Jeanne Delanoue : Différence entre versions

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Au moment où meurt sa mère, un nouveau directeur de conscience (il le reste de 1692 à 1717), le chapelain de l’Hôtel-Dieu de Saumur, Jean Géneteau, l’aurait fait passer de la crainte à l’amour de Dieu. Cet homme lui fait découvrir, lors d’une prédication de Carême, la nécessité de pratiquer les bonnes œuvres, alors que l’âpreté au gain de Jeanne l’a poussée jusqu’alors à ouvrir boutique les dimanches et jours fériés et à refuser d’aider les pauvres de son quartier et même à ouvrir boutique les dimanches et jours fériés. En respectant l’interdit de vendre ces jours-là, elle s’ouvre à une autre forme de vie que scelle sa rencontre avec une mendiante et pèlerine bretonne venue aux Ardilliers, Françoise Souchet (c. 1635-1704) qui l’engage à secourir les indigents. Cette « conversion » se traduit le lendemain de la Fête-Dieu 1693 par une première extase de « trois jours et trois nuits sans boire ni manger » et des visions, bientôt récurrentes, de l’Enfer, de Marie et du Christ. En 1702, elle laisse son commerce à sa nièce avaricieuse et transforme sa maison et les grottes du coteau adjacent en une sorte d’hospice qu’elle nomme La Providence. Mais le 3 juillet 1703, cette colline des Fondis s’écroule et n’écrase qu’un des douze « petits pauvres »  qu’elle abritait. Dès le mois suivant, un second logis accueille la première postulante, une campagnarde, dont la prise d’habit a lieu en 1704 le jour de la sainte Anne (26 juillet) aux côtés de Jeanne, de sa nièce « convertie » et d’une paysanne, les premières Sœurs de Sainte-Anne de la Providence. <br/>  
 
Au moment où meurt sa mère, un nouveau directeur de conscience (il le reste de 1692 à 1717), le chapelain de l’Hôtel-Dieu de Saumur, Jean Géneteau, l’aurait fait passer de la crainte à l’amour de Dieu. Cet homme lui fait découvrir, lors d’une prédication de Carême, la nécessité de pratiquer les bonnes œuvres, alors que l’âpreté au gain de Jeanne l’a poussée jusqu’alors à ouvrir boutique les dimanches et jours fériés et à refuser d’aider les pauvres de son quartier et même à ouvrir boutique les dimanches et jours fériés. En respectant l’interdit de vendre ces jours-là, elle s’ouvre à une autre forme de vie que scelle sa rencontre avec une mendiante et pèlerine bretonne venue aux Ardilliers, Françoise Souchet (c. 1635-1704) qui l’engage à secourir les indigents. Cette « conversion » se traduit le lendemain de la Fête-Dieu 1693 par une première extase de « trois jours et trois nuits sans boire ni manger » et des visions, bientôt récurrentes, de l’Enfer, de Marie et du Christ. En 1702, elle laisse son commerce à sa nièce avaricieuse et transforme sa maison et les grottes du coteau adjacent en une sorte d’hospice qu’elle nomme La Providence. Mais le 3 juillet 1703, cette colline des Fondis s’écroule et n’écrase qu’un des douze « petits pauvres »  qu’elle abritait. Dès le mois suivant, un second logis accueille la première postulante, une campagnarde, dont la prise d’habit a lieu en 1704 le jour de la sainte Anne (26 juillet) aux côtés de Jeanne, de sa nièce « convertie » et d’une paysanne, les premières Sœurs de Sainte-Anne de la Providence. <br/>  
 
Face aux difficultés d’une fondation mal assurée financièrement et peu appréciée par les autorités civiles et religieuses hostiles à la prodigalité, au mysticisme et aux mortifications extrêmes de Jeanne, le passage en 1706 du jeune missionnaire et futur co-fondateur des Filles de la Sagesse, Louis-Marie Grignion de Montfort, semble avoir conforté Jeanne dans son entreprise. Celle-ci est approuvée officiellement par l’évêque d’Angers le 24 septembre 1709. La congrégation prend de l’extension, s’installe dans de nouveaux bâtiments et entreprend de fonder petites écoles et/ou services d’hôpitaux en Anjou, Bretagne et Berry, et cela au prix d’incessantes démarches et autres sollicitations. Quelques mois d’« angoisses intérieures et […] ténèbres épaisses » précèdent la mort, édifiante et apaisée, à l’âge de 71 ans, de Jeanne Delanoue le 17 août 1736.<br/>
 
Face aux difficultés d’une fondation mal assurée financièrement et peu appréciée par les autorités civiles et religieuses hostiles à la prodigalité, au mysticisme et aux mortifications extrêmes de Jeanne, le passage en 1706 du jeune missionnaire et futur co-fondateur des Filles de la Sagesse, Louis-Marie Grignion de Montfort, semble avoir conforté Jeanne dans son entreprise. Celle-ci est approuvée officiellement par l’évêque d’Angers le 24 septembre 1709. La congrégation prend de l’extension, s’installe dans de nouveaux bâtiments et entreprend de fonder petites écoles et/ou services d’hôpitaux en Anjou, Bretagne et Berry, et cela au prix d’incessantes démarches et autres sollicitations. Quelques mois d’« angoisses intérieures et […] ténèbres épaisses » précèdent la mort, édifiante et apaisée, à l’âge de 71 ans, de Jeanne Delanoue le 17 août 1736.<br/>
Apostolique tourmentée, Jeanne Delanoue reste peu connue hors de l’Anjou malgré l’expansion rapide de son ordre et des miracles attestés par l’Eglise : multiplications de pains ou d’étoffes, guérisons. Béatifiée en 1947 et canonisée en 1982, elle pratique, en plein siècle des Lumières, une religion mortifiante qui se voue au soulagement des « pauvres abandonnés » (bébés, vieillards), « pauvres honteux », « pauvres de la porte », « pauvres captifs », filles « demi-perdues » et autres. En fondant une congrégation, hospitalière et enseignante, qu’elle place sous la sauvegarde de la seule Providence, Jeanne Delanoue innove durablement : elle refuse de recevoir des rentes et elle recrute sans dot des religieuses pouvant être infirmes, qui vivent hors clôture, ne prononcent pas de vœux perpétuels et ne comptent pas de sœurs converses. Les interdits qui organisent initialement la vie des Servantes des Pauvres (pas de chant aux offices ni de repas hors communauté, port d’un habit de serge grise) permettent de reconstituer, en creux, les heurs et malheurs d’un monde en proie aux calamités naturelles, aux crises de subsistances et aux angoisses de son salut.  
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Apostolique tourmentée, Jeanne Delanoue reste peu connue hors de l’Anjou malgré l’expansion rapide de son ordre et des miracles attestés par l’Eglise : multiplications de pains ou d’étoffes, guérisons. Béatifiée en 1947 et canonisée en 1982, elle pratique, en plein siècle des Lumières, une religion mortifiante qui se voue au soulagement des « pauvres abandonnés » (bébés, vieillards), « pauvres honteux », « pauvres de la porte », « pauvres captifs », filles « demi-perdues » et autres. En fondant une congrégation, hospitalière et enseignante, qu’elle place sous la sauvegarde de la seule Providence, Jeanne Delanoue innove durablement : elle refuse de recevoir des rentes et elle recrute sans dot des religieuses pouvant être infirmes, qui vivent hors clôture, ne prononcent pas de vœux perpétuels et ne comptent pas de sœurs converses. Les interdits qui organisent initialement la vie des Servantes des Pauvres (pas de chant aux offices ni de repas hors communauté, port d’un habit de serge grise) permettent de reconstituer, en creux, les heurs et malheurs d’un monde en proie aux calamités naturelles, aux crises de subsistances et aux angoisses de son salut.  
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==Oeuvres==
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* Une poignée de lettres de direction et de demande d’argent, citées (et réécrites ?) par ses biographes (le chanoine Georges Blond, ''La mère des pauvres. Jeanne Delanoue, 1666-1736'', Saumur, Congrégation des Sœurs de Jeanne Delanoue à Saint-Hilaire-Saint-Florent, 1968, p. 161, 179).
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* « Règles » (en collaboration avec Marie Laigle, leur congrégation et autres), «Conseils spirituels», «Prières», ''ibidem'', p. 289-318.
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==Principales sources==
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* Marie Laigle, « La vie de notre chère mère Jeanne Delanoue », texte du manuscrit édité par le chanoine Georges Blond, dans ''La mère des pauvres. Jeanne Delanoue, 1666-1736'', Saumur, Congrégation des Sœurs de Jeanne Delanoue à Saint-Hilaire-Saint-Florent, 1968, p. 1-288.
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* [Abbé Cever], ''Discours sur la vie et les vertus de la vénérable sœur Jeanne Delanoue Fondatrice & première Superieure de la Maison de la providence de Saumur, décédée le 16 Août 1736 en odeur de sainteté'', Angers, Pierre-Louis Dubé, 1743.
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==Choix bibliographique==
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* ''La vénérable Jeanne Delanoue, Fondatrice des Sœurs de Sainte Anne de la Providence de Saumur Servantes des Pauvres, 1666-1736'', Angers, Société anonyme des Editions de l’Ouest, 1930.
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* B-d-E, « Sainte-Anne (Congrégation des Sœurs de), servantes des pauvres. Vie de Jeanne de La Nouë, fondatrice de cette Congrégation et de l’hospice de la Providence, à Saumur » in les pères Hélyot, Badiche et Tochou (dir.),  ''Dictionnaire des ordres religieux'' […], Paris, J.-P. Migne, ''Encyclopédie théologique'', t. XXIII/ 4, 1859, col. 1383-1392.
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* Blond, Georges, ''La mère des pauvres. Jeanne Delanoue, 1666-1736'', Saumur, Congrégation des Sœurs de Jeanne Delanoue à Saint-Hilaire-Saint-Florent, 1968
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* Darricau, Raymond, Bernard Peyrous et Jean de Viguerie, ''Sainte Jeanne Delanoue, servante des pauvre''s, Chambray-les-Tours, C. L. D., 1982, pl.
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* Taylor, Frances [mère Madeleine du Sacré Cœur], ''Life of Jeanne de la Noue. A Marvellous History'', s. l., c. 1884.
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Version du 19 septembre 2021 à 15:03

Jeanne Delanoue
Titre(s) « Première Servante » (mère supérieure)
Dénomination(s) Jeanne de la Nouë ; sœur Jeanne de la Croix ; « un cochon de Jésus-Christ » ; « la Mère des pauvres » ; « la sainte de Saumur » ; sainte Jeanne Delanoue
Biographie
Date de naissance 18 juin 1666
Date de décès 16 août 1736
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Nicole Pellegrin, 2021

Jeanne Delanoue est née dans un faubourg de Saumur en 1666 au sein d’une famille modeste de 12 enfants dont elle est la dernière. Pierre, son père, mort dès 1672, possède une boutique de « mercerie » à proximité du grand centre marial de pèlerinages de Notre-Dame-des-Ardilliers, boutique qui échoie à sa veuve Françoise Huneau jusqu’à son décès en 1692, puis à sa fille Jeanne. À l’école, celle-ci « apprenait ce qu’elle voulait », déclare sa biographe et successeure, Marie Laigle (1682-1749). Selon tous ses hagiographes, Jeanne est, dès son plus jeune âge, angoissée par ses péchés et par son attachement aux biens matériels et elle aurait été empêchée dans son cheminement spirituel par une mère qui trouve ses dévotions excessives, tandis que des confesseurs jansénisants, les Oratoriens maîtres du sanctuaire des Ardilliers, lui refusent de jeûner et de communier autant qu’elle le désire. Au moment où meurt sa mère, un nouveau directeur de conscience (il le reste de 1692 à 1717), le chapelain de l’Hôtel-Dieu de Saumur, Jean Géneteau, l’aurait fait passer de la crainte à l’amour de Dieu. Cet homme lui fait découvrir, lors d’une prédication de Carême, la nécessité de pratiquer les bonnes œuvres, alors que l’âpreté au gain de Jeanne l’a poussée jusqu’alors à ouvrir boutique les dimanches et jours fériés et à refuser d’aider les pauvres de son quartier et même à ouvrir boutique les dimanches et jours fériés. En respectant l’interdit de vendre ces jours-là, elle s’ouvre à une autre forme de vie que scelle sa rencontre avec une mendiante et pèlerine bretonne venue aux Ardilliers, Françoise Souchet (c. 1635-1704) qui l’engage à secourir les indigents. Cette « conversion » se traduit le lendemain de la Fête-Dieu 1693 par une première extase de « trois jours et trois nuits sans boire ni manger » et des visions, bientôt récurrentes, de l’Enfer, de Marie et du Christ. En 1702, elle laisse son commerce à sa nièce avaricieuse et transforme sa maison et les grottes du coteau adjacent en une sorte d’hospice qu’elle nomme La Providence. Mais le 3 juillet 1703, cette colline des Fondis s’écroule et n’écrase qu’un des douze « petits pauvres » qu’elle abritait. Dès le mois suivant, un second logis accueille la première postulante, une campagnarde, dont la prise d’habit a lieu en 1704 le jour de la sainte Anne (26 juillet) aux côtés de Jeanne, de sa nièce « convertie » et d’une paysanne, les premières Sœurs de Sainte-Anne de la Providence.
Face aux difficultés d’une fondation mal assurée financièrement et peu appréciée par les autorités civiles et religieuses hostiles à la prodigalité, au mysticisme et aux mortifications extrêmes de Jeanne, le passage en 1706 du jeune missionnaire et futur co-fondateur des Filles de la Sagesse, Louis-Marie Grignion de Montfort, semble avoir conforté Jeanne dans son entreprise. Celle-ci est approuvée officiellement par l’évêque d’Angers le 24 septembre 1709. La congrégation prend de l’extension, s’installe dans de nouveaux bâtiments et entreprend de fonder petites écoles et/ou services d’hôpitaux en Anjou, Bretagne et Berry, et cela au prix d’incessantes démarches et autres sollicitations. Quelques mois d’« angoisses intérieures et […] ténèbres épaisses » précèdent la mort, édifiante et apaisée, à l’âge de 71 ans, de Jeanne Delanoue le 17 août 1736.
Apostolique tourmentée, Jeanne Delanoue reste peu connue hors de l’Anjou malgré l’expansion rapide de son ordre et des miracles attestés par l’Eglise : multiplications de pains ou d’étoffes, guérisons. Béatifiée en 1947 et canonisée en 1982, elle pratique, en plein siècle des Lumières, une religion mortifiante qui se voue au soulagement des « pauvres abandonnés » (bébés, vieillards), « pauvres honteux », « pauvres de la porte », « pauvres captifs », filles « demi-perdues » et autres. En fondant une congrégation, hospitalière et enseignante, qu’elle place sous la sauvegarde de la seule Providence, Jeanne Delanoue innove durablement : elle refuse de recevoir des rentes et elle recrute sans dot des religieuses pouvant être infirmes, qui vivent hors clôture, ne prononcent pas de vœux perpétuels et ne comptent pas de sœurs converses. Les interdits qui organisent initialement la vie des Servantes des Pauvres (pas de chant aux offices ni de repas hors communauté, port d’un habit de serge grise) permettent de reconstituer, en creux, les heurs et malheurs d’un monde en proie aux calamités naturelles, aux crises de subsistances et aux angoisses de son salut.

Oeuvres

  • Une poignée de lettres de direction et de demande d’argent, citées (et réécrites ?) par ses biographes (le chanoine Georges Blond, La mère des pauvres. Jeanne Delanoue, 1666-1736, Saumur, Congrégation des Sœurs de Jeanne Delanoue à Saint-Hilaire-Saint-Florent, 1968, p. 161, 179).
  • « Règles » (en collaboration avec Marie Laigle, leur congrégation et autres), «Conseils spirituels», «Prières», ibidem, p. 289-318.

Principales sources

  • Marie Laigle, « La vie de notre chère mère Jeanne Delanoue », texte du manuscrit édité par le chanoine Georges Blond, dans La mère des pauvres. Jeanne Delanoue, 1666-1736, Saumur, Congrégation des Sœurs de Jeanne Delanoue à Saint-Hilaire-Saint-Florent, 1968, p. 1-288.
  • [Abbé Cever], Discours sur la vie et les vertus de la vénérable sœur Jeanne Delanoue Fondatrice & première Superieure de la Maison de la providence de Saumur, décédée le 16 Août 1736 en odeur de sainteté, Angers, Pierre-Louis Dubé, 1743.

Choix bibliographique

  • La vénérable Jeanne Delanoue, Fondatrice des Sœurs de Sainte Anne de la Providence de Saumur Servantes des Pauvres, 1666-1736, Angers, Société anonyme des Editions de l’Ouest, 1930.
  • B-d-E, « Sainte-Anne (Congrégation des Sœurs de), servantes des pauvres. Vie de Jeanne de La Nouë, fondatrice de cette Congrégation et de l’hospice de la Providence, à Saumur » in les pères Hélyot, Badiche et Tochou (dir.), Dictionnaire des ordres religieux […], Paris, J.-P. Migne, Encyclopédie théologique, t. XXIII/ 4, 1859, col. 1383-1392.
  • Blond, Georges, La mère des pauvres. Jeanne Delanoue, 1666-1736, Saumur, Congrégation des Sœurs de Jeanne Delanoue à Saint-Hilaire-Saint-Florent, 1968
  • Darricau, Raymond, Bernard Peyrous et Jean de Viguerie, Sainte Jeanne Delanoue, servante des pauvres, Chambray-les-Tours, C. L. D., 1982, pl.
  • Taylor, Frances [mère Madeleine du Sacré Cœur], Life of Jeanne de la Noue. A Marvellous History, s. l., c. 1884.
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