Louise Anne Christine de Foix de La Valette d'Épernon

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Louise Anne Christine de Foix de La Valette d'Épernon
Dénomination(s) Mademoiselle d'Épernon; Madame d'Épernon; soeur Anne-Marie de Jésus
Biographie
Date de naissance 1624
Date de décès 22 août 1701
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)



Notice de Nicole Pellegrin, 2015

Louise-Anne-Christine de Foix de La Valette d’Épernon, née en 1624, est l’aînée des deux enfants de Bernard, duc d’Épernon, et de Gabrielle de Bourbon, fille légitimée de Henri IV et de Gabrielle d'Estrées, et la sœur de Louis, marquis de La Valette, plus tard duc de Candale. Apparentée au roi, elle est tenue sur les fonts baptismaux par Louis XIII et Anne d'Autriche. Orpheline de mère à 3 ans, elle bénéficie de l’attention de la reine, puis vit auprès d’un grand-père exilé dans ses terres jusqu’à sa mort en 1642. Elle passe alors en Angleterre avec son père, un temps disgracié, puis revient, âgée d’une vingtaine d’années, à la Cour dont elle goûte les plaisirs.
Sa « conversion » aurait eu lieu dans le chœur de l’église du Carmel de Paris, où elle décide d’entrer, en dépit de la volonté qu’ont sa parentèle et le couple royal de l’unir à Casimir, frère du roi élu de Pologne et son futur héritier. En 1648, elle profite d’un voyage qui doit la mener de Bordeaux aux eaux de Bourbon, pour entrer clandestinement au Carmel de Bourges avec deux de ses suivantes. Dans ce monastère, littéralement assiégé par les gens du duc d’Épernon, gouverneur loyaliste de la Guyenne, et malgré les supplications de son frère et de la seconde épouse de son père, elle s’habille prématurément en religieuse pour se protéger d’un enlèvement. Croyant peu solide la vocation de sa fille, le duc la laisse repartir et entrer au Carmel de la rue Saint-Jacques à Paris, où elle prend, officiellement, l’habit de novice puis, plus vite encore, celui de professe au terme de multiples coups de théâtre et d’âpres négociations épistolaires avec son père, des membres de sa famille (dont les abbesses de Fontevrault et de Montmartre), la reine, le cardinal Mazarin, plusieurs chefs d’ordres monastiques, le nonce apostolique, nombre d’hommes de loi (le Parlement de Paris est saisi, mais a alors quitté Paris), enfin le pape Innocent IX, qui émet un bref favorable. Le duc d’Épernon est furieux de voir « son autorité méprisée » et « ses grandes espérances renversées », mais se résigne et serait mort pieusement grâce aux prières de sa fille en 1661.
La vocation religieuse de la sœur Anne-Marie de Jésus, pronostiquée dès l’âge de six mois par la mère Madeleine de Saint-Joseph, première prieure française du Carmel, n’a donc rien de contraint. Le combat opiniâtre mené par la jeune femme pour devenir moniale est exemplaire, car il révèle et le poids des contraintes pesant sur les femmes de la haute noblesse et la force de caractère d’une femme de foi, habile à jouer de sa position pour parvenir à devenir carmélite et tenir, depuis sa cellule ou le parloir, un rôle officieux de directrice spirituelle et de modératrice politique tout en restant simple moniale. N’est-elle pas en correspondance avec de grands personnages comme le prince de Conti, la princesse de Longueville (elle aurait « converti » l’une et l’autre), les familles d’Orléans et Condé, la Grande Mademoiselle, Madame de Miramion, Bossuet, le maréchal de Bellefonds (le dévot confident de Louise de La Vallière), des « demoiselles de qualité » et autres anonymes ?
Usant de la topique propre aux vies spirituelles, son biographe, l’abbé de Montis, se complaît, en 1774, soixante-dix ans après sa mort de la carmélite, à décrire sa constance, ses mortifications, son humilité, sa générosité, ses angoisses (« troubles » et « sécheresses »), ses maladies incessantes, sa dévotion à la Vierge et aux saints (Thérèse, Bernard, Augustin). Mais il ne peut taire sa ferveur pour la relique de la Sainte-Épine conservée à l’abbaye de Port-Royal et il indique, de façon très allusive, des liens qui avaient « rendu sa foi suspecte » aux yeux de certains (les anti-jansénistes ?), liens qui auraient suspendu un temps la plume même de l’hagiographe. Dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, le Carmel, où venait d’entrer en 1770 Louise de France, fille de Louis XV, se cherchait d’illustres patronages pour pallier la baisse de ses revenus et de ses recrues et pour contrer, tout autant, les critiques généralement portées contre les vocations forcées et le monachisme féminin. La notoriété de la sœur Anne-Marie de Jésus ne pouvait qu’être conjoncturelle ; les éclats et les non-dits de la vie de cette moniale nous renseignent aujourd’hui sur les lendemains religieux de la Fronde, le rôle des femmes dans le catholicisme français post-tridentin et l’intensité des relations épistolaires qui ont contribué à sa diffusion.

Oeuvres

  • Extraits de lettres et de mémoires justificatifs, cités, en italiques mais sans datation, par Montis dans sa biographie de la sœur Anne-Marie de Jésus (voir infra Principales sources).
  • 1647-1648: Archives du Grand Couvent de Paris: Lettres écrites et reçues, janvier 1647-septembre 1648.
  • 1653-1660: BnF fr. 20 479: Lettres à son père.
  • 1653-1660: BnF fr. 24 987: Lettres à la marquise d’Huxelles.
  • 1671-1691: BnF, Réserve, 8° Z. Le Senne, 8331: Lettres au maréchal de Bellefonds.

Principales sources

Archives inédites

  • BnF, Ms français 14 469: « La vie de Madame d'Épernon, Anne-Marie de Jésus, Carmélite, par M. BOILEAU, chanoine du chapitre de St-Honoré ».
  • BnF imprimés Ld 821: Lettre circulaire .

Sources imprimées

  • Montis, abbé de, La Vie de la vénérable sœur de Foix de La Valette d’Epernon, religieuse carmélite, en religion sœur Anne-Marie de Jésus, Paris, Berton, 1774 [1].
  • Montpensier (la Grande Mademoiselle, duchesse de), Mémoires, Paris, Fontaine, 1985, t. I, p. 101-102.
  • Voir aussi des éléments éparpillés dans les œuvres de la duchesse de Montpensier, Guez de Balzac, Sévigné, Saint-Simon, cités par V. Larcade (voir infra Choix bibliographique).

Choix bibliographique

  • Eriau, Jean-Baptiste, L’Ancien Carmel du faubourg Saint-Jacques (1604-1792), Paris, Picard, 1929.
  • Larcade, Véronique, « Les Replis de l’évidence : la religion de Madame d’Epernon (1646-1701) », dans Itinéraires spirituels, enjeux matériels en Europe, t. I : Sous le sceau des réformes : entre continuités et ruptures, mélanges offerts à Ph. Loupès, dir. Anne-Marie Cocula et Josette Ponte, Bordeaux, P. U. Bordeaux, 2005, p. 253-272.
  • Niderst, André, « De la cour au cloître : la correspondance d’Anne-Louise d’Epernon et des carmélites du Faubourg Saint Jacques », dans Correspondances. Mélanges offerts à Roger Duchêne, dir. Wolfgang Leiner et Pierre Ronzeaud, Collection « Études littéraires françaises », Publications de l' Université d' Aix-en-Provence, 1992, p. 325-334.
  • Vergnes, Sophie, Les Frondeuses. Une révolte au féminin (1643-1661), Seyssel, Champ Vallon, 2013.

Choix iconographique

  • XVIIe siècle: Portrait -- L’Art du XVIIe siècle dans les carmels de France, Paris, Musée du Petit Palais, 1982, p. 99.

Jugements

  • « […] C’est de quoi vous pourrait dire ma sœur Anne Marie de Jésus, qui s’est abaissée pour Dieu jusqu’à ce point que je la puisse nommer ma sœur, et qui trouvera dans son intérieur ces meubles précieux de la grâce dont Dieu enrichit les cabinets de ses courtisans et de ses favoris. Je la salue et je vous prie de me recommander à ses prières. » (lettre du père Surin à Madame de Pontac, première présidente à Paris. Bordeaux, 3 janvier 1665, dans Jean-Joseph Surin, Correspondance, éd. Michel de Certeau, Paris, Desclée de Brouwer, 1966, p. 1653).
  • « Les Religieuses du Carmel trouveront dans la Sœur Anne-Marie un modèle accompli de ferveur, de pénitence, de cette mortification intérieure et extérieure que leur glorieuse Mère recommande à celles, qui après avoir embrassé sa sainte Règle, désirent sincèrement s’élever à une sublime perfection. […] Ceux auxquels le Seigneur a donné des enfans, en voyant les vains & inutiles efforts que fit long-temps le Duc d’Epernon pour empêcher sa fille de correspondre aux volontés de Dieu, qui l’appeloit à lui dans la retraite, comprendront que quelques droits que la nature leur donne sur les enfans qu’ils ont mis au monde, ces enfans appartiennent encore plus à Dieu qu’à eux […] » (Montis, La Vie de la vénérable sœur…, voir supra, Principales sources, p. VII-X).
  • « Humble et défiante d’elle-même, elle ne s’apercevait pas que ses rapports avec le monde ne lui faisaient rien perdre d’une ferveur qui la rendait l’exemple de toute la communauté. Ses supérieures furent obligées de lui ordonner de continuer à recevoir des visites qui pouvaient être si utiles aux personnes qui les faisaient. » (Guy-Toussaint-Julien Carron de La Carrière, « Vie de Mademoiselle d’Epernon », dans Vies des dames françaises qui ont été les plus célèbres dans le XVIIe siècle, par leur piété et leur dévouement pour les pauvres (…), 6e éd., Lyon et Paris, Perisse, 1839, p. 433).
  • « Anne-Louise n’était pas une sainte. […] À vrai dire, sa ferveur paraît un peu courte : recours aux objets : reliques et scapulaire de la robe de la bienheureuse Madeleine, copie d’un Ecce homo ; recours aux intercesseurs : les vivants – Marie de la Trinité, qu’elle rencontre à Auch, Marthe du Vigean devenue Marthe de Jésus, et ses correspondantes, auxquelles elle demande des prières – et les morts – Madeleine et Catherine de Jésus – crainte du diable, ce « malin esprit », qui risque de la replonger dans le monde. La sous-prieure, Agnès-Judith de Bellefonds, semble avoir une autre envergure et, dans certaines lettres, elle se fait une persuasive directrice de conscience. » (André Niderst, « De la cour au cloître : la correspondance d’Anne-Louise d’Epernon et des carmélites du Faubourg Saint Jacques », dans Correspondances. Mélanges offerts…, voir supra, Choix bibliographique, p. 332).
  • « La célébrité d’Anne-Marie de Jésus laisse de larges pans d’ombre. Elle marqua ses contemporains, mais non sans contradictions ni problèmes. Ce qu’elle a laissé de sa plume ne pose pas moins de questions. Indéniablement cette existence, toute de transparence en apparence, présente une opacité substantielle. […] Il est clair que la duchesse-carmélite était pour les gens du monde une sorte de vivant tableau de vanité, qu’elle suscite alors le malaise ou la fascination. » (Véronique Larcade, « Les Replis de l’évidence... », voir supra, Choix bibliographique, p. 253).
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