Geneviève-Françoise Randon de Malboissière

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Geneviève-Françoise Randon de Malboissière
Dénomination(s) Laurette de Malboissière
Biographie
Date de naissance 21 décembre 1746
Date de décès 22 août 1766
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Adeline Gargam, 2014

Geneviève-Françoise Randon de Malboissière naît à Paris le 21 décembre 1746. Ses parents, Jean-Louis Randon de Malboissière et Françoise-Marie-Jeanne Picquefeu de Longpré, appartiennent à la bourgeoisie des finances et habitent un hôtel particulier rue du Paradis. Des précepteurs viennent, plusieurs fois la semaine, lui dispenser des cours de qualité qui lui permettent d’acquérir une solide culture et de devenir une érudite d’exception. Elle est instruite en mathématiques et en histoire naturelle. Elle parle et écrit couramment l’allemand, l’anglais, l’italien, l’espagnol, le grec et le latin. Avide d’apprendre, elle passe une partie de ses journées à lire, traduire et écrire des livres. Elle aime collectionner des curiosités d’histoire naturelle, mais aussi aller au bal et à des dîners, se promener dans des lieux à la mode, jouer au whist et à la loterie de piété, se consacrer à sa toilette. Mais surtout, elle assiste deux à trois fois par semaine aux représentations données dans les théâtres parisiens. Ses sorties au spectacle, augmentées de ses lectures, lui permettent de se constituer une solide culture théâtrale et dramaturgique. À l’âge de 18 ans, elle s’éprend de son cousin Randon de Lucenay mais s’en détache rapidement et tombe amoureuse de Jean-Louis Dutartre qui meurt tragiquement le 20 octobre 1765, soit dix mois avant elle.
Geneviève a écrit de façon intensive. Elle a composé, en cinq ans, trente-trois ouvrages. Elle a sans doute commencé à écrire vers quinze ans (1761), mais son activité d’écriture semble s’être surtout développée vers 18 ans : l’année 1764 constitue l’acmé de son intense production littéraire, interrompue brutalement à sa mort, le 22 août 1766, des suites d’une rougeole pourprée comme son fiancé. Son œuvre comprend des traductions, des écrits d’histoire naturelle, une douzaine de poésies éparpillées dans sa correspondance, et surtout des pièces de théâtre qui, pour la plupart, ont été lues en collectivité ou jouées en société: on lui doit douze comédies, quatre tragédies, une pastorale, un livret d’opéra et un fragment d’opéra-comique. Deux de ses œuvres seulement ont été publiées: sa comédie Ilphis et Zulie, éditée en 1766, et sa correspondance, à titre posthume, en 1866 et en 1925, correspondance sur laquelle s’est penchée, depuis une douzaine d’années, la recherche féministe.
Dans ses compositions, la part belle est faite aux récitations, aux imitations, aux réécritures et aux adaptations. Pour écrire ses pièces de théâtre, Geneviève a puisé dans un répertoire diversifié d’auteurs, à la fois anciens, contemporains, français et étrangers, qu’elle a lus ou vus jouer sur les planches et dont l’écriture relève de genres et de registres variés : c’est manifestement sa vaste culture littéraire et théâtrale, démultipliée par sa maîtrise des langues étrangères, qui se trouve à la source de sa production écrite. Est-ce à dire que son érudition a suscité une excroissance des modèles au point d’étouffer sa créativité ? Difficile de savoir, d’autant que son décès prématuré à 20 ans rend impossible de dire si, vivant plus âgée, elle aurait développé ses talents d’écriture vers une œuvre originale. Il est en revanche permis de constater que Geneviève a bénéficié d’une éducation généreuse dans un milieu bourgeois qui n’a vu ni dans l’érudition ni dans l’écriture une menace délétère pour sa féminité. Bien au contraire, elle a suscité, par l’étendue de ses connaissances, l’admiration générale, celle de sa famille, de ses ami(e)s et de ses proches, et aussi celle d’écrivains et philosophes éminents, comme Friedrich Melchior Grimm et David Hume.
Malgré cette renommée de son vivant, Geneviève a rapidement été oubliée, et seules deux éditions d’une partie de sa correspondance (l’une au milieu du XIXe siècle, l’autre en 1925) ont permis à la postérité de la lire. C’est surtout depuis une quinzaine d’années que le personnage suscite, par son érudition scientifique et l’ampleur de son œuvre littéraire, l’intérêt de la recherche.

Oeuvres inédites

Archives privées du marquis de Luppé, Château de Beaurepaire, Département de l'Oise (France): Fonds Méliand et La Grange

  • 1761: Traduction de Caton de Joseph Addison, 43 p. in-8°.
  • 1763: Traduction du début de l’Histoire d’Alexandre de Quinte-Curce ( l. III, ch. I-IX), 31 p. in-8°, inédit.
  • 1764: Traduction de De l’origine et des progrès des arts et des sciences, de David Hume, 27 p. in-8°.
  • 1764: Traduction du début de l’Histoire d’Écosse de Guillaume Robertson, 14 p. in-fol, inédit.
  • sd: Ébauches de chansons et de petits vers.
  • sd: Fragments de Grégoire, savetier, (opéra comique).
  • sd: Traduction du début de l’Arcadie, de Jacopo Sannazaro, 3 p. in-4°.
  • sd: Une nouvelle sous forme de lettre et sa traduction en anglais.

Œuvres inédites référencées dans ses lettres mais pas encore retrouvées

  • 1762: Traduction en anglais des Mœurs du temps de Saurin.
  • 1762: Traduction en italien et en espagnol du Fils naturel de Diderot.
  • 1762: Traduction en anglais de L’époux par supercherie de Boissy.
  • 1763: Médée (tragédie en vers).
  • 1764: L’épouse en deuil (tragédie en vers).
  • 1764: L’heureuse héritière (comédie de Mlle de Melliand réduite de cinq actes en deux.
  • 1764: Un tendre engagement mène plus loin qu’on ne pense, (comédie).
  • 1764: La force de l’éducation, (comédie d’après le roman de l’abbé Aunillon).
  • 1764: La jeune veuve (comédie).
  • 1764: L’échange (comédie).
  • 1764: Le songe (comédie).
  • 1764: Chloris (comédie en deux actes).
  • 1764: Elfrida (comédie héroïque en trois actes, tirée de L’Histoire de la maison de Plantagenet de Hume).
  • 1764: Le rival généreux (comédie).
  • 1764: Le discours d’Adam et d’Eve.
  • 1764: Les adieux d’Hector et d’Andromaque (date incertaine).
  • 1764: Amanda, novembre (date incertaine).
  • 1765: Jeanne Grey (tragédie en vers).
  • 1765: Antigone (tragédie en vers).
  • 1765: L’aveugle (comédie en cinq scènes), d’après un conte de Mme Riccoboni.
  • 1765: Daphnis et Laurette (pastorale en un acte et en prose d’après Gessner).
  • 1765: Palmir et Nisa (opéra).
  • 1765: Des écrits sur l’Histoire naturelle, revus par Valmont de Bomare.

Oeuvres publiées

  • 1765: Ilphis et Zulie (comédie en un acte), dans Michel Huber, Choix de poésies allemandes, Paris, Humblot, 1766, t. I, p. 389-408.
  • 1761-1766: Laurette de Malboissière, Lettres d’une jeune fille du temps de Louis XV (1761-1766), publiées d’après les originaux et précédées d’une notice historique par Mme la marquise De La Grange, Paris, Didier et Cie, 1866 [1].
  • 1761-1766: Une jeune fille au XVIIIe siècle. Lettres de Geneviève de Malboissière à Adélaide Méliand (1761-1766), publiées avec une introduction et des notes par le comte de Luppé, Paris, Edouard Champion, 1925.

Choix bibliographique

  • Gargam, Adeline, « Geneviève de Malboissière (1746-1766) : une jeune polygraphe au XVIIIe siècle », dans Entre érudition et création, dir. P. Hummel, Paris, Éd. Philologicum, 2013, p. 77-93.
  • Sonnet, Martine, « Geneviève Randon de Malboissière et ses livres. Lecture et sociabilité culturelle dans le Paris des Lumières », dans Lectrices d’Ancien-Régime, dir. I. Brouard-Arends, Rennes, PUR, 2003, p. 131-141 [2].
  • Sonnet, Martine, « Le Savoir d’une demoiselle de qualité : Geneviève de Randon de Malboissière », dans Memoire dell’ Academia delle Scienze di Torino Classe di Scienze Morali storiche e filologiche, 3, 2000, vol. 24, p. 167-185.

Jugements

  • « Nous avons fait depuis peu une perte qui mérite d’être remarquée. Mlle Randon de Malboissière vient de mourir à la fleur de son âge. Elle avait environ dix-huit ou dix-neuf ans. […] Elle était déjà célèbre à Paris par ses connaissances. Elle entendait et possédait parfaitement sept langues, savoir : le grec, le latin, l’italien, l’espagnol, le français, l’allemand et l’anglais ; elle parlait les langues vivantes dans la perfection. On dit ses parents inconsolables de sa perte, et c’est aisé à comprendre ». (Correspondance littéraire, philosophique et critique, par Grimm, Diderot, Raynal, Meister, éd. M. Tourneux, Paris, Garnier Frères, 1877-1882, t. VII [sept 1766] p. 106).
  • « Ce qui frappe le plus dans Mlle de Malboissière, c’est le développement des plus hautes facultés, une ardeur d’apprendre qui ne connaît pas d’obstacles, une facilité à produire peu commune, même chez ceux qui ont beaucoup appris. C'est encore le naturel, la grâce de son esprit qui répand un charme particulier sur tout ce qu'elle écrit. Il y a quelque chose en elle qui touche davantage, c'est l'élévation de ses sentiments, c'est l'histoire d'un coeur qui renferme des affections si pures et si vraies ». (Laurette de Malboissière, Lettres d’une jeune fille du temps de Louis XV, p. VII, Voir supra, Oeuvres publiées).
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