Jane Barker : Différence entre versions

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== Notice de [[Constance Lacroix]], 2014 ==
 
== Notice de [[Constance Lacroix]], 2014 ==
 
Poétesse, romancière et traductrice jacobite, Jane Barker naît en 1652 à Blatherwick (Northamptonshire), où son père, Thomas Barker, gentilhomme, ex-secrétaire du Chancelier de Charles Ier, s’est retiré pendant la guerre civile avec sa femme, Anne, issue d’une famille d’officiers royalistes et catholiques gallois, les Connock. En 1662, la famille qui compte aussi deux fils, Edward et Henry nés en 1650 et 1655, s’installe sur le domaine de Wilsthorp (Lincolnshire). Le comte d’Exeter leur en cède le bail jusqu’en 1774. Lectrice avide, initiée à l’agriculture par son père, à la médecine mais aussi au latin par Edward, étudiant à Oxford, elle s’enthousiasme pour les découvertes médicales de Harvey, Lower et Willis, et se lie, sous le nom de Galaecia, à une coterie d’étudiants poètes de Cambridge, dont fait partie l’éditeur Benjamin Crayle, qui publiera en 1688, sans la consulter, 53 de ses poèmes dans le recueil Poetical Recreations. Son frère Edward meurt en 1675, suivi en 1681 par leur père qui fait d’elle son héritière. Avec sa mère, Jane rejoint alors Henry, son cadet, à Londres, où elle pratique la médecine à titre gracieux et continue à écrire, composant un roman héroïque aujourd’hui perdu.<br>  
 
Poétesse, romancière et traductrice jacobite, Jane Barker naît en 1652 à Blatherwick (Northamptonshire), où son père, Thomas Barker, gentilhomme, ex-secrétaire du Chancelier de Charles Ier, s’est retiré pendant la guerre civile avec sa femme, Anne, issue d’une famille d’officiers royalistes et catholiques gallois, les Connock. En 1662, la famille qui compte aussi deux fils, Edward et Henry nés en 1650 et 1655, s’installe sur le domaine de Wilsthorp (Lincolnshire). Le comte d’Exeter leur en cède le bail jusqu’en 1774. Lectrice avide, initiée à l’agriculture par son père, à la médecine mais aussi au latin par Edward, étudiant à Oxford, elle s’enthousiasme pour les découvertes médicales de Harvey, Lower et Willis, et se lie, sous le nom de Galaecia, à une coterie d’étudiants poètes de Cambridge, dont fait partie l’éditeur Benjamin Crayle, qui publiera en 1688, sans la consulter, 53 de ses poèmes dans le recueil Poetical Recreations. Son frère Edward meurt en 1675, suivi en 1681 par leur père qui fait d’elle son héritière. Avec sa mère, Jane rejoint alors Henry, son cadet, à Londres, où elle pratique la médecine à titre gracieux et continue à écrire, composant un roman héroïque aujourd’hui perdu.<br>  
Après la mort d’Anne et la révolte des partisans du protestant Monmouth, bâtard de Charles Ier, contre le catholique Jacques II en 1685, Jane épouse la foi de son roi, qu’elle suit à Saint-Germain-en-Laye après la révolution de 1689. Non pensionnée, mais aidée par ses cousins Connock, dignitaires jacobites importants, elle est, bien que quasi-aveugle dès 1696, l’un des quatre principaux poètes de la cour, avec Hamilton, Caryll et Maitland. En 1701, elle offre au prince de Galles le recueil manuscrit Poems Refering to the Times, dicté à son cousin William, où «Fidelia» narre sa conversion, son arrivée en France, et la lutte jacobite, devenue un combat cosmique. Elle compose aussi un second ensemble de poèmes d’exil, plus intimistes, adressés à des ami(e)s jacobites, à la reine, à la princesse Louise-Marie, à Louise-Hollandine de Palatinat, abbesse de Maubuisson ou encore à Arabella Fitz-James, fille illégitime de Jacques II, religieuse bénédictine à Pontoise. Elle commémore un certain nombre des événements marquants de la vie des exilés : expéditions militaires, famine et épidémie de l’hiver 1694, mort de Jacques II, début de la guerre de Succession d’Espagne… Bien qu’en anglais, les poèmes de Jane Barker circulent hors du milieu jacobite : l’unique exemplaire restant de ''Poems Refering to The Times'' entre dans la bibliothèque de la duchesse de la duchesse d’Aiguillon en 1718.
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Après la mort d’Anne et la révolte des partisans du protestant Monmouth, bâtard de Charles Ier, contre le catholique Jacques II en 1685, Jane épouse la foi de son roi, qu’elle suit à Saint-Germain-en-Laye après la révolution de 1689. Non pensionnée, mais aidée par ses cousins Connock, dignitaires jacobites importants, elle est, bien que quasi-aveugle dès 1696, l’un des quatre principaux poètes de la cour, avec Hamilton, Caryll et Maitland. En 1701, elle offre au prince de Galles le recueil manuscrit Poems Refering to the Times, dicté à son cousin William, où «Fidelia» narre sa conversion, son arrivée en France, et la lutte jacobite, devenue un combat cosmique. Elle compose aussi un second ensemble de poèmes d’exil, plus intimistes, adressés à des ami(e)s jacobites, à la reine, à la princesse Louise-Marie, à Louise-Hollandine de Palatinat, abbesse de Maubuisson ou encore à Arabella Fitz-James, fille illégitime de Jacques II, religieuse bénédictine à Pontoise. Elle commémore un certain nombre des événements marquants de la vie des exilés : expéditions militaires, famine et épidémie de l’hiver 1694, mort de Jacques II, début de la guerre de Succession d’Espagne… Bien qu’en anglais, les poèmes de Jane Barker circulent hors du milieu jacobite : l’unique exemplaire restant de ''Poems Refering to The Times'' entre dans la bibliothèque de la duchesse de la duchesse d’Aiguillon en 1718.<br>
Jane revient à Wilsthorp en 1704, munie du ''Magdalen Manuscript'', ultime recueil de toute son œuvre (qui comprend les versions révisées de ses poèmes de jeunesse) qu’elle diffusera clandestinement. Assujettie, en tant que catholique, à des persécutions multiples, dont une double taxe foncière, en procès avec sa propre nièce, elle lutte pour mettre en valeur ses terres et élever ses deux petites-nièces, tout en participant à un complot jacobite franco-anglo-espagnol (1718), ainsi qu’à une campagne internationale pour la béatification de Jacques II, auquel elle pense devoir deux miracles. Protégée par la comtesse d’Exeter, elle se livre aussi à une discrète propagande à travers sa trilogie autobiographique ''Love Intrigues, or, the History of the Amours of Bosvil and Galesia'' (1713), ''A Patch-Work Screen for the Ladies'' (1723) et ''The Lining of the Patch Work Screen'' (1726), ensemble truffé de références à la France, ainsi que dans ''Exilius'', un roman héroïque et politique « à la manière de Fénélon » (1715) et dans ''The Christian Pilgrimage'', traduction d’un traité du père jésuite Adrien Parvilliers, lui aussi camouflé en opus fénelonien. En 1727, elle regagne Saint-Germain où elle s’éteint en 1732.
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Jane revient à Wilsthorp en 1704, munie du ''Magdalen Manuscript'', ultime recueil de toute son œuvre (qui comprend les versions révisées de ses poèmes de jeunesse) qu’elle diffusera clandestinement. Assujettie, en tant que catholique, à des persécutions multiples, dont une double taxe foncière, en procès avec sa propre nièce, elle lutte pour mettre en valeur ses terres et élever ses deux petites-nièces, tout en participant à un complot jacobite franco-anglo-espagnol (1718), ainsi qu’à une campagne internationale pour la béatification de Jacques II, auquel elle pense devoir deux miracles. Protégée par la comtesse d’Exeter, elle se livre aussi à une discrète propagande à travers sa trilogie autobiographique ''Love Intrigues, or, the History of the Amours of Bosvil and Galesia'' (1713), ''A Patch-Work Screen for the Ladies'' (1723) et ''The Lining of the Patch Work Screen'' (1726), ensemble truffé de références à la France, ainsi que dans ''Exilius'', un roman héroïque et politique « à la manière de Fénélon » (1715) et dans ''The Christian Pilgrimage'', traduction d’un traité du père jésuite Adrien Parvilliers, lui aussi camouflé en opus fénelonien. En 1727, elle regagne Saint-Germain où elle s’éteint en 1732.<br>
 
Quatre fois republiée entre 1713 et 1743, Jane Barker a joui d’un certain succès auprès des élites traditionnelles de tradition conservatrice de son siècle. Oubliée jusqu’aux décennies 1980, elle est aujourd’hui exhumée par la critique féministe, qui salue d’abord en elle l’architecte d’un roman féminin respectable (par opposition au sulfureux trio Behn, Manley et Haywood), puis par les études jacobites, qui insistent à l’inverse sur sa dimension contestataire. Les dernières études en date soulignent le non-conformisme de Jane Barker, tant esthétique et philosophique (cartésianisme) qu’idéologique et spirituel, ainsi que son rapport complexe aux cultures rivales du manuscrit et de l’imprimé.
 
Quatre fois republiée entre 1713 et 1743, Jane Barker a joui d’un certain succès auprès des élites traditionnelles de tradition conservatrice de son siècle. Oubliée jusqu’aux décennies 1980, elle est aujourd’hui exhumée par la critique féministe, qui salue d’abord en elle l’architecte d’un roman féminin respectable (par opposition au sulfureux trio Behn, Manley et Haywood), puis par les études jacobites, qui insistent à l’inverse sur sa dimension contestataire. Les dernières études en date soulignent le non-conformisme de Jane Barker, tant esthétique et philosophique (cartésianisme) qu’idéologique et spirituel, ainsi que son rapport complexe aux cultures rivales du manuscrit et de l’imprimé.
  

Version du 18 février 2014 à 15:49

Jane Barker
Dénomination(s) Galaecia
Cosmelia
Fidelia
Galesia
Galecia
Mrs Jane Barker
Biographie
Date de naissance baptisée le 16 mai 1652
Date de décès inhumée le 29 mars 1632
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Constance Lacroix, 2014

Poétesse, romancière et traductrice jacobite, Jane Barker naît en 1652 à Blatherwick (Northamptonshire), où son père, Thomas Barker, gentilhomme, ex-secrétaire du Chancelier de Charles Ier, s’est retiré pendant la guerre civile avec sa femme, Anne, issue d’une famille d’officiers royalistes et catholiques gallois, les Connock. En 1662, la famille qui compte aussi deux fils, Edward et Henry nés en 1650 et 1655, s’installe sur le domaine de Wilsthorp (Lincolnshire). Le comte d’Exeter leur en cède le bail jusqu’en 1774. Lectrice avide, initiée à l’agriculture par son père, à la médecine mais aussi au latin par Edward, étudiant à Oxford, elle s’enthousiasme pour les découvertes médicales de Harvey, Lower et Willis, et se lie, sous le nom de Galaecia, à une coterie d’étudiants poètes de Cambridge, dont fait partie l’éditeur Benjamin Crayle, qui publiera en 1688, sans la consulter, 53 de ses poèmes dans le recueil Poetical Recreations. Son frère Edward meurt en 1675, suivi en 1681 par leur père qui fait d’elle son héritière. Avec sa mère, Jane rejoint alors Henry, son cadet, à Londres, où elle pratique la médecine à titre gracieux et continue à écrire, composant un roman héroïque aujourd’hui perdu.
Après la mort d’Anne et la révolte des partisans du protestant Monmouth, bâtard de Charles Ier, contre le catholique Jacques II en 1685, Jane épouse la foi de son roi, qu’elle suit à Saint-Germain-en-Laye après la révolution de 1689. Non pensionnée, mais aidée par ses cousins Connock, dignitaires jacobites importants, elle est, bien que quasi-aveugle dès 1696, l’un des quatre principaux poètes de la cour, avec Hamilton, Caryll et Maitland. En 1701, elle offre au prince de Galles le recueil manuscrit Poems Refering to the Times, dicté à son cousin William, où «Fidelia» narre sa conversion, son arrivée en France, et la lutte jacobite, devenue un combat cosmique. Elle compose aussi un second ensemble de poèmes d’exil, plus intimistes, adressés à des ami(e)s jacobites, à la reine, à la princesse Louise-Marie, à Louise-Hollandine de Palatinat, abbesse de Maubuisson ou encore à Arabella Fitz-James, fille illégitime de Jacques II, religieuse bénédictine à Pontoise. Elle commémore un certain nombre des événements marquants de la vie des exilés : expéditions militaires, famine et épidémie de l’hiver 1694, mort de Jacques II, début de la guerre de Succession d’Espagne… Bien qu’en anglais, les poèmes de Jane Barker circulent hors du milieu jacobite : l’unique exemplaire restant de Poems Refering to The Times entre dans la bibliothèque de la duchesse de la duchesse d’Aiguillon en 1718.
Jane revient à Wilsthorp en 1704, munie du Magdalen Manuscript, ultime recueil de toute son œuvre (qui comprend les versions révisées de ses poèmes de jeunesse) qu’elle diffusera clandestinement. Assujettie, en tant que catholique, à des persécutions multiples, dont une double taxe foncière, en procès avec sa propre nièce, elle lutte pour mettre en valeur ses terres et élever ses deux petites-nièces, tout en participant à un complot jacobite franco-anglo-espagnol (1718), ainsi qu’à une campagne internationale pour la béatification de Jacques II, auquel elle pense devoir deux miracles. Protégée par la comtesse d’Exeter, elle se livre aussi à une discrète propagande à travers sa trilogie autobiographique Love Intrigues, or, the History of the Amours of Bosvil and Galesia (1713), A Patch-Work Screen for the Ladies (1723) et The Lining of the Patch Work Screen (1726), ensemble truffé de références à la France, ainsi que dans Exilius, un roman héroïque et politique « à la manière de Fénélon » (1715) et dans The Christian Pilgrimage, traduction d’un traité du père jésuite Adrien Parvilliers, lui aussi camouflé en opus fénelonien. En 1727, elle regagne Saint-Germain où elle s’éteint en 1732.
Quatre fois republiée entre 1713 et 1743, Jane Barker a joui d’un certain succès auprès des élites traditionnelles de tradition conservatrice de son siècle. Oubliée jusqu’aux décennies 1980, elle est aujourd’hui exhumée par la critique féministe, qui salue d’abord en elle l’architecte d’un roman féminin respectable (par opposition au sulfureux trio Behn, Manley et Haywood), puis par les études jacobites, qui insistent à l’inverse sur sa dimension contestataire. Les dernières études en date soulignent le non-conformisme de Jane Barker, tant esthétique et philosophique (cartésianisme) qu’idéologique et spirituel, ainsi que son rapport complexe aux cultures rivales du manuscrit et de l’imprimé.



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