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Le seul témoignage relatif à cette mystique cistercienne provient de la biographie que lui a consacrée l’un de ses proches, lui-même moine à l’abbaye de Villers, dans le duché de Brabant. Née vers 1199 dans une famille de riches commerçants, Ide a d’abord fréquenté un groupe de «pauvres vierges» vivant à proximité du chapitre des chanoinesses séculières de Nivelles. Elle y est remarquée pour sa sollicitude à l’égard des pauvres et son appétence pour l’Eucharistie. À seize ans, Ide échappe de peu à un mariage forcé en rejoignant des religieuses observant les usages cisterciens et installées à Kerkom, dans le Brabant flamand. La proximité des moines de Villers peut avoir pesé sur la décision d’une jeune fille au caractère bien trempé, peu impressionnée d’entrer dans une communauté d’expression flamande dont elle ignore la langue. Déjà le mystère de la Trinité retient l’attention d’une femme heureuse d’appartenir à un ordre religieux où la communion fréquente est admise. À lire sa Vie, le «désert» qu’elle choisit d’habiter semble tout relatif. Le groupe est sans cesse en contact avec la population locale et les conversations ne sont pas exclues en clôture. Ide s’y associe comme elle peut, à mesure de son apprentissage du flamand. Sa connaissance du parler roman devient vite un atout pour ses consœurs, décidées à transférer leur établissement en un site plus favorable, à Jauchelette, au lieu-dit La Ramée [http://www.ramee.be/FR/Historic.aspx], en terre romane. Elles y affermissent leurs liens avec l’Ordre de Cîteaux, une fois érigée leur nouvelle abbaye. Ide participe aux premières années de luttes pour imposer la présence des religieuses dans la région, tandis que sa réputation de sainteté fait d’elle une conseillère de choix pour d’autres religieuses, comme Béatrice de Nazareth, venue séjourner auprès d’elle, vers 1216-1217. Il est difficile d’en savoir davantage sur ses activités intellectuelles. Son biographe évoque un exemplaire de l’Écriture Sainte que la religieuse serre contre elle. Il manifeste là son admiration pour la mystique qui dialogue avec Dieu sans intermédiaire. Il ne faut pas en déduire pour autant que les livres ne sont pour elle que purs objets de dévotion. Sa familiarité avec les concepts théologiques les plus subtils provient évidemment d’une formation approfondie. Là encore, peu d’informations, d’autant que la religieuse revendique avec fierté une inspiration divine, qui la distingue du monde des érudits, et que son biographe insiste à dessein sur son ''ignorantia'', signe évident de son élection. On peut juste supposer que son éducation, amorcée auprès des béguines de sa ville natale, puis prolongée au monastère, a davantage tenu dans les échanges oraux avec son entourage – moniales et clercs – que dans la lecture d’ouvrages savants dont ces abbayes semblent avoir été peu dotées à l’époque.
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Le seul témoignage relatif à cette mystique cistercienne provient de la biographie que lui a consacrée l’un de ses proches, lui-même moine à l’abbaye de Villers, dans le duché de Brabant. Née vers 1199 dans une famille de riches commerçants, Ide a d’abord fréquenté un groupe de «pauvres vierges» vivant à proximité du chapitre des chanoinesses séculières de Nivelles. Elle y est remarquée pour sa sollicitude à l’égard des pauvres et son appétence pour l’Eucharistie. À seize ans, Ide échappe de peu à un mariage forcé en rejoignant des religieuses observant les usages cisterciens et installées à Kerkom, dans le Brabant flamand. La proximité des moines de Villers peut avoir pesé sur la décision d’une jeune fille au caractère bien trempé, peu impressionnée d’entrer dans une communauté d’expression flamande dont elle ignore la langue. Déjà le mystère de la Trinité retient l’attention d’une femme heureuse d’appartenir à un ordre religieux où la communion fréquente est admise. À lire sa Vie, le «désert» qu’elle choisit d’habiter semble tout relatif. Le groupe est sans cesse en contact avec la population locale et les conversations ne sont pas exclues en clôture. Ide s’y associe comme elle peut, à mesure de son apprentissage du flamand. Sa connaissance du parler roman devient vite un atout pour ses consœurs, décidées à transférer leur établissement en un site plus favorable, à Jauchelette, au lieu-dit La Ramée [http://www.ramee.be/FR/Historic.aspx], en terre romane. Elles y affermissent leurs liens avec l’Ordre de Cîteaux, une fois érigée leur nouvelle abbaye. Ide participe aux premières années de luttes pour imposer la présence des religieuses dans la région, tandis que sa réputation de sainteté fait d’elle une conseillère de choix pour d’autres religieuses, comme [[Béatrice de Nazareth]], venue séjourner auprès d’elle, vers 1216-1217. Il est difficile d’en savoir davantage sur ses activités intellectuelles. Son biographe évoque un exemplaire de l’Écriture Sainte que la religieuse serre contre elle. Il manifeste là son admiration pour la mystique qui dialogue avec Dieu sans intermédiaire. Il ne faut pas en déduire pour autant que les livres ne sont pour elle que purs objets de dévotion. Sa familiarité avec les concepts théologiques les plus subtils provient évidemment d’une formation approfondie. Là encore, peu d’informations, d’autant que la religieuse revendique avec fierté une inspiration divine, qui la distingue du monde des érudits, et que son biographe insiste à dessein sur son ''ignorantia'', signe évident de son élection. On peut juste supposer que son éducation, amorcée auprès des béguines de sa ville natale, puis prolongée au monastère, a davantage tenu dans les échanges oraux avec son entourage – moniales et clercs – que dans la lecture d’ouvrages savants dont ces abbayes semblent avoir été peu dotées à l’époque.
 
   
 
   
 
À sa mort en 1231, la renommée d’Ide a dépassé les limites du monastère. Sa vie est jugée digne d’être relatée, non comme modèle –  ce genre d’existence ne s’imite pas –, mais comme signe universel de la possibilité d’union mystique entre l’humanité et son Dieu. L’œuvre du cistercien Gosuin, fruit de ses enquêtes auprès de l’entourage et peut-être de ses conversations avec Ide, inscrit la cistercienne de La Ramée dans la lignée de ces «femmes troubadours de Dieu» du diocèse de Liège, que caractérisent leurs rencontres passionnées avec le Christ, leurs intuitions théologiques, leurs dévotions à la Passion, à l’Enfant-Jésus et au Saint-Sacrement, leurs pratiques pénitentielles spectaculaires… Pour Gosuin, ce qui fait d’Ide de Nivelles une mystique n’est pas tant la liste des phénomènes hors du commun qui ponctuent sa courte existence et impressionnent ses sœurs, que l’intimité permanente qu’elle entretient avec Dieu au point de pouvoir se passer de toute médiation. La cistercienne cultive cette science des saints qui ne tient pas dans les discours des théologiens mais est fruit de l’expérience personnelle. Ide de Nivelles appartient donc à cette mouvance de femmes qui, au XIIIe siècle, ont cultivé l’art de parler aux autres de l’indicible: une prise de parole audacieuse et originale, assortie d’une ascèse rigoureuse qui les a poussées aux plus extrêmes mortifications, autre moyen pour elles de s’exprimer dans l’Église. Dans la seconde moitié du XXe siècle, cette femme, toujours vénérée par les cisterciens, est sortie de l’ombre à la faveur des études sur l’histoire de la mystique et de la sainteté médiévale, d’une part, et des recherches en histoire des femmes et du genre, de l’autre.
 
À sa mort en 1231, la renommée d’Ide a dépassé les limites du monastère. Sa vie est jugée digne d’être relatée, non comme modèle –  ce genre d’existence ne s’imite pas –, mais comme signe universel de la possibilité d’union mystique entre l’humanité et son Dieu. L’œuvre du cistercien Gosuin, fruit de ses enquêtes auprès de l’entourage et peut-être de ses conversations avec Ide, inscrit la cistercienne de La Ramée dans la lignée de ces «femmes troubadours de Dieu» du diocèse de Liège, que caractérisent leurs rencontres passionnées avec le Christ, leurs intuitions théologiques, leurs dévotions à la Passion, à l’Enfant-Jésus et au Saint-Sacrement, leurs pratiques pénitentielles spectaculaires… Pour Gosuin, ce qui fait d’Ide de Nivelles une mystique n’est pas tant la liste des phénomènes hors du commun qui ponctuent sa courte existence et impressionnent ses sœurs, que l’intimité permanente qu’elle entretient avec Dieu au point de pouvoir se passer de toute médiation. La cistercienne cultive cette science des saints qui ne tient pas dans les discours des théologiens mais est fruit de l’expérience personnelle. Ide de Nivelles appartient donc à cette mouvance de femmes qui, au XIIIe siècle, ont cultivé l’art de parler aux autres de l’indicible: une prise de parole audacieuse et originale, assortie d’une ascèse rigoureuse qui les a poussées aux plus extrêmes mortifications, autre moyen pour elles de s’exprimer dans l’Église. Dans la seconde moitié du XXe siècle, cette femme, toujours vénérée par les cisterciens, est sortie de l’ombre à la faveur des études sur l’histoire de la mystique et de la sainteté médiévale, d’une part, et des recherches en histoire des femmes et du genre, de l’autre.

Version actuelle en date du 12 mai 2012 à 19:43

Ide de Nivelles
Ide de Nivelles.jpg
Titre(s) Bienheureuse
Biographie
Date de naissance Avant 1200
Date de décès 1231
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Marie-Elisabeth Henneau, 2011

Le seul témoignage relatif à cette mystique cistercienne provient de la biographie que lui a consacrée l’un de ses proches, lui-même moine à l’abbaye de Villers, dans le duché de Brabant. Née vers 1199 dans une famille de riches commerçants, Ide a d’abord fréquenté un groupe de «pauvres vierges» vivant à proximité du chapitre des chanoinesses séculières de Nivelles. Elle y est remarquée pour sa sollicitude à l’égard des pauvres et son appétence pour l’Eucharistie. À seize ans, Ide échappe de peu à un mariage forcé en rejoignant des religieuses observant les usages cisterciens et installées à Kerkom, dans le Brabant flamand. La proximité des moines de Villers peut avoir pesé sur la décision d’une jeune fille au caractère bien trempé, peu impressionnée d’entrer dans une communauté d’expression flamande dont elle ignore la langue. Déjà le mystère de la Trinité retient l’attention d’une femme heureuse d’appartenir à un ordre religieux où la communion fréquente est admise. À lire sa Vie, le «désert» qu’elle choisit d’habiter semble tout relatif. Le groupe est sans cesse en contact avec la population locale et les conversations ne sont pas exclues en clôture. Ide s’y associe comme elle peut, à mesure de son apprentissage du flamand. Sa connaissance du parler roman devient vite un atout pour ses consœurs, décidées à transférer leur établissement en un site plus favorable, à Jauchelette, au lieu-dit La Ramée [1], en terre romane. Elles y affermissent leurs liens avec l’Ordre de Cîteaux, une fois érigée leur nouvelle abbaye. Ide participe aux premières années de luttes pour imposer la présence des religieuses dans la région, tandis que sa réputation de sainteté fait d’elle une conseillère de choix pour d’autres religieuses, comme Béatrice de Nazareth, venue séjourner auprès d’elle, vers 1216-1217. Il est difficile d’en savoir davantage sur ses activités intellectuelles. Son biographe évoque un exemplaire de l’Écriture Sainte que la religieuse serre contre elle. Il manifeste là son admiration pour la mystique qui dialogue avec Dieu sans intermédiaire. Il ne faut pas en déduire pour autant que les livres ne sont pour elle que purs objets de dévotion. Sa familiarité avec les concepts théologiques les plus subtils provient évidemment d’une formation approfondie. Là encore, peu d’informations, d’autant que la religieuse revendique avec fierté une inspiration divine, qui la distingue du monde des érudits, et que son biographe insiste à dessein sur son ignorantia, signe évident de son élection. On peut juste supposer que son éducation, amorcée auprès des béguines de sa ville natale, puis prolongée au monastère, a davantage tenu dans les échanges oraux avec son entourage – moniales et clercs – que dans la lecture d’ouvrages savants dont ces abbayes semblent avoir été peu dotées à l’époque.

À sa mort en 1231, la renommée d’Ide a dépassé les limites du monastère. Sa vie est jugée digne d’être relatée, non comme modèle – ce genre d’existence ne s’imite pas –, mais comme signe universel de la possibilité d’union mystique entre l’humanité et son Dieu. L’œuvre du cistercien Gosuin, fruit de ses enquêtes auprès de l’entourage et peut-être de ses conversations avec Ide, inscrit la cistercienne de La Ramée dans la lignée de ces «femmes troubadours de Dieu» du diocèse de Liège, que caractérisent leurs rencontres passionnées avec le Christ, leurs intuitions théologiques, leurs dévotions à la Passion, à l’Enfant-Jésus et au Saint-Sacrement, leurs pratiques pénitentielles spectaculaires… Pour Gosuin, ce qui fait d’Ide de Nivelles une mystique n’est pas tant la liste des phénomènes hors du commun qui ponctuent sa courte existence et impressionnent ses sœurs, que l’intimité permanente qu’elle entretient avec Dieu au point de pouvoir se passer de toute médiation. La cistercienne cultive cette science des saints qui ne tient pas dans les discours des théologiens mais est fruit de l’expérience personnelle. Ide de Nivelles appartient donc à cette mouvance de femmes qui, au XIIIe siècle, ont cultivé l’art de parler aux autres de l’indicible: une prise de parole audacieuse et originale, assortie d’une ascèse rigoureuse qui les a poussées aux plus extrêmes mortifications, autre moyen pour elles de s’exprimer dans l’Église. Dans la seconde moitié du XXe siècle, cette femme, toujours vénérée par les cisterciens, est sortie de l’ombre à la faveur des études sur l’histoire de la mystique et de la sainteté médiévale, d’une part, et des recherches en histoire des femmes et du genre, de l’autre.

Sources

  • Gosuin de Bossut, «Vita Idæ Nivellensis», XIIIe siècle, Bibliothèque royale de Bruxelles, Ms 8895-8896, f°1r°-35v°, Ibidem, Ms 8609-8620, f°146r°-178r°.
  • «Vita Idæ Nivellensis», éd. (non critique) Chrysostome Henriquez, Quinque prudentes virgines, Anvers, Jean Cnobbaert, 1630, p. 199-297, à compléter par «De beata Ida de Rameia virgine», Catalogus codicum hagiographicorum bibiothecæ regiæ Bruxellensis, Appendix ad cod. 8609-8620, De beata Ida de Rameia virgine, t.II, Bruxelles, Société des Bollandistes, 1889, p.222-226.
  • «The Life of Ida the Compassionate of Nivelles, Nun of La Ramée», trad. Martinus Cawley, Send Me God: The Lives of Ida the Compassionate of Nivelles, Nun of La Ramée, Arnulf, Lay Brother of Villers, and Abundus, Monk of Villers by Goswin, of Bossut, Turnhout, Brepols (Medieval Women: Texts and Contexts), 2003.

Choix bibliographique

  • Boudreau, Claire, «‘With Desire Have I Desired’: Ida of Nivelles’ Love for the Eucharist», Hidden Springs. Cistercian monastic women, Medieval Religious Women, III, 1, éd. John A. Nichols et Lilian Thomas Shank, Cistercian Studies 113A, 1995, p.323-344.
  • Henneau, Marie-Élisabeth, «Entre terres et cieux…, le temps des fondations (13e-14e s.)», La Ramée, abbaye cistercienne en Brabant wallon, éd. Thomas Coomans, Bruxelles, Racine, 2002, p.18-31.
  • Mikkers Edmond, «Ida», Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, t.7, 1969. col.1239-1241.
  • Roisin, Simone, «L’efflorescence cistercienne et le courant féminin de piété», Revue d’Histoire ecclésiastique, t.XXIX, 1943, p.342-378.
  • Simons, Walter, «Holy Women of the Low Countries: A Survey», Medieval Holy Women in the Christian Tradition c. 1100-c.1500, éd. Alastair Minnis et Rosalynn Voaden, Turnhout, Brepols, 2010, p.625-662

Choix iconographique

  • 1635: Anonyme, [Ide de Nivelles en médaillon], Saintes de l’Ordre de Cîteaux, huile sur bois, 180x127cm, Kerniel (Belgique), Prieuré de Marienlof -- Filles de Cîteaux au pays mosan, Catalogue d’exposition, Huy, Crédit communal, 1990, Couverture et p.69.

Choix électronique

  • The Holy Women of Liège: A Bibliography Compiled by Margot H. King & Ludo Jongen [2]


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