Jeanne-Olivier Bourguignon

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Jeanne-Olivier Bourguignon
Conjoint(s) Jean Pitel, sieur de Beauval
Dénomination(s) Mademoiselle Beauval, dame Pitel de Beauval
Biographie
Date de naissance 1647
Date de décès 20 mars 1720
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Autre(s) dictionnaire(s) en ligne
Dictionnaire CESAR - Calendrier électronique des spectacles sous l'Ancien régime


Notice de Claudine Nédelec, 2022

Enfant trouvée (en Hollande), recueillie par une blanchisseuse, elle aurait été adoptée à l’âge de dix ans par Jean-Baptiste Monchaingre (ce nom est diversement orthographié selon les sources), dit Filandre, comédien et directeur d’une troupe itinérante, selon les frères Parfaict, dont l’Histoire du théâtre français (1748) est la principale source de renseignements sur la biographie de cette comédienne. Ils la présentent comme l’héroïne de diverses anecdotes, d’historicité invérifiable, qui en font une illustration de la vie aventureuse des comédiennes des troupes ambulantes. Filandre, après avoir parcouru les Pays-Bas espagnols de la fin des années 1640 jusqu’en 1658, revient en France en raison de divers événements politiques et familiaux. Il refonde alors une troupe, selon un acte passé à La Rochelle, qui mentionne Jeanne comme sa « fille adoptive ». Sous la protection du prince Louis II de Condé, cette troupe itinérante se trouve en 1665 à Lyon, où Jeanne aurait imposé à son père adoptif, en provoquant un scandale dans une église, son mariage avec Jean Pitel, sieur de Beauval, comédien adonné aux petits rôles, voire simple moucheur de chandelles.
On retrouve le couple dans la troupe du Marais en 1667-1668, puis dans la troupe du duc de Savoie en 1669. En 1670, une lettre de cachet (sur la suggestion de Molière) leur ordonne de venir à Paris, pour entrer dans la troupe du Roi au Palais-Royal, et remplir les rôles de soubrette et de niais. Ce transfert « forcé » n’est pas un cas isolé ; il prouve l’attention que l’autorité royale porte aux affaires du théâtre, et en l’occurrence l’influence de Molière sur le roi. Or, une autre anecdote raconte que Louis XIV n’a tout d’abord pas apprécié la comédienne, jusqu’à ce qu’il l’entende dans un de ces rires qui firent son succès, et que Molière mit à profit dans les rôles de Nicole (Le Bourgeois gentilhomme), Zerbinette (Les Fourberies de Scapin) et Toinette (Le Malade imaginaire). Mais elle joue aussi des rôles tragiques (Tite et Bérénice, Corneille, 1670). Les Beauval restent dans la troupe de Molière jusqu’à Pâques 1673, où ils passent à l’Hôtel de Bourgogne ; Mlle Beauval y joue également les soubrettes et les reines. Ils font ensuite partie de la Comédie-Française, où Jeanne joue dans les pièces de Palaprat, de Brueys et de Regnard. Elle apparaît « au naturel » dans un prologue de Michel Baron (Le Rendez-vous des Tuileries, 1685) et un de Jean-François Regnard (Les Folies amoureuses, 1704).
Mari et femme se retirent du théâtre en 1704, avec une pension de 1000 livres chacun. La retraite n’est pas complète : « Depuis sa retraite du Théâtre, Mademoiselle Beauval fut appelée à plusieurs fêtes que Mme la duchesse du Maine donna à Sceaux, où cette Actrice joua dans différentes Pièces qui y furent représentées » (Frères Parfaict).
De leurs nombreux enfants, seule leur fille aînée, Louise Pitel de Beauval (1665-1740), qui joua le rôle de Louison du Malade imaginaire, fit carrière au théâtre.
Dans la troupe de son père adoptif, Mlle Beauval a mené une vie d’enfant de la balle, avant de se stabiliser à Paris. Elle illustre ainsi ces nombreuses troupes itinérantes qui sillonnaient alors la France, voire l’Europe, et dont l’histoire complexe reste encore mal connue ; Henri Chardon voulut voir en Filandre et sa femme les modèles de Destin et d’Angélique dans Le Roman comique de Scarron (1651-1657).

Principales sources

  • Claude et François Parfaict, Histoire du théâtre français [...], Paris, P. G. Le Mercier et Saillant, t. 14, 1748, p. 527-534.
  • Acte passé devant Me Pierre Teuleron, notaire à La Rochelle, du 17 novembre 1659, « Association Mouschingre (sic), sa femme, Pinel et autres comédiens », Minutes Teuleron, Archives départementales de la Charente-Maritime, 3 E 1300, n° 65.
  • Registre de la secrétairerie d’État, pour l’an 1670, p. 269 vº, cité par Henri Lyonnet, Dictionnaire des comédiens français, Genève, Bibliothèque de la Revue universelle internationale illustrée, s. d., t. 1, p. 115 : « De par le Roi, Sa Majesté voulant toujours entretenir les troupes de ses comédiens complètes, et pour cet effet prendre les meilleurs des provinces pour son divertissement, et étant informée que la nommée de Beauval, l’une des actrices de la troupe des comédiens qui est présentement à Mâcon, a toutes les qualités requises pour mériter une place dans la troupe de ses comédiens qui représentent dans la salle de son Palais Royal, Sa Majesté mande et ordonne à ladite Beauval et à son mari de se rendre incessamment à la suite de sa cour pour y recevoir ses ordres ; veut et entend que les comédiens de ladite troupe qui est présentement à Mâcon, aient à les laisser sûrement et librement partir, sans leur donner aucun trouble ni empêchement, nonobstant toutes conventions, contrat et traités avec clauses de desdits qu’ils pourraient avoir fait ensemble, dont, attendu qu’il s’agit de la satisfaction et du service de Sa Majesté, elle les a relevés et dispensés : Enjoint à tous ses officiers et sujets qu’il appartiendra de tenir la main à l’exécution du présent ordre. Fait à Saint-Germain-en-Laye, le xxxie juillet 1670. Signé Louis [et] Colbert ».
  • Archives de la Comédie-Française, Registre de La Grange, 1658-1685, Paris, J. Claye, 1876, p. 111 : « M. de Molière manda de la même troupe de campagne [celle de Baron] M. et Mlle de Beauval pour une part et demie, à la charge de payer 500 livres de la pension du sieur Bejart [qui s’était retiré à Pâques], et 3 livres chaque jour de représentation à Chasteauneuf, gagiste de la troupe ».
  • Le Nouveau Mercure, mars1720, p. 100-101: La Comédie-Française « vient de perdre [...] une de ses plus anciennes Actrices : c’est Mademoiselle Beauval, qui mourut le Lundi 20 du mois de Mars 1720, âgée d’environ soixante-treize ans. Elle s’est distinguée également dans le sérieux et dans le comique. On doit à sa mémoire ce petit éloge, qui est, que pendant tout le temps que cette Comédienne a été en exercice, elle a toujours été si attentive à son devoir Théâtral, qu’aucune affaire étrangère n’a jamais pu l’en détourner ».

Choix bibliographique

  • Henri Chardon, La Troupe du Roman comique dévoilée et les comédiens de campagne au XVIIe siècle, Le Mans, E. Monnoyer, 1876.
  • J. Fransen, Les Comédiens français en Hollande au XVIIe et au XVIIIe siècles, Paris, Champion, 1925.
  • Georges Mongrédien, La Vie quotidienne des comédiens au temps de Molière, Paris, Hachette, 1966, p. 239-253.
  • Arsène Houssaye, Les Comédiennes de Molière [1879] [1] (p. 131-157)
  • Madeleine Jurgens et Elizabeth Maxfield-Miller, Cent ans de recherches sur Molière, sur sa famille et sur les comédiens de sa troupe, [2] (p. 683-684)

Choix iconographique

  • Hippolyte Lecomte, Costumes de théâtre de 1670 à 1820, Paris, 1820-1825, p. 68.
  • Frédéric Hillemacher, Galerie historique des portraits des comédiens de la troupe de Molière, gravés à l’eau-forte [...], Lyon, l. Perrin, 1858, p. 70 (d’après un portrait à l’huile).

Jugements

  • « Ainsi, le ROI va, dans Chambord, / Joyeusement, prendre l’Essor, / Avec sa COUR, si florissante, / Et pendant des Jours, ou quinze, ou trente [...]. / Molière, Privilégié, / Comme seul, des Talents, doué, / Pour y divertir ce cher Sire, / En prend, ce vient-on de me dire, / La Route, sans doute, Lundi, / Le matin, ou l’après-midi, / Avec sa ravissante Troupe, / Qui si fort, a le Vent en poupe ;
/ Et même, où, par l’ordre Royal, / On voit, depuis peu, la Beauval, / Actrice d’un rare mérite, / Qui, de bonne grâce, récite, / Ainsi qu’avecque jugement, / Et qui, bref, est un Ornement, / Des plus attrayants qu’ait la Scène, / C’est une vérité certaine ». (Charles Robinet, Lettre en vers à Monsieur, 27 septembre 1670)
  • « Ce choix [celui de son mari] était relatif au caractère altier et dominant avec lequel elle était née » (p. 528-529). « Mademoiselle Beauval était assez grande, bien faite, et point du tout jolie. Sa voix était un peu aigre, et sur la fin de sa carrière théâtrale, elle devint enrouée » (p. 531).

« Mademoiselle Beauval continua de jouer avec applaudissement les grands comiques, et les Reines mères dans le Tragique » (p. 531-532). « Un esprit naturel tenait lieu à Mademoiselle Beauval, d’éducation et de lectures » (p. 533). ( Claude et François Parfaict, Histoire du théâtre français [...], Paris, P. G. Le Mercier et Saillant, t. 14, 1748)

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