Isabeau Vincent
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Isabeau Vincent | ||
Biographie | ||
Date de naissance | Vers 1672 | |
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Date de décès | Après 1688 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Sommaire
Notice de Yves Krumenacker, 2007.
Isabeau Vincent est une bergère originaire de Saou, village des environs de Crest (Drôme actuelle). De confession protestante, elle endure, comme ses coreligionnaires, le traumatisme de la Révocation de l’Édit de Nantes (1685), les abjurations forcées et l’impossibilité de pratiquer sa religion. Nourrie de la Bible, elle se met, à partir du 3 février 1688, à prier, à chanter les Psaumes, à prêcher et à prophétiser, tout en dormant. Les gens se pressent pour entendre cette jeune fille illettrée s’exprimer en français, alors qu’elle ne maîtrise pas cette langue, et exposer avec clarté des points de controverse religieuse. Ses discours de repentance ont une forte résonance chez les protestants, qui reprennent espoir. Aussi Isabeau Vincent est-elle arrêtée le 8 juin 1688 et conduite à la prison de Crest. Elle continue à y prêcher à haute voix. Elle est transférée en juillet à l’hôpital de Grenoble, puis dans un couvent. On ignore ce qu’elle devient par la suite.
L'exemple d’Isabeau Vincent est contagieux: de nombreux jeunes gens et jeunes filles du Dauphiné, puis du Vivarais, se mettent à prophétiser en 1688-1689. Le mouvement est durement réprimé et diminue, puis refait surface au moment de la guerre des camisards, en 1702. Au total, on compte une centaine de prophétesses en Vivarais, Cévennes et Bas-Languedoc de 1688 à 1710, dont Isabeau, d’origine modeste et sans instruction, mais animée d’un irrépressible besoin de s’exprimer sur des matières spirituelles, a été l’une des représentantes les plus typiques. Ses révélations ont été en partie retranscrites par un auditeur et publiées à Amsterdam en 1688. Elles ont fait l’objet d’une publication à Londres en 1689, par le théologien réformé Pierre Jurieu, pasteur de l’Église wallonne de Rotterdam, qui en avait déjà fait mention dans ses lettres pastorales de l’année précédente.
Choix bibliographique
- «Abrégé de l’histoire de la bergère de Saou, près de Crest, en Daufiné» [Amsterdam, sn, 1688], dans Henri Manen et Philippe Joutard, Une Foi enracinée, la Pervenche. La résistance exemplaire d’une paroisse protestante ardéchoise, Valence, Imprimeries réunies, 1972, p.64-78.
- Cosmos, Georgia, Huguenot Prophecy and Clandestine Worship in the Eighteenth Century: «The Sacred Theatre of the Cévennes», Ashgate, Aldershot and Burlington, 2005.
- Jurieu, Pierre, «Lettres III et IV de la 3e année: Réflexions sur le miracle arrivé dans la personne d’une bergère du Dauphiné [Isabeau Vincent]», dans Lettres pastorales adressées aux fidèles de France qui gémissent sous la captivité de Babylone, Rotterdam, Abraham Acher, 1688, t.3, p.20-24, 27-30.
- Jurieu, Pierre, The Reflections of the reverend and learned Monsieur Jurieu upon the strange and miraculous ex-stasies of Isabel Vincent, the shepherdess of Saou in Dauphiné, who ever since February last hath sung psalms, prayed, preached, and prophesied about the present times in her trances. As also upon the wonderful and portentous trumpetings and singing of psalms, that were heard by thousands in the air (in many parts of France) in the year 1686: taken out of the pastoral letters of the 1st and 15th of October last. To which is added a letter of a gentleman in Dauphiné, to a friend of his in Geneva, containing the discourses and prophesies of the shepherdess. All faithfully translated out of the french copies for publick information, Londres, R. Baldwin, 1689.
- Vidal, Daniel, Le Malheur et son prophète. Inspirés et sectaires en Languedoc calviniste, 1685-1725, Paris, Payot, 1983.
Liens électroniques
- Bibliographie
Musée virtuel du protestantisme[1]
- Jugement
Musée du Désert - Histoire des Huguenots et des Camisards en Cévennes[2]
Jugements
- «Isabeau Vincent [...] traduit la résistance collective d’une foi et d’une culture dans une fidélité totale à la tradition réformée [...]. Les "inspirations"reprennent la plupart des éléments du Culte d’avant la Révocation [de l’Édit de Nantes], le chant des Psaumes, la lecture de l’Écriture sainte, le "Sermon [sur la Montagne]", la récitation des commandements de Dieu, de l’oraison dominicale, du symbole des apôtres et de la bénédiction finale [...]. Dans cette “prédication”, la controverse joue un rôle important [...]. Certes, pour un notable de Genève ou d’Amsterdam, [cette prédication] devait paraître bien grossière, avec ses répétitions et le petit nombre de ses thèmes, mais elle avait probablement plus d’efficacité que tel ou tel développement savant et bien organisé.» (Henri Manen et Philippe Joutard, Une Foi enracinée..., voir supra, Choix bibliographique, p.59-63)
- «La "belle Isabeau", aussi belle d’apparence physique qu’elle l’était par son âme...» (André Chamson, «Discours à l’assemblée du Désert, septembre 1979»)
- «Jeune fanatique du Dauphiné [...]. Elle joua l’inspirée, fit des prophéties qui lui donnèrent une sorte de célébrité, fut enfermée en 1686 [sic], et tomba depuis dans l’oubli.» (Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, Nîmes, C. Lacour, 1990, t.2, p.582)