Jeanne Delanoue : Différence entre versions

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== Notice de [[Nicole Pellegrin]], 2021==
 
== Notice de [[Nicole Pellegrin]], 2021==
Jeanne Delanoue est née dans un faubourg de Saumur en 1666 au sein d’une famille modeste de 12 enfants dont elle est la dernière. Pierre, son père, mort dès 1672, possède une boutique de « mercerie » à proximité du grand centre marial de pèlerinages de Notre-Dame-des-Ardilliers, boutique qui échoie à sa veuve Françoise Huneau jusqu’à son décès en 1692, puis à sa fille Jeanne. À l’école, celle-ci « apprenait ce qu’elle voulait », déclare sa biographe et successeure, Marie Laigle (1682-1749). Selon tous ses hagiographes, Jeanne est, dès son plus jeune âge, angoissée par ses péchés et par son attachement aux biens matériels et elle aurait été empêchée dans son cheminement spirituel par une mère qui trouve ses dévotions excessives, tandis que des confesseurs jansénisants, les Oratoriens maîtres du sanctuaire des Ardilliers, lui refusent de jeûner et de communier autant qu’elle le désire.
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Jeanne Delanoue est née dans un faubourg de Saumur en 1666 au sein d’une famille modeste de 12 enfants dont elle est la dernière. Pierre, son père, mort dès 1672, possède une boutique de « mercerie » à proximité du grand centre marial de pèlerinages de Notre-Dame-des-Ardilliers, boutique qui échoie à sa veuve Françoise Huneau jusqu’à son décès en 1692, puis à sa fille Jeanne. À l’école, celle-ci « apprenait ce qu’elle voulait », déclare sa biographe et successeure, [[Marie Laigle]] (1682-1749). Selon tous ses hagiographes, Jeanne est, dès son plus jeune âge, angoissée par ses péchés et par son attachement aux biens matériels et elle aurait été empêchée dans son cheminement spirituel par une mère qui trouve ses dévotions excessives, tandis que des confesseurs jansénisants, les Oratoriens maîtres du sanctuaire des Ardilliers, lui refusent de jeûner et de communier autant qu’elle le désire.
 
Au moment où meurt sa mère, un nouveau directeur de conscience (il le reste de 1692 à 1717), le chapelain de l’Hôtel-Dieu de Saumur, Jean Géneteau, l’aurait fait passer de la crainte à l’amour de Dieu. Cet homme lui fait découvrir, lors d’une prédication de Carême, la nécessité de pratiquer les bonnes œuvres, alors que l’âpreté au gain de Jeanne l’a poussée jusqu’alors à ouvrir boutique les dimanches et jours fériés et à refuser d’aider les pauvres de son quartier et même à ouvrir boutique les dimanches et jours fériés. En respectant l’interdit de vendre ces jours-là, elle s’ouvre à une autre forme de vie que scelle sa rencontre avec une mendiante et pèlerine bretonne venue aux Ardilliers, Françoise Souchet (c. 1635-1704) qui l’engage à secourir les indigents. Cette « conversion » se traduit le lendemain de la Fête-Dieu 1693 par une première extase de « trois jours et trois nuits sans boire ni manger » et des visions, bientôt récurrentes, de l’Enfer, de Marie et du Christ. En 1702, elle laisse son commerce à sa nièce avaricieuse et transforme sa maison et les grottes du coteau adjacent en une sorte d’hospice qu’elle nomme La Providence. Mais le 3 juillet 1703, cette colline des Fondis s’écroule et n’écrase qu’un des douze « petits pauvres »  qu’elle abritait. Dès le mois suivant, un second logis accueille la première postulante, une campagnarde, dont la prise d’habit a lieu en 1704 le jour de la sainte Anne (26 juillet) aux côtés de Jeanne, de sa nièce « convertie » et d’une paysanne, les premières Sœurs de Sainte-Anne de la Providence. <br/>  
 
Au moment où meurt sa mère, un nouveau directeur de conscience (il le reste de 1692 à 1717), le chapelain de l’Hôtel-Dieu de Saumur, Jean Géneteau, l’aurait fait passer de la crainte à l’amour de Dieu. Cet homme lui fait découvrir, lors d’une prédication de Carême, la nécessité de pratiquer les bonnes œuvres, alors que l’âpreté au gain de Jeanne l’a poussée jusqu’alors à ouvrir boutique les dimanches et jours fériés et à refuser d’aider les pauvres de son quartier et même à ouvrir boutique les dimanches et jours fériés. En respectant l’interdit de vendre ces jours-là, elle s’ouvre à une autre forme de vie que scelle sa rencontre avec une mendiante et pèlerine bretonne venue aux Ardilliers, Françoise Souchet (c. 1635-1704) qui l’engage à secourir les indigents. Cette « conversion » se traduit le lendemain de la Fête-Dieu 1693 par une première extase de « trois jours et trois nuits sans boire ni manger » et des visions, bientôt récurrentes, de l’Enfer, de Marie et du Christ. En 1702, elle laisse son commerce à sa nièce avaricieuse et transforme sa maison et les grottes du coteau adjacent en une sorte d’hospice qu’elle nomme La Providence. Mais le 3 juillet 1703, cette colline des Fondis s’écroule et n’écrase qu’un des douze « petits pauvres »  qu’elle abritait. Dès le mois suivant, un second logis accueille la première postulante, une campagnarde, dont la prise d’habit a lieu en 1704 le jour de la sainte Anne (26 juillet) aux côtés de Jeanne, de sa nièce « convertie » et d’une paysanne, les premières Sœurs de Sainte-Anne de la Providence. <br/>  
 
Face aux difficultés d’une fondation mal assurée financièrement et peu appréciée par les autorités civiles et religieuses hostiles à la prodigalité, au mysticisme et aux mortifications extrêmes de Jeanne, le passage en 1706 du jeune missionnaire et futur co-fondateur des Filles de la Sagesse, Louis-Marie Grignion de Montfort, semble avoir conforté Jeanne dans son entreprise. Celle-ci est approuvée officiellement par l’évêque d’Angers le 24 septembre 1709. La congrégation prend de l’extension, s’installe dans de nouveaux bâtiments et entreprend de fonder petites écoles et/ou services d’hôpitaux en Anjou, Bretagne et Berry, et cela au prix d’incessantes démarches et autres sollicitations. Quelques mois d’« angoisses intérieures et […] ténèbres épaisses » précèdent la mort, édifiante et apaisée, à l’âge de 71 ans, de Jeanne Delanoue le 17 août 1736.<br/>
 
Face aux difficultés d’une fondation mal assurée financièrement et peu appréciée par les autorités civiles et religieuses hostiles à la prodigalité, au mysticisme et aux mortifications extrêmes de Jeanne, le passage en 1706 du jeune missionnaire et futur co-fondateur des Filles de la Sagesse, Louis-Marie Grignion de Montfort, semble avoir conforté Jeanne dans son entreprise. Celle-ci est approuvée officiellement par l’évêque d’Angers le 24 septembre 1709. La congrégation prend de l’extension, s’installe dans de nouveaux bâtiments et entreprend de fonder petites écoles et/ou services d’hôpitaux en Anjou, Bretagne et Berry, et cela au prix d’incessantes démarches et autres sollicitations. Quelques mois d’« angoisses intérieures et […] ténèbres épaisses » précèdent la mort, édifiante et apaisée, à l’âge de 71 ans, de Jeanne Delanoue le 17 août 1736.<br/>
Apostolique tourmentée, Jeanne Delanoue reste peu connue hors de l’Anjou malgré l’expansion rapide de son ordre et des miracles attestés par l’Eglise : multiplications de pains ou d’étoffes, guérisons. Béatifiée en 1947 et canonisée en 1982, elle pratique, en plein siècle des Lumières, une religion mortifiante qui se voue au soulagement des « pauvres abandonnés » (bébés, vieillards), « pauvres honteux », « pauvres de la porte », « pauvres captifs », filles « demi-perdues » et autres. En fondant une congrégation, hospitalière et enseignante, qu’elle place sous la sauvegarde de la seule Providence, Jeanne Delanoue innove durablement : elle refuse de recevoir des rentes et elle recrute sans dot des religieuses pouvant être infirmes, qui vivent hors clôture, ne prononcent pas de vœux perpétuels et ne comptent pas de sœurs converses. Les interdits qui organisent initialement la vie des Servantes des Pauvres (pas de chant aux offices ni de repas hors communauté, port d’un habit de serge grise) permettent de reconstituer, en creux, les heurs et malheurs d’un monde en proie aux calamités naturelles, aux crises de subsistances et aux angoisses de son salut.  
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Apostolique tourmentée, Jeanne Delanoue reste peu connue hors de l’Anjou malgré l’expansion rapide de son ordre et des miracles attestés par l’Eglise : multiplications de pains ou d’étoffes, guérisons. Béatifiée en 1947 et canonisée en 1982, elle pratique, en plein siècle des Lumières, une religion mortifiante qui se voue au soulagement des « pauvres abandonnés » (bébés, vieillards), « pauvres honteux », « pauvres de la porte », « pauvres captifs », filles « demi-perdues » et autres. En fondant une congrégation, hospitalière et enseignante, qu’elle place sous la sauvegarde de la seule Providence, Jeanne Delanoue innove durablement : elle refuse de recevoir des rentes et elle recrute sans dot des religieuses pouvant être infirmes, qui vivent hors clôture, ne prononcent pas de vœux perpétuels et ne comptent pas de sœurs converses. Les interdits qui organisent initialement la vie des Servantes des Pauvres (pas de chant aux offices ni de repas hors communauté, port d’un habit de serge grise) permettent de reconstituer, en creux, les heurs et malheurs d’un monde en proie aux calamités naturelles, aux crises de subsistances et aux angoisses de son salut.
  
 
==Oeuvres==
 
==Oeuvres==
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==Jugements==
 
==Jugements==
 
* [À l’école, elle] « apprenait ce qu’elle voulait », se faisait craindre des autres enfants « à cause qu’elle voulait être maîtresse sur toute chose […] et même elle faisait de petites instructions spirituelles à sa mère dès son enfance […] (Marie Laigle, « La vie de mère Jeanne Delanoue » éd. par le chanoine Georges Blond, La mère des pauvres. Jeanne Delanoue, 1666-1736, Saumur, Congrégation des Sœurs de Jeanne Delanoue à Saint-Hilaire-Saint-Florent, 1968, p. 6)
 
* [À l’école, elle] « apprenait ce qu’elle voulait », se faisait craindre des autres enfants « à cause qu’elle voulait être maîtresse sur toute chose […] et même elle faisait de petites instructions spirituelles à sa mère dès son enfance […] (Marie Laigle, « La vie de mère Jeanne Delanoue » éd. par le chanoine Georges Blond, La mère des pauvres. Jeanne Delanoue, 1666-1736, Saumur, Congrégation des Sœurs de Jeanne Delanoue à Saint-Hilaire-Saint-Florent, 1968, p. 6)
* [Portrait] Elle n’était pas grande, mais d’une taille médiocre ; et elle avait un visage carré et plein, un peu marqué de vérette [variole], des yeux vifs et à fleur de peau ; elle avait des signes dans le visage et une belle main ; car elle avait un bras si rond et une main si belle que cela faisait que bien des personnes la miraient et admiraient son air agréable et charitable. L’on s’adressait à elle avec confiance, assuré que l’on ne serait point refusé de ses secours tant spirituel que temporel. […] Dès sa plus tendre jeunesse, elle s’est appliquée à la connaissance d’elle-même. […] elle croyait être damnée. […] (''Ibidem'', p. 7)
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* [Portrait] Elle n’était pas grande, mais d’une taille médiocre ; et elle avait un visage carré et plein, un peu marqué de vérette [variole], des yeux vifs et à fleur de peau ; elle avait des signes dans le visage et une belle main ; car elle avait un bras si rond et une main si belle que cela faisait que bien des personnes la miraient et admiraient son air agréable et charitable. L’on s’adressait à elle avec confiance, assuré que l’on ne serait point refusé de ses secours tant spirituel que temporel. […] Dès sa plus tendre jeunesse, elle s’est appliquée à la connaissance d’elle-même. […] elle croyait être damnée. » (''Ibidem'', p. 7)
* [1692-1694 ?] Mais le démon lui livra bien un autre combat après la mort de sa mère : car il l’attaqua d’avarice qui surpassait l’imagination […] (''Ibidem'', p. 10) elle ne croyait n’avoir jamais assez de biens pour vivre contente […]. Elle ne voulait point avoir de pain chez elle qu’à mesure qu’elle en avait besoin pour ses repas, afin de refuser plus facilement les pauvres quand ils lui demandaient l’aumône. C’était dans la chère année de 1693 […]. Mais le Seigneur qui ne voulait pas qu’elle fût intéressée, il la fit bien changer de résolution : car d’intéressée qu’elle était, elle devint une très grande prodigue en la charité […]. (''Ibidem'', p. 12)  
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* [1692-1694 ?] « Mais le démon lui livra bien un autre combat après la mort de sa mère : car il l’attaqua d’avarice qui surpassait l’imagination […] (''Ibidem'', p. 10) elle ne croyait n’avoir jamais assez de biens pour vivre contente […]. Elle ne voulait point avoir de pain chez elle qu’à mesure qu’elle en avait besoin pour ses repas, afin de refuser plus facilement les pauvres quand ils lui demandaient l’aumône. C’était dans la chère année de 1693 […]. Mais le Seigneur qui ne voulait pas qu’elle fût intéressée, il la fit bien changer de résolution : car d’intéressée qu’elle était, elle devint une très grande prodigue en la charité […].» (''Ibidem'', p. 12)  
* une simple fille qui n’avait que des sentiments de crainte de devenir pauvre […] elle a été méprisée de tout le monde ; et même les pauvres à qui elle faisait le mieux la calomniaient en toutes rencontres. (''Ibidem'', p. 14)
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* « une simple fille qui n’avait que des sentiments de crainte de devenir pauvre […] elle a été méprisée de tout le monde ; et même les pauvres à qui elle faisait le mieux la calomniaient en toutes rencontres.» (''Ibidem'', p. 14)
* [Mortifications] Notre Sœur fit bouillir le pain malpropre [d’un pauvre noyé] avec les poux, et puis les mangea. […] Notre Sœur ne portait point de chemise, elle ne portait qu’une grosse tunique de serge qui l’a fait bien souffrir […] par les poux qui la mangeaient. Elle en avait un si grand nombre qu’elle les prenait à poignées dans son pauvre corps qui était tout en feu à force de gratter […] ; donc elle prit résolution de ne plus coucher dans un lit, ni de se défaire de ses vilains poux, attendu qu’elle ne voulait point se déshabiller jamais, ni jour, ni nuit […] (''Ibidem'', p. 46-47)  
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* [Mortifications] « Notre Sœur fit bouillir le pain malpropre [d’un pauvre noyé] avec les poux, et puis les mangea. […] Notre Sœur ne portait point de chemise, elle ne portait qu’une grosse tunique de serge qui l’a fait bien souffrir […] par les poux qui la mangeaient. Elle en avait un si grand nombre qu’elle les prenait à poignées dans son pauvre corps qui était tout en feu à force de gratter […] ; donc elle prit résolution de ne plus coucher dans un lit, ni de se défaire de ses vilains poux, attendu qu’elle ne voulait point se déshabiller jamais, ni jour, ni nuit […] (''Ibidem'', p. 46-47)  
* [Vers 1709] Il s’est trouvé dans le commencement plusieurs personnes [témoins] de cette vie extraordinaire qui l’ont mise à l’épreuve d’une bonne manière. […] Le révérend Père Grégoire, capucin […] lui fit réponse […] qu’elle était une visionnaire, qu’elle se trompait, qu’il n’y avait rien de bon en elle et que c’était l’esprit du diable qui la conduisait, et que l’orgueil lui avait fait entreprendre ce qu’elle avait fait, que cela ne pouvait pas subsister longtemps. […] (''Ibidem'', p. 156-157)
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* [Vers 1709] « Il s’est trouvé dans le commencement plusieurs personnes [témoins] de cette vie extraordinaire qui l’ont mise à l’épreuve d’une bonne manière. […] Le révérend Père Grégoire, capucin […] lui fit réponse […] qu’elle était une visionnaire, qu’elle se trompait, qu’il n’y avait rien de bon en elle et que c’était l’esprit du diable qui la conduisait, et que l’orgueil lui avait fait entreprendre ce qu’elle avait fait, que cela ne pouvait pas subsister longtemps. » (''Ibidem'', p. 156-157)
* [1711] le Seigneur se plaisait à répandre ses grâces et ses bénédictions en notre maison. Il nous faisait voir avec vérité qu’Il était notre Père, notre Tout, notre Administrateur, comme l’a très bien dit notre très honorée Mère dans un entretien qu’elle nous a fait de nos devoirs, dont je l’ai laissé par écrit pour l’utilité des filles qui nous succèderont et qui n’auront pas le bonheur que nous avons de posséder un si grand trésor dans notre siècle. On peut bien dire qu’elle est le bonheur de toute la ville et qu’elle attire les grâces et bénédictions du ciel et qu’elle détourne la colère de Dieu. On peut bien dire qu’elle laissait agir la Providence en tout et qu’elle ne pressait rien du tout ; elle attendait l’ordre de Dieu en tout ce qu’elle entreprenait, et on voyait que tout réussissait et bien, et qu’elle venait à bout de tout, et le tout pour la plus grande gloire de Dieu. […] (''Ibidem'', p. 186 et 188)
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* [1711] « le Seigneur se plaisait à répandre ses grâces et ses bénédictions en notre maison. Il nous faisait voir avec vérité qu’Il était notre Père, notre Tout, notre Administrateur, comme l’a très bien dit notre très honorée Mère dans un entretien qu’elle nous a fait de nos devoirs, dont je l’ai laissé par écrit pour l’utilité des filles qui nous succèderont et qui n’auront pas le bonheur que nous avons de posséder un si grand trésor dans notre siècle. On peut bien dire qu’elle est le bonheur de toute la ville et qu’elle attire les grâces et bénédictions du ciel et qu’elle détourne la colère de Dieu. On peut bien dire qu’elle laissait agir la Providence en tout et qu’elle ne pressait rien du tout ; elle attendait l’ordre de Dieu en tout ce qu’elle entreprenait, et on voyait que tout réussissait et bien, et qu’elle venait à bout de tout, et le tout pour la plus grande gloire de Dieu. » (''Ibidem'', p. 186 et 188)
* [Carême 1715] Il lui fut dit intérieurement : ” Dis-lui que tu ne recevras plus Dieu comme enfant mais comme crucifié”. Et en même temps, la sainte vierge lui apparut qui tenait son cher Fils sur ses genoux, en la forme d’un crucifié. …] Elle fut occupée pendant sa retraite que la Sainte Vierge était toute de feux du Saint-Esprit, […] et qu’elle la voyait toute de feux de l’Amour et ne voyait en Elle aucun vide de ce feu de l’Amour. Elle demanda une petite parcelle. […] elle connut donc que ce feu dont Marie était remplie, c’était ce qui L’avait rendue intrépide au pied de la croix de son cher Fils […]. » (''Ibidem'', p. 238, 240)   
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* [Carême 1715] « Il lui fut dit intérieurement : ” Dis-lui que tu ne recevras plus Dieu comme enfant mais comme crucifié”. Et en même temps, la sainte vierge lui apparut qui tenait son cher Fils sur ses genoux, en la forme d’un crucifié. …] Elle fut occupée pendant sa retraite que la Sainte Vierge était toute de feux du Saint-Esprit, […] et qu’elle la voyait toute de feux de l’Amour et ne voyait en Elle aucun vide de ce feu de l’Amour. Elle demanda une petite parcelle. […] elle connut donc que ce feu dont Marie était remplie, c’était ce qui L’avait rendue intrépide au pied de la croix de son cher Fils . » (''Ibidem'', p. 238, 240)   
 
* « JEANNE DE LA NOUË, Fondatrice de la Maison de la Providence de Saumur, recommandable par sa Charité ingénieuse et universelle envers les pauvres, et par ses grandes austérités, décédée en odeur de Sainteté, le 16 Août 1736. Louons les Hommes Illustres, […] . Je n’ai garde de vouloir comparer ici la Personne, dont j’entreprens de raconter les actions, à ces Saints personnages de l’Antiquité, que les Apôtres eux-mêmes ont proposés aux premiers Chrétiens, comme des modèles à imiter ; mais si les vertus admirables de ces grands saints ont mérité de grandes louanges parmi nous, & un haut rang dans le Ciel, ceux de notre tems, qui ont travaillé avec succès à les imiter, ne méritent-ils pas par la même raison d’avoir quelque petite part à leurs éloges ? […] Son zèle pour la beauté intérieure de l’ame, qui lui a inspiré de mener une vie si austère & si opposée aux inclinations de la nature ; cette force & cette élévation d’esprit avec laquelle elle sçavoit si bien contenir dans le devoir, celles que la grâce de Dieu avoit attirées à prendre sa forme de vie, & attachées à sa personne ; cette onction avec laquelle elle maintenoit dans la paix tant de différents esprits qu’elle avoit à conduire ; ce discernement & cette supériorité de raison qui lui faisoit prendre des desseins si élevés, & trouver des moyens très-efficaces, quoique peu connus des hommes qui ne pensent qu’en hommes, pour en venir à bout ; cette fécondité de lumieres & de conseils, qu’une langue aussi peu instruite à l’école des grammairiens & des philosophes, mais que Dieu avoit rendu diserte, produisoit si à propos pour la consolation des affligés, pour l’instruction des ignorans, & pour la conversion des pécheurs ; cette effusion de cœur envers les membres pauvres & souffrans de Jesus Christ ; cette infatigable ardeur à les secourir ; cette charitable industrie à trouver toujours des moyens de les soulager, après s’être dépouillée de tout le sien en leur faveur, & lorsque toutes ses ressources sembloient épuisées ; cette hardie entreprise dans l’établissement d’une Maison de charité, où les hommes & tout ce qu’il y a d’humain ont si peu de part ; cette constance à en soutenir les charges, nonobstant tous les fâcheux revers, qui naturellement auroient dû faire échouer le dessein ; les heureux succès qui ont suivi, & la consolation qu’elle a euë de voir cette maison  s’établir & s’augmenter ; les sujets qui la composent se multiplier, se répandre même en d’autres lieux pour le soulagement  des pauvres, pour l’instruction des enfans & pour l’édification des peuples, succès qui nous donnent tout lieu de penser que son institut subsistera long-tems, & que celles qui le professent, feront revivre durant bien des siècles la mémoire de celle qui l’a fondé ; Ce sont là autant de sujets d’éloges, dont une infinité de personnes ont été témoins, que toute une Ville & une contrée a vû & voit encore, & que le détail des faits que je rapporterai, va mettre comme devant les yeux de tout lecteur attentif. […]» ([Abbé Cever], ''Discours sur la vie et les vertus de la vénérable sœur Jeanne Delanoue Fondatrice & première Superieure de la Maison de la providence de Saumur, décédée le 16 Août 1736 en odeur de sainteté'', Angers, Pierre-Louis Dubé, 1743, frontispice et p. 1-5).
 
* « JEANNE DE LA NOUË, Fondatrice de la Maison de la Providence de Saumur, recommandable par sa Charité ingénieuse et universelle envers les pauvres, et par ses grandes austérités, décédée en odeur de Sainteté, le 16 Août 1736. Louons les Hommes Illustres, […] . Je n’ai garde de vouloir comparer ici la Personne, dont j’entreprens de raconter les actions, à ces Saints personnages de l’Antiquité, que les Apôtres eux-mêmes ont proposés aux premiers Chrétiens, comme des modèles à imiter ; mais si les vertus admirables de ces grands saints ont mérité de grandes louanges parmi nous, & un haut rang dans le Ciel, ceux de notre tems, qui ont travaillé avec succès à les imiter, ne méritent-ils pas par la même raison d’avoir quelque petite part à leurs éloges ? […] Son zèle pour la beauté intérieure de l’ame, qui lui a inspiré de mener une vie si austère & si opposée aux inclinations de la nature ; cette force & cette élévation d’esprit avec laquelle elle sçavoit si bien contenir dans le devoir, celles que la grâce de Dieu avoit attirées à prendre sa forme de vie, & attachées à sa personne ; cette onction avec laquelle elle maintenoit dans la paix tant de différents esprits qu’elle avoit à conduire ; ce discernement & cette supériorité de raison qui lui faisoit prendre des desseins si élevés, & trouver des moyens très-efficaces, quoique peu connus des hommes qui ne pensent qu’en hommes, pour en venir à bout ; cette fécondité de lumieres & de conseils, qu’une langue aussi peu instruite à l’école des grammairiens & des philosophes, mais que Dieu avoit rendu diserte, produisoit si à propos pour la consolation des affligés, pour l’instruction des ignorans, & pour la conversion des pécheurs ; cette effusion de cœur envers les membres pauvres & souffrans de Jesus Christ ; cette infatigable ardeur à les secourir ; cette charitable industrie à trouver toujours des moyens de les soulager, après s’être dépouillée de tout le sien en leur faveur, & lorsque toutes ses ressources sembloient épuisées ; cette hardie entreprise dans l’établissement d’une Maison de charité, où les hommes & tout ce qu’il y a d’humain ont si peu de part ; cette constance à en soutenir les charges, nonobstant tous les fâcheux revers, qui naturellement auroient dû faire échouer le dessein ; les heureux succès qui ont suivi, & la consolation qu’elle a euë de voir cette maison  s’établir & s’augmenter ; les sujets qui la composent se multiplier, se répandre même en d’autres lieux pour le soulagement  des pauvres, pour l’instruction des enfans & pour l’édification des peuples, succès qui nous donnent tout lieu de penser que son institut subsistera long-tems, & que celles qui le professent, feront revivre durant bien des siècles la mémoire de celle qui l’a fondé ; Ce sont là autant de sujets d’éloges, dont une infinité de personnes ont été témoins, que toute une Ville & une contrée a vû & voit encore, & que le détail des faits que je rapporterai, va mettre comme devant les yeux de tout lecteur attentif. […]» ([Abbé Cever], ''Discours sur la vie et les vertus de la vénérable sœur Jeanne Delanoue Fondatrice & première Superieure de la Maison de la providence de Saumur, décédée le 16 Août 1736 en odeur de sainteté'', Angers, Pierre-Louis Dubé, 1743, frontispice et p. 1-5).
 
* « JEANNE DE LA NOUE, FONDATRICE DE LA MAISON DE LA PROVIDENCE DE SAUMUR […]. Ce nouvel apôtre de l’humanité, consultant moins ses moyens que son zèle, s’en reposoit avec confiance sur le Dieu dont elle suivoit les inspirations secrètes. Des gens d’une foi faible l’accusèrent de témérité […]. Si elle devoit au soulagement de tant d’indigens les plus douces jouissances, elle étoit, d’un autre côté, accablée de peines intérieures. […] Dieu lui avoit accordé le don des larmes et le discernement des esprits […]. Elle voulut, quoiqu’ayant autorité sur tout ce qui l’entouroit, pratiquer elle-même l’obéissance, et se soumettre entièrement à une de ses filles ; elle ordonna à cette jeune personne de la reprendre de ses fautes, en public comme en particulier ; […] PRATIQUE. […]  jamais je ne me dispenserai de faire du bien : la poignée de farine, le peu d’huile de la bonne veuve, les deux oboles de la femme de l’Evangile, l’extrême détresse de Jeanne de la Noue […] , sont pour moi de précieux exemples qui réclament toute ma fidélité ».(Abbé Carron, ''Vies des justes parmi les filles chrétiennes'', Lyon et Paris, Rosand, 1824, p. 377-402).
 
* « JEANNE DE LA NOUE, FONDATRICE DE LA MAISON DE LA PROVIDENCE DE SAUMUR […]. Ce nouvel apôtre de l’humanité, consultant moins ses moyens que son zèle, s’en reposoit avec confiance sur le Dieu dont elle suivoit les inspirations secrètes. Des gens d’une foi faible l’accusèrent de témérité […]. Si elle devoit au soulagement de tant d’indigens les plus douces jouissances, elle étoit, d’un autre côté, accablée de peines intérieures. […] Dieu lui avoit accordé le don des larmes et le discernement des esprits […]. Elle voulut, quoiqu’ayant autorité sur tout ce qui l’entouroit, pratiquer elle-même l’obéissance, et se soumettre entièrement à une de ses filles ; elle ordonna à cette jeune personne de la reprendre de ses fautes, en public comme en particulier ; […] PRATIQUE. […]  jamais je ne me dispenserai de faire du bien : la poignée de farine, le peu d’huile de la bonne veuve, les deux oboles de la femme de l’Evangile, l’extrême détresse de Jeanne de la Noue […] , sont pour moi de précieux exemples qui réclament toute ma fidélité ».(Abbé Carron, ''Vies des justes parmi les filles chrétiennes'', Lyon et Paris, Rosand, 1824, p. 377-402).
 
* «  Le vendredi 16 août 1736, elle s’endormit dans le Seigneur, dans sa 71e année. Ses funérailles furent un triomphe, à en juger par les témoignages que donnèrent de sa vertu les personnes empressées à faire toucher à son corps divers objets pour les garder avec vénération. Ce corps, précieuse relique de la sainte fondatrice, reposa dans la chapelle de son établissement jusqu’à l’année 1796 […], transféré [alors] dans la maison des Pères de l’Oratoire […] au pied de l’autel de Marie dans l’église de N.-D. des Ardilliers […] ; mais, en 1837, […] les restes […] furent transportés dans un caveau creusé sous la chapelle qui sert de chœur aux religieuses » (B-d-E, « SAINTE-ANNE (Congrégation des Sœurs de), servantes des pauvres. Vie de Jeanne de La Nouë, fondatrice de cette Congrégation et de l’hospice de la Providence, à Saumur »in Hélyot, Badiche et Tochou, les pères (dir.),  ''Dictionnaire des ordres religieux'' […], Paris, J.-P. Migne, ''Encyclopédie théologique'', t. XXIII/ 4, 1859, col. 1391).
 
* «  Le vendredi 16 août 1736, elle s’endormit dans le Seigneur, dans sa 71e année. Ses funérailles furent un triomphe, à en juger par les témoignages que donnèrent de sa vertu les personnes empressées à faire toucher à son corps divers objets pour les garder avec vénération. Ce corps, précieuse relique de la sainte fondatrice, reposa dans la chapelle de son établissement jusqu’à l’année 1796 […], transféré [alors] dans la maison des Pères de l’Oratoire […] au pied de l’autel de Marie dans l’église de N.-D. des Ardilliers […] ; mais, en 1837, […] les restes […] furent transportés dans un caveau creusé sous la chapelle qui sert de chœur aux religieuses » (B-d-E, « SAINTE-ANNE (Congrégation des Sœurs de), servantes des pauvres. Vie de Jeanne de La Nouë, fondatrice de cette Congrégation et de l’hospice de la Providence, à Saumur »in Hélyot, Badiche et Tochou, les pères (dir.),  ''Dictionnaire des ordres religieux'' […], Paris, J.-P. Migne, ''Encyclopédie théologique'', t. XXIII/ 4, 1859, col. 1391).
 
* « Peut-on rattacher de façon analogue à la Justice de Dieu les calamités naturelles ? C’est ce que fait Jeanne Delanoue devant l’éboulement qui non seulement réduit à néant son œuvre naissante mais laisse un enfant sous les décombres. Elle est “ dans la joie intérieure de voir que la Volonté de Dieu s’accomplit”. Le Seigneur a ”la puissance de rétablir ce qu’il avait détruit” : il s’agit donc d’un même acte formel ». (Stanislas Lyonnet, « Péché-pécheur », in ''Dictionnaire de spiritualité. Ascétique et mystique''. Doctrine et Histoire, Paris, Beauchesne, tome XII, col. 790).
 
* « Peut-on rattacher de façon analogue à la Justice de Dieu les calamités naturelles ? C’est ce que fait Jeanne Delanoue devant l’éboulement qui non seulement réduit à néant son œuvre naissante mais laisse un enfant sous les décombres. Elle est “ dans la joie intérieure de voir que la Volonté de Dieu s’accomplit”. Le Seigneur a ”la puissance de rétablir ce qu’il avait détruit” : il s’agit donc d’un même acte formel ». (Stanislas Lyonnet, « Péché-pécheur », in ''Dictionnaire de spiritualité. Ascétique et mystique''. Doctrine et Histoire, Paris, Beauchesne, tome XII, col. 790).
$ « Jeanne Delanoue est une angevine de bonne race. Elle est née à Saumur […], ville catholique et ville protestante à la fois, ville de pèlerinages et ville de marchés, touchée par les crises économiques, sociales et religieuses du siècle, […] au carrefour de courants bien divers […]  
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* « Jeanne Delanoue est une angevine de bonne race. Elle est née à Saumur […], ville catholique et ville protestante à la fois, ville de pèlerinages et ville de marchés, touchée par les crises économiques, sociales et religieuses du siècle, […] au carrefour de courants bien divers […] un itinéraire intérieur […] sur certains points classique : on trouve des états équivalents dans la vie de la plupart des saints, ceux de l’Ecole Française en particulier. Mais Jeanne a eu également, à certains autres aspects, une grande originalité. […] Son milieu d’origine était bien plus prosaïque. […] elle passa, dans un délai très bref, de la vie purgative, la vis chrétienne ordinaire, à la vie unitive, la grande vie de l’âme, sans s’attarder à la vie illuminative, qui prépare aux plus hauts degrés. Elle entra très vite dans les demeures élevées, correspondant aux cinquièmes demeures de sainte Thérèse d’Avila. […] Dieu était devenu son tout. […] Dès l’heure de sa mort, Jeanne Delanoue fut l’objet d’une large réputation de sainteté, et laissa le souvenir d’une femme d’un mérite exceptionnel. » (Raymond Darricau et Bernard Peyrous, in R. Darricau et autres, S''ainte Jeanne Delanoue, servante des pauvres'', Chambray-les-Tours, C. L. D., 1982, p. 15, 52-53, 56).  
un itinéraire intérieur […] sur certains points classique : on trouve des états équivalents dans la vie de la plupart des saints, ceux de l’Ecole Française en particulier. Mais Jeanne a eu également, à certains autres aspects, une grande originalité. […] Son milieu d’origine était bien plus prosaïque. […] elle passa, dans un délai très bref, de la vie purgative, la vis chrétienne ordinaire, à la vie unitive, la grande vie de l’âme, sans s’attarder à la vie illuminative, qui prépare aux plus hauts degrés. Elle entra très vite dans les demeures élevées, correspondant aux cinquièmes demeures de sainte Thérèse d’Avila. […] Dieu était devenu son tout. […] Dès l’heure de sa mort, Jeanne Delanoue fut l’objet d’une large réputation de sainteté, et laissa le souvenir d’une femme d’un mérite exceptionnel. » (Raymond Darricau et Bernard Peyrous, in R. Darricau et autres, S''ainte Jeanne Delanoue, servante des pauvres'', Chambray-les-Tours, C. L. D., 1982, p. 15, 52-53, 56).  
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* « Jeanne Delanoue n’éprouve pas naturellement de pitié ou de sympathie pour les pauvres. Elle avouera qu’elle n’a jamais eu d’ « inclination » pour eux. Elle dira même qu’elle a toujours répugné à leur faire du bien. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de cette femme. […] Que lui importent les mouvements du cœur ! […] Pour elle, la pauvreté est sacrée. […] et […] explique les effroyables mortifications qu’elle s’impose. Moins que la pénitence, elle y cherche le dénuement et l’anéantissement. […] Les poux dans sa nourriture, mais aussi dans les habits. […] elle ne se déshabille jamais. Elle se couche tout habillée. Se coucher est une manière de parler. Elle s’encastre et se recroqueville dans un petit coffre, […]  mais la tête dépasse et ne repose sur rien […]. Le Siècle des Lumières ne s’y est pas reconnu. […] Cette femme agaçante n’a aucun respect humain. […] sa dévotion à la Vierge est jugée excessive. […] S’il ne reste qu’une mariolâtre, elle sera celle-là ! […] Enfin et surtout, elle communie quotidiennement, et c’est une chose inouïe à une époque où les confesseurs ne permettent la Communion hebdomadaire qu’à leurs pénitents les plus parfaits ! […] Jeanne Delanoue a été peu connue de son vivant. Elle n’a pas fait courir les foules. […] Sa sainteté est une sainteté nouvelle, la sainteté qui sera celle des P. de Montfort, des J. M. Moyë, des Alphonse de Liguori, des Gérard Majella et Benoît Labre, sainteté qui aime se manifester, qui se plaît aux manifestations voyantes, qui exagère les mortifications, qui provoque et scandalise la sagesse mondaine. […] La congrégation qu’elle fonde est destinée à perpétuer cette sainteté et cette œuvre. On y reçoit sans dot, on y admet des infirmes, on y partage la vie des pauvres. Cela aussi est une grande nouveauté et un défi au siècle [des Lumières] ». (Jean de Viguerie, in R. Darricau et autres, ''Sainte Jeanne Delanoue, servante des pauvres'', Chambray-les-Tours, C. L. D., 1982, p. 64-65, 71, 83, 87-88).
* « Jeanne Delanoue n’éprouve pas naturellement de pitié ou de sympathie pour les pauvres. Elle avouera qu’elle n’a jamais eu d’ « inclination » pour eux. Elle dira même qu’elle a toujours répugné à leur faire du bien. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de cette femme. […] Que lui importent les mouvements du cœur ! […] Pour elle, la pauvreté est sacrée. […] et […] explique les effroyables mortifications qu’elle s’impose. Moins que la pénitence, elle y cherche le dénuement et l’anéantissement. […] Les poux dans sa nourriture, mais aussi dans les habits. […] elle ne se déshabille jamais. Elle se couche tout habillée. Se coucher est une manière de parler. Elle s’encastre et se recroqueville dans un petit coffre, […]  mais la tête dépasse et ne repose sur rien […]. Le Siècle des Lumières ne s’y est pas reconnu. […] Cette femme agaçante n’a aucun respect humain. […] sa dévotion à la Vierge est jugée excessive. […] S’il ne reste qu’une mariolâtre, elle sera celle-là ! […] Enfin et surtout, elle communie quotidiennement, et c’est une chose inouïe à une époque où les confesseurs ne permettent la Communion hebdomadaire qu’à leurs pénitents les plus parfaits !
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[…] Jeanne Delanoue a été peu connue de son vivant. Elle n’a pas fait courir les foules. […] Sa sainteté est une sainteté nouvelle, la sainteté qui sera celle des P. de Montfort, des J. M. Moyë, des Alphonse de Liguori, des Gérard Majella et Benoît Labre, sainteté qui aime se manifester, qui se plaît aux manifestations voyantes, qui exagère les mortifications, qui provoque et scandalise la sagesse mondaine. […] La congrégation qu’elle fonde est destinée à perpétuer cette sainteté et cette œuvre. On y reçoit sans dot, on y admet des infirmes, on y partage la vie des pauvres. Cela aussi est une grande nouveauté et un défi au siècle [des Lumières] ». (Jean de Viguerie, in R. Darricau et autres, ''Sainte Jeanne Delanoue, servante des pauvres'', Chambray-les-Tours, C. L. D., 1982, p. 64-65, 71, 83, 87-88).
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Version actuelle en date du 19 septembre 2021 à 15:49

Jeanne Delanoue
Titre(s) « Première Servante » (mère supérieure)
Dénomination(s) Jeanne de la Nouë ; sœur Jeanne de la Croix ; « un cochon de Jésus-Christ » ; « la Mère des pauvres » ; « la sainte de Saumur » ; sainte Jeanne Delanoue
Biographie
Date de naissance 18 juin 1666
Date de décès 16 août 1736
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Nicole Pellegrin, 2021

Jeanne Delanoue est née dans un faubourg de Saumur en 1666 au sein d’une famille modeste de 12 enfants dont elle est la dernière. Pierre, son père, mort dès 1672, possède une boutique de « mercerie » à proximité du grand centre marial de pèlerinages de Notre-Dame-des-Ardilliers, boutique qui échoie à sa veuve Françoise Huneau jusqu’à son décès en 1692, puis à sa fille Jeanne. À l’école, celle-ci « apprenait ce qu’elle voulait », déclare sa biographe et successeure, Marie Laigle (1682-1749). Selon tous ses hagiographes, Jeanne est, dès son plus jeune âge, angoissée par ses péchés et par son attachement aux biens matériels et elle aurait été empêchée dans son cheminement spirituel par une mère qui trouve ses dévotions excessives, tandis que des confesseurs jansénisants, les Oratoriens maîtres du sanctuaire des Ardilliers, lui refusent de jeûner et de communier autant qu’elle le désire. Au moment où meurt sa mère, un nouveau directeur de conscience (il le reste de 1692 à 1717), le chapelain de l’Hôtel-Dieu de Saumur, Jean Géneteau, l’aurait fait passer de la crainte à l’amour de Dieu. Cet homme lui fait découvrir, lors d’une prédication de Carême, la nécessité de pratiquer les bonnes œuvres, alors que l’âpreté au gain de Jeanne l’a poussée jusqu’alors à ouvrir boutique les dimanches et jours fériés et à refuser d’aider les pauvres de son quartier et même à ouvrir boutique les dimanches et jours fériés. En respectant l’interdit de vendre ces jours-là, elle s’ouvre à une autre forme de vie que scelle sa rencontre avec une mendiante et pèlerine bretonne venue aux Ardilliers, Françoise Souchet (c. 1635-1704) qui l’engage à secourir les indigents. Cette « conversion » se traduit le lendemain de la Fête-Dieu 1693 par une première extase de « trois jours et trois nuits sans boire ni manger » et des visions, bientôt récurrentes, de l’Enfer, de Marie et du Christ. En 1702, elle laisse son commerce à sa nièce avaricieuse et transforme sa maison et les grottes du coteau adjacent en une sorte d’hospice qu’elle nomme La Providence. Mais le 3 juillet 1703, cette colline des Fondis s’écroule et n’écrase qu’un des douze « petits pauvres » qu’elle abritait. Dès le mois suivant, un second logis accueille la première postulante, une campagnarde, dont la prise d’habit a lieu en 1704 le jour de la sainte Anne (26 juillet) aux côtés de Jeanne, de sa nièce « convertie » et d’une paysanne, les premières Sœurs de Sainte-Anne de la Providence.
Face aux difficultés d’une fondation mal assurée financièrement et peu appréciée par les autorités civiles et religieuses hostiles à la prodigalité, au mysticisme et aux mortifications extrêmes de Jeanne, le passage en 1706 du jeune missionnaire et futur co-fondateur des Filles de la Sagesse, Louis-Marie Grignion de Montfort, semble avoir conforté Jeanne dans son entreprise. Celle-ci est approuvée officiellement par l’évêque d’Angers le 24 septembre 1709. La congrégation prend de l’extension, s’installe dans de nouveaux bâtiments et entreprend de fonder petites écoles et/ou services d’hôpitaux en Anjou, Bretagne et Berry, et cela au prix d’incessantes démarches et autres sollicitations. Quelques mois d’« angoisses intérieures et […] ténèbres épaisses » précèdent la mort, édifiante et apaisée, à l’âge de 71 ans, de Jeanne Delanoue le 17 août 1736.
Apostolique tourmentée, Jeanne Delanoue reste peu connue hors de l’Anjou malgré l’expansion rapide de son ordre et des miracles attestés par l’Eglise : multiplications de pains ou d’étoffes, guérisons. Béatifiée en 1947 et canonisée en 1982, elle pratique, en plein siècle des Lumières, une religion mortifiante qui se voue au soulagement des « pauvres abandonnés » (bébés, vieillards), « pauvres honteux », « pauvres de la porte », « pauvres captifs », filles « demi-perdues » et autres. En fondant une congrégation, hospitalière et enseignante, qu’elle place sous la sauvegarde de la seule Providence, Jeanne Delanoue innove durablement : elle refuse de recevoir des rentes et elle recrute sans dot des religieuses pouvant être infirmes, qui vivent hors clôture, ne prononcent pas de vœux perpétuels et ne comptent pas de sœurs converses. Les interdits qui organisent initialement la vie des Servantes des Pauvres (pas de chant aux offices ni de repas hors communauté, port d’un habit de serge grise) permettent de reconstituer, en creux, les heurs et malheurs d’un monde en proie aux calamités naturelles, aux crises de subsistances et aux angoisses de son salut.

Oeuvres

  • Une poignée de lettres de direction et de demande d’argent, citées (et réécrites ?) par ses biographes (le chanoine Georges Blond, La mère des pauvres. Jeanne Delanoue, 1666-1736, Saumur, Congrégation des Sœurs de Jeanne Delanoue à Saint-Hilaire-Saint-Florent, 1968, p. 161, 179).
  • « Règles » (en collaboration avec Marie Laigle, leur congrégation et autres), «Conseils spirituels», «Prières», ibidem, p. 289-318.

Principales sources

  • Marie Laigle, « La vie de notre chère mère Jeanne Delanoue », texte du manuscrit édité par le chanoine Georges Blond, dans La mère des pauvres. Jeanne Delanoue, 1666-1736, Saumur, Congrégation des Sœurs de Jeanne Delanoue à Saint-Hilaire-Saint-Florent, 1968, p. 1-288.
  • [Abbé Cever], Discours sur la vie et les vertus de la vénérable sœur Jeanne Delanoue Fondatrice & première Superieure de la Maison de la providence de Saumur, décédée le 16 Août 1736 en odeur de sainteté, Angers, Pierre-Louis Dubé, 1743.

Choix bibliographique

  • La vénérable Jeanne Delanoue, Fondatrice des Sœurs de Sainte Anne de la Providence de Saumur Servantes des Pauvres, 1666-1736, Angers, Société anonyme des Editions de l’Ouest, 1930.
  • B-d-E, « Sainte-Anne (Congrégation des Sœurs de), servantes des pauvres. Vie de Jeanne de La Nouë, fondatrice de cette Congrégation et de l’hospice de la Providence, à Saumur » in les pères Hélyot, Badiche et Tochou (dir.), Dictionnaire des ordres religieux […], Paris, J.-P. Migne, Encyclopédie théologique, t. XXIII/ 4, 1859, col. 1383-1392.
  • Blond, Georges, La mère des pauvres. Jeanne Delanoue, 1666-1736, Saumur, Congrégation des Sœurs de Jeanne Delanoue à Saint-Hilaire-Saint-Florent, 1968
  • Darricau, Raymond, Bernard Peyrous et Jean de Viguerie, Sainte Jeanne Delanoue, servante des pauvres, Chambray-les-Tours, C. L. D., 1982, pl.
  • Taylor, Frances [mère Madeleine du Sacré Cœur], Life of Jeanne de la Noue. A Marvellous History, s. l., c. 1884.

Choix iconographique

  • [anonyme], frontispice gravé in [Abbé Cever], Discours sur la vie et les vertus de la vénérable sœur Jeanne Delanoue Fondatrice & première Superieure de la Maison de la providence de Saumur, décédée le 16 Août 1736 en odeur de sainteté, Angers, Pierre-Louis Dubé, 1743.
  • [anonyme, XVIIIe], portrait conservé à la maison-mère

Jugements

  • [À l’école, elle] « apprenait ce qu’elle voulait », se faisait craindre des autres enfants « à cause qu’elle voulait être maîtresse sur toute chose […] et même elle faisait de petites instructions spirituelles à sa mère dès son enfance […] (Marie Laigle, « La vie de mère Jeanne Delanoue » éd. par le chanoine Georges Blond, La mère des pauvres. Jeanne Delanoue, 1666-1736, Saumur, Congrégation des Sœurs de Jeanne Delanoue à Saint-Hilaire-Saint-Florent, 1968, p. 6)
  • [Portrait] Elle n’était pas grande, mais d’une taille médiocre ; et elle avait un visage carré et plein, un peu marqué de vérette [variole], des yeux vifs et à fleur de peau ; elle avait des signes dans le visage et une belle main ; car elle avait un bras si rond et une main si belle que cela faisait que bien des personnes la miraient et admiraient son air agréable et charitable. L’on s’adressait à elle avec confiance, assuré que l’on ne serait point refusé de ses secours tant spirituel que temporel. […] Dès sa plus tendre jeunesse, elle s’est appliquée à la connaissance d’elle-même. […] elle croyait être damnée. » (Ibidem, p. 7)
  • [1692-1694 ?] « Mais le démon lui livra bien un autre combat après la mort de sa mère : car il l’attaqua d’avarice qui surpassait l’imagination […] (Ibidem, p. 10) elle ne croyait n’avoir jamais assez de biens pour vivre contente […]. Elle ne voulait point avoir de pain chez elle qu’à mesure qu’elle en avait besoin pour ses repas, afin de refuser plus facilement les pauvres quand ils lui demandaient l’aumône. C’était dans la chère année de 1693 […]. Mais le Seigneur qui ne voulait pas qu’elle fût intéressée, il la fit bien changer de résolution : car d’intéressée qu’elle était, elle devint une très grande prodigue en la charité […].» (Ibidem, p. 12)
  • « une simple fille qui n’avait que des sentiments de crainte de devenir pauvre […] elle a été méprisée de tout le monde ; et même les pauvres à qui elle faisait le mieux la calomniaient en toutes rencontres.» (Ibidem, p. 14)
  • [Mortifications] « Notre Sœur fit bouillir le pain malpropre [d’un pauvre noyé] avec les poux, et puis les mangea. […] Notre Sœur ne portait point de chemise, elle ne portait qu’une grosse tunique de serge qui l’a fait bien souffrir […] par les poux qui la mangeaient. Elle en avait un si grand nombre qu’elle les prenait à poignées dans son pauvre corps qui était tout en feu à force de gratter […] ; donc elle prit résolution de ne plus coucher dans un lit, ni de se défaire de ses vilains poux, attendu qu’elle ne voulait point se déshabiller jamais, ni jour, ni nuit […] (Ibidem, p. 46-47)
  • [Vers 1709] « Il s’est trouvé dans le commencement plusieurs personnes [témoins] de cette vie extraordinaire qui l’ont mise à l’épreuve d’une bonne manière. […] Le révérend Père Grégoire, capucin […] lui fit réponse […] qu’elle était une visionnaire, qu’elle se trompait, qu’il n’y avait rien de bon en elle et que c’était l’esprit du diable qui la conduisait, et que l’orgueil lui avait fait entreprendre ce qu’elle avait fait, que cela ne pouvait pas subsister longtemps. » (Ibidem, p. 156-157)
  • [1711] « le Seigneur se plaisait à répandre ses grâces et ses bénédictions en notre maison. Il nous faisait voir avec vérité qu’Il était notre Père, notre Tout, notre Administrateur, comme l’a très bien dit notre très honorée Mère dans un entretien qu’elle nous a fait de nos devoirs, dont je l’ai laissé par écrit pour l’utilité des filles qui nous succèderont et qui n’auront pas le bonheur que nous avons de posséder un si grand trésor dans notre siècle. On peut bien dire qu’elle est le bonheur de toute la ville et qu’elle attire les grâces et bénédictions du ciel et qu’elle détourne la colère de Dieu. On peut bien dire qu’elle laissait agir la Providence en tout et qu’elle ne pressait rien du tout ; elle attendait l’ordre de Dieu en tout ce qu’elle entreprenait, et on voyait que tout réussissait et bien, et qu’elle venait à bout de tout, et le tout pour la plus grande gloire de Dieu. » (Ibidem, p. 186 et 188)
  • [Carême 1715] « Il lui fut dit intérieurement : ” Dis-lui que tu ne recevras plus Dieu comme enfant mais comme crucifié”. Et en même temps, la sainte vierge lui apparut qui tenait son cher Fils sur ses genoux, en la forme d’un crucifié. …] Elle fut occupée pendant sa retraite que la Sainte Vierge était toute de feux du Saint-Esprit, […] et qu’elle la voyait toute de feux de l’Amour et ne voyait en Elle aucun vide de ce feu de l’Amour. Elle demanda une petite parcelle. […] elle connut donc que ce feu dont Marie était remplie, c’était ce qui L’avait rendue intrépide au pied de la croix de son cher Fils . » (Ibidem, p. 238, 240)
  • « JEANNE DE LA NOUË, Fondatrice de la Maison de la Providence de Saumur, recommandable par sa Charité ingénieuse et universelle envers les pauvres, et par ses grandes austérités, décédée en odeur de Sainteté, le 16 Août 1736. Louons les Hommes Illustres, […] . Je n’ai garde de vouloir comparer ici la Personne, dont j’entreprens de raconter les actions, à ces Saints personnages de l’Antiquité, que les Apôtres eux-mêmes ont proposés aux premiers Chrétiens, comme des modèles à imiter ; mais si les vertus admirables de ces grands saints ont mérité de grandes louanges parmi nous, & un haut rang dans le Ciel, ceux de notre tems, qui ont travaillé avec succès à les imiter, ne méritent-ils pas par la même raison d’avoir quelque petite part à leurs éloges ? […] Son zèle pour la beauté intérieure de l’ame, qui lui a inspiré de mener une vie si austère & si opposée aux inclinations de la nature ; cette force & cette élévation d’esprit avec laquelle elle sçavoit si bien contenir dans le devoir, celles que la grâce de Dieu avoit attirées à prendre sa forme de vie, & attachées à sa personne ; cette onction avec laquelle elle maintenoit dans la paix tant de différents esprits qu’elle avoit à conduire ; ce discernement & cette supériorité de raison qui lui faisoit prendre des desseins si élevés, & trouver des moyens très-efficaces, quoique peu connus des hommes qui ne pensent qu’en hommes, pour en venir à bout ; cette fécondité de lumieres & de conseils, qu’une langue aussi peu instruite à l’école des grammairiens & des philosophes, mais que Dieu avoit rendu diserte, produisoit si à propos pour la consolation des affligés, pour l’instruction des ignorans, & pour la conversion des pécheurs ; cette effusion de cœur envers les membres pauvres & souffrans de Jesus Christ ; cette infatigable ardeur à les secourir ; cette charitable industrie à trouver toujours des moyens de les soulager, après s’être dépouillée de tout le sien en leur faveur, & lorsque toutes ses ressources sembloient épuisées ; cette hardie entreprise dans l’établissement d’une Maison de charité, où les hommes & tout ce qu’il y a d’humain ont si peu de part ; cette constance à en soutenir les charges, nonobstant tous les fâcheux revers, qui naturellement auroient dû faire échouer le dessein ; les heureux succès qui ont suivi, & la consolation qu’elle a euë de voir cette maison s’établir & s’augmenter ; les sujets qui la composent se multiplier, se répandre même en d’autres lieux pour le soulagement des pauvres, pour l’instruction des enfans & pour l’édification des peuples, succès qui nous donnent tout lieu de penser que son institut subsistera long-tems, & que celles qui le professent, feront revivre durant bien des siècles la mémoire de celle qui l’a fondé ; Ce sont là autant de sujets d’éloges, dont une infinité de personnes ont été témoins, que toute une Ville & une contrée a vû & voit encore, & que le détail des faits que je rapporterai, va mettre comme devant les yeux de tout lecteur attentif. […]» ([Abbé Cever], Discours sur la vie et les vertus de la vénérable sœur Jeanne Delanoue Fondatrice & première Superieure de la Maison de la providence de Saumur, décédée le 16 Août 1736 en odeur de sainteté, Angers, Pierre-Louis Dubé, 1743, frontispice et p. 1-5).
  • « JEANNE DE LA NOUE, FONDATRICE DE LA MAISON DE LA PROVIDENCE DE SAUMUR […]. Ce nouvel apôtre de l’humanité, consultant moins ses moyens que son zèle, s’en reposoit avec confiance sur le Dieu dont elle suivoit les inspirations secrètes. Des gens d’une foi faible l’accusèrent de témérité […]. Si elle devoit au soulagement de tant d’indigens les plus douces jouissances, elle étoit, d’un autre côté, accablée de peines intérieures. […] Dieu lui avoit accordé le don des larmes et le discernement des esprits […]. Elle voulut, quoiqu’ayant autorité sur tout ce qui l’entouroit, pratiquer elle-même l’obéissance, et se soumettre entièrement à une de ses filles ; elle ordonna à cette jeune personne de la reprendre de ses fautes, en public comme en particulier ; […] PRATIQUE. […] jamais je ne me dispenserai de faire du bien : la poignée de farine, le peu d’huile de la bonne veuve, les deux oboles de la femme de l’Evangile, l’extrême détresse de Jeanne de la Noue […] , sont pour moi de précieux exemples qui réclament toute ma fidélité ».(Abbé Carron, Vies des justes parmi les filles chrétiennes, Lyon et Paris, Rosand, 1824, p. 377-402).
  • «  Le vendredi 16 août 1736, elle s’endormit dans le Seigneur, dans sa 71e année. Ses funérailles furent un triomphe, à en juger par les témoignages que donnèrent de sa vertu les personnes empressées à faire toucher à son corps divers objets pour les garder avec vénération. Ce corps, précieuse relique de la sainte fondatrice, reposa dans la chapelle de son établissement jusqu’à l’année 1796 […], transféré [alors] dans la maison des Pères de l’Oratoire […] au pied de l’autel de Marie dans l’église de N.-D. des Ardilliers […] ; mais, en 1837, […] les restes […] furent transportés dans un caveau creusé sous la chapelle qui sert de chœur aux religieuses » (B-d-E, « SAINTE-ANNE (Congrégation des Sœurs de), servantes des pauvres. Vie de Jeanne de La Nouë, fondatrice de cette Congrégation et de l’hospice de la Providence, à Saumur »in Hélyot, Badiche et Tochou, les pères (dir.), Dictionnaire des ordres religieux […], Paris, J.-P. Migne, Encyclopédie théologique, t. XXIII/ 4, 1859, col. 1391).
  • « Peut-on rattacher de façon analogue à la Justice de Dieu les calamités naturelles ? C’est ce que fait Jeanne Delanoue devant l’éboulement qui non seulement réduit à néant son œuvre naissante mais laisse un enfant sous les décombres. Elle est “ dans la joie intérieure de voir que la Volonté de Dieu s’accomplit”. Le Seigneur a ”la puissance de rétablir ce qu’il avait détruit” : il s’agit donc d’un même acte formel ». (Stanislas Lyonnet, « Péché-pécheur », in Dictionnaire de spiritualité. Ascétique et mystique. Doctrine et Histoire, Paris, Beauchesne, tome XII, col. 790).
  • « Jeanne Delanoue est une angevine de bonne race. Elle est née à Saumur […], ville catholique et ville protestante à la fois, ville de pèlerinages et ville de marchés, touchée par les crises économiques, sociales et religieuses du siècle, […] au carrefour de courants bien divers […] un itinéraire intérieur […] sur certains points classique : on trouve des états équivalents dans la vie de la plupart des saints, ceux de l’Ecole Française en particulier. Mais Jeanne a eu également, à certains autres aspects, une grande originalité. […] Son milieu d’origine était bien plus prosaïque. […] elle passa, dans un délai très bref, de la vie purgative, la vis chrétienne ordinaire, à la vie unitive, la grande vie de l’âme, sans s’attarder à la vie illuminative, qui prépare aux plus hauts degrés. Elle entra très vite dans les demeures élevées, correspondant aux cinquièmes demeures de sainte Thérèse d’Avila. […] Dieu était devenu son tout. […] Dès l’heure de sa mort, Jeanne Delanoue fut l’objet d’une large réputation de sainteté, et laissa le souvenir d’une femme d’un mérite exceptionnel. » (Raymond Darricau et Bernard Peyrous, in R. Darricau et autres, Sainte Jeanne Delanoue, servante des pauvres, Chambray-les-Tours, C. L. D., 1982, p. 15, 52-53, 56).
  • « Jeanne Delanoue n’éprouve pas naturellement de pitié ou de sympathie pour les pauvres. Elle avouera qu’elle n’a jamais eu d’ « inclination » pour eux. Elle dira même qu’elle a toujours répugné à leur faire du bien. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de cette femme. […] Que lui importent les mouvements du cœur ! […] Pour elle, la pauvreté est sacrée. […] et […] explique les effroyables mortifications qu’elle s’impose. Moins que la pénitence, elle y cherche le dénuement et l’anéantissement. […] Les poux dans sa nourriture, mais aussi dans les habits. […] elle ne se déshabille jamais. Elle se couche tout habillée. Se coucher est une manière de parler. Elle s’encastre et se recroqueville dans un petit coffre, […] mais la tête dépasse et ne repose sur rien […]. Le Siècle des Lumières ne s’y est pas reconnu. […] Cette femme agaçante n’a aucun respect humain. […] sa dévotion à la Vierge est jugée excessive. […] S’il ne reste qu’une mariolâtre, elle sera celle-là ! […] Enfin et surtout, elle communie quotidiennement, et c’est une chose inouïe à une époque où les confesseurs ne permettent la Communion hebdomadaire qu’à leurs pénitents les plus parfaits ! […] Jeanne Delanoue a été peu connue de son vivant. Elle n’a pas fait courir les foules. […] Sa sainteté est une sainteté nouvelle, la sainteté qui sera celle des P. de Montfort, des J. M. Moyë, des Alphonse de Liguori, des Gérard Majella et Benoît Labre, sainteté qui aime se manifester, qui se plaît aux manifestations voyantes, qui exagère les mortifications, qui provoque et scandalise la sagesse mondaine. […] La congrégation qu’elle fonde est destinée à perpétuer cette sainteté et cette œuvre. On y reçoit sans dot, on y admet des infirmes, on y partage la vie des pauvres. Cela aussi est une grande nouveauté et un défi au siècle [des Lumières] ». (Jean de Viguerie, in R. Darricau et autres, Sainte Jeanne Delanoue, servante des pauvres, Chambray-les-Tours, C. L. D., 1982, p. 64-65, 71, 83, 87-88).
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