Claude de Bectoz/Hilarion de Coste : Différence entre versions

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'''[II,755] SCHOLASTIQUE DE BECTOZ, DEMOISELLE DE DAUFINÉ, et Abbesse de Saint Honorat à Tarascon (1).<br />
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[II,755]''' SCHOLASTIQUE DE BECTOZ, DEMOISELLE DE DAUFINÉ, et Abbesse de Saint Honorat à Tarascon''' (1).<br />
'''LA Mareschale de Joyeuse et la Vidame d'Amiens sa soeur aisnée, dont les noms sont en benediction pour leur pieté, ne sont pas les seules Dames illustres, que le Daufiné a donné en ces derniers temps, puisque cette devote Demoiselle de la Maison de Bectoz en est aussi sortie.<br />
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LA Mareschale de Joyeuse et la Vidame d'Amiens sa soeur aisnée, dont les noms sont en benediction pour leur pieté, ne sont pas les seules Dames illustres, que le Daufiné a donné en ces derniers temps, puisque cette devote Demoiselle de la Maison de Bectoz en est aussi sortie.<br />
 
Cette Province affectée au fils aisné de nos Roys, et dont j'ay fait l'Eloge dans l'Histoire des Daufins de France, n'a pas esté moins feconde en illustres Heroines qu'en Heros. Le sçavant et le curieux Aymar de Rivail Conseiller du Roy au Parlement de Grenoble a écrit en Latin l'Histoire des Allobroges sous le regne du grand Roy François, où il loue plusieurs Dames de Daufiné, illustres pour leurs rares qualitez, entre autres la sage et la vertueuse Philippe de Sassenage (2), dont Gemes ou Zizime frere de Bajazet Empereur des Turcs devint tellement pris de la douceur de ses moeurs et de sa rare beauté, qu'il avoit resolu de se faire Chrestien pour l'épouser, (quoy qu'il fust grand-observateur de la loy Mahometane) ce qu'il eust executé s'il fust demeuré en Daufiné et n'eust pas esté donné au Pape Innocent VIII. et à son successeur Alexandre VI. Ce Prince Ottoman n'avoit point de plus grand contentement que d'aller se promener à la Bastie, Maison du Baron de Sassenage, voisine de la Roche-Chinard, maison de Barrachin Alemand, où il demeuroit quand il estoit en la méme Province, pour voir et admirer les perfections de cette Demoiselle.<br />
 
Cette Province affectée au fils aisné de nos Roys, et dont j'ay fait l'Eloge dans l'Histoire des Daufins de France, n'a pas esté moins feconde en illustres Heroines qu'en Heros. Le sçavant et le curieux Aymar de Rivail Conseiller du Roy au Parlement de Grenoble a écrit en Latin l'Histoire des Allobroges sous le regne du grand Roy François, où il loue plusieurs Dames de Daufiné, illustres pour leurs rares qualitez, entre autres la sage et la vertueuse Philippe de Sassenage (2), dont Gemes ou Zizime frere de Bajazet Empereur des Turcs devint tellement pris de la douceur de ses moeurs et de sa rare beauté, qu'il avoit resolu de se faire Chrestien pour l'épouser, (quoy qu'il fust grand-observateur de la loy Mahometane) ce qu'il eust executé s'il fust demeuré en Daufiné et n'eust pas esté donné au Pape Innocent VIII. et à son successeur Alexandre VI. Ce Prince Ottoman n'avoit point de plus grand contentement que d'aller se promener à la Bastie, Maison du Baron de Sassenage, voisine de la Roche-Chinard, maison de Barrachin Alemand, où il demeuroit quand il estoit en la méme Province, pour voir et admirer les perfections de cette Demoiselle.<br />
 
[756] Ce digne Senateur du Parlement de Daufiné qui estoit en haute estime par le Roy François (aussi il luy fit l'honneur de l'employer en quelques Ambassades, et luy commanda de faire en Latin l'Histoire du droit Civil et Canon ou Pontifical qui est imprimée) (3) fait aussi l'eloge dans la méme Histoire manuscrite des Allobroges de cette noble Demoiselle de la Maison de Bectoz, et digne Abbesse de Saint Honorat à Tarascon en Provence.<br />
 
[756] Ce digne Senateur du Parlement de Daufiné qui estoit en haute estime par le Roy François (aussi il luy fit l'honneur de l'employer en quelques Ambassades, et luy commanda de faire en Latin l'Histoire du droit Civil et Canon ou Pontifical qui est imprimée) (3) fait aussi l'eloge dans la méme Histoire manuscrite des Allobroges de cette noble Demoiselle de la Maison de Bectoz, et digne Abbesse de Saint Honorat à Tarascon en Provence.<br />
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La Maison de Bectoz est remarquable en Daufiné, où restent encore deux branches de cette famille, dont l'une est connue sous le nom de Montochier, et l'autre de Vaubonnois.<br />
 
La Maison de Bectoz est remarquable en Daufiné, où restent encore deux branches de cette famille, dont l'une est connue sous le nom de Montochier, et l'autre de Vaubonnois.<br />
 
La vertu, le sçavoir, et la pieté de Claude ou Scholastique Heroine de la Maison de Bectoz l'ont rendue si recommandable, qu'elle n'a pas esté seulement en estime par la France, mais aussi que sa gloire a passé les Alpes et a esté honorée en Italie, où deux celebres Ecrivains ont fait son Eloge, sçavoir Ludovico Domenichi, dans son Livre intitulé ''Nobilta Delle Donne'', qui sont les Eloges des Femmes illustres de toutes les nations où il n'en met que quatre de France, sçavoir Caterine de Medicis, Marguerite de France ou de Valois soeur du Roy Henry II. Diane de Poitiers Duchesse de Valentinois, et cette Scholastique de Bectoz qui est la 4. L'autre est François Augustin Della Chiesa Docteur, à present Evéque de Salusses, en son ''Theatre delle Donne illustre''.<br />
 
La vertu, le sçavoir, et la pieté de Claude ou Scholastique Heroine de la Maison de Bectoz l'ont rendue si recommandable, qu'elle n'a pas esté seulement en estime par la France, mais aussi que sa gloire a passé les Alpes et a esté honorée en Italie, où deux celebres Ecrivains ont fait son Eloge, sçavoir Ludovico Domenichi, dans son Livre intitulé ''Nobilta Delle Donne'', qui sont les Eloges des Femmes illustres de toutes les nations où il n'en met que quatre de France, sçavoir Caterine de Medicis, Marguerite de France ou de Valois soeur du Roy Henry II. Diane de Poitiers Duchesse de Valentinois, et cette Scholastique de Bectoz qui est la 4. L'autre est François Augustin Della Chiesa Docteur, à present Evéque de Salusses, en son ''Theatre delle Donne illustre''.<br />
Domenichi en son oeuvre de la Noblesse des Dames appelle cette sçavante Heroine Madame Scholastique Bettona pour Bectoz, et dit en suitte qu'elle nasquit en un Palais voisin de Grenoble de nobles parens, qu'elle fut premierement nommée Claude et dans la Religion Scholastique. Il dit aprés qu'elle avoit l'esprit si bon, qu'un Docteur appellé Denys Faucier luy enseigna les belles lettres ausquelles elle reussit si bien que tous les hommes doctes de son siecle confererent par lettres avec elle. Elle fut faite Abbesse de son Monastere où le Roy luy fit l'honneur de la venir voir et la Reyne de Navarre. En vers elle imita Sapho, en Philosophie les Academiciens: et aprés il adjouste qu'avec elle la beauté, la generosité et la civilité moururent (8).<br />
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Domenichi en son oeuvre de la Noblesse des Dames appelle cette sçavante Heroine Madame Scholastique Bettona pour Bectoz, et dit en suitte qu'elle nasquit en un Palais voisin de Grenoble de nobles parens, qu'elle fut premierement nommée Claude et dans la Religion Scholastique. Il dit aprés qu'elle avoit l'esprit si bon, qu'un Docteur appellé Denys Faucier luy enseigna les belles lettres ausquelles elle reussit si bien que tous les hommes doctes de son siecle confererent par lettres avec elle. Elle fut faite Abbesse de son Monastere où le Roy luy fit l'honneur de la venir voir et la Reyne de Navarre. En vers elle imita [[Sappho|Sapho]], en Philosophie les Academiciens: et aprés il adjouste qu'avec elle la beauté, la generosité et la civilité moururent (8).<br />
 
L'Evéque de Salusses remarque encore plus de particu-[758]laritez de cette Demoiselle Daufinoise et Abbesse de Tarascon dans son Theatre des Dames sçavantes.<br />
 
L'Evéque de Salusses remarque encore plus de particu-[758]laritez de cette Demoiselle Daufinoise et Abbesse de Tarascon dans son Theatre des Dames sçavantes.<br />
 
Scholastique Bettona pour Bectoz, dit-il, prit naissance dans un Chasteau ou village voisin de Grenoble ville de Daufiné, de parens nobles, comme c'est la coustume de la France, que tous les Gentilshommes demeurent à la campagne: elle fut premierement nommée Claude, mais depuis s'estant rendue Religieuse elle prit le nom de Scholastique. Comme elle monstroit dans ses premieres années qu'elle avoit un solide jugement elle donna des témoignages par ses rares inclinations à la vertu et aux bonnes choses, qu'elle avoit un grand esprit; ce qui obligea un Religieux nommé Denis Faucier à luy enseigner la langue Latine et les bonnes lettres, ausquelles elle fit si grand progrés, que non seulement elle surpassa toutes les Dames de son temps qui s'y addonnoient; mais encore merita d'estre égalée aux plus excellens hommes de son siecle. Son style estoit si pur et si net, qu'elle a esté heureuse en ses lettres, tres-puissante dans ses exhortations, et admirable et singuliere en ses poesies.<br />
 
Scholastique Bettona pour Bectoz, dit-il, prit naissance dans un Chasteau ou village voisin de Grenoble ville de Daufiné, de parens nobles, comme c'est la coustume de la France, que tous les Gentilshommes demeurent à la campagne: elle fut premierement nommée Claude, mais depuis s'estant rendue Religieuse elle prit le nom de Scholastique. Comme elle monstroit dans ses premieres années qu'elle avoit un solide jugement elle donna des témoignages par ses rares inclinations à la vertu et aux bonnes choses, qu'elle avoit un grand esprit; ce qui obligea un Religieux nommé Denis Faucier à luy enseigner la langue Latine et les bonnes lettres, ausquelles elle fit si grand progrés, que non seulement elle surpassa toutes les Dames de son temps qui s'y addonnoient; mais encore merita d'estre égalée aux plus excellens hommes de son siecle. Son style estoit si pur et si net, qu'elle a esté heureuse en ses lettres, tres-puissante dans ses exhortations, et admirable et singuliere en ses poesies.<br />
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(8) ''Mori, con ley, la Belta, la Valore, et la Cortezia infieme''.<br />
 
(8) ''Mori, con ley, la Belta, la Valore, et la Cortezia infieme''.<br />
 
(9) ''Ex. Libro 3. cap. I. pag. 73. 78. Historia Guilielmi Paradini, qui titulus, Memoria nostra libri quatuor''.
 
(9) ''Ex. Libro 3. cap. I. pag. 73. 78. Historia Guilielmi Paradini, qui titulus, Memoria nostra libri quatuor''.
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Version actuelle en date du 20 août 2012 à 17:44

[II,755] SCHOLASTIQUE DE BECTOZ, DEMOISELLE DE DAUFINÉ, et Abbesse de Saint Honorat à Tarascon (1).
LA Mareschale de Joyeuse et la Vidame d'Amiens sa soeur aisnée, dont les noms sont en benediction pour leur pieté, ne sont pas les seules Dames illustres, que le Daufiné a donné en ces derniers temps, puisque cette devote Demoiselle de la Maison de Bectoz en est aussi sortie.
Cette Province affectée au fils aisné de nos Roys, et dont j'ay fait l'Eloge dans l'Histoire des Daufins de France, n'a pas esté moins feconde en illustres Heroines qu'en Heros. Le sçavant et le curieux Aymar de Rivail Conseiller du Roy au Parlement de Grenoble a écrit en Latin l'Histoire des Allobroges sous le regne du grand Roy François, où il loue plusieurs Dames de Daufiné, illustres pour leurs rares qualitez, entre autres la sage et la vertueuse Philippe de Sassenage (2), dont Gemes ou Zizime frere de Bajazet Empereur des Turcs devint tellement pris de la douceur de ses moeurs et de sa rare beauté, qu'il avoit resolu de se faire Chrestien pour l'épouser, (quoy qu'il fust grand-observateur de la loy Mahometane) ce qu'il eust executé s'il fust demeuré en Daufiné et n'eust pas esté donné au Pape Innocent VIII. et à son successeur Alexandre VI. Ce Prince Ottoman n'avoit point de plus grand contentement que d'aller se promener à la Bastie, Maison du Baron de Sassenage, voisine de la Roche-Chinard, maison de Barrachin Alemand, où il demeuroit quand il estoit en la méme Province, pour voir et admirer les perfections de cette Demoiselle.
[756] Ce digne Senateur du Parlement de Daufiné qui estoit en haute estime par le Roy François (aussi il luy fit l'honneur de l'employer en quelques Ambassades, et luy commanda de faire en Latin l'Histoire du droit Civil et Canon ou Pontifical qui est imprimée) (3) fait aussi l'eloge dans la méme Histoire manuscrite des Allobroges de cette noble Demoiselle de la Maison de Bectoz, et digne Abbesse de Saint Honorat à Tarascon en Provence.
Dans le manuscrit d'Aymar de Rivail, que M. de Ponnat (4) Conseiller du Roy au méme Parlement conserve dans sa Bibliotheque, qui est une des meilleures de la Province de Daufiné, on lit cet eloge, His temporibus Scholastica Betonia Delphinas Graisivodana Tarascone iam dudum Religionem ingressa magna litterarum eruditione florebat, et ita Latinè eleganter scribebat, ut eam doctissimi homines admirarentur.
En ce temps Scholastique de Bectoz Daufinoise de Graisivodan est entrée en Religion à Tarascon, qui a esté en grande recommandation pour son sçavoir. Elle écrivoit si elegamment en Latin que tous les sçavans l'admiroient.
Dans celuy de la Librairie de M. de Salvaing de Boissieu (5) Conseiller du Roy en ses Conseils, et son Premier President en sa Chambre des Comptes de Daufiné, dont les merites sont connus en France et en Italie, on remarque cét eloge.
His temporibus Scholastica Bectonia Delphinas Graisivodana Tarascone iamdudum Religionem ingressa magna literarum eruditione florebat, et tam eleganter Latinè seu verborum ornatu sive sententiis scribebat, ut eam eloquentissimi et prudentissimi homines admirarentur.
En ce temps Scholastique de Bectoz de Daufiné au Gresivodan est entrée à Tarascon en Religion, qui a esté en grande estime pour sa doctrine. Car elle écrivoit avec tant d'elegance en Latin et avec tant de politesse de langage et ornement de sentences, qu'elle en fut admirée des plus eloquens et des plus judicieux de son siecle.
Claude Scholastique de Bectoz estoit fille de Jacques de Bectoz et de sa femme Michellete de Salvaing, qui font mention d'elle dans leur testament. Ce Jacques de Bectoz [757] estoit fils de Jean mentionné dans l'emprise que M. de Vulson la Colombiere rapporte aux pages 447. et 448. de son Livre de la Science Heroïque.
Michellete de Salvaing estoit fille de Jean de Salvaing frere d'Arthaud Seigneur de Boissieu (6) et de Barthelemie Cot (7).
La Maison de Bectoz est remarquable en Daufiné, où restent encore deux branches de cette famille, dont l'une est connue sous le nom de Montochier, et l'autre de Vaubonnois.
La vertu, le sçavoir, et la pieté de Claude ou Scholastique Heroine de la Maison de Bectoz l'ont rendue si recommandable, qu'elle n'a pas esté seulement en estime par la France, mais aussi que sa gloire a passé les Alpes et a esté honorée en Italie, où deux celebres Ecrivains ont fait son Eloge, sçavoir Ludovico Domenichi, dans son Livre intitulé Nobilta Delle Donne, qui sont les Eloges des Femmes illustres de toutes les nations où il n'en met que quatre de France, sçavoir Caterine de Medicis, Marguerite de France ou de Valois soeur du Roy Henry II. Diane de Poitiers Duchesse de Valentinois, et cette Scholastique de Bectoz qui est la 4. L'autre est François Augustin Della Chiesa Docteur, à present Evéque de Salusses, en son Theatre delle Donne illustre.
Domenichi en son oeuvre de la Noblesse des Dames appelle cette sçavante Heroine Madame Scholastique Bettona pour Bectoz, et dit en suitte qu'elle nasquit en un Palais voisin de Grenoble de nobles parens, qu'elle fut premierement nommée Claude et dans la Religion Scholastique. Il dit aprés qu'elle avoit l'esprit si bon, qu'un Docteur appellé Denys Faucier luy enseigna les belles lettres ausquelles elle reussit si bien que tous les hommes doctes de son siecle confererent par lettres avec elle. Elle fut faite Abbesse de son Monastere où le Roy luy fit l'honneur de la venir voir et la Reyne de Navarre. En vers elle imita Sapho, en Philosophie les Academiciens: et aprés il adjouste qu'avec elle la beauté, la generosité et la civilité moururent (8).
L'Evéque de Salusses remarque encore plus de particu-[758]laritez de cette Demoiselle Daufinoise et Abbesse de Tarascon dans son Theatre des Dames sçavantes.
Scholastique Bettona pour Bectoz, dit-il, prit naissance dans un Chasteau ou village voisin de Grenoble ville de Daufiné, de parens nobles, comme c'est la coustume de la France, que tous les Gentilshommes demeurent à la campagne: elle fut premierement nommée Claude, mais depuis s'estant rendue Religieuse elle prit le nom de Scholastique. Comme elle monstroit dans ses premieres années qu'elle avoit un solide jugement elle donna des témoignages par ses rares inclinations à la vertu et aux bonnes choses, qu'elle avoit un grand esprit; ce qui obligea un Religieux nommé Denis Faucier à luy enseigner la langue Latine et les bonnes lettres, ausquelles elle fit si grand progrés, que non seulement elle surpassa toutes les Dames de son temps qui s'y addonnoient; mais encore merita d'estre égalée aux plus excellens hommes de son siecle. Son style estoit si pur et si net, qu'elle a esté heureuse en ses lettres, tres-puissante dans ses exhortations, et admirable et singuliere en ses poesies.
Ce qui a fait que plusieurs excellens hommes des pays étrangers ne se contenterent pas seulement de luy écrire, mais ils prirent la peine de la venir voir pour avoir le bien et le contentement de l'ouir discourir et conferer avec elle.
Méme le Roy François I. curieux des belles choses pour avoir entendu et connu par lettres sa vertu et ses merites, luy faisoit l'honneur de porter ses lettres sur soy et de les monstrer aux Dames de sa Cour; et non seulement il ne se contentoit pas de louer la main qui les avoit écrites et l'esprit qui les avoit dictées; mais estant en Avignon il l'envoya visiter de sa part. Sa soeur Marguerite Reyne de Navarre luy fit encore l'honneur de l'aller voir à Tarascon où elle estoit Religieuse, et la traitta avec tant de bonté, que ceux qui les virent parler ensemble crurent qu'elles estoient soeurs.
Depuis elle fut pour sa vertu et sa pieté éleue Abbesse de ce Monastere là, où elle fit paroistre par sa conduite l'heureux choix de celles qui l'avoient promeue à cette dignité.
[759] Dans ses poesies elle excelloit en vers sapphiques: dans ses sentiments, elle suivoit les opinions des Academiciens: de là estant venue sçavante et d'un grand raisonnement, elle acquit une excellente reputation envers tous. Les matieres qu'elle a écrit sont en partie Latines, partie Françoises. Elle mourut l'an 1547. le méme an que moururent François I. Roy de France, et Henry VIII. Roy d'Angleterre.
Scholastique de Bectoz n'est pas la seule Religieuse du Monastere de Saint Honorat de Tarascon illustre pour son sçavoir, mais aussi ces trois autres Demoiselles du méme pays de Daufiné, sçavoir, Caterine de Bectoz, Daufine Tornet, et Caterine de Boissiere, qui ont eu pour panegyriste Guillaume Paradin au Chapitre I. du Livre III. de l'Histoire de son temps (9), où aprés avoir loué les Cardinaux Charles de Lorraine, Jean du Bellay, Odet de Chastillon, et George d'Armagnac, vrays Protecteurs du Parnasse et des plus chers nourrissons des Muses, il parle avec eloge de plusieurs sçavans hommes de son siecle, entre autres de Joachim Perion religieux Benedictin, de Nicolas Maillard, de Claude d'Espense, de Jean de Ganay, Docteurs en Theologie de la Faculté de Paris, de Louis le Roy, de Lazare de Baif, de Pierre Danés, de Nicolas Bourbon, de Pierre Castellan, d'André Tiraqueau, de Christofle de Longueil, de Jacques Tusan, de François Vatable, et d'une infinité d'autres.
Il finit ce Chapitre par la louange de Marguerite Reyne de Navarre soeur du Roy François I. et de ces quatre Religieuses de Tarascon, dont il parle avec honneur en ces termes Latins, que je mettray en François en faveur des Dames.
Haud segniùs humaniores litterae, ac omnes bonae artes, in Tarasconensibus Virginibus mutuo nexu conspirarunt (quanquam adhuc illarum os non vidi) quas tanto iam ingenii cultu [760]praeditas audio, ut viros etiam litteris praecellenies aequare possint, si non etiam praecurrere. Harum nomina sunt (quarum saltem Latinè scripta videre contigit) Scholastica Bectonia, Catharina Bectonia, Delphina Tornatoria, Gabriela Boissieria, quae tantos in literis mihi progressus fecisse videntur, ut dignae sint, quae celebrentur Musarum sempiternis honoribus.
Les lettres humaines et les belles sciences ne se sont pas moins heureusement rencontrées dans la personne de ces quatre Vierges de Tarascon, lesquelles quoy que je n'aye pas encore le bien de les connoistre: j'apprens toutefois qu'elles sont douées d'un esprit [760] si excellent, qu'elles peuvent estre non seulement comparées, mais méme preferées aux plus sçavans hommes. Leurs noms sont Scholastique de Bectoz, Caterine de Bectoz, Daufine Tornet, et Gabrielle de Boissiere, qui ont fait un si grand progrés dans l'acquisition des sciences, qu'elles meritent de recevoir des honneurs immortels des Muses.
Ces trois Maisons de Bectoz, de Tornet, et de Boissiere, dont estoient ces Religieuses de Tarascon, sont voisines d'une demie lieue, dans la vallée de Grezivaudan, la plus belle vallée de Daufiné, aussi le Roy Louis XI. l'appelloit le plus beau jardin du monde. Catherine estoit de la méme Maison que Scholastique, mais je ne sçay pas si elle estoit sa niece, sa tante ou sa cousine.
Daufine Tornet estoit d'une Maison noble en la vallée de Graisivodan, qui subsiste encore en la personne du Sieur d'Herculais issu de Pierre Tornet, qui pour son merite fut annobly par l'Empereur Sigismond à son passage par Chambery.
Gabrielle de Boissiere estoit de la Maison de Boissiere, autrement Buissiere en Graisivodan, laquelle est finie en la personne de Lionete de Boissiere qui fut mariée à François de Salvaing frere de Guillaume de Salvaing Seigneur de Boissieu, et fut mere de Pierre de Salvaing grand homme sous les regnes de Charles IX. et de Henry III. qui s'estoit attaché au service du Roy Henry le Grand estant Roy de Navarre, et aprés de Charles Emanuel I. du nom Duc de Savoye, duquel il avoit de grands appointements ayant fait plusieurs Ambassades pour luy et entre autres celle dont il est fait mention dans les memoires du Sieur du Plessis, qui le nomme incorrectement Servain pour Salvaing. Lionette de Boissiere estoit fille de Berton de Bois-[761]siere estoit fille de Berton de Boissiere fort estimé de son temps parmy les gens de guerre, et de Claude Guiffrey fille de Pierre Guiffrey Seigneur de Boutieres qui avoit épousé Claude Robert de Vourey prés de Tulin famille noble en Daufiné.

(1) Bectoz, d'azur, au chef d'argent chargé de trois testes d'Aigle de sable.
(2) Sassenage, burellé d'argent et d'azur, au lyon de gueules, armé, lampassé et couronné d'or. Cette Maison a pour cry Sassenage, et pour devise j'en ay la garde du Pont.
(3) Historia Juris Civilis et Pontificii.
(4) De Ponnat, d'or, à trois testes de Paon d'azur.
(5) Salvaing de l'Empire à la bordure de France c'est à dire, d'or à l'Aigle à deux testes de sable, diadémé, langué et membré de gueules, à la bordure d'azur semée de Fleurs de Lys d'or.
(6) Boissieu de gueules, semé de Lyons d'argent.
(7) Cot emmanché d'argent et de gueules de cinq pieces, ou comme blazonnent quelques autres, party en pointe d'argent et de gueules de 5. pieces.
(8) Mori, con ley, la Belta, la Valore, et la Cortezia infieme.
(9) Ex. Libro 3. cap. I. pag. 73. 78. Historia Guilielmi Paradini, qui titulus, Memoria nostra libri quatuor.

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