Dauphine de Sartre

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Dauphine de Sartre
Titre(s) Marquise de Robiac
Conjoint(s) Jacques de Grille de Robiac
Biographie
Date de naissance 1634
Date de décès 1685
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Nancy M. O'Connor, 2004

Née à Montpellier le 14 décembre 1634, Dauphine de Sartre est la fille unique de Jean Sartre et de Brigitte de Massane, tous deux issus de familles de magistrats. Son père, alors conseiller du roi à la cour des Comptes, Aides et Finances de Montpellier, en deviendra plus tard le président, après avoir exercé la charge d'avocat général du roi. Les Massane, ainsi qu'une autre branche de la famille Sartre à Montpellier, ont des antécédents protestants, mais rien ne permet d'affirmer que la famille de Jean de Sartre comprenne des membres de la religion réformée.

Le 3 janvier 1651 Dauphine de Sartre épouse Jacques de Grille de Robiac, à qui elle apporte une dot de 40 000 livres. Fils de Charles de Grille de Robiac d'Estoublon, viguier perpétuel de la ville d'Arles, et de Blanche de Forbin de Soliers, Jacques de Grille est élu consul de la ville d'Arles à plusieurs reprises. À la suite de son père viguier perpétuel de cette même ville de 1654 à 1674, il est nommé conseiller d'Etat en 1655. De cette union naissent huit enfants, cinq filles et trois fils. Parmi les filles, seule Blanche-Thérèse (165*-1711) se marie, avec Joseph-Jacques de Meyran d'Ubaye, tandis que les quatre autres prennent le voile. Quant à l'aîné des fils, François (166*-1741), il épouse Eugénie de Riqueti de Mirabeau quelques mois avant la mort de sa mère.

On ne sait rien de l'instruction que Dauphine de Sartre reçoit jusqu'à l'âge de seize ans. Ce n'est sans doute qu'après son mariage et son entrée dans une famille importante d'Arles qu'elle fréquente un milieu à la fois mondain et intellectuel, où elle participe à des discussions savantes. Elle entame alors son itinéraire intellectuel et, dès 1654 (date qui figure dans l'un des deux manuscrits que nous connaissons), commence à tenir un registre de ses dissertations, maximes et notes de lecture.

Jacques de Grille, comme son père et son grand-père avant lui, s'intéresse au bel esprit et à la galanterie, mais aussi aux arts, aux «sciences», et publie plusieurs ouvrages. Membre fondateur et plus tard secrétaire perpétuel de l'Académie des Lettres d'Arles, il est chargé en 1666 d'en rédiger les statuts. Dauphine de Sartre l'assiste dans cette tâche. Les académiciens lui témoignent leur reconnaissance, et le texte de sa réponse nous est parvenu, ainsi qu'une «Dissertation s'il seroit mieux à Messieurs de l'Académie de monstrer leurs ouvrages que d'en faire un secret».

Dauphine de Sartre n'avait vraisemblablement aucune intention de faire oeuvre d'auteure: ses écrits sont d'ailleurs restés inédits jusqu'à la publication en 2003 d'importants extraits d'un de ses recueils. S'intéressant aux moeurs, à la sociabilité, à l'éloquence et à la langue, aux sciences naturelles, à l'histoire, à la philosophie, à la musique, aux beaux-arts, elle montre dans ses dissertations et ses recueils de réflexions morales un immense désir de savoir et un esprit fin. Sa «Dissertation sur l'Amitié» et ses réflexions sur la sociabilité sont particulièrement subtiles; ses pensées sur les moeurs révèlent une compréhension profonde de l'être humain. Enfin ses «Remarques générales», comportant de nombreuses notes de lecture, font découvrir une culture remarquable: on y trouve, notamment, des références à Lamy, Méré, Pascal, Nicole, Malebranche, Descartes, Rohault, Poullain de la Barre, Bouhours, Balzac, et Esprit, entre autres. Une vingtaine de lettres ne fournissent guère de détails personnels, à l'exception d'une très belle lettre à son fils François.

L'importance des écrits de Dauphine de Sartre reste à être évaluée. Les critiques devront déterminer l'originalité des dissertations, des remarques et des maximes: si elles sont bien de sa plume, nous avons affaire à une moraliste de premier ordre. Quant aux notes de lecture, elles sont incontestablement d'une portée considérable: bien plus utiles qu'un inventaire de bibliothèque, elles jettent une toute nouvelle lumière sur la culture féminine sous l'Ancien Régime, nous permettant de découvrir, par le biais d'un journal personnel, ce que lisait et comment lisait une femme de la noblesse de province au XVIIe siècle.

Oeuvres

- Lettres diverses, dissertations diverses, «Recueils de choses morales», «Remarques générales», in De sa propre main..., voir infra, «choix biblio».

Choix bibliographique

- Brun, Auguste. «Une Précieuse arlésienne: ses notes, ses curiosités», Mélanges de philologie et d'histoire littéraire offerts à Edmond Huguet. Paris, Boivin, 1940, p.213-222.
- O'Connor, Nancy M. «Sources manuscrites et histoire des femmes: une marquise en Arles au XVIIe siècle». XVIIe siècle, 192, 1996, p.601-617.
- O'Connor, Nancy M. (éd.) De sa propre main: Recueils de choses morales de Dauphine de Sartre, marquise de Robiac (1634-1685), avec une introduction et des notes. Birmingham, Alabama, Summa Publications, 2003.

Jugements

- «Je ne me picque point, & avec raison, d'estre bel esprit» (Dauphine de Sartre, «Lettre de M. L. M. De R. À l'Académie Royale d'Arles» in De sa propre main...voir supra, p.44).
- «Doristée [«Mlle de Grille» = Dauphine de Sartre] a beaucoup de douceur, et cette douceur n'est pas de celle que la stupidité cause en la pluspart des femmes; au contraire, elle a infiniment de l'esprit. [...Elle] attiroit par sa beauté et par son esprit tout ce qu'il y avoit de gens les plus accomplis dans la ville» (Antoine Baudeau, sieur de Somaize, Dictionnaire des Précieuses par le Sieur de Somaize. Nouvelle édition augmentée de divers opuscules du même auteur relatifs aux Précieuses, et d'une clef historique et anecdotique par M. Ch.-L. Livet [Paris, J. Jannet, 1856], Genève, Slatkine reprints, 1972, p.73).
- «Elle estoit douée d'un esprit si relevé et si propre aux connoissances sublimes, qu'elle n'ignoroit rien de tout ce qui peut établir l'estime d'une personne sçavante. Elle sçavoit jusqu'aux parties les plus difficiles des mathématiques, telles que l'algèbre, la philosophie ancienne et moderne, et tout ce qu'il faut croire de plus raisonnable de l'une et de l'autre. Elle s'estoit même acquis les principes de la médecine; mais quelque avantage qu'elle receust de ces différentes connoissances, son plus fort attachement estoit la morale, et surtout la chrestienne qu'elle prenoit pour règle de toutes ses actions. On a peu vu de femmes avoir une intelligence et une pénétration plus rafinée, une netteté d'esprit et d'expression plus forte, soit à écrire, soit à parler, ny un talent plus singulier à s'attirer également l'estime, l'admiration et le respect de tous ceux qui l'approchoient» (Mercure Galant, avril 1685, p.87-89).
- «Une précieuse? une femme savante? un bas-bleu? Ces termes péjoratifs lui conviennent mal. Ici, ni démon d'écrire, ni pédantisme, ni bel esprit. Et surtout pas la moindre trace de romanesque ni de complaisance aux choses de la galanterie et de l'amour» (Auguste Brun, «Une Précieuse arlésienne...» voir supra, «choix biblio.»p.215).

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