Isabella Agneta Elisabeth van Tuyll van Serooskerken : Différence entre versions

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== Notice de [[Madeleine van Strien-Chardonneau]] et [[Suzan van Dijk]], 2002, revue en 2019 ==
  
Isabella Agneta Elisabeth van Tuyll van Serooskerken, dite Belle de Zuylen, est née le 20 octobre 1740 au château de Zuylen près d'Utrecht aux Pays-Bas. Fille aînée de Diederik Jacob, baron van Tuyll van Serooskerken et de Helena Jacoba de Vicq, elle a quatre frères et une soeur. Très jeune, elle apprend le français: de 1748 à 1753 elle a une gouvernante suisse, Jeanne-Louise Prévost. Elle passe avec elle vers 1750 une année à Genève. En rentrant, elles s'arrêtent à Paris et rencontrent le peintre Quentin de La Tour qui fera en 1766 le portrait de Belle. Mlle Prévost quitte la Hollande en octobre 1753 et entame avec son ancienne élève une correspondance qui durera jusqu'en 1758: elle l'incite à lire et à faire des extraits de ses lectures. Par ailleurs Belle profite des leçons dispensées à ses frères, s'initie au latin, étudie sérieusement la peinture et la musique, lit les classiques français du XVIIe siècle et suit de près la production littéraire de son époque. Le 28 février 1760, elle rencontre lors d'un bal à La Haye David-Louis Constant d'Hermenches (1722-1785), colonel d'un régiment suisse au service des Etats-Généraux et commence une correspondance, d'abord clandestine, qui se poursuivra jusqu'en 1775 et où s'élabore son talent d'épistolière. De 1764 à 1768, elle correspond également avec le futur biographe de Samuel Johnson, James Boswell, qui lui fait découvrir Adam Smith. Elle écrit des vers et des «portraits» qu'elle fait circuler, et fait paraître en 1762 ''Le Noble'', conte dans lequel elle se moque des préjugés de son milieu. L'édition de 1763 sera retirée du commerce par ses parents. En 1764, elle écrit une comédie, ''Justine'', qui n'a pas été retrouvée. Toute cette période est occupée aussi par la recherche d'un mari. Belle refuse environ une douzaine de candidats et se résout en 1771 à épouser le précepteur de ses frères, Charles-Emmanuel de Charrière de Penthaz (1735-1808), gentilhomme suisse sans titre ni fortune. Elle passera la seconde moitié de sa vie, jusqu'à sa mort le 27 décembre 1805, au manoir du Pontet à Colombier dans la principauté de Neuchâtel, et c'est sous le nom d'Isabelle de Charrière qu'elle publiera.  
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Isabella Agneta Elisabeth van Tuyll van Serooskerken dite Belle de Zuylen est née le 20 octobre 1740 au château de Zuylen près d'Utrecht aux Pays-Bas. Fille aînée de Diederik Jacob, baron van Tuyll van Serooskerken et de Helena Jacoba de Vicq, elle a quatre frères et une soeur. Très jeune, elle apprend le français : de 1748 à 1753 elle a une gouvernante suisse, Jeanne-Louise Prévost. Elle passe avec elle vers 1750 une année à Genève. En rentrant, elles s'arrêtent à Paris et rencontrent le peintre Quentin de La Tour qui fera en 1766 le portrait de Belle. Après son départ, Mlle Prévost entame avec son ancienne élève une correspondance qui durera jusqu'en 1758: elle la stimule à lire et à faire des extraits de ses lectures. Par ailleurs Belle profite des leçons dispensées à ses frères, s'initie au latin, étudie peinture et musique, lit les classiques français du XVIIe siècle et suit de près la production littéraire de son époque. Le 28 février 1760, elle rencontre lors d'un bal à La Haye David-Louis Constant d'Hermenches (1722-1785), colonel d'un régiment suisse au service des États-Généraux et commence une correspondance, d'abord clandestine, qui se poursuivra jusqu'en 1775 et où s'élabore son talent d'épistolière. De 1764 à 1768, elle correspond également avec le futur biographe de Samuel Johnson, James Boswell (1740-1795), qui lui fait découvrir Adam Smith. Elle écrit des vers et des "portraits" qu'elle fait circuler, et fait paraître en 1762 Le Noble, conte dans lequel elle se moque des préjugés de son milieu. L'édition de 1763 sera retirée du commerce par ses parents. En 1764, elle écrit une comédie, ''Justine'', qui n’a pas été retrouvée. Toute cette période est occupée aussi par la recherche d'un mari. Belle refuse environ une douzaine de candidats et se résout en 1771 à épouser le gouverneur de son frère aîné, Charles-Emmanuel de Charrière de Penthaz (1735-1808), gentilhomme suisse sans titre ni fortune. Elle passera la seconde moitié de sa vie, jusqu’à sa mort le 27 décembre 1805, au manoir du Pontet à Colombier dans la principauté de Neuchâtel et c'est sous le nom d'Isabelle de Charrière qu'elle publiera. <br/>
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Les années 1784-1785 marquent le coup d'envoi de sa carrière littéraire puisqu'elle publie alors ses deux premiers romans, les ''Lettres neuchâteloises'' et les ''Lettres de Mistriss'' ''Henley''. Puis suivent les ''Lettres écrites de Lausanne'', une comédie, un opéra-comique (perdu).  Pendant un séjour à Paris en 1786-1787 lors duquel elle publie trois recueils de sonates pour clavecin,  elle  rencontre Benjamin Constant, avec qui elle noue un échange épistolaire qui se maintiendra jusqu'à sa mort en 1805 en dépit de la liaison de Benjamin avec [[Anne-Louise Germaine Necker|Mme de Staël]]. Isabelle s'intéresse vivement aux idées pré-révolutionnaires et de retour en Suisse, elle se livre à une activité journalistique intense, rédigeant pamphlets et essais politiques (''Observations et conjectures politiques'', ''Lettres d'un évêque français à la nation''). Les excès de la Révolution et ses répercussions en Europe l'inquiètent et lui inspirent des pamphlets tels que les Lettres trouvées dans la neige (1793) et éveillent de nouveau son inspiration romanesque: romans de la Révolution et de l'Émigration tels que ''Lettres trouvées dans des portefeuilles d'émigrés et de l'après Révolution'' dont ''Trois femmes'' est l'un des plus ambitieux. Cette production romanesque se poursuit jusqu'à la fin du siècle (Sir Walter Finch et son fils William). En même temps, l'activité épistolaire reste des plus importantes: Isabelle entretient, à partir des années 1790, un commerce épistolaire avec sa famille néerlandaise et avec des jeunes gens et jeunes filles qu'elle s'emploie à former, déployant jusqu'à la fin de sa vie sa passion pédagogique. Par ailleurs, elle a composé 26 comédies, opéras et tragédies lyriques, pour la plupart restés inachevés ou non publiés. <br/>
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De son vivant son oeuvre, appréciée de l’entourage suisse, a rencontré peu d’échos en France. Par contre, plusieurs des romans ont été traduits en allemand. C’est depuis Sainte-Beuve que sa correspondance est considérée comme un des chefs d'oeuvre de la littérature épistolaire. Grâce aux biographes suisse (Philippe Godet) et néerlandais (Simone Dubois) sa personnalité fascinante d’abord, puis son oeuvre ont finalement reçu l’attention qu’elles méritent. Le projet en cours de l’édition électronique de sa correspondance la rendra accessible à un plus large public.
  
Les années 1784-1785 marquent le coup d'envoi de sa carrière littéraire puisqu'elle publie alors ses deux premiers romans, les ''Lettres neuchâteloises'' et les ''Lettres de Mistriss Henley''. Puis suivent les ''Lettres écrites de Lausanne'', une comédie, un opéra comique (perdu). Pendant un séjour à Paris en 1786-1787, lors duquel elle publie trois recueils de sonates pour clavecin, elle rencontre Benjamin Constant, avec qui elle noue un échange épistolaire qui se maintiendra jusqu'en 1805 malgré les intermittences dues à la liaison de Benjamin avec Mme de Staël. Isabelle s'intéresse vivement aux idées pré-révolutionnaires et, de retour en Suisse, elle se livre à une activité journalistique intense, publiant pamphlets et essais politiques (''Observations et conjectures politiques'','' Lettres d'un évêque français à la nation''). Les excès de la Révolution et ses répercussions en Europe l'inquiètent et ses interrogations nourrissent ses lettres à Constant, lui inspirent des pamphlets tels que les ''Lettres trouvées dans la neige'' (1793) et éveillent de nouveau son inspiration romanesque: romans de la Révolution et de l'Emigration (tels que ''Lettres trouvées dans des portefeuilles d'émigrés'') et de l'après Révolution (dont ''Trois femmes'' est l'un des plus ambitieux). Cette production romanesque se poursuit jusqu'à la fin du siècle ''(Sir Walter Finch et son fils William''). En même temps, l'activité épistolaire reste des plus importantes: Isabelle entretient, à partir des années 1790, un commerce épistolaire avec sa famille néerlandaise et avec des jeunes gens et jeunes filles qu'elle s'emploie à former, déployant jusqu'à la fin de sa vie sa passion pédagogique. Par ailleurs, Isabelle de Charrière a composé 26 comédies, opéras et tragédies lyriques, pour la plupart restés inachevés ou non publiés.
 
 
De son temps, son oeuvre, appréciée de l'entourage suisse, a rencontré peu d'échos en France. Par contre, plusieurs des romans ont été traduits en allemand. C'est depuis Sainte-Beuve que sa correspondance est considérée comme un des chefs d'oeuvre de la littérature épistolaire. Grâce aux biographes suisse (Philippe Godet) et néerlandaise (Simone Dubois), sa personnalité fascinante d'abord, puis son oeuvre ont finalement reçu l'attention qu'elles méritent.
 
  
 
== Oeuvres ==
 
== Oeuvres ==
  
- 1762 : ''Le Noble. Conte dans Journal étranger, combiné avec l'Année Littéraire'', août 1762, no.8, Amsterdam, van Harrevelt, 1763, p.540-74 -- Voir ''infra'', OC.<br/>
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* 1762 : ''Le Noble. Conte dans Journal étranger, combiné avec l’Année Littéraire'', août 1762, no.8, Amsterdam, van Harrevelt, 1763, p.540-74 Voir infra, Oeuvres complètes
- 1784 : ''Lettres neuchâteloises'', Amsterdam (= Lausanne), 1784 -- Voir ''infra'', OC.<br/>
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* 1784 : ''Lettres neuchâteloises'', Amsterdam (= Lausanne), 1784 Voir infra, Oeuvres complètes
- 1784 : ''Lettres de Mistriss Henley'', publiées par son amie, Genève, 1784 -- Voir ''infra'', OC.<br/>
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* 1784 : ''Lettres de Mistriss Henley'', publiées par son amie, Genève, 1784 Voir infra, Oeuvres complètes
- 1785 : ''Lettres écrites de Lausanne'', Toulouse (= Genève, Bonnant), 1785 -- Voir ''infra'', OC.<br/>
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* 1785 : ''Lettres écrites de Lausanne'', Toulouse (= Genève, Bonnant), 1785 Voir infra, Oeuvres complètes
- 1787-88 : ''Observations et conjectures politiques'', Les Verrières, Jérémie Wittel -- Voir ''infra'', OC.<br/>
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* 1787-88 : ''Observations et conjectures politiques'', Les Verrières, Jérémie Wittel, 1787-88  -- Voir ''infra'', Oeuvres complètes
- 1789 : ''Lettres d'un évêque français à la nation'', Neuchâtel, Fauche-Borel -- Voir ''infra'', OC.<br/>
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* 1789 : ''Lettres d'un évêque français à la nation'', Neuchâtel, Fauche-Borel, 1789 – Voir infra, Oeuvres complètes
- 1793 : ''Lettre d'un Français, et réponse d'un Suisse (Lettres trouvées dans la neige)'', Neuchâtel, Fauche-Borel -- Voir ''infra'', OC.<br/>
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* 1793 : ''Lettre d’un Français, et réponse d’un Suisse'' (''Lettres trouvées dans la neige''), Neuchâtel, Fauche-Borel, 1793 – Voir infra, Oeuvres complètes
- 1793 : ''Lettres trouvées dans des portefeuilles d'émigrés'', Paris (= Lausanne, Durand) -- Voir ''infra'', OC.<br/>
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* 1793 : ''Lettres trouvées dans des portefeuilles d'émigrés'', Paris (= Lausanne, Durand), 1793 -Voir infra, Oeuvres complètes
- 1795 : ''Trois femmes'', in ''Monthly Magazine'', septembre 1796 -- Voir ''infra'', OC.<br/>
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* 1795 : ''Trois femmes dans Monthly Magazine'', septembre 1796 Voir infra, Oeuvres complètes
- 1799 : ''Sainte-Anne, dans L'Abbé de La Tour ou recueil de nouvelles et autres écrits divers'', t.III, Leipzig, Wolf -- Voir ''infra'', OC.<br/>
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* 1799 : ''Sainte-Anne'', dans ''L’Abbé de La Tour ou recueil de nouvelles et autres écrits divers'', t.III, Leipzig, Wolf, 1799– Voir infra, Oeuvres complètes
- 1799 : ''Sir Walter Finch et son fils William'', Genève, Paschoud, 1806 -- Voir ''infra'', OC.<br/>
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* 1799 : ''Sir Walter Finch et son fils William'', Genève, Paschoud, 1806 Voir infra, Oeuvres complètes
- ''Oeuvres Complètes'' [OC], édition critique J.-D. Candaux, C.P. Courtney, P.H. Dubois, S. Dubois-De Bruyn, P. Thompson, J. Vercruysse et D.M. Wood, Amsterdam, G.A. van Oorschot, 1979-1984, 10 vol. (t.I à VI: ''Correspondance'', t.VII: ''Théâtre'', t.VIII et IX:'' Romans, contes et nouvelles'', t.X: ''Essais, vers, musique'')<br/>
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- Bibliographie complète dans Courtney -- Voir ''infra''.
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* ''Oeuvres Complètes'', édition critique J.-D. Candaux, C.P. Courtney, P.H. Dubois, S. Dubois-De Bruyn, P. Thompson, J. Vercruysse et D.M. Wood, Amsterdam, G.A. van Oorschot, 1979-1984, 10 vol. (t.I à VI : ''Correspondance'', t.VII : ''Théâtre'', t.VIII et IX : ''Romans, contes et nouvelles'', t.X : Essais, vers, musique)  
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* Bibliographie complète dans Courtney Voir ''infra''.
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* Isabelle de Charrière (Belle de Zuylen,  ''Early Writings. New Material from Dutch Archives'', éd. Kees van Strien, Louvain, Editions Peeters, 2005.
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* ''Correspondances et textes inédits'', éd. Guillemette Samson, J.-D.Candaux, J. Vercruysse et D. Wood, Paris, Honoré Champion, 2006.
  
 
== Choix bibliographique ==
 
== Choix bibliographique ==
  
- P. Godet, ''Madame de Charrière et ses amis'', Genève, A.Jullien, 1906, 2 vol.<br/>
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* Cossy, Valérie, ''Isabelle de Charrière. Écrire pour vivre autrement'', Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012.
- C.P. Courtney, ''Isabelle de Charrière (Belle de Zuylen). A biography'', Oxford, Voltaire founfation, 1993.<br/>
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* '''Courtney, Cecil P.,''' ''Isabelle de Charrière (Belle de Zuylen). A biography'', Oxford, Voltaire Foundation, 1993.
- ''Une Européenne: Isabelle de Charrière en son siècle. Actes du Colloque de Neuchâtel, 11-13 novembre 1993'', Neuchâtel, Attinger, 1994. <br/>
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* Moser-Verrey, Monique, ''Isabelle de Charrière, salonnière virtuelle. Un itinéraire d’écriture au XVIIIe siècle'', Paris, Hermann, 2013.
- Y. Went-Daoust, ''Isabelle de Charrière (Belle de Zuylen): de la correspondance au roman épistolaire'', Amsterdam, Rodopi, 1995. <br/>
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* ''Une Européenne : Isabelle de Charrière en son siècle''; actes du Colloque de Neuchâtel, 11-13 novembre 1993, Neuchâtel, Attinger, 1994.
- M. van Strien-Chardonneau, «Lettres (1793-1805) d'Isabelle de Charrière à son neveu, Willem-René van Tuyll van Serooskerken. Une éducation aristocratique et post-révolutionnaire», in ''Rapports. Het Franse boek'', 70, 2000, p.86-93.
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* '''Van Dijk, Suzan ''et al.'' (dir.)''', ''Belle de Zuylen/Isabelle de Charrière. Education, Creation, Reception'', Amsterdam, New York, Rodopi, 2006.
  
 
== Jugements ==
 
== Jugements ==
  
- «Ah, si cette demoiselle avait la bonté d'écrire en néerlandais! Quel avantage si le bourgeois se mettait à lire grâce à elle» (son contemporain Frans van Lelyveld, fondateur de la Société des lettres néerlandaises; cité d'après H. Stouten dans ''Histoire de la littérature néerlandaise'', Paris, Fayard, 1998, p.379).<br/>
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* « Ah, si cette demoiselle avait la bonté d’écrire en néerlandais! Quel avantage si le bourgeois se mettait à lire grâce à elle » (son contemporain Frans van Lelyveld (1740-1785), fondateur de la Société des lettres néerlandaises; cit. d’après H. Stouten, ''Histoire de la littérature néerlandaise'', Paris, Fayard, 1998, p.379).
- «C'est le ton extrêmement personnel dans certains de ces récits, qui paraît préjudiciable à la juste appréciation de ses oeuvres, non seulement à Genève en 1800, mais aussi dans les Pays-Bas actuels. [...] A cause de l'intérêt que représente sa vie, Belle de Zuylen est souvent en proie à une attention qui concerne exclusivement sa personne» (J. Stouten, in M.A. Schenkeveld-van der Dussen (éd.), ''Nederlandse literatuur, een geschiedenis'', Groningen, Nijhoff, 1993, p.370; trad. SvD).<br/>
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* (A propos de Sir Walter Finch et son fils William,1806) « Tout son mérite est dans le naturel des pensées, la vérité de quelques portraits, et la simplicité de l’expression. […] L’ouvrage n’est donc pas fini et c’est dommage. L’auteur nous pardonnera de trouver son joli roman trop court. » (Henri Duval, ''La Revue philosophique, littéraire et politique'', 1806, 4e trimestre, no 28, 1er octobre, p. 22-30)
- «[...] Assurément toute l'oeuvre de Mme de Charrière ne vaut pas Caliste. Hollandaise, elle avait peu de facilité à manier la langue française. [...]» (J. Larnac, ''Histoire de la littérature féminine en France'', Paris, Kra, 1929, p.169).<br/>
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* « Toutes les opinions de Mme de Charrière reposaient sur le mépris de toutes les convenances et de tous les usages » (B. Constant, dans Le Cahier rouge (1807), cit. d’après C. Calame, “Une étude de moeurs”, intr. aux ''Lettres neuchâteloises'', éd. I. et J.-L. Vissière, Paris, La Différence, 1991, p.7
- «Of all the women novelists of eighteenth-century France, Isabelle de Charrière (1740-1805) is arguably the greatest» (M. Hall, dans S. Stephens (éd.),'' A History of women's writing in France'', Cambridge, Cambridge University press, 2000, p.113).<br/>
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* « […] Assurément toute l’oeuvre de Mme de Charrière ne vaut pas Caliste. Hollandaise, elle avait peu de facilité à manier la langue française. […] » (J. Larnac, ''Histoire de la littérature féminine en France'', Paris, Kra, 1929, p.169).
- «Toutes les opinions de Mme de Charrière reposaient sur le mépris de toutes les convenances et de tous les usages» (B. Constant, dans ''Le Cahier rouge'', cité d'après C. Calame, «Une étude de moeurs», intr. aux ''Lettres neuchâteloises'', éd. I. et J.-L. Vissière, Paris, La Différence, 1991, p.7.
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* « C’est le ton extrêmement personnel dans certains de ces récits, qui paraît préjudiciable à la juste appréciation de ses oeuvres, non seulement à Genève en 1800, mais aussi dans les Pays-Bas actuels. [] A cause de l’intérêt que représente sa vie, Belle de Zuylen est souvent en proie à une attention qui concerne exclusivement sa personne » (J. Stouten, dans M.A. Schenkeveld-van der Dussen (éd.), ''Nederlandse literatuur, een geschiedenis'', Groningen, Nijhoff, 1993, p.370; trad. SvD).
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* « Of all the women novelists of eighteenth-century France, Isabelle de Charrière (1740-1805) is arguably the greatest » (M. Hall, dans S. Stephens (éd.), ''A History of women’s writing in France'', Cambridge, Cambridge university press, 2000, p.113).
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[[Catégorie:Peinture, dessin]] [[Catégorie:Musique, chant]] [[Catégorie:Poésie]] [[Catégorie:Fictions en prose]] [[Catégorie:Théâtre, opéra]] [[Catégorie:Correspondance]] [[Catégorie:Pamphlets, textes engagés]][[Catégorie:Essais, philosophie]] [[Catégorie:Traductions, éditions]] [[Catégorie:Salon, cour, cercle]] [[Catégorie:Influences]] [[Catégorie: Enseignement]]

Version actuelle en date du 4 juin 2019 à 14:51

Isabella Agneta Elisabeth van Tuyll van Serooskerken
Conjoint(s) Charles-Emmanuel de Charrière de Penthaz
Dénomination(s) Isabelle de Charrière
Belle de Zuylen
Madame Charrière de Saint-Hyacinthe
Biographie
Date de naissance 1740
Date de décès 1805
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)


Notice de Madeleine van Strien-Chardonneau et Suzan van Dijk, 2002, revue en 2019

Isabella Agneta Elisabeth van Tuyll van Serooskerken dite Belle de Zuylen est née le 20 octobre 1740 au château de Zuylen près d'Utrecht aux Pays-Bas. Fille aînée de Diederik Jacob, baron van Tuyll van Serooskerken et de Helena Jacoba de Vicq, elle a quatre frères et une soeur. Très jeune, elle apprend le français : de 1748 à 1753 elle a une gouvernante suisse, Jeanne-Louise Prévost. Elle passe avec elle vers 1750 une année à Genève. En rentrant, elles s'arrêtent à Paris et rencontrent le peintre Quentin de La Tour qui fera en 1766 le portrait de Belle. Après son départ, Mlle Prévost entame avec son ancienne élève une correspondance qui durera jusqu'en 1758: elle la stimule à lire et à faire des extraits de ses lectures. Par ailleurs Belle profite des leçons dispensées à ses frères, s'initie au latin, étudie peinture et musique, lit les classiques français du XVIIe siècle et suit de près la production littéraire de son époque. Le 28 février 1760, elle rencontre lors d'un bal à La Haye David-Louis Constant d'Hermenches (1722-1785), colonel d'un régiment suisse au service des États-Généraux et commence une correspondance, d'abord clandestine, qui se poursuivra jusqu'en 1775 et où s'élabore son talent d'épistolière. De 1764 à 1768, elle correspond également avec le futur biographe de Samuel Johnson, James Boswell (1740-1795), qui lui fait découvrir Adam Smith. Elle écrit des vers et des "portraits" qu'elle fait circuler, et fait paraître en 1762 Le Noble, conte dans lequel elle se moque des préjugés de son milieu. L'édition de 1763 sera retirée du commerce par ses parents. En 1764, elle écrit une comédie, Justine, qui n’a pas été retrouvée. Toute cette période est occupée aussi par la recherche d'un mari. Belle refuse environ une douzaine de candidats et se résout en 1771 à épouser le gouverneur de son frère aîné, Charles-Emmanuel de Charrière de Penthaz (1735-1808), gentilhomme suisse sans titre ni fortune. Elle passera la seconde moitié de sa vie, jusqu’à sa mort le 27 décembre 1805, au manoir du Pontet à Colombier dans la principauté de Neuchâtel et c'est sous le nom d'Isabelle de Charrière qu'elle publiera.
Les années 1784-1785 marquent le coup d'envoi de sa carrière littéraire puisqu'elle publie alors ses deux premiers romans, les Lettres neuchâteloises et les Lettres de Mistriss Henley. Puis suivent les Lettres écrites de Lausanne, une comédie, un opéra-comique (perdu). Pendant un séjour à Paris en 1786-1787 lors duquel elle publie trois recueils de sonates pour clavecin, elle rencontre Benjamin Constant, avec qui elle noue un échange épistolaire qui se maintiendra jusqu'à sa mort en 1805 en dépit de la liaison de Benjamin avec Mme de Staël. Isabelle s'intéresse vivement aux idées pré-révolutionnaires et de retour en Suisse, elle se livre à une activité journalistique intense, rédigeant pamphlets et essais politiques (Observations et conjectures politiques, Lettres d'un évêque français à la nation). Les excès de la Révolution et ses répercussions en Europe l'inquiètent et lui inspirent des pamphlets tels que les Lettres trouvées dans la neige (1793) et éveillent de nouveau son inspiration romanesque: romans de la Révolution et de l'Émigration tels que Lettres trouvées dans des portefeuilles d'émigrés et de l'après Révolution dont Trois femmes est l'un des plus ambitieux. Cette production romanesque se poursuit jusqu'à la fin du siècle (Sir Walter Finch et son fils William). En même temps, l'activité épistolaire reste des plus importantes: Isabelle entretient, à partir des années 1790, un commerce épistolaire avec sa famille néerlandaise et avec des jeunes gens et jeunes filles qu'elle s'emploie à former, déployant jusqu'à la fin de sa vie sa passion pédagogique. Par ailleurs, elle a composé 26 comédies, opéras et tragédies lyriques, pour la plupart restés inachevés ou non publiés.
De son vivant son oeuvre, appréciée de l’entourage suisse, a rencontré peu d’échos en France. Par contre, plusieurs des romans ont été traduits en allemand. C’est depuis Sainte-Beuve que sa correspondance est considérée comme un des chefs d'oeuvre de la littérature épistolaire. Grâce aux biographes suisse (Philippe Godet) et néerlandais (Simone Dubois) sa personnalité fascinante d’abord, puis son oeuvre ont finalement reçu l’attention qu’elles méritent. Le projet en cours de l’édition électronique de sa correspondance la rendra accessible à un plus large public.


Oeuvres

  • 1762 : Le Noble. Conte dans Journal étranger, combiné avec l’Année Littéraire, août 1762, no.8, Amsterdam, van Harrevelt, 1763, p.540-74 – Voir infra, Oeuvres complètes
  • 1784 : Lettres neuchâteloises, Amsterdam (= Lausanne), 1784 – Voir infra, Oeuvres complètes
  • 1784 : Lettres de Mistriss Henley, publiées par son amie, Genève, 1784 – Voir infra, Oeuvres complètes
  • 1785 : Lettres écrites de Lausanne, Toulouse (= Genève, Bonnant), 1785 – Voir infra, Oeuvres complètes
  • 1787-88 : Observations et conjectures politiques, Les Verrières, Jérémie Wittel, 1787-88 -- Voir infra, Oeuvres complètes
  • 1789 : Lettres d'un évêque français à la nation, Neuchâtel, Fauche-Borel, 1789 – Voir infra, Oeuvres complètes
  • 1793 : Lettre d’un Français, et réponse d’un Suisse (Lettres trouvées dans la neige), Neuchâtel, Fauche-Borel, 1793 – Voir infra, Oeuvres complètes
  • 1793 : Lettres trouvées dans des portefeuilles d'émigrés, Paris (= Lausanne, Durand), 1793 -– Voir infra, Oeuvres complètes
  • 1795 : Trois femmes dans Monthly Magazine, septembre 1796 – Voir infra, Oeuvres complètes
  • 1799 : Sainte-Anne, dans L’Abbé de La Tour ou recueil de nouvelles et autres écrits divers, t.III, Leipzig, Wolf, 1799– Voir infra, Oeuvres complètes
  • 1799 : Sir Walter Finch et son fils William, Genève, Paschoud, 1806 – Voir infra, Oeuvres complètes


  • Oeuvres Complètes, édition critique J.-D. Candaux, C.P. Courtney, P.H. Dubois, S. Dubois-De Bruyn, P. Thompson, J. Vercruysse et D.M. Wood, Amsterdam, G.A. van Oorschot, 1979-1984, 10 vol. (t.I à VI : Correspondance, t.VII : Théâtre, t.VIII et IX : Romans, contes et nouvelles, t.X : Essais, vers, musique)
  • Bibliographie complète dans Courtney – Voir infra.
  • Isabelle de Charrière (Belle de Zuylen, Early Writings. New Material from Dutch Archives, éd. Kees van Strien, Louvain, Editions Peeters, 2005.
  • Correspondances et textes inédits, éd. Guillemette Samson, J.-D.Candaux, J. Vercruysse et D. Wood, Paris, Honoré Champion, 2006.

Choix bibliographique

  • Cossy, Valérie, Isabelle de Charrière. Écrire pour vivre autrement, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012.
  • Courtney, Cecil P., Isabelle de Charrière (Belle de Zuylen). A biography, Oxford, Voltaire Foundation, 1993.
  • Moser-Verrey, Monique, Isabelle de Charrière, salonnière virtuelle. Un itinéraire d’écriture au XVIIIe siècle, Paris, Hermann, 2013.
  • Une Européenne : Isabelle de Charrière en son siècle; actes du Colloque de Neuchâtel, 11-13 novembre 1993, Neuchâtel, Attinger, 1994.
  • Van Dijk, Suzan et al. (dir.), Belle de Zuylen/Isabelle de Charrière. Education, Creation, Reception, Amsterdam, New York, Rodopi, 2006.

Jugements

  • « Ah, si cette demoiselle avait la bonté d’écrire en néerlandais! Quel avantage si le bourgeois se mettait à lire grâce à elle » (son contemporain Frans van Lelyveld (1740-1785), fondateur de la Société des lettres néerlandaises; cit. d’après H. Stouten, Histoire de la littérature néerlandaise, Paris, Fayard, 1998, p.379).
  • (A propos de Sir Walter Finch et son fils William,1806) « Tout son mérite est dans le naturel des pensées, la vérité de quelques portraits, et la simplicité de l’expression. […] L’ouvrage n’est donc pas fini et c’est dommage. L’auteur nous pardonnera de trouver son joli roman trop court. » (Henri Duval, La Revue philosophique, littéraire et politique, 1806, 4e trimestre, no 28, 1er octobre, p. 22-30)
  • « Toutes les opinions de Mme de Charrière reposaient sur le mépris de toutes les convenances et de tous les usages » (B. Constant, dans Le Cahier rouge (1807), cit. d’après C. Calame, “Une étude de moeurs”, intr. aux Lettres neuchâteloises, éd. I. et J.-L. Vissière, Paris, La Différence, 1991, p.7
  • « […] Assurément toute l’oeuvre de Mme de Charrière ne vaut pas Caliste. Hollandaise, elle avait peu de facilité à manier la langue française. […] » (J. Larnac, Histoire de la littérature féminine en France, Paris, Kra, 1929, p.169).
  • « C’est le ton extrêmement personnel dans certains de ces récits, qui paraît préjudiciable à la juste appréciation de ses oeuvres, non seulement à Genève en 1800, mais aussi dans les Pays-Bas actuels. […] A cause de l’intérêt que représente sa vie, Belle de Zuylen est souvent en proie à une attention qui concerne exclusivement sa personne » (J. Stouten, dans M.A. Schenkeveld-van der Dussen (éd.), Nederlandse literatuur, een geschiedenis, Groningen, Nijhoff, 1993, p.370; trad. SvD).
  • « Of all the women novelists of eighteenth-century France, Isabelle de Charrière (1740-1805) is arguably the greatest » (M. Hall, dans S. Stephens (éd.), A History of women’s writing in France, Cambridge, Cambridge university press, 2000, p.113).
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