Françoise dite Athénaïs de Rochechouart de Mortemart

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Françoise dite Athénaïs de Rochechouart de Mortemart
Titre(s) Marquise de Montespan
Conjoint(s) Louis Henri de Pardaillan de Gondrin, marquis de Montespan
Dénomination(s) : Mademoiselle de Tonnay-Charente, Madame de Montespan, Quanto, Quantova, Athénaïs
Biographie
Date de naissance 5 octobre 1640
Date de décès nuit du 26 au 27 mai 1707
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)


Notice de Flavie Leroux, 2020

Françoise de Rochechouart de Mortemart, connue pour avoir été maîtresse du roi Louis XIV, est issue d’une famille de l’aristocratie ducale. Fille de Gabriel de Rochechouart, duc de Mortemart (1600-1675), et de Diane de Grandseigne (?-1666), elle reçoit son éducation à l’abbaye aux Dames de Saintes, avant de fréquenter le salon de l’hôtel d’Albret, où elle arbore le prénom d’Athénaïs. Le 28 janvier 1663, elle épouse un gentilhomme gascon, Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin, marquis de Montespan (1640-1701), dont elle a deux enfants : Marie-Christine (1663-1675) et Louis-Antoine, le futur duc d’Antin (1665-1736). En 1664, Françoise entre au service de la reine Marie-Thérèse, comme dame du palais. La duchesse de Montpensier situe le début de sa relation avec le roi au mois de juin 1667, pendant la campagne militaire de Flandre. Elle supplante progressivement la maîtresse précédente, Louise de La Vallière, en donnant naissance à un premier enfant (mort-né, en 1669), puis à trois autres en 1670 (Louis-Auguste, duc du Maine), 1672 (Louis-César, comte de Vexin) et 1673 (Louise-Françoise, demoiselle de Nantes). Ces enfants naturels sont confiés à la garde de Madame Scarron, puis sont légitimés en décembre 1673. Si son nom n’est pas cité dans les lettres de légitimation, Françoise de Rochechouart n’en gagne pas moins une place de plus en plus marquée à la cour. Elle y organise des fêtes et protège des artistes (Jean-Baptiste Lully, Michel-Richard Delalande, Jean Racine et Nicolas Boileau au premier chef), tandis que ses parents – bénéficiant de la faveur royale depuis au moins le règne précédent – gravissent les échelons de la hiérarchie militaire et contractent de belles alliances. 1674 est l’année qui marque l’apogée de sa faveur la favorite : son mari est éloigné par une séparation de corps et de biens (actée par le Châtelet le 16 juillet 1674), Louise de La Vallière quitte définitivement la cour pour le couvent, et Louis XIV commande pour elle la construction d’un château à Clagny. Malgré les réprimandes des prédicateurs, Françoise se maintient et donne naissance à trois autres enfants entre 1674 et 1678 : Louise-Marie-Anne, demoiselle de Tours, Marie-Françoise, demoiselle de Blois, et Louis-Alexandre, comte de Toulouse. Le roi assure chaque année une somme fixe pour l’entretien de sa progéniture naturelle (150 000 livres), mais c’est à la mère qu’il confie la gestion de l’argent, faisant d’elle leur tutrice dans les faits, sans pour autant lui en octroyer le statut juridique. Pour autant, la disgrâce se dessine progressivement dès la fin des années 1670. De nombreux contemporains rapportent les variations de la faveur que connaît Françoise, dues à son tempérament irascible, accentué par les infidélités du roi. En outre, à la fin de l’année 1679, Mme de Montespan est citée dans l’Affaire des poisons : les prévenus l’accusent de leur avoir commandé des philtres d’amour, d’avoir participé à des messes noires et même d’avoir commandité des empoisonnements. Louis XIV étouffe ces accusations et Françoise n’est pas poursuivie. Au contraire, elle conserve la prestigieuse charge de surintendante et cheffe du conseil de la maison de la reine, à laquelle elle avait été nommée quelques mois auparavant. En 1685, le roi lui fait en outre une donation exceptionnelle : celle du château et du domaine de Clagny. Ce n’est qu’en 1691 que Mme de Montespan quitte définitivement la cour. Dès lors, elle s’applique à établir son fils légitime, le marquis d’Antin. Pour lui, elle obtient les premières charges qui lancent sa carrière, elle lui organise un prestigieux mariage et lui donne les moyens financiers d’acheter plusieurs domaines : Bellegarde (1692), Petit Bourg (1695), Épernon (1698) et Oiron (1700). Elle consacre le reste de sa fortune à des œuvres de charité souvent dédiées à l’éducation de jeunes filles pauvres, à Saint-Germain-en-Laye, à Fontainebleau, à Saint-Maur-des-Fossés, à Paris (communauté des Filles de Saint-Joseph) et dans sa province (hôpital d’Oiron). Elle décède dans la nuit du 26 au 27 mai 1707 à Bourbon l’Archambault, où elle était venue prendre les eaux.
Contrairement à d’autres maîtresses, Françoise de Rochechouart fait souvent l’unanimité dans le regard des contemporains comme des historiens : tous – à quelques exceptions près – la dessinent comme un personnage détestable, à la fois caustique, vénal, colérique, voire dangereux, mais également doté d’une vive intelligence et d’un esprit cinglant (le fameux « esprit Mortemart »). Régulièrement placée face à des figures plus nuancées (Louise de La Vallière, la maîtresse repentie, ou Françoise d'Aubigné, l’épouse morganatique), elle apparaît comme une impitoyable rivale, inévitablement impliquée dans la fameuse Affaire des poisons – les quelques productions cinématographiques où elle apparaît ne manquent d’ailleurs pas de le rappeler.

Principales sources

  • Lettres écrites par madame de Montespan entre 1669 et 1707, retranscrites dans Pierre Clément (éd.), Madame de Montespan et Louis XIV, étude historique, Paris, Didier, 1868, p. 217-348.
  • Archives nationales (France, Paris), Minutier central des notaires parisiens, ét. CXIII, carton 54, contrat de mariage, 28 janvier 1663
  • Archives nationales (France, Paris), Minutier central des notaires parisiens, cartons de Edme Torinon (ét. LXV) pour les années 1672 à 1700 et cartons de Louis Richard (ét. XXVI) pour les années 1693 à 1707 (entre autres).
  • Archives nationales (France, Paris), O1 23, fol. 149v°-10v°, O1 29, fol. 4r°-5v°, brevets donnés par Louis XIV en sa faveur (6 avril 1679 et janvier 1685).
  • Archives nationales (France, Paris), L 1061 et S 4734, archives de la communauté des Filles de Saint-Joseph.
  • Actes notariés passés à Versailles par madame de Montespan, retranscrits dans Marcel Delafosse, « Mesdames de Montespan et de Maintenon devant les notaires versaillais », Revue de l’histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, 1975, p. 23 31.
  • Bussy-Rabutin, Roger, comte de, Scudéry, Marie-Madeleine de, Correspondance, éd. par C. Blanquie, Paris, Classiques Garnier, 2019.
  • Dangeau, Philippe de Courcillon, marquis de, Journal du marquis de Dangeau (ensuite titré Journal de la cour du Roi-Soleil puis Journal d’un courtisan), éd. par P. Dumaih, texte établi par L. Dussieux et E. Soulié, Clermont-Ferrand, Éditions Paleo, 2002-2014, 35 volumes.
  • Maintenon, Françoise d’Aubigné, marquise de, Lettres de Madame de Maintenon, éd. par H. Bots, E. Bots-Estourgie et al., Paris, H. Champion, 2009-2018, 11 volumes.
  • Montpensier, Anne-Marie-Louise d’Orléans, duchesse de, Mémoires de la Grande Mademoiselle, éd. par B. Quilliet, Paris, Mercure de France, coll. Le Temps retrouvé, 2008.
  • Saint-Maurice, Thomas-François de Chabod, marquis de, Lettres sur la cour de Louis XIV, éd. par J. Lemoine, Paris, Calmann-Lévy, 1910, 2 volumes.
  • Saint-Simon, Louis de Rouvroy, duc, Mémoires de Saint-Simon, éd. par A. de Boislile puis L. Lecestre et J. de Boislile, Paris, librairie Hachette, 1879-1930, 45 volumes.
  • Sévigné, Marie de Rabutin-Chantal, marquise de, Correspondance, éd. par R. Duchêne avec la collaboration de J. Duchêne, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1972-1978, 3 volumes.
  • Sourches, Louis-François Du Bouchet, marquis de, Mémoires, éd. par G.-J. de Cosnac et A. Bertrand, Paris, Hachette, 1882-1893, 13 volumes.

Choix bibliographique

  • Bonnassieux, Pierre, Le château de Clagny et Mme de Montespan : d’après les documents originaux, Paris, A. Picard, 1881.
  • Clément, Pierre, Madame de Montespan et Louis XIV, étude historique, Paris, Didier, 1868.
  • Lemoine, Jean, Lichtenberger, André, De la Vallière à Montespan, Paris, Calmann-Lévy, 1902.
  • Leroux, Flavie, Les Maîtresses du roi, de Henri IV à Louis XIV, Seyssel, Champ Vallon, 2020 (à paraître).
  • Petitfils, Jean-Christian, Madame de Montespan, Paris, Fayard, 1988 (rééd. 2009).

==Choix iconographique]]

  • XVIIe siècle : Anonyme, Françoise-Athénaïs de Rochechouart, marquise de Montespan (huile sur toile, 81,5 x 63,5 cm), Versailles, Château de Versailles et de Trianon (MV 2112) – site internet des collections du Château de Versailles.
  • XVIIe siècle : Atelier de Pierre Mignard, dit le Romain, Françoise-Athénaïs de Rochechouart, marquise de Montespan (huile sur toile, 114,5 x 88,9 cm), Versailles, Château de Versailles et de Trianon (MV 6610) – site internet des collections du Château de Versailles.
  • XVIIe siècle : Anonyme, Françoise-Athénaïs de Rochechouart, marquise de Montespan (huile sur toile, 68,9 x 57,2 cm), Versailles, Château de Versailles et de Trianon (MV 4265) – site internet des collections du Château de Versailles.
  • XVIIe siècle : Henri Gascard, Ritratto di Atenaide di Rochechanart, marchesa di Montespan a Clagny (huile sur toile, 143 x 112 cm), Florence, Galerie des Offices (2837-1890) – site internet des collections de la Galerie des Offices.
  • 1678 ? : Anonyme, Françoise-Athénaïs de Rochechouart, marquise de Montespan, et ses enfants (huile sur toile, 206 x 252 cm), Versailles, Château de Versailles et de Trianon (MV 8237) – site internet des collections du Château de Versailles.

Jugements

  • « La seconde fille du Duc de Mortemar, qu’on appelloit Mademoiselle de Tonnay-Charente, étoit encore une beauté très-achevée, quoiqu’elle ne fût pas parfaitement agréable. Elle avoit beaucoup d’esprit, & une sorte d’esprit plaisant & naturel, comme tous ceux de sa Maison » [avant 1663] (La Fayette, Marie-Madeleine Pioche de La Vergne, comtesse de, Histoire de Madame Henriette d’Angleterre, Maëstricht, J.-E. Dufour et P. Roux, 1779, p. 31).
  • « « Madame de Montespan a assurément tout le crédit ; elle se ménage bien, se fait des amis sans s’attirer des ennemis ; elle a beaucoup plus de charmes que madame de La Vallière et infiniment plus d’esprit, d’enjouement et de conduite » [1671] (Saint-Maurice, Thomas-François de Chabod, marquis de, Lettres, voir supra, principales sources, vol. 2, p. 6).
  • « C’est une chose surprenante que sa beauté ; sa taille n’est pas de la moitié si grosse qu’elle était, sans que son teint, ni ses yeux, ni ses lèvres en soient moins bien. Elle était tout habillée de point de France, coiffée de mille boucles. Les deux côtés des tempes lui tombaient fort bas sur les deux joues. Des rubans noirs sur sa tête, des perles de la maréchale de l’Hôpital, embellies de boucles et de pendeloques de diamant de la dernière beauté, trois ou quatre poinçons, point de coiffe ; en un mot, une triomphante beauté à faire admirer à tous les ambassadeurs » [1676] (lettre de Mme de Sévigné à Mme de Grignan, 29 juillet 1676, dans Sévigné, Marie de Rabutin-Chantal, marquise de, Correspondance, voir supra, Principales sources, vol. 2, p. 351-352).
  • « L'amour du Roi pour cette dame, quoique plus criminelle, comme avec une femme mariée et enlevée à son mari, qui en conçut et fit éclater hautement son juste dépit, dura cependant plus longtemps dans toute sa force que celle pour la duchesse de la Vallière ce à quoi elle contribua autant par les charmes de son esprit, de son entretien, que par ceux de sa beauté […]. Mais, comme tous les attraits de la beauté et de l'esprit de cette maîtresse se trouvoient accompagnés d'une humeur fière, impérieuse, pleine d'artifice et capable d'emportement, aussi s'accoutuma-t-elle insensiblement à la faire ressentir au Roi, à lui faire de fois à autre, et sur le moindre refroidissement qu'elle croyoit lui trouver, de sanglants reproches, et, par là, ou par autre dégoût, ou par inconstance, ou par remords secrets d'un tel attachement, contribua elle-même à affoiblir peu à peu l'inclination du Roi pour elle, et à le rendre susceptible d'autres impressions » [1690] (Spanheim, Ézéchiel, Relation de la cour de France en 1690, éd. par C. Schefep, Paris, Libr. Renouard, 1882, p. 13-14).
  • « La Montspan était une créature pleine de caprices, qui ne pouvait se contraindre en rien, aimait toute espèce de divertissements, s’ennuyait d’être seule avec le roi : elle ne l’aimait que par intérêt et par ambition, et se souciait fort peu de sa personne » (Orléans, Charlotte-Élisabeth de Bavière, duchesse d’, Correspondance complète de Madame, duchesse d’Orléans, éd. G. Brunet, Paris, Charpentier, 1863, 2 volumes, vol. 2, p. 74).
  • « Elle étoit méchante, capricieuse, avoit beaucoup d’humeur, et une hauteur en tout dans les nues dont personne n’étoit exempt, le Roi aussi peu que tout autre. Les courtisans évitoient de passer sous ses fenêtres, surtout quand le Roi étoit avec elle ; ils disoient que c’étoit passer par les armes, et ce mot passa en proverbe à la cour. Il est vrai qu’elle n’épargnoit personne, très souvent sans autre dessein que de divertir le Roi, et, comme elle avoit infiniment d’esprit, de tour et de plaisanterie fine, rien n’étoit plus dangereux que les ridicules qu’elle donnoit mieux que personne. Avec cela elle aimoit sa maison et ses parents, et ne laissoit pas de bien servir les gens pour qui elle avoit pris de l’amitié. La reine supportoit avec peine sa hauteur avec elle, bien différente des ménagements continuels et des respects de la duchesse de la Vallière, qu’elle aima toujours, au lieu que de celle-ci il lui échappoit souvent de dire : “cette pute me fera mourir.” On a vu en son temps la retraite, l’austère pénitence et la pieuse fin de Mme de Montespan » (Saint-Simon, Louis de Rouvroy, duc, Mémoires, voir supra, vol. 28, p. 181-182).
  • « Si le scandale avait été grand, le défi à la morale, à la loi, aux prescriptions religieuses, insolent et prolongé, l’expiation fut sincère, et, de la part d’une si orgueilleuse nature, le repentir et l’humilité doublaient en quelque sorte de valeur. Mais en même temps qu’elle s’abîmait devant Dieu et faisait de grossiers ouvrages pour les pauvres, elle restait haute comme les nues avec les plus grands, et parce qu’elle était la mère de princes et de princesses que le bon plaisir avait légitimés, plus fière encore que repentante, elle se considérait à l’égal d’une reine. […] Rien ne prouve cependant qu’elle eût, dans les années brillantes, usé de son crédit en dehors de sa famille, et l’influence politique ne paraît jamais l’avoir attirée. […] C’était une maîtresse superbe et charmante, pleine de caprices, gaie, colère, amusante et insupportable, superstitieuse, bienfaisante, spirituelle entre toutes, emportant la pièce, pleurant à propos et adorable dans les larmes » (Clément, Pierre, Madame de Montespan et Louis XIV, voir supra, choix bibliographique, p. 211-212).
  • « Elle n’appartient pas à l’excellent d’un très grand siècle et, au contraire, elle personnifie ce siècle dans ce qu’il eut de superficiel, de déplaisant, de caduc ; elle compromet Louis XIV auprès de la postérité plus qu’elle ne le sert » (Truc, Gonzague, Madame de Montespan, Paris, Armand Colin, 1936, p. 169).
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