Clotilde (Vers 475-545)

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Clotilde (Vers 475-545)
Titre(s) Reine des Francs
Conjoint(s) Clovis
Dénomination(s) Sainte Clotilde
Biographie
Date de naissance 475 ou 480
Date de décès 545
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Marguerite Buffet (1668)


Notice de Claire Thiellet, 2006

Fille d’un roi des Burgondes, Chilpéric, Clotilde naît entre 475 et 480. Après l’assassinat de son père et de sa mère, elle est élevée dans la foi catholique. Vers 493, elle est demandée en mariage à son oncle Gondebaud par le roi des Francs, Clovis. Clotilde tente en vain d’abord de convaincre son époux d’abandonner le paganisme. Elle fait baptiser leur premier fils, Ingomer, qui meurt. Leur second fils, Clodomir, est également baptisé; il tombe malade mais, cette fois, l’enfant guérit. Par la suite, Clotilde a encore quatre enfants: deux fils, Childebert et Clotaire, deux filles, Clotilde et Tichilde, qui deviendra religieuse. Cependant, la reine ne cesse d’inciter le roi à se convertir. Cette patiente prédication commence à porter ses fruits lorsque Clovis se trouve en difficulté lors de la guerre contre les Alamans. Là, il promet de se faire baptiser s’il sort vainqueur du combat. Clovis ayant remporté la victoire, Clotilde met à profit cette résolution et fait appeler l’évêque de Reims, Remi, pour catéchiser le roi. Celui-ci reçoit le baptême de la main de Remi le 25 décembre 498 ou 506 (?). On ignore si Clotilde exerce une influence sur la politique que mène ensuite son époux. Elle est cependant étroitement associée à la construction de la basilique en l’honneur des Saints Apôtres, auprès de laquelle sont ensevelis sainte Geneviève (vers 500) et Clovis (511).

Après le partage du royaume entre ses trois fils et leur demi-frère Thierry, Clotilde, devenue veuve, se retire à Tours auprès de la basilique Saint-Martin. Elle s’adonne alors à de bonnes oeuvres, et cherche à exercer un rôle politique. Elle intervient dans l’Église de Tours, en particulier en imposant le choix des évêques. Selon Grégoire de Tours Clotilde aurait été l’instigatrice de la guerre conduite par ses fils, devenus grands, contre le royaume burgonde (elle leur aurait demandé de venger le meurtre de son père Chilpéric), guerre qui aboutit à l’incorporation du royaume burgonde à l’État franc en 526. Il l’associe également à l’assassinat de deux de ses petits-fils, enfants de Clodomir, par leurs oncles Childebert et Clotaire (sommée de choisir entre leur spoliation et leur mort, elle aurait préféré cette dernière solution). Vers la même époque, elle perd sa fille Clotilde, victime de la violence de son mari, Amalaric, roi des Wisigoths d’Aquitaine. Après ces épreuves familiales, elle se consacre totalement aux oeuvres charitables, tout en menant une vie d’ascèse. Elle dote des églises, fait édifier quelques monastères, tels Saint-Pierre-des-Puelliers à Tours et Sainte-Marie aux Andelys. Elle meurt le 3 juin 545 à Tours et est ensevelie à Paris dans la basilique des Saints-Apôtres.

L’histoire de Clotilde est rapportée par plusieurs sources qui ne donnent pas d’elle une image uniforme. C’est à Grégoire de Tours que nous devons l’essentiel des faits connus sur son compte. Ce premier témoignage est ensuite repris et enjolivé par le chroniqueur Frédégaire (VIIe siècle) et par l’auteur du Liber Historiae Francorum (VIIIe siècle). Ces récits ne donnent que des faits politiques et montrent le maintien de vieux comportements germaniques. Ils présentent Clotilde comme une souveraine remarquable qui a contribué à la conversion et au baptême de son époux Clovis et, de ce fait, au triomphe de la foi catholique en Gaule alors menacée par l’hérésie arienne. Ce rôle est inscrit dans le sillage des saints les plus vénérés: Martin de Tours, près du tombeau duquel la reine passe son veuvage; Geneviève de Paris, dont elle commandite la Vie, rédigée à Tours vers 520; Remi de Reims, sollicité pour catéchiser son époux. Très tôt après sa mort, Clotilde a fait figure de modèle pour d’autres souveraines mérovingiennes, puis pour les reines de l’Europe médiévale. C’est la Vita S. Chrotildis, composée au milieu du Xe siècle, qui a consacré la reine comme une sainte en éliminant tout ce qui pouvait ternir son image et en insistant sur son rôle prédestiné à donner naissance «à la race royale qui gouvernerait l’Empire des romains et des Francs». Depuis cette époque, et malgré les attaques des pamphlétaires de la Renaissance, Clotilde est restée figée dans l’image de la «mère de la France chrétienne».

Choix bibliographique

- Folz, Robert, Les Saintes Reines du Moyen Âge, (VIe-XIIIe siècles), Subsidia Hagiographica, 76, Bruxelles, 1992.
- Nolte, Cordula, «Die Königinwitwe Chrodechilde, Familie und Politik im frühen 6. Jahrhundert», dans Veuves et veuvage dans le Haut Moyen Âge, dir. Michel Parisse, Paris, Picard, 1993, p.177-185.
- Thiellet, Claire, Femmes, Reines et Saintes. Ve-XIe siècles, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2004.
- Thiellet, Claire, «La sainteté royale de Clotilde», dans Clovis, histoire et mémoire, dir. Michel Rouche, t.II, Le baptême de Clovis, son écho à travers l’histoire, dir. Michel Rouche, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 1997, p.147-155.
- Werner, Karl-Ferdinand, «Der Autor der Vita sanctae Chrotildis -- Ein Beitrag zur Idee der "heiligen Königin" und des "Römischen Reiches" im X. Jahrhundert», Lateinische Kultur im 10. Jahrundert, Mittelateinisches Jahrbuch, 24/25, 1989-1990, p.517-551.

Choix iconographique

- v. 1375-1380 : Anonyme, Clotilde en prière devant le tombeau de saint Martin (enluminure), dans Grandes Chroniques de France, Paris, BnF (ms. fr. 2813, fol.23) -- http://images.bnf.fr
- v. 1480 : Maître de Coëtivy (attribué à), Clovis et Clotilde accueillis par saint Rémi à Reims, l’ermite de Joyenval remet l’écu aux trois fleurs de lis à Clotilde, Clotilde donne l’écu à Clovis qui affronte le roi Conflat (miniature) dans Saint Augustin, Cité de Dieu, (trad. Raoul de Presles), Paris, Mâcon, Bibliothèque municipale (ms.1, fol.2r) -- Le Moyen Âge en lumière. Manuscrits enluminés des bibliothèques de France, dir. Jacques Dalarun, Paris, Fayard, 2002, p.200 -- http://www.moyenageenlumiere.com
- XVe siècle : Anonyme, Sainte Clotilde et une donatrice (ronde-bosse) -- Les Andelys (Eure), église Notre-Dame.
- 1747-1748 : Pierre de L’Estache, Sainte Clotilde (ronde-bosse, 3 x 1,40 m), Rome, façade de l’église Saint-Louis-des Français -- http://www.lestache.com/catalogo/28-31.htm
-Vers 1845-1850 : Auguste de Châtillon, Sainte Clotilde (huile sur toile), Groslay (Val d’Oise), église de Groslay -- Denis Lavalle et Christian Olivereau, OEuvres d’art des églises du val d’Oise, Cergy-Pontoise, Conseil général du Val d’Oise, 1993, p.43.

Jugements

- «Tu as appris de quelle manière ta grand’mère, la maîtresse de bonne mémoire, Clotilde, était venue en Francie, et comment elle amena le seigneur Clovis à la loi catholique.» (Lettre de Nizier, évêque de Trèves, à la reine Chlodoswinde [565], Epistolae Austrasicae, éd. W. Gundlach, Turnhout, Brepols, coll. «Corpus Christianorum», t.CXVII, 8, 1957, p.419-423; trad. Michel Rouche, Clovis, Paris, Fayard, 1996, p.524)

- «Or comme Clovis envoie souvent des ambassades en Bourgogne, la jeune Clotilde est aperçue par ses ambassadeurs. Comme ils l’avaient trouvée élégante et sage et qu’ils avaient su qu’elle était de famille royale, ils l’annoncèrent au roi Clovis.» (Grégoire de Tours [vers 584], Histoire des Francs, II, 28, dans Monumenta Germania Historica, Scriptores Rerum Merovincarum, éd. Bruno Krusch, t.I, Hanovre, Impensis Bibliopolii Hahniani, 1884-1885, rééd. Paris, Les Belles Lettres, 1999, p.90)

- «Que personne ne pense que cette sainte choisie par Dieu, née dans le siècle de souche royale, élevée au faîte du pouvoir, ait vécu le martyr sans subir le feu ni le fer, elle qui endura tant de douleurs dans le siècle présent. […] Elle adoucit le coeur de cette race païenne et farouche, celle des Francs, grâce à des bienfaits et par ses saintes exhortations elle la tourna vers Dieu grâce au bienheureux évêque Remi. De quelle douleur elle fut consternée par la mort du roi, de sa fille Clotilde et des fils de son fils Clodomir; de combien de privations, de veilles […] elle s’affligea elle-même? De quelle quantité de largesses […] elle ponctionna le trésor royal! Car elle qui était vêtue auparavant à la mode des rois de vêtements précieux, elle se promenait ensuite vêtue de vêtements de laine; elle avait rejeté les mets royaux et délicieux […] et se nourrissait seulement de pain, de légumes et d’eau comme boisson. De plus, elle fit construire beaucoup de monastères dans un grand nombre de régions…» (Vita Chrothildis [Xe siècle], c.11, dans Monumenta Germania Historica…, voir supra, t.II, 1888, p.346)

- «Clotilde, fille du roi de Bourgogne et femme du puissant roi de France Clovis [...] ne fut-elle pas celle par qui la foi chrétienne fut instituée et répandue parmi les rois et princes de France? Peut-on imaginer plus grand bienfait que le sien?» (Christine de Pizan, La Cité des dames, II-35, éd. Th. Moreau et E. Hicks, Paris, Stock, 1996, p.176)

- «[…] par divine permission [...] son bon époux Clovis fut fait égal et pareil en foi à sadite femme [...] laquelle union [...] fut cause de changer et muer ledit nom de Lutèce en ce nom de Paris. Car après que Remy lui eut dit Mitis depone colla, Sicamber (Ô débonnaire Sicambrien, abaisse ton col et ton orgueil), il y eut un clerc qui a haute voix dit Littis horrorem perdis sicamber (Ô Sicambrien tu perds l’horreur de tenson [querelle], d’ire et de cruauté); et son compagnon de répondre: Ambo ac paritas omen horribile perdit. Et littis nomen perdidit tunc civitas (la parité des deux, c’est à savoir de Clovis et Clotilde en foi, déboute l’horrible renom); et la cité perdit adonc le nom de tenson et de cruauté [des Sicambres].» (Regnault Havart, Abrégé sur aucun pas des chroniques de France adressé à [Anne de France], vers 1489, BnF nv. acqu. fr. 4517, 10 recto)

- «Ceux qui allèguent les régences d’aucunes dames de la première ligne [il s’agit de Mérovingiennes] pour autoriser celles qui ont été à la troisième [il s’agit de Capétiennes], en lieu d’en établir et bien poser le fondement, ils semblent le démolir et détruire. [...] laissée à part Clothilde, des reines qui ont eu ces maniements, vous ne lisez que Brunehaut et Frédégonde qui aient eu cette propre autorité, comme ayant la force en main et les trésors sous leur garde, et les maires du palais à leur commandement.» (François de Belleforest, Les Grandes Annales et histoire générale de France, dès la venue des Frances en Gaule jusqu’au règne du Roy très-chrestien Henry III…, Paris, G. Buon, 1579)

- «Grâce à son autorité, à sa longévité -elle survit trente-sept ans à son époux- et à ses initiatives personnelles, Clotilde, une princesse burgonde, mariée à un petit roi salien, Clovis, joue un rôle capital.» (Michel Rouche et Olivier Salvatori, Dictionnaire Clovis, Les fondations de l’Europe IIIe-VIe siècle, cd-rom, Paris, Microfolie’s éditions-OSE, 1996; d’après l’ouvrage de Michel Rouche, Clovis, voir supra)

- «Christianisme et vengeance se trouvent côte à côte en harmonie dans l’âme de Clotilde. […] Malgré la grande piété de la vieille reine il lui est impensable de voir ses petits-fils déshonorés et voués à une existence de simples Francs. Celui qui ne s’impose pas comme roi devait mourir comme roi! […] Au moment de sa décision Clotilde apparaît comme une barbare héroïque, qui ne voit pas de secours possible venant de sa foi chrétienne pour résoudre ce problème existentiel.» (Georg Scheibelreiter, «Clovis le païen, Clotilde, la pieuse. À propos de la mentalité barbare», dans Clovis, histoire et mémoire, voir supra, t.I, Clovis et son temps, l’événement, p.359, 366)

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