Françoise Lecocq

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Françoise Lecocq
Conjoint(s) Julien Trichet
Dénomination(s) Françoise Lecoque
Biographie
Date de naissance vers 1660
Date de décès 7 avril 1725
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Nicole Pellegrin, 2020

Fille de Nicolas Lecoq, marchand teinturier à Poitiers, et de Jeanne Picquet, Françoise Lecocq naît en 1660 dans la paroisse Saint-Étienne de Poitiers. Elle épouse, le 2 août 1678, Julien Trichet, procureur au présidial de cette ville, et apporte en dot une somme de 1800 livres dont 300 sont destinées à l’achat de mobilier et 1000 à l’acquisition d’une maison qui n’entre pas dans la communauté mais ne semble pas avoir été conservée longtemps. Divers logis situés dans différentes paroisses sont loués par le couple tout au long de sa vie. Leur parentèle, nombreuse lors de la cérémonie de mariage (27 personnes signent le contrat), compte des marchands, des hommes de loi et des ecclésiastiques et révèle une appartenance au milieu de la bourgeoisie moyenne, lettrée et soucieuse de ses prérogatives sociales. Françoise devient mère d’au moins trois garçons et cinq filles, mais trois de ces enfants meurent en bas âge. L’un des fils survivants, Julien-Alexis, devenu prêtre et aumônier hospitalier, meurt lors d’une épidémie à Poitiers en 1712 en secourant les malades. Le second, Julien, est, sa vie durant, receveur de différents établissements religieux et meurt en 1758 après avoir fait lignée. Deux filles parviennent aussi à l’âge adulte et meurent religieuses à la Sagesse malgré le désir de leur mère de les voir entrer dans un ordre ancien plus valorisé dont l’habit ne les déclasserait pas autant : il s’agit de Françoise-Elisabeth, qui devient sœur Séraphine, et de Marie-Louise dite de Jésus, fondatrice et première supérieure de l’ordre de la Sagesse (elle sera béatifiée en 1993).
Veuve le 19 mai 1715, Françoise Lecoq se retrouve dans une situation difficile : les affaires de son mari ne semblent pas avoir été prospères en raison du nombre des procureurs alors actifs à Poitiers (180) et du monopole exercé par une poignée d’entre eux. L’hagiographie parlera de « la tranquille médiocrité » de fortune de Julien Trichet et de son refus de « s’enrichir par des voies obliques ». Le total des biens de la communauté formée par le défunt et son épouse ne s’élève qu’à 173 livres. Une fois vendue la charge de procureur moyennant 300 livres (sans compter 212 livres de sommes dues), la veuve, déjà canonique (elle a 55 ans), est endettée auprès de son fils et doit lui céder le 4 février 1720 une pièce de vigne, héritée de sa propre mère ; elle se dit « hors d’estat de pouvoir la faire fassonner de ses fassons ordinaires ». Du coup, sa fille Marie-Louise, alors religieuse à La Rochelle, se décide à faire son testament : elle s’en rapporte à sa mère pour son enterrement et lui abandonne tout ce qu’elle possède en usufruit « afin de la faire subsister plus commodément, mesme en ayant besoin ».
Opiniâtre et vaniteuse selon les hagiographes de son illustre fille, Françoise Lecocq fut aussi une femme instruite et fort pieuse. Piètre gestionnaire de biens réduits, elle est morte dans la pauvreté et « dans un état d’infirmité », expression derrière laquelle son fils cache peut-être sa sénilité physique et mentale. L’inventaire de ses derniers biens (d’une valeur d’environ 33 livres) comporte un lit, deux petites tables, un vaisselier « usé et pourri », une « mauvaise béquille […], un étui à lunettes, un Christ d’airin avec son pied cassé, monté sur bois », ainsi que « cinq livres mal couverts et en mauvais état » qui prouveraient des pratiques durables de lecture. Ses embarras financiers expliqueraient en partie, sinon la voie de l’indigence consentie qu’ont suivie deux de ses trois filles, du moins la connaissance que celles-ci ont eue des lieux et des moyens où la charité chrétienne pouvait alors s’exercer.
Les génitrices de saint-e-s sont peu étudiées, à l’exception des mères – mythologisées – de Marie, Jésus, Augustin, Constantin ou Louis IX (les saintes Anne, Marie, Monique, Hélène, Blanche de Castille). Leurs vies sont habituellement passées sous silence ou outrageusement embellies. Les grandeurs et les malheurs de la mère, apparemment « ravageuse » (Lacan), de Marie-Louise Trichet vaudraient la peine d’être approfondis car ils éclairent d’un jour nouveau la carrière spirituelle de celle qui – schéma fréquent dans les biographies pieuses – aurait été soutenue par son père mais régulièrement contrecarrée par sa mère.

Principales sources]

  • [abbé Allaire], Abrégé de la vie et des vertus de la sœur Marie-Louise de Jésus Supérieure des Filles de la Sagesse, Poitiers, Jean-Félix Faulcon, 1768, ill.
  • Charles Besnard, La vie de la sœur Marie-Louise de Jésus, première supérieure des filles de la Sagesse (1750), manuscrit éd. par Marcel Gendrot, Rome, Centre international montfortain, 1985.

Choix bibliographique

  • Dervaux, Jeanne-Françoise, Folie ou sagesse ? Marie-Louise Trichet et les premières filles de M. de Montfort, Paris, Alsatia, 1950, ill.
  • Laurentin, René, Petite vie de Marie-Louise Trichet, cofondatrice des Filles de la Sagesse, Paris, Desclée de Brouwer, 1993.
  • Murphy, Gwénaël, Le peuple des couvents. Poitou, XVIIe-XVIIIe siècles, La Crèche, Geste éditions, 2007.
  • Rambaud, Pierre, « Les origines et la famille de Marie-Louise Trichet, Première Supérieure des Filles de la Sagesse », Revue du Bas-Poitou, 1918, pp. 111-119.

Choix iconographique

Un portrait anonyme (faisant pendant à celui de son mari, reproduit par Pierre Rambaud, voir supra ; localisation perdue)

Jugements

  • Années 1690-1700, à propos de deux époux fort opposés : « l’un et l’autre avaient beaucoup de piété, mais le père de notre vertueuse fille en donna des marques plus éclatantes encore que son épouse dans une infinité d’occasions, comme on le pourra voir dans la suite […]. [Leur fille, Marie-Louise] eut, dès sa plus tendre enfance, une si grande modestie, que sa mère, qui n’avait pas à son égard les mêmes sentiments d’amitié que son père, s’en plaignit souvent assez amèrement à lui : “que ferons-nous de cette fille – disait-elle – elle est stupide ! ” […] aussitôt [1699] que sa mère eut appris que sa fille allait à confesse à l’aumônier de l’hôpital [Grignion de Montfort], elle lui en témoigna son chagrin, jusqu’à lui en faire des reproches assez amers et assez déplacés : “ j’ai appris – lui dit-elle toute émue – que tu allais à confesse à ce prêtre de l’hôpital, tu deviendras comme lui. ” Cette parole peu mesurée était cependant véritable dans un sens […]. [1703, changement d’habit] Sa mère en fut bientôt informée ; toute hors d’haleine elle vient à l’hôpital, et aussitôt qu’elle voit sa fille ainsi ridiculement, selon elle, habillée, elle en tombe presque évanouie. “[…] déshonorer notre famille par un habillement si bizarre, et si peu conforme à votre rang ?…” […] La mère revient à la charge […] : “accordez quelque chose à votre mère. […] je consens pour la jupe et le tablier gris. ” Le tempérament aurait paru raisonnable en toute autre occasion […]. Elle venait sans cesse à l’hôpital pour tâcher de trouver sa fille seule afin de l’engager à quitter son habit. Mais M. de Montfort la prévint en toutes ces occasions […] : “ Votre fille, madame ! non, non, elle n’est plus à vous, elle est à Dieu ”. Ces paroles […] frappèrent si fort Mlle Trichet qu’il ne lui fut pas possible de rester plus longtemps avec sa mère, qui eut la constance de l’attendre une heure entière sans pouvoir réussir à lui parler ; elle avait été se renfermer dans une haute chambre […] malgré la tendresse de la nature elle fut cinq ou six mois sans la voir. […] Madame sa mère, plus courroucée que jamais que sa fille tenait à son égard […], va [solliciter l’évêque de Poitiers, seule, puis avec sa fille], malgré les oppositions de M. Trichet son époux qui, voyant dans la conduite de sa fille une marque sensible d’une vocation toute particulière, ne s’opposait point à ce qu’elle la suivît […] Dès que monseigneur l’aperçut, il lui dit : “ Hé bien, madame, vous avez voulu ôter la vocation à votre fille ? ” Elle ne sut que répondre […] » (Charles Besnard, La vie de la sœur Marie-Louise de Jésus, première supérieure des Filles de la Sagesse instituées par M. Louis-Marie Grignion de Montfort, prêtre apostolique (1759), Rome, Centre international montfortain, 1985, p. 9, 11, 34-36
  • 1703, une version quasi identique de la « métamorphose » vestimentaire imposée par Grignion de Montfort à Marie-Louise Trichet : « L’habit dont elle venoit d’être revêtue avoit de quoi fatiguer l’amour propre, n’eût-il dû être porté que dans l’enceinte d’une clôture, et sous une double grille. […] Sa mère fut bientôt informée d’un évenement, auquel elle ne s’étoit pas attendue. Il est vrai qu’elle lui avoit permis de changer d’habit ; mais elle n’avoit pas imaginé qu’elle en prendroit un de ce genre. Toute hors d’haleine, elle arrive à l’Hôpital [général], & voyant sa fille si singulièrement habillée, elle en tombe presque évanouie. « hé quoi ! ma fille, lui dit-elle, après avoir un peu repris ses sens, seroit-il possible que vous eussiez perdu l’esprit, ou que vous voulussiez déshonorer votre famille par un habillement si bizarre & si peu conforme à votre rang ? Que signifie cette vêture ? Quittez sur le champ tout ceci : reprenez vos habits & obéissez à votre mère ». Elle s’éloigne pour un moment, […] Elle revient ; & […] recommence ses premières instances […]. Madame Trichet revenoit sans cesse […] Votre fille, […] non, non, elle n’est plus à vous, elle est à Dieu » ([abbé Allaire], Abrégé de la vie et des vertus de la sœur Marie-Louise de Jésus Supérieure des Filles de la Sagesse, Poitiers, Jean-Félix Faulcon, 1768, p. 40-41).
  • 1725, une mère regrettée : « J’ai bien de la douleur au sujet de ma chère mère, car elle a bien souffert. Soyez persuadé qu’il n’y a que Dieu qui ait pu me séparer d’elle. Ce n’a pas été le moindre de mes sacrifices. Je ne puis vous écrire plus long. La douleur dans laquelle je suis m’empêche de vous en dire davantage » (lettre de Marie-Louise Trichet à son frère, Julien Trichet, 23 mai 1725, citée par J.-F. Dervaux, Folie ou sagesse ? Marie-Louise Trichet et les premières filles de M. de Montfort, Paris, Alsatia, 1950, p. 399).
  • 1993, une épouse et mère mythologisée par l’hagiographie : « vaillante, entreprenante, femme de tête, d’initiative, d’autorité, impérieuse même, et industrieuse. Il le faut ! Elle assume sans relâche sa tâche de mère de famille, avec ordre et maestria. Mûre devant la vie, elle est la tête, mais aussi le cœur de la maison où il fait bon vivre dans une pauvreté dorée. Dieu y règne, sous le signe de la croix, en bonne place sur les murs. » (René Laurentin, Petite vie de Marie-Louise Trichet, cofondatrice des Filles de la Sagesse, Paris, Desclée de Brouwer, 1993, p. 14).
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