Ide de Gorsleeuw

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Ide de Gorsleeuw
Dénomination(s) Ide de Léau
Biographie
Date de décès vers 1260
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Marie-Elisabeth Henneau]], 2014

Contemporaine d’Ide de Nivelles, cette autre Ide appartient elle aussi à ce courant de mystique féminine dont s’est longtemps enorgueilli l’Ordre de Cîteaux. Son hagiographe anonyme, qui fournit la seule source d’informations à son sujet, en fait une héroïne représentative de certains aspects de la piété du XIIIe siècle. Dotée, selon lui, dès l’enfance de toutes les grâces nécessaires à l’accomplissement d’une vie consacrée, Ide, probablement née à Gorsleeuw, près de Looz (principauté de Liège), et non pas à Léau, comme on l’a dit jadis, bénéficie très tôt d’une éducation exceptionnelle. Elle se met à l’écoute de béguines et de recluses qui prolongent une formation et une direction spirituelle initiée au foyer familial. L’abbaye des cisterciennes de La Ramée (duché de Brabant), où vit Ide de Nivelle, attire ensuite l’attention de la jeune fille : observance de la règle de saint Benoît et esprit de pauvreté y sont les piliers d’une existence vouée à la prière et à la pénitence. D’expression flamande, Ide de Gorsleeuw ne semble pas éprouver de difficulté d’insertion dans ce groupe installé en terre romane. Ses premiers pas dans la vie monastique s’accompagnent très vite d’ardents conflits intérieurs, entre assauts divins et tentations démoniaques, tandis que son attirance pour l’Eucharistie témoigne de sa soif d’union au divin. Quantité d’épisodes relatés par son biographe mettent en scène l’intensité de son désir, les troubles qu’il suscite sur le plan physique et psychologique ainsi que les perturbations qu’il provoque dans la communauté. Son corps exprime avec grandiloquence l’effervescence intérieure qui l’habite : troubles récurrents du sommeil, pertes de connaissance, dégoût systématique pour toute forme d’aliment. Sa faiblesse favorise de nouvelles expériences abondamment décrites dans sa Vita (apparitions mariales ou révélations des mystères divins). Ballottée d’extases réjouissantes en sentiments d’abandon spirituel, la cistercienne ne cesse d’expérimenter dans sa chair le paradoxe de l’existence mystique. Quand elle parvient à reprendre ses esprits, Ide de Gorsleeuw, comme Béatrice de Nazareth, s’adonne aux travaux d’écriture et à la copie de livres liturgiques. L’entourage bénéficie de son enseignement, mais son biographe la dit souvent confrontée à un auditoire incapable de suivre son discours sur les mystères divins, dont elle découvre la profondeur au cœur de ses extases. La moniale adapte alors ses propos aux aptitudes intellectuelles de ses consoeurs et leur propose des commentaires plus accessibles sur l’enfance du Christ. À l’occasion d’un épisode qui relate son émoi, au moment de la lecture du De Trinitate de saint Augustin, l’auteur ne manque pas d’admirer cette réaction affective à l’audition d’un texte ardu, que bien des théologiens lisent et relisent sans émotion et souvent sans intérêt. Cette intelligence du cœur, Ide l’applique comme bien d’autres à la direction spirituelle et au discernement des esprits, non seulement au sein de sa communauté mais aussi à l’extérieur du couvent.
Sa présence, comme celle d’Ide de Nivelles, plonge la communauté de La Ramée dans une atmosphère de bouillonnement spirituel que partagent plusieurs autres communautés cisterciennes du diocèse de Liège à la même époque : à Aywières, avec Lutgarde, à La Cambre avec Aleyde, à Parc-les-Dames, avec Catherine, à Rozendaal, avec Ide de Louvain. D’autres femmes ‒ Christine l’Admirable (Saint-Trond), Julienne de Cornillon et Ève de Saint-Martin (Liège), Hadewijch d’Anvers…‒ vivent ailleurs les mêmes bouleversements et partagent avec les cisterciennes une certaine parenté spirituelle, une dévotion eucharistique intense et, souvent, de réels liens d’amitié. Cantonnées aux marges d’une Église de plus en plus cléricale, elles éprouvent un même besoin de s’exprimer librement en paroles et en actes sur leurs relations au divin face à des ecclésiastiques parfois sympathisants mais toujours jaloux de leur autorité doctrinale. Elles font l’objet depuis trente ans d’un engouement de la part des féministes anglo-saxonnes et de l’attention des historien(ne)s de la piété et de la mystique féminine médiévale.


Cette notice est en cours de rédaction.

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