Jeanne Séguier : Différence entre versions

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Jeanne Séguier
Dénomination(s) Soeur Jeanne de Jésus; Mère Jeanne de Jésus
Biographie
Date de naissance 1596
Date de décès 25 avril 1675
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de [[Nicole Pellegrin], 2015

Fille de Jean Séguier, seigneur d’Autry (lieutenant civil de Paris mort en 1596) et de Marie Tudert (décédée en 1638), Jeanne naît dans une famille d’éminents juristes de la noblesse parlementaire parisienne ; sa parentèle compte le cardinal de Bérulle et Barbe Avrillot, épouse du ligueur Pierre Acarie. Elle est la sœur cadette du puissant chancelier Pierre Séguier (1588-1672) qui, très lié aux carmélites, s’en fait le protecteur à Pontoise et à Beaune, notamment. Leur mère, devenue veuve, finit sa vie au Carmel parisien de l’Incarnation (le « Grand Couvent ») où elle est entrée en 1615. Âgée de 14 ans, Jeanne entre elle-même à Pontoise, y prononce ses vœux à 17 ans, le 25 avril 1613 et y meurt le 25 avril 1675, après avoir été, à plusieurs reprises, à partir de 1624, prieure en ce lieu, mais aussi à Gisors et à Saint-Denis. Sa correspondance, riche de références aux Évangiles et aux Psaumes, parfois latines, est révélatrice de sa culture et de sa personnalité de contemplative jouant un rôle actif dans l’ici-bas. En vraie carmélite, elle prône le détachement du monde pour les religieux et religieuses comme pour les laïcs. Elle partage avec son frère le culte des reliques, dont celles de Marguerite du Saint-Sacrement, morte au carmel de Beaune en 1648 (elle l’a fait aussitôt peindre en pied d’après son masque mortuaire) et sa vénération est profonde pour Thérèse d’Avila et pour sa cousine Barbe Acarie, devenue Marie de l’Incarnation qu’elle a connue avant sa mort à Pontoise et dont elle soutient la cause de béatification. Elle s’attache à faire décorer son couvent et, prisant plus que tout la vie religieuse, elle ne craint pas d’en imposer le choix à une jeune parente, Madelon, enlevée à sa famille à l’âge de huit ans et future sœur Madeleine-Françoise de Jésus. Pourtant, contrairement à d’autres moniales de son temps, elle se méfie des phénomènes mystiques : « Ces voies si extraordinaires sont dangereuses ». En femme de pouvoir et de haute lignée, elle incite son frère (il la dit « Secrétaire d’Etat des pauvres ») à faire réduire les impôts de la ville de Pontoise et à aider financièrement des couvents ravagés par le feu, mais elle se soucie aussi de riches amis et d’ecclésiastiques auxquels elle dit avoir « des obligations ». Elle soutient diverses actions contre les protestants ou en faveur de catholiques anglais (bénédictins persécutés ou agents diplomatiques convertis). Quand son frère craint d’être disgracié à l’automne 1643, elle l’aide aussi de ses conseils et de ses interventions épistolaires auprès de plusieurs personnes de la Cour. Elle lui propose même de cacher au carmel des papiers compromettants. Enfin, elle est mêlée à la double querelle qui, entre 1658 et 1661, bouleverse l’ordre du Carmel à propos du droit de visite des supérieurs dans les couvents, puis de leur contrôle par l’évêque du lieu. Sur ces deux points, il y a désaccord entre certaines communautés et le « Grand Couvent », le premier fondé en France, prompt à vouloir « se rendre chef d’ordre ». Selon Jeanne, c’étaient « des filles de Cour, qui en ont conservé l’esprit de domination et toutes leurs amitiés séculières sous leur voile » ; elles « savent tout » et leur couvent « a sa bourse remplie de cent mille livres de Monsieur d’Epernon. C’est de quoi faire la guerre à l’ordre et le pousser à sa dernière ruine ». Ces combats sont menés depuis Pontoise, par la plume et dans le parloir, auprès d’Anne d’Autriche, de gens de Cour, d’évêques, du nonce et de son frère. Ils révèlent les préoccupations mondaines complexes (et changeantes) des différents protagonistes autant que leurs inquiétudes spirituelles et politiques : elle voudrait que Robert Arnauld d’Andilly, soutenu par les carmélites de l’Incarnation et Mme de Longueville, ne soit pas le traducteur des Œuvres de Thérèse d’Avila (publiées entre 1659 et 1670) ; elle s’insurge des efforts du roi pour placer sous la juridiction de l’évêque un ordre habitué à l’indépendance et soucieux de préserver « l’esprit primitif » des fondatrices espagnoles et françaises. Entre mépris du monde et souci des affaires terrestres (familiales ou d’État), entre méfiance antijanséniste et défiance anticuriale, la religieuse n’oscille pas. Sa vocation (de) religieuse se prolonge naturellement dans des intrigues de pouvoir, étonnantes à nos yeux, mais qui lui paraissent guidées par Dieu. Longtemps réduit à une note en bas de page, le personnage de Jeanne a pris de l’épaisseur et gagné en complexité grâce aux recherches de Bernard Hours.

Oeuvres

  • BnF, Ms. fr. 17367-17412 : 86 lettres autographes dans le fonds Séguier (1643-1668), avec une interruption de 1648 à 1659.
  • Jeanne de Jésus Séguier, Lettres à son frère, chancelier de France, présentées et annotées par Bernard Hours, Lyon, Larhra, 1992.

Principales sources

  • Archives du carmel de Pontoise, Livres des vêtures, professions et décès.
  • Chroniques de l’Ordre des carmélites de la réforme de sainte Thérèse, depuis leur introduction en France, Troyes, 1846-1865, 5 vol.

- Lettres et mémoires adressés au chancelier Séguier (1633-1649), éd. Roland Mousnier, Paris, PUF, 1964, 2 vol.

Choix bibliographique

  • Fabienne Henryot, « Les carmes et carmélites déchaussés face au livre au XVIIe siècle », in J.-B. Lecuit (dir.), Le dieu de l’intériorité. Le Carmel réformé en France, 1611-2011, Paris, Desclée de Brouwer, 2011, p. 123-152 [1].
  • Bernard Hours, « L’impossible mépris du monde : les lettres de Jeanne Séguier à son frère (1643-1668) », Revue d’histoire de l’Eglise de France, t. 77, 1999, n° 199, pp. 351-370 [2].
  • Jean-Dominique Mellot, Histoire du Carmel de Pontoise, t. I : 1605-1792, Paris, Desclée de Brouwer, 1994.
  • Christian Olivereau (dir.), Les collections du Carmel de Pontoise, Paris, Créaphis, 2004, ill.

Jugements

  • « Le sentiment baroque de la vanité du monde, exprimée par l’écoulement du temps et les vicissitudes de la fortune, l’emporte sur tout autre. […] Il convient donc de cultiver le mépris pour ce monde soumis à une érosion perpétuelle, et de ne rechercher aucun appui auprès des créatures soumises aux mêmes conditions. […] Il faut se tenir dans la main de Dieu, la seule réalité inaltérable et immortelle […] Il était naturel que, malgré sa vocation, une contemplative y agît parfois comme une séculière » (B. Hours, « L’impossible mépris du monde : les lettres de Jeanne Séguier à son frère (1643-1668) », Revue d’histoire de l’Eglise de France, t. 77, 1999, n° 199, p. 353).

- « Jeanne de Jésus Séguier (1596-1675) est l’autre grande instigatrice des programmes de décorations du Carmel. Cousine de Madame Acarie, sœur du chancelier, elle est l’une des figures les plus éminentes du Carmel français au XVIIe siècle, instituant à Pontoise de par ses relations un centre de piété prestigieux. Grande admiratrice de Madame Acarie, elle sut user de toute son influence pour porter la cause de sa béatification et l’encourager. Ainsi elle fit aménager l’ermitage de la bienheureuse. […] « pour avec le temps y mettre le tombeau, en sorte que le dedans et le dehors en pussent avoir la ioüissance, elle fut bastie des aumones de Madame la Présidente de La Moignon » (Clotilde Roy, « L’art au Carmel de Pontoise au XVIIe siècle » in Christian Olivereau (dir.), Les collections du Carmel de Pontoise, Paris, Créaphis, 2004, p. 21). -->

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