Isabella Canali

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Isabella Canali
Conjoint(s) Andreini
Dénomination(s) Isabella Andreini
Biographie
Date de naissance 1562
Date de décès 1604
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)


Notice de Valentina Denzel, 2007

On sait peu de choses de la famille, de l’enfance et de l’éducation d’Isabella Andreini, l’une des actrices, poétesses et dramaturges les plus connues de la Renaissance. Elle est née en 1562 à Padoue, d’un père d’origine vénitienne, Paolo Canali. Probablement à l’âge de quinze ans, elle commence sa carrière en tant que comédienne auprès de la troupe Comici Gelosi, où elle rencontre l’acteur Francesco Andreini qu’elle épouse en 1578. Le couple aura sept enfants, dont Giovan Battista Andreini, qui suivra le chemin de ses parents en tant que comédien et dramaturge. Isabella Andreini est très vite identifiée à son rôle de «prima donna innamorata», au point que son nom seul évoque le personnage de la jeune amoureuse. En 1583, elle et son mari sont nommés directeurs de la troupe des Comici Gelosi.

Isabella Andreini fait ses débuts d’écrivaine avec Mirtilla, l’une des premières pastorales écrites par une femme. Cette oeuvre, publiée en 1588, connaît un certain succès et elle est traduite en français. Probablement la même année, Andreini fait publier l’Epitalamio nelle nozze de l’ilustrissimi don Michele Peretti e donna Margherita Somaglia. Lors des noces entre Ferdinand de Médicis et Christine de Lorraine, le 13 mai 1589 à Florence, sa troupe représente La Pazzia [folie] d’Isabella. Cette comédie remporte un grand succès et la performance artistique de l’artiste est louée, entre autres, par le poète Gabrielle Chiabrera. En 1593, elle participe à Rome à un concours poétique, où elle obtient la deuxième place après le Tasse. Cette nomination lui vaut d’être élue à l’Accademia Intenta [delli Intenti, Padoue] qui la proclame héritière de Pétrarque et émule du Tasse. En 1601, Isabella Andreini publie ses Rime, recueil poétique dédié au cardinal Aldobrandini. Le succès de cet ouvrage est confirmé par des rééditions successives. En 1603, elle se rend avec sa troupe à la cour française de Marie de Médicis, où elle est acclamée. Les Comici Gelosi restent en France jusqu’en 1604. Le 11 juin 1604, pendant le voyage de retour en Italie, Isabella Andreini, enceinte, fait une fausse couche et succombe de ses suites. Elle est enterrée solennellement à Lyon.

Par son succès exceptionnel comme comédienne, écrivaine et membre d’une académie, Isabella Andreini a incarné une image idéale de femme de Lettres de la Renaissance. Chantée par plusieurs grands poètes, dont le Tasse et Giovan Battista Marini, elle était elle-même tout à fait consciente de son étonnante position, et elle l’a soulignée -non sans fierté- dans la préface de ses Lettere (correspondance fictive traitant de l’amour, du mariage, des vertus...). Cette conscience l’a poussée à prendre position dans la Querelle des femmes et la Querelle du mariage, en jouant avec les topoï philogynes, misogynes, misandres et misogames. Dans Mirtilla, Andreini dépeint une certaine solidarité féminine, incarnée par les deux rivales amoureuses, Filli et Mirtilla. Dans ses Lettere, elle adopte parfois une position d’énonciation masculine, comme dans Del prender Moglie (Sur la décision de prendre femme), où tantôt elle chante la beauté d’une fiancée dans une perspective pétrarquisante, tantôt elle critique le mariage comme la fin de la liberté de l’homme. La philogynie de l’autrice ne fait toutefois aucun doute, comme le montre La Pazzia d’Isabella, où elle incarne la fureur divine, personnage doté de savoirs et de capacités qui dépassent de loin ceux qui caractérisent ordinairement les rôles féminins. L’amour est un autre sujet souvent traité par Andreini. Le plus souvent, elle chante l’amour néoplatonicien en soulignant l’importance de l’honneur féminin. Dans la Mirtilla, elle aborde également l’amour homo-érotique, la nymphe Ardelia tombant amoureuse de sa propre image.

Les oeuvres d’Isabella Andreini, surtout ses Lettere, ont été imprimées à plusieurs reprises durant le XVIIe siècle. L’autrice a ensuite continué d’être louée pour ses capacités artistiques ainsi que pour ses vertus. À partir des années 1990, ses ouvrages ont suscité plusieurs études s’attachant à l’histoire de la Commedia dell’arte et au rôle de la comédienne dans la société de la Renaissance. La personne d’Isabella Andreini a également retenu l’attention des chercheurs et des chercheuses, notamment américain-es. Récemment, l’autrice et ses oeuvres ont suscité un intérêt parmi les courants des Gender Studies et des Queer Studies (voir les recherches d’Anne Mac Neil).

Oeuvres

- ap. 1580-1604 : Lettere della signora Isabella Andreini, Venise, M.A. Zaltieri, 1607 -- éd. Giovan Battista Combi, Venise, 1647.

- 1588 : Mirtilla pastorale (pastorale en 5 actes),Vérone, S. Dalle Donne et C. Franceschini -- ed. Maria Luisa Doglio, Lucca, Maria Pacini Fazzi Editore, 1995.

- 1588 ? : Epitalamio nelle nozze de l’illustrissimi don Michele Peretti e donna Margherita Somaglia, s.l., s.d.

- 1589 : La Pazzia di Isabella (comédie perdue) Palazzo Vecchio à Florence, 13 mai 1589 (une description de cette pièce se trouve in: Flaminio Scala, Il Teatro delle favole rappresentative, éd Ferruccio Marotti, Milan, Edizioni Il Polifilo, Appendice II).

- 1601 : Rime, Milan, Girolamo Bordone et Pietromartire Locarni compagni -- éd. Antonio Bulifon, Naples, 1696.

- Fragmenti di alcune scritture, éd. Flaminio Scala, Venise, G. B. Campi, 1617 (dialogues fictifs entre des personnages de l'histoire et de la mythologie gréco-romaine, notamment sur l’amour et sur le théâtre; les textes paraissent avoir été écrits à partir de 1590; ils ont été réunis par son mari après sa mort) -- éd. Giovan Battista Combi (voirsupra).

Choix bibliographique

- De’Angelis, Francesca Romana, La Divina Isabella.Vita straordinaria di una donna del Cinquecento, Florence, Sansoni Editore, 1991 (cette oeuvre contient des informations intéressantes et précieuses sur la vie d’Isabella Andreini. Toutefois on pourrait lui reprocher dans certains passages un manque d’objectivité).
- Decroisette Françoise, «La première ‘Divine’: Isabella Andreini ou l’invention d’un rôle», dans Au théâtre, au cinéma, au féminin, Mireille Calle-Gruber et Hélène Cixous, Paris, L’Harmattan, 2001, p.193-215.
- MacNeil, Anne, «The divine madness of Isabella Andreini», Journal of the Royal Musical Association, Oxford, Oxford University Press, 1995, 120, p.195-215.
- Marotti Ferruccio et Giovanna Romei, La Commedia dell’arte e la società barocca. La professione del teatro, Rome, Bulzoni editore, 1991, 1994.
- Panizza, Letizia et Sharon Wood (éd.), A History of Women’s Writing in Italy, Cambridge, Cambridge University Press, 2000.

Choix iconographique

Fin du 16e s.: Ecole franco-flamande, Scène de la comédie italienne avec Isabelle Andreini et la troupe des Gelosi (huile sur bois), Paris, musée Carnavalet (inv.P.628).

Liens électroniques

- Other Women’s Voices. Translations of women’s writings before 1700 (extraits de plusieurs oeuvres) : [1]

Jugements

- A la Seignora Isabella Andreini O siècle bien heureux, qui jouit favorable
Du bien, par qui nos maux tous les jours sont distraits,
Dont la bouche & les yeux jettent de si doux traits;
Que qui moins les ressent est le plus misérable.

Le renom d'Isabelle errant inévitable
Nous peut ravir le sens de loin comme de près;
Bref on ne saurait voir, touché de ses attraits
Rien de plus admiré, ni de plus admirable.

C'est une autre Sapho, qui peut avec ses vers,
Donner lustre à son sexe, enflammer l'univers,
Et faire écrire Amour des plumes de son aile.
Donc, esprits que Daphné couronne de ses bras,
Afin de vivre au monde affranchis du trépas
Pour oracle & pour muse invoquéz ISABELLE.

(Siméon-Guillaume de La Roque (1603-1609), cité dans François et Claude Parfaict, Histoire de l'ancien théâtre italien depuis son origine en France, jusqu'à sa suppression en l'année 1697, Paris, Rozet, 1767)

- «La graziosa Isabella, decoro delle scene, ornamento de’Teatri, spettacolo superbo non meno di virtù che di bellezza, ha illustrato ancor lei questa professione in modo che, mentre il mondo durarà, mentre staranno i secoli, mentre avran vita gli ordini e i tempi, ogni voce, ogni lingua, ogni grido risuonarà il celebre nome d’Isabella.» (Tommaso Garzoni da Bagnacavallo, De’ comici e tragedi così auttori come recitatori, cioè de gli istrioni [1585], cité par Ferruccio Marotti et Giovanna Romei, op.cit., p.12) [La charmante Isabelle, merveille de la scène, ornement des théâtres, spectacle superbe non seulement par sa beauté, mais également par sa vertu, a illustré ce métier de telle façon que tant que le monde durera, tant que les siècles s’ensuivront, tant que l’ordre et le temps persistent, chaque voix, chaque langue, chaque cris fera retentir le célèbre nom d’Isabelle. (Traduction V. Denzel)]

- «Nel giorno, che sublime in bassi manti
Isabella imitava alto furore;
Estolta con angelici sembianti
Ebbe del senno altrui gloria maggiore;

Alhor saggia tra ‘l suon, saggia tra i canti
non mosse piè, che non sorgesse Amore,
Né voce aprì, che non crease amanti,
Né riso fè, che non beasse un core.

Chi fu quel giorno a rimirar felice
Di tutt’altro quaggiù cesse il desio,
Che sua vita per sempre ebbe serena.

O di Scena dolcissima Sirena,
O de’Teatri Italici Fenice,
O tra Coturni insuperabil Clio.»

(Gabriello Chiabrera, Sonetto CLXXI [vers 1601], in Isabella Andreini, Rime d’Isabella Andreini comica gelosa intenta detta l’Accesa, Naples, Presso Antonio Bulifon, 1696, p.213.) [“The day on which, sublime in lowly cloaks, / Isabella imitated high madness; / And exalted with angelic features / Had greater glory from the wisdom of others; // Then, wise among the sound, wise among the songs, / She did not move a foot that did not bring forth Amore. / Nor lifted voice that did not create lovers, / Nor made a smile that did not delight a heart. // Whoever was that day to gaze happily, / For all else of this world desire ceased, / That his life forever was serene. // O! of the stage sweetest Siren, / O! of Italian theatres the Fenice, / O! among Thespians unsurpassable Clio” (Traduction Anne MacNeil, op.cit., p.195.)]

- «Nae tu mihi animo defectum Naturae supples, Andreinia, virilis gloriae non capax tantum sed consors: imo tu sexum linquens, ipso virtutis nisu in virum te transformas.Quod si a viro virtus dicenda, felicior tu viro, quae mulier fructum virtutis proceas: si vero a virtute vir, tibi praemium melioris nominis debetur, quae munia melioris nominis, viri inquam, obis. Vir igitur es.» (Ericius Puteanus, lettre à Isabella Andreini, 9 nov. 1601, Milan, cité dans MacNeil, voir supra, Choix bibliographique, p.207-208) [Truly in my opinion you supply a defect of Nature, Andreina, who are not only capable of male glory but in fact an equal partner in it. Nay more, abandoning your own sex, you transform yourself by the labour of virtue into a man. Now if the word virtue derives from the word man, then you are more fruitful than a man, you who, though a woman, bring forth the fruit of virtue. But if the word man derives from the word virtue, then the reward of the better name, I mean the name of man, is due to you who perform the offices belonging to the better name. Therefore you are a man. (traduction MacNeil)]

- «Je ne crois point qu’Isabelle
Soit une femme mortelle,
C’est plustost quelqu’un des Dieux
Qui s’est desguisé en femme,
Afin de nous ravir l’âme
Par l’oreille, et par les yeux.

Se peut-il trouver au monde
Quelqu’autre humaine faconde
Qui la sienne ose esgaller?
Se peut-il dans le Ciel mesme
Trouver de plus douce cresme
Que celle de son parer?

Mais outre ce qu’elle attire
Toute âme par son bien dire:
Combien d’attraits et d’amours
Et d’autres grâces célestes,
Soit au visage, ou aux gestes,
Accompagnent ses discours?

Divin esprit, dont la France
Adorera l’excellence
Mille ans après ton trespas,
(Paris vaut bien l’Italie),
L’assistance te supplie
Que tu ne t’en ailles pas.»

(Isaac Du Ryer, «À Isabella Andreini» [vers 1604], in Frédéric Lachèvre, Un Émule inconnu au début du XVIIe siècle de Marthurin Régnier: Isaac Du Ryer (1568?-1634), Paris, Librairie Historique Margraff, 1943, p.119-120.)

- «Ma se della felice memoria della mia studiosa madre non io, ma altri parlar volesse, non direbbe che ‘n Roma fu non solo dipinta, ma coronata d’alloro in simulacro colorato fra ‘l Tasso e ‘l Petrarca, alor che, doppo una mensa fattale dall’Illustrissimo e Reverendissimo Cardinal Cinzio Aldobrandini, dov’erano per commensali sei Cardinali saputissimi, il Tasso, il Cavalier de’ Pazzi, l’Ongaro ed altri poeti preclari, sonettando e scrivendo improvisi, la stessa, doppo il Tasso, ne portò il primo vanto? Dia credito a questa doppo la sua morte in Lione l’essersi formate a memoria di lei medaglie grandi di bronzo, d’argento e d’oro, dall’una parte con l’imagine di Isabella Andreini, dall’altra una Fama con due trombe. Ed ogni giorno, pellegrine genti non solo da così famosa città passando vanno (mercé loro) ad onorar il sepolcro di quella con preghiere e celebrarla con lodi, ma cercano di quelle medaglie possedere.» (Giovan Battista Andreini, La Ferza. Ragionamento Secondo. Contra l’Accuse Date Alla Commedia [1625], cité par Ferruccio Marotti et Giovanna Romei (éd.), op. cit., p.521) [Mais si quelqu’un d’autre souhaiterait parler à ma place de la réputation heureuse de ma mère érudite, ne raconterait-il pas que lorsqu’elle fut invitée auprès du très illustre Monseigneur le cardinal Cinzio Aldobrandini, chez lequel se trouvaient également six doctes Cardinaux, le Tasse, le Chevalier de’ Pazzi, l’Ongaro et d‘autres poètes réputés, qu’elle fut non seulement dépeinte, mais également couronnée dans un simulacre coloré avec un laurier parmi Pétrarque et le Tasse, et qu’après avoir composé des sonnets et des écrits improvisés, elle remporta, après le Tasse, le premier prix? Ceci est prouvé par le fait qu’après sa mort, qui s’est produite à Lyon, on fabriqua des grandes médailles en bronze, en argent et en or qui représentent d’un côté l’image d’Isabella Andreini, de l’autre le symbole de la Fama avec deux trompettes. Tous les jours il y a des pèlerins qui passent par cette ville célèbre non seulement pour honorer (grâce à eux!) sa tombe, en priant et en la couvrant d’éloges, mais ils essayent également de s’approprier de ces médailles. (Traduction V. Denzel)]

- «I maggiori poeti d'Italia facean tutti a gara in celebrar questo tipo singolare di donna, che al raro sapere sembrò giungere una rara virtù, con versi di ogni maniera [...] Quanto al valore letterario d'Isabella Andreini, poco vi rimane da dire. In mezzo ai petrarcheggiamenti diluiti all'acqua di rosa, poteva stare anche Lei, non ultima certo. [...] Né s'ha da far troppo carico a Isabella di queste rettoriche e vacue piccinerie, poichè formavan pur troppo elemento non ultimo della Commedia dell'Arte.» (Luigi Rasi, I Comici italiani. Biografia, Bibliografia, Iconografia 3, Firenze/ Paris, Fratelli Bocca / Klincksieck, 1897, p.91-101) [Les plus grands poètes d'Italie célébrèrent à qui mieux mieux cette femme unique, qui sembla unir à son rare savoir une rare vertu, exprimée dans des vers de tous les styles. [...] Quant à la valeur littéraire d'Isabella Andreini, il reste peu à dire. Au milieu des vers pétrarquisants, dilués avec de l'eau à la rose, il y avait également un place pour Elle, qui n'était certainement pas la dernière [dans le rang][...]. Toutefois il ne faut pas trop reprocher à Isabella ces petitesses rhétoriques et vides, car malheureusement elles faisaient partie du style de la Commedia dell'Arte.» (Traduction V. Denzel)].

- «Se volessi descrivere a parte a parte tutte le virtù d'Isabella Andreini sarebbe cosa assai lunga, e per la debolezza de' miei talenti troppo malegevole impresa. Basterà solo, ch'io dica che ella fu eccellente Poetessa, saggia Filosofa, e valorosa Commediante. V'aggiungerò ancora, che fu Moglie fedele, Madre amorosa, ed esemplarissima Cristiana, pregi tutti che la resero un vero modello di virtù, ed uno specchio di saviezza, e d'onestà.» (Francesco Bartoli, Notizie storiche de' comici italiani che fiorirono intorno all'anno MDL fino a'giorni presenti, Padoue, Per Li Conzatti a S. Lorenzo, 1782, p.32-33. [«Si je voulais décrire un part un toutes les vertus d'Isabella Andreini, cela durerait trop longtemps et ce serait également une entreprise mal faite à cause de mon faible talent. Il suffit que je dise seulement qu'elle fut une excellente poétesse, une sage philosophe et une habile comédienne. J'ajouterai encore, qu'elle fut une épouse fidèle, une mère pleine d'amour et une chrétienne exemplaire; grâces à ces qualités elle devint un vrai modèle de vertu et un miroir de sagesse et d'honnêteté.» (Traduction V. Denzel)].

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