours après avoir donné le jour à la future Grande Mademoiselle, et un rapport d’autopsie suggère que Bourgeois en est responsable. Elle publie une Apologie pour se défendre, mais se trouve attaquée dans un pamphlet anonyme, sans doute de Charles Guillemeau, médecin ordinaire du roi. La plupart des médecins et des nobles qui l’avaient soutenue au début de sa carrière étant décédés, personne ne prend sa défense. En 1635, une année avant sa mort, elle publie un Recueil des secrets, livre de recettes médicales.
Les Observations sont bien plus qu’un traité d’obstétrique et de gynécologie. Aux traités médicaux s’ajoutent des récits autobiographiques (Comment j’ai appris l’art de sage-femme), historique (le Récit véritable de la naissance des Enfants de France), des poèmes encomiastiques, et une œuvre didactique (l’Instruction à ma fille). Avant tout, cependant, Bourgeois cherche à améliorer la santé des femmes et des nouveau-nés. Pour ce faire, elle s’appuie surtout sur sa propre expérience, aussi bien que sur la théorie médicale.
Les Observations elles-mêmes comprennent ses protocoles obstétriques, des recettes médicales éprouvées personnellement, et environ quarante-huit études de cas – significatives, car elles témoignent d’un empirisme scientifique croissant à cette époque. Bourgeois est la première à décrire le prolapsus du cordon ombilical et à recommander qu’on coupe le cordon entre deux ligatures lorsqu’il s’enroule autour du cou. L’Instruction à ma fille est une source de conseils moraux et religieux, ainsi qu’une éthique pratique pour sages-femmes, nourrices, et parturientes. Bourgeois supplie les médecins de permettre aux sages-femmes d’assister aux cours d’anatomie, elle critique les praticiens qui ignorent les fondements de la reproduction et du corps féminin, et elle prône la collaboration entre médecins, chirurgiens et sages-femmes, entravée par la rivalité entre ces trois groupes. Avant tout, elle prône le respect pour les rythmes de la nature, selon une philosophie non-interventionniste qu’on retrouvera chez les sages-femmes modernes.
Deson temps, les écrits de Bourgeois ont été aussi connus et aussi populaires que ceux de Paré et du chirurgien Jacques Guillemeau. Les Observations – le premier livre médical d’une femme depuis De curis mulierum de Trota de Salerno du XIIe siècle – ont été traduites en allemand en 1619, en néerlandais en 1658, et en anglais en 1656 (quoique de façon mutilée). Republiées en entier ou partiellement depuis le XVIIe siècle jusqu'à nos jours, elles ont ouvert la voie aux traités des sages-femmes Marguerite du Tertre de La Marche (1677) et Angélique du Coudray (1759) et sont aujourd’hui l’objet d’une curiosité grandissante.

Traduction Stephanie O'Hara.

Oeuvres

  • 1609 : Observations diverses sur la stérilité, perte de fruict, foecondité, accouchements et maladies des femmes et enfants nouveaux naiz, 1er vol. Paris, Saugrain (1er volume).
  • 1617 : Observations diverses sur la stérilité, perte de fruict, foecondité, accouchements et maladies des femmes et enfants nouveaux naiz, 2 vols. Paris, Saugrain.
  • 1626 : Observations diverses sur la stérilité, perte de fruict, foecondité, accouchements et maladies des femmes et enfants nouveaux naiz, 3 vols. Paris, Mondiere -- Observations diverses sur la stérilité, perte de fruits, fécondité, accouchements et maladies des femmes et enfants nouveau-nés ; suivi de Instructions à ma fille : 1609, éd. Françoise Olive, Paris, Côté-femmes [cette édition reproduit de façon partielle l’édition posthume de 1652, Paris, Dehoury et Ruffin; elle ne contient pas les textes « Comment j’ai appris l’art de sage-femme, » « Récit véritable de la naissance de messeigneurs et dames les enfants de France »].
  • 1627 : Apologie de Louyse Bourgeois dite Bourcier, Sage femme de la Royne mere du Roy, & de feu Madame. Contre le rapport des medecins, Paris, Mondiere.
  • 1627 ?: Fidelle relation de l’accouchement, maladie et ouverture du corps de feu Madame [s.l.]
  • 1635 : Recueil des secrets, Paris, Mondiere.


  • Louise Bourgeois, Diverse Observations On Sterility, Miscarriages, Fertility, Childbirth, and Diseases of Women and Newborn Children, éd. Alison Klairmont Lingo et tr. Stephanie O’Hara, The Other Voice in Early Modern Europe, The Toronto Series, et The Medieval and Renaissance Texts and Studies Series. Toronto, Iter Academic Press, et Tempe, Arizona Center for Medieval and Renaissance Studies, à paraître.

Choix bibliographique

  • Lingo, Alison Klairmont, «The Work and Life of Louise Bourgeois: An Other Voice in Early Modern Europe», in Louise Bourgeois, Diverse Observations On Sterility, Miscarriages, Fertility, Childbirth, and Diseases of Women and Newborn Children, éd. Alison Klairmont Lingo et tr. Stephanie O’Hara, The Other Voice in Early Modern Europe, The Toronto Series, et The Medieval and Renaissance Texts and Studies Series. Toronto, Iter Academic Press, et Tempe, Arizona Center for Medieval and Renaissance Studies, à paraître.
  • McTavish, Lianne, Childbirth and the Display of Authority in Early Modern France, Burlington, Vermont, Ashgate Publishing, 2005.
  • Perkins, Wendy, Midwifery and Medicine in Early Modern France. Louise Bourgeois, Exeter, University of Exeter Press, 1996.
  • Rouget, François et Winn, Colette, «Introduction», in Louise Boursier, Récit véritable de la naissance de Messeigneurs et Dames les Enfans de France, éd. François Rouget et Colette H. Winn, Genève, Droz, 2000.
  • Worth-Stylianou, Valerie, Les Traités d’obstétrique en langue française au seuil de la modernité, Genève, Droz, 2007.


Choix de liens électroniques

  • Site bilingue de Valerie Worth-Stylianou, consacré aux récits de naissance dans les traités médicaux en langue française entre c. 1500 et 1630: [1].
  • Alison Klairmont Lingo, «Une femme parmi les obstétriciens du XVIIe siècle: Louise Bourgeois»: [2].

Jugements

  • «J’ai acheté, ce jour, un livre nouveau (proprement du temps et digne de ce siècle), imprimé in-8° par Saugrain, et fait par la Boursier, sage-femme de la reine, traitant des maladies et accouchements des femmes, lequel j’ai estimé d’autant plus authentique et recueillable, que cette femme peut savoir beaucoup de petits secrets de nature, qu’elle a appris dans un bassin de barbier. J’en ai donné un quart d’écu, qu’il faudra que je retire de quelque autre fadaise pareille à celle-ci.» (Pierre de l’Estoile, 8 janvier 1609, Journal pour le règne de Henri IV, 1575-1611, éd. André Martin, Paris, Gallimard, 1958, p.416)
  • «[C]ar tous les hommes doctes qui ont veu vostre livre et observé vostre pratique les cognoissent et les rejettent, et seroit tres-bon et tres-utile que jamais la France n’en eut ressenty les effects comme elle les resent.» (Anon. [Charles Guillemeau?], Remonstrance à Madame Bourcier, touchant son Apologie, contre le Rapport que les Medecins ont faict, de ce qui a causé la mort deplorable de Madame, Paris, Julian Jacquin, 1627, p.14)
  • «Louise Bourgeois, dite Boursier, l’unique Phoenix de son sexe, & l’un des rare flambeaux de nostre temps, sage femme de la feuë reyne Marie de Medicis, a fait voir par ses ecrits que sa pratique tant loüée & tant estimée qui estoit arrive à un si haut point de gloire & d’honneur, n’estoit qu’un effet de la grande doctrine et de la rare science qu’elle avoit acquise, comme elle le tesmoigne en plusieurs endroits de ses oeuvres, par la Lecture des bons Livres qui traitent de cette matiere, & par la conversation frequente et les enseignmêts receus de plus doctes et des Habiles medecins.» (Charles de Sainct-Germain, L’Eschole methodique et parfaite des sages-femmes; ou l’art de l’accouchement, «Avant-Propos», Paris, Cousier, 1650, s.p.)
  • «Je finis par un livre composé par Louise Bourgeois, dite Boursier, sage-femme de Marie de Médicis, Reine de France, à laquelle elle l’a dédié. Ce livre contient L. Chapitres et il a été imprimé à Paris, in-12 en 1609 sous le titre, Observations diverses sur la sterilité, pertes de fruit, fécondité, accouchemens, & maladies des femmes & enfans nouveaux nés. On peut juger par-là que ce qui regarde les accouchemens, ne fait qu’une partie de cet Ouvrage, où il n’y a d’ailleurs aucun ordre ni aucune méthode, mais qui est écrit avec une franchise & ingénuité, qui ne permettent pas de douter que l’Auteur n’y ait mis tout ce qu’elle sçavoit, et il paroît qu’elle sçavoit ce qu’on sçavoit de son tems.» (Jean Astruc, L’art d’accoucher réduit a ses principes, Paris, Cavelier, 1768, p.xviii [sic ; lxviii].)
  • «Nombre de médecins & Chirurgiens ont marché sur ses traces, des femmes même ont écrit utilement sur cet Art: telle fut Louise Bourgeois.» (Pierre Sue, Essais historiques, littéraires et critiques sur l’art des accouchemens, Paris, Bastien, v.1, 1779, p.xv.)
  • «Tout est pratique et observations dans ce qu’a écrit cette femme distinguée, et les conseils qu’elle donne sont presque tous marqués au coin de la plus mûre expérience [.….] De tous les accoucheurs anciens, sans en excepter J. Guillemeau, Louise Bourgeois est peut-être celle qui établi avec le plus d’exactitude les divers modes sous lesquels le foetus peut se présenter dans le travail de la parturition.» (Achille Chéreau, Esquisse historique sur Louise Bourgeois, dite Boursier, sage-femme de la reine Marie de Médicis, Paris, Malteste, 1852, p.32)
  • «Livre d’apprentissage qui préserve l’image d’une femme douée d’une réelle dignité, d’une largeur d’esprit tout à fait remarquables par l’époque, l’Instruction a ma fille nous permet de marquer rétrospectivement une prise de conscience féministe.» (Colette H. Winn, «De sage(-)femme a sage(-)fille. Louise Boursier, Instruction à ma fille (1626),» French Seventeenth Century Literature, t. 24, nº46, (1997), p.77.
  • «En abordant l’oeuvre de Louise Bourgeois (dite Boursier) nous nous trouvons confrontés à un double paradoxe: c’est la seule femme écrivain que nous ayons rencontrée dans ce domaine de la médecine, et c’est aussi l’auteur, aux côtés d’Ambroise Paré, dont la réputation a le mieux traversé les siècles.» (Valérie Worth-Stylianou, Les Traités d’obstétrique en langue française au seuil de la modernité, Genève, Droz, 2007, p.319)
  • «Louise Bourgeois est une sage-femme hors du commun, car elle a assisté tant les pauvresses des faubourgs de Paris que la reine Marie de Médicis; et cette double pratique lui confère une expérience sans pareille. Par son parcours et sa dextérité, elle est le témoin privilégié de cette époque charnière de l’histoire des mentalités qu’est la fin du XVIème et le début du XVIIème siècle.» (Jacques Gélis, «Louise Bourgeois 1563-1636, une sage-femme entre deux mondes,» Histoire des sciences médicales, t.XLIII, nº 1, 2009, p.27)
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