Françoise d'Aubigné : Différence entre versions

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Née dans les bâtiments de la prison de Niort, elle est la fille de Constant d’Aubigné, converti au catholicisme pour fuir ses dettes, d’Agrippa d’Aubigné, le grand poète et chef de guerre protestant, et de Jeanne de Cardilhac, sa seconde épouse, fille du gouverneur de la prison. Troisième et dernier enfant du couple, après deux frères aînés, elle est confiée à la charité de sa tante paternelle, la protestante Louise-Arthémise de Villette, qui saura choyer sa petite enfance. Mais son père étant sorti de prison, il emmène sa famille en 1644 aux Antilles, croyant faire fortune et rentre en France sans eux : quand son épouse revient à son tour, il est mort et laisse sa famille dans un complet dénuement. Les solidarités familiales permettent à la jeune enfant de trouver refuge chez sa tante Villette, avant qu’une autre parente, Mme de Neuillant, ne l’en arrache pour éviter qu’elle ne devienne protestante. Elle est alors confiée aux Ursulines de Niort puis de Paris. Découvrant les milieux mondains grâce à Mme de Neuillant, elle est remarquée par Paul Scarron, écrivain en vue mais atteint d’une maladie dégénérative très handicapante. Elle accepte ce surprenant mais tout à fait honorable mariage, et épouse Scarron à 16 ans. Elle tient alors salon dans le quartier du Marais (la « chambre jaune »), complète son éducation au contact de son mari et est reconnue comme Précieuse. Scarron s’éteint en 1660, laissant sa veuve sans moyen de maintenir leur train de vie, et Mme Scarron se réfugie comme pensionnaire laïque dans des couvents, manière de maintenir son indépendance et une bonne réputation, tout en lui permettant de continuer à fréquenter le monde.<br/>
 
Née dans les bâtiments de la prison de Niort, elle est la fille de Constant d’Aubigné, converti au catholicisme pour fuir ses dettes, d’Agrippa d’Aubigné, le grand poète et chef de guerre protestant, et de Jeanne de Cardilhac, sa seconde épouse, fille du gouverneur de la prison. Troisième et dernier enfant du couple, après deux frères aînés, elle est confiée à la charité de sa tante paternelle, la protestante Louise-Arthémise de Villette, qui saura choyer sa petite enfance. Mais son père étant sorti de prison, il emmène sa famille en 1644 aux Antilles, croyant faire fortune et rentre en France sans eux : quand son épouse revient à son tour, il est mort et laisse sa famille dans un complet dénuement. Les solidarités familiales permettent à la jeune enfant de trouver refuge chez sa tante Villette, avant qu’une autre parente, Mme de Neuillant, ne l’en arrache pour éviter qu’elle ne devienne protestante. Elle est alors confiée aux Ursulines de Niort puis de Paris. Découvrant les milieux mondains grâce à Mme de Neuillant, elle est remarquée par Paul Scarron, écrivain en vue mais atteint d’une maladie dégénérative très handicapante. Elle accepte ce surprenant mais tout à fait honorable mariage, et épouse Scarron à 16 ans. Elle tient alors salon dans le quartier du Marais (la « chambre jaune »), complète son éducation au contact de son mari et est reconnue comme Précieuse. Scarron s’éteint en 1660, laissant sa veuve sans moyen de maintenir leur train de vie, et Mme Scarron se réfugie comme pensionnaire laïque dans des couvents, manière de maintenir son indépendance et une bonne réputation, tout en lui permettant de continuer à fréquenter le monde.<br/>
 
C’est sans doute pourquoi, en 1669, Mme de Montespan fait appel à elle pour lui confier le premier enfant qu’elle a du roi. Mme Scarron entre ainsi dans une phase de clandestinité glorieuse, au service des enfants adultérins du roi, phase où elle peut développer son expertise d’éducatrice tout en s’assurant une vie plus confortable. La légitimation des bâtards royaux à partir de 1673 amène les enfants avec leur gouvernante à la cour, et Louis XIV, après avoir craint son « bel esprit » finit par apprécier sa compagnie, sa conversation enjouée et ses manières discrètes, au point de rendre jalouse la favorite en titre. Il faut dire qu’un don important pour ses services rendus comme gouvernante permet à Françoise d’Aubigné d’acheter un domaine, Maintenon, et de s’en faire un nom qui va lui rester. Rien n’atteste cependant que Mme de Maintenon ait été la maîtresse du roi, et sa correspondance assidue avec son directeur de conscience ou son influence pour rapprocher le roi de sa légitime épouse, la reine Marie-Thérèse, plaident même contre cette hypothèse. En tout cas, quelques semaines après son veuvage brutal en 1683, Louis XIV épouse secrètement Françoise d’Aubigné, une mésalliance si inouïe que les historiens ont longtemps douté de la réalité de ce mariage.<br/>
 
C’est sans doute pourquoi, en 1669, Mme de Montespan fait appel à elle pour lui confier le premier enfant qu’elle a du roi. Mme Scarron entre ainsi dans une phase de clandestinité glorieuse, au service des enfants adultérins du roi, phase où elle peut développer son expertise d’éducatrice tout en s’assurant une vie plus confortable. La légitimation des bâtards royaux à partir de 1673 amène les enfants avec leur gouvernante à la cour, et Louis XIV, après avoir craint son « bel esprit » finit par apprécier sa compagnie, sa conversation enjouée et ses manières discrètes, au point de rendre jalouse la favorite en titre. Il faut dire qu’un don important pour ses services rendus comme gouvernante permet à Françoise d’Aubigné d’acheter un domaine, Maintenon, et de s’en faire un nom qui va lui rester. Rien n’atteste cependant que Mme de Maintenon ait été la maîtresse du roi, et sa correspondance assidue avec son directeur de conscience ou son influence pour rapprocher le roi de sa légitime épouse, la reine Marie-Thérèse, plaident même contre cette hypothèse. En tout cas, quelques semaines après son veuvage brutal en 1683, Louis XIV épouse secrètement Françoise d’Aubigné, une mésalliance si inouïe que les historiens ont longtemps douté de la réalité de ce mariage.<br/>
Sa nouvelle situation permet à Mme de Maintenon de mener à bien le projet qui lui tient à cœur depuis longtemps : fonder un lieu d’éducation pour les filles pauvres de la noblesse. Ce sera la « Maison royale d’éducation de Saint-Louis », installée à Saint-Cyr, au bout du parc de Versailles, en 1686. Mme de Maintenon consacre tout le temps que le roi lui laisse à s’occuper de ce projet, s’intéressant aux choses les plus importantes (les bâtiments, les finances, les règles, les méthodes et contenus pédagogiques) comme aux plus pratiques (les vêtements, la nourriture…). Elle rend visite quasi quotidiennement aux « Demoiselles », écrit pour elles des Proverbes dramatiques, et va jusqu’à commanditer deux pièces à Racine, Esther (1689) et Athalie (1691), pour montrer à la cour la réussite de son entreprise. Cependant, l’ouverture culturelle et l’ambition pédagogique de cette école de filles entraînent aussi des résistances, et Saint-Cyr doit devenir un couvent en 1692. Outre cette activité de fondatrice et de pédagogue, Mme de Maintenon entretient un réseau épistolaire important, dont demeurent aujourd’hui plus de cinq mille lettres qui témoignent de ses réflexions spirituelles et éducatives, mais aussi de la vision du monde d’un esprit plus libre que ne le laisse imaginer son image de dévote qui aurait assombri la fin du règne du Grand Roi. Mme de Maintenon s’éteint le 15 avril 1719 à la Maison royale de Saint-Louis.<br/>
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Sa nouvelle situation permet à Mme de Maintenon de mener à bien le projet qui lui tient à cœur depuis longtemps : fonder un lieu d’éducation pour les filles pauvres de la noblesse. Ce sera la « Maison royale d’éducation de Saint-Louis », installée à Saint-Cyr, au bout du parc de Versailles, en 1686. Mme de Maintenon consacre tout le temps que le roi lui laisse à s’occuper de ce projet, s’intéressant aux choses les plus importantes (les bâtiments, les finances, les règles, les méthodes et contenus pédagogiques) comme aux plus pratiques (les vêtements, la nourriture…). Elle rend visite quasi quotidiennement aux « Demoiselles », écrit pour elles des Proverbes dramatiques, et va jusqu’à commanditer deux pièces à Racine, ''Esther'' (1689) et ''Athalie'' (1691), pour montrer à la cour la réussite de son entreprise. Cependant, l’ouverture culturelle et l’ambition pédagogique de cette école de filles entraînent aussi des résistances, et Saint-Cyr doit devenir un couvent en 1692. Outre cette activité de fondatrice et de pédagogue, Mme de Maintenon entretient un réseau épistolaire important, dont demeurent aujourd’hui plus de cinq mille lettres qui témoignent de ses réflexions spirituelles et éducatives, mais aussi de la vision du monde d’un esprit plus libre que ne le laisse imaginer son image de dévote qui aurait assombri la fin du règne du Grand Roi. Mme de Maintenon s’éteint le 15 avril 1719 à la Maison royale de Saint-Louis.<br/>
La réhabilitation de ce personnage complexe et presque fascinant est en cours, ce que signalent, dans le sillage de L’Allée du roi de Françoise Chandernagor (1981), la parution de plusieurs travaux critiques (biographie, études), la publication de ses œuvres, un colloque et une exposition commémorative à Versailles à l’occasion du tricentenaire de sa mort (2019).
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La réhabilitation de ce personnage complexe et presque fascinant est en cours, ce que signalent, dans le sillage de ''L’Allée du roi'' de Françoise Chandernagor (1981), la parution de plusieurs travaux critiques (biographie, études), la publication de ses œuvres, un colloque et une exposition commémorative à Versailles à l’occasion du tricentenaire de sa mort (2019).
  
  

Version du 4 juin 2019 à 12:50

Françoise d'Aubigné
Titre(s) Marquise de Maintenon
Conjoint(s) Paul Scarron (de 1652 à 1660), Louis XIV roi de France (de 1683 à 1715)
Dénomination(s) Françoise d’Aubigny, la « Belle Indienne », Aurélie dans La Prétieuse de l’abbé de Pure, Stratonice dans le Grand Dictionnaire des précieuses de Somaize, Lyriane dans Clélie de Madeleine de Scudéry, la Veuve Scarron, Mme de Maintenon, Mme de Maintenant
Biographie
Date de naissance 24 novembre 1635
Date de décès 15 avril 1719
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)


Notice d'Anne Boiron, 2019

Née dans les bâtiments de la prison de Niort, elle est la fille de Constant d’Aubigné, converti au catholicisme pour fuir ses dettes, d’Agrippa d’Aubigné, le grand poète et chef de guerre protestant, et de Jeanne de Cardilhac, sa seconde épouse, fille du gouverneur de la prison. Troisième et dernier enfant du couple, après deux frères aînés, elle est confiée à la charité de sa tante paternelle, la protestante Louise-Arthémise de Villette, qui saura choyer sa petite enfance. Mais son père étant sorti de prison, il emmène sa famille en 1644 aux Antilles, croyant faire fortune et rentre en France sans eux : quand son épouse revient à son tour, il est mort et laisse sa famille dans un complet dénuement. Les solidarités familiales permettent à la jeune enfant de trouver refuge chez sa tante Villette, avant qu’une autre parente, Mme de Neuillant, ne l’en arrache pour éviter qu’elle ne devienne protestante. Elle est alors confiée aux Ursulines de Niort puis de Paris. Découvrant les milieux mondains grâce à Mme de Neuillant, elle est remarquée par Paul Scarron, écrivain en vue mais atteint d’une maladie dégénérative très handicapante. Elle accepte ce surprenant mais tout à fait honorable mariage, et épouse Scarron à 16 ans. Elle tient alors salon dans le quartier du Marais (la « chambre jaune »), complète son éducation au contact de son mari et est reconnue comme Précieuse. Scarron s’éteint en 1660, laissant sa veuve sans moyen de maintenir leur train de vie, et Mme Scarron se réfugie comme pensionnaire laïque dans des couvents, manière de maintenir son indépendance et une bonne réputation, tout en lui permettant de continuer à fréquenter le monde.
C’est sans doute pourquoi, en 1669, Mme de Montespan fait appel à elle pour lui confier le premier enfant qu’elle a du roi. Mme Scarron entre ainsi dans une phase de clandestinité glorieuse, au service des enfants adultérins du roi, phase où elle peut développer son expertise d’éducatrice tout en s’assurant une vie plus confortable. La légitimation des bâtards royaux à partir de 1673 amène les enfants avec leur gouvernante à la cour, et Louis XIV, après avoir craint son « bel esprit » finit par apprécier sa compagnie, sa conversation enjouée et ses manières discrètes, au point de rendre jalouse la favorite en titre. Il faut dire qu’un don important pour ses services rendus comme gouvernante permet à Françoise d’Aubigné d’acheter un domaine, Maintenon, et de s’en faire un nom qui va lui rester. Rien n’atteste cependant que Mme de Maintenon ait été la maîtresse du roi, et sa correspondance assidue avec son directeur de conscience ou son influence pour rapprocher le roi de sa légitime épouse, la reine Marie-Thérèse, plaident même contre cette hypothèse. En tout cas, quelques semaines après son veuvage brutal en 1683, Louis XIV épouse secrètement Françoise d’Aubigné, une mésalliance si inouïe que les historiens ont longtemps douté de la réalité de ce mariage.
Sa nouvelle situation permet à Mme de Maintenon de mener à bien le projet qui lui tient à cœur depuis longtemps : fonder un lieu d’éducation pour les filles pauvres de la noblesse. Ce sera la « Maison royale d’éducation de Saint-Louis », installée à Saint-Cyr, au bout du parc de Versailles, en 1686. Mme de Maintenon consacre tout le temps que le roi lui laisse à s’occuper de ce projet, s’intéressant aux choses les plus importantes (les bâtiments, les finances, les règles, les méthodes et contenus pédagogiques) comme aux plus pratiques (les vêtements, la nourriture…). Elle rend visite quasi quotidiennement aux « Demoiselles », écrit pour elles des Proverbes dramatiques, et va jusqu’à commanditer deux pièces à Racine, Esther (1689) et Athalie (1691), pour montrer à la cour la réussite de son entreprise. Cependant, l’ouverture culturelle et l’ambition pédagogique de cette école de filles entraînent aussi des résistances, et Saint-Cyr doit devenir un couvent en 1692. Outre cette activité de fondatrice et de pédagogue, Mme de Maintenon entretient un réseau épistolaire important, dont demeurent aujourd’hui plus de cinq mille lettres qui témoignent de ses réflexions spirituelles et éducatives, mais aussi de la vision du monde d’un esprit plus libre que ne le laisse imaginer son image de dévote qui aurait assombri la fin du règne du Grand Roi. Mme de Maintenon s’éteint le 15 avril 1719 à la Maison royale de Saint-Louis.
La réhabilitation de ce personnage complexe et presque fascinant est en cours, ce que signalent, dans le sillage de L’Allée du roi de Françoise Chandernagor (1981), la parution de plusieurs travaux critiques (biographie, études), la publication de ses œuvres, un colloque et une exposition commémorative à Versailles à l’occasion du tricentenaire de sa mort (2019).

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