Elisabeth-Sophie Chéron/Roger de Piles

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[532] MADAME LE HAY.

Elizabeth Sophie Chéron, épouse de M. le Hay, naquit à Paris le troisiéme d'Octobre de l'année 1648. Son pere qui étoit de Meaux, avoit de la réputation parmi les Peintres de Portraits: il étoit Calviniste, mais Marie le Fevre sa mere étoit Catholique. Mademoiselle Chéron fit de si grands progrès dans la Peinture, qu'à l'âge de quatorze ans elle étoit déjà célebre: et ce fut à cet âge que sa mere la mena à l'Abbaye de Jouarre pour y peindre l'Abbesse et des Pensionnaires illustres qui y étoient pour lors. Ce voïage fut la cause de sa conversion: car au retour de Jouarre elle se fit Catholique. C'étoit une personne pleine de mérite, soit du côté des vertus, soit par les talens. Son respect et ses égards pour sa mere, sa fidelité pour ses amis, sa sensibilité pour les pauvres, et surtout son attachement véritable à la religion Catholique; tout cela distinguoit encore plus Mademoiselle Chéron, que son habileté dans la Musique, dans la Poësie et dans la Peinture. Nous avons d'elle un recueil de Poësies où sa piété et son génie paroissent également: et si l'on vouloit donner au public [533] tout ce qu'elle a fait depuis, on auroit dequoi beaucoup augmenter ce Recueil; mais nous ne parlons ici que de son mérite de Peinture. Elle réussissoit parfaitement bien surtout à peindre les femmes, mais elle ne se bornoit pas à faire des Portraits, elle a fait voir dans des Tableaux d'Histoires un grand goût de dessein, et une grande intelligence du Clair-obscur. Mais peut-être rien ne prouve-t-il tant son savoir que la maniere dont elle a dessiné en grand plusieurs cachets antiques, qui contiennent en petit de grandes compositions; et dont la plûpart gravées sur ses desseins par d'habiles maîtres, sont dans les cabinets des curieux. M. le Hay nous fait esperer le reste. On peut voir aussi des têtes antiques de sa main, dessinées avec une pureté de contour et une élégance admirable. Du reste elle avoit embrassé toutes les manieres de peindre, et elle réussissoit également bien en huile, en miniature et en émail. Elle gravoit même et de bon goût.

Ses talens pour la Poësie lui mériterent une place dans l'Académie des Ricovrati de Padoue, qui lui en envoïa les Patentes en 1699. dans lesquelles l'Académie lui donne le surnom d'Erato. Son mérite de Peinture l'avoit déjà fait recevoir dans l'Académie que le Roi a fondée à Paris pour [534] les Peintres et pour les Sculpteurs. Voici l'extrait des Registres de ce célebre Corps: Du onziéme jour de Juin 1672. l'Académie extraordinairement assemblée, M. le Brun a présenté deux Tableaux de Portraits, faits par Damoiselle Elizabeth Chéron, lesquels ont tellement satisfait la Compagnie, qu'elle a estimé cet ouvrage très-rare, excedant même la force ordinaire de son sexe, et a résolu de lui donner la qualité d'Académicienne; et pour cet effet, a ordonné de lui expedier les Lettres nécessaires. Qu'auroit dit l'Académie si elle avoit eu à juger du mérite de Mademoiselle Chéron, par les ouvrages qui sont depuis sortis de ses mains?

Elle mourut le 3. de Septembre 1711. avec tous les sentimens de pieté qu'on pouvoit attendre d'une personne, qui comptoit pour rien tous les talens de l'esprit au prix des vertus Chrétiennes.

Elle a laissé deux illustres Eleves, Anne et Ursule de la Croix, niéces de son mari M. le Hay.

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