Christine de Pizan

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Christine de Pizan
Conjoint(s) Etienne Du Castel
Biographie
Date de naissance Vers 1364
Date de décès Après 1429
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779)


Notice de Liliane Dulac, 2066

Christine de Pizan est née à Venise, vraisemblablement en 1364. Son père, Tommasso di Benvenuto, originaire de Pizzano, près de Bologne, a étudié la médecine dans cette ville et y a enseigné l’astrologie, avant de devenir conseiller de la république de Venise. Peu après la naissance de Christine, il est appelé à Paris par Charles V comme médecin et astrologue. Très en faveur auprès du roi qui rétribue largement ses services, il fait venir sa famille d’Italie vers 1368. Christine reçoit de lui une instruction plus poussée qu’il n’était d’usage, jusqu’à son mariage, en 1379 ou 1380, avec Étienne du Castel, secrétaire du roi. La mort de Charles V, en 1380, affecte gravement la position de Thomas: il meurt dans la gêne vers 1387. Le mari de Christine s’éteint peu après, à l’automne 1390. Veuve à vingt-cinq ans, ses deux frères retournés en Italie, Christine a à sa charge trois enfants, sa mère et une nièce. Pour sauver une partie de ses biens, elle doit faire face à d’interminables procès. Elle se remet à l’étude, lisant d’abord historiens et poètes; vers 1394, elle commence à écrire.

Le succès de ses premières productions, qui relèvent de la lyrique courtoise, et l’intérêt que suscite sa position singulière d’auteure l’amènent à vivre de sa plume; elle écrit pour de puissants mécènes: Louis d’Orléans, les frères de Charles V et leur famille, Jean de Berry, Philippe le Hardi, Charles VI et Isabeau de Bavière. En 1397, Jean de Montaigu, comte de Salisbury, emmène en Angleterre le fils aîné de Christine, Jean du Castel. Celui-ci est ensuite pris en charge par Henri IV de Lancastre, qui tente en vain de convaincre Christine de venir en Angleterre. En 1399, l’Epistre Othea, ouvrage d’instruction pour un jeune prince, marque le début de son oeuvre didactique: elle lui donne une ampleur considérable, en vers puis en prose, sans pour autant délaisser la poésie lyrique. Son intervention dans la querelle du Roman de la Rose (1401-1402), pour la défense de la dignité des femmes et de la fonction morale des oeuvres littéraires, la façon surtout dont elle contribue à rendre le débat public, étendent sa réputation. Sa production est particulièrement importante dans les années 1401-1405, traitant de la défense des femmes, des qualités qui caractérisent «le sage roi» et des vices qui aggravent les maux du royaume. Son Epistre à la reine (octobre 1405) constitue, à un moment crucial, une tentative pour détourner les princes de la guerre civile, comme plus tard sa Lamentacion sur les maux de la France (1410). Elle emploie d’excellents artistes pour illustrer ses livres, dont un grand recueil de ses oeuvres qui est offert à la reine en 1414. Ses traités sont de plus en plus marqués par des circonstances politiques dramatiques. En 1418, elle doit fuir Paris, occupé par le parti bourguignon allié aux Anglais, et se réfugie dans un couvent, probablement l’abbaye de Poissy où se trouve sa fille. Son fils Jean meurt en 1425. En juillet 1429, après onze ans de silence, elle salue le redressement miraculeux du royaume dans son Ditié de Jehanne d’Arc. Sa mort intervient probablement peu après.

Sans doute premier écrivain de langue française à avoir vécu de sa plume, Christine a habilement mis en scène son personnage de femme auteure. Grande lectrice, elle a utilisé avec beaucoup d’inventivité ses incessants emprunts aux grandes traditions philosophiques et littéraires, et surtout à Ovide, Boèce, Boccace et Dante. Son oeuvre lyrique s’accompagne d’une critique des conceptions courtoises, qui trouve un prolongement dans une réflexion morale sur la société contemporaine, dont elle donne un tableau étonnamment précis. Très avertie des traditions misogynes, elle les a réfutées avec vigueur, notamment dans le Livre de la cité des dames, mais sans contester l’ordre établi, et s’est attachée à montrer le rôle important que les femmes pouvaient jouer à tous les niveaux de la vie sociale. Cette visée essentiellement pratique caractérise également sa réflexion sur l’exercice du pouvoir politique.

Estimée des meilleurs écrivains de son temps, Christine a joui jusqu’au début du XVIe siècle d’une grande réputation en France et dans plusieurs pays d’Occident, où certaines de ses oeuvres ont été traduites. Elle n’a jamais été totalement oubliée, et de nombreux travaux érudits lui ont été consacrés à partir du milieu du XIXe siècle. Ce n’est cependant que depuis une trentaine d’années que la valeur littéraire de son oeuvre comme son intérêt historique et politique ont été pleinement reconnus.

Oeuvres

- vers 1394-1402 : Cent balades, Virelays, Balades d’estrange façon, Ballades de divers propos (I-XXIX), Une Complainte amoureuse (I), Lays, Rondeaux, Jeux à vendre -- OEuvres poétiques de Christine de Pisan, éd. Maurice Roy, Paris, Didot, coll. «Société des Anciens Textes Français», 1886, t.I (1891, t.II; 1896, t.III).
- mai 1399 : Epistre au Dieu d’amours -- OEuvres poétiques de Christine de Pisan, éd. cit. M. Roy, t.II, p.1-27.
- vers 1400 : Le Debat de deux amans -- OEuvres poétiques de Christine de Pisan, éd. cit. M. Roy, t.II, p.49-109.
- 1400 : Le Livre des trois jugemens, éd. M. Roy, t.II, p.111-157 -- éd. Barbara K. Altmann, The Love Debate Poems of Christine de Pizan. Le livre du Debat de deux amans. Le livre des Trois jugemens. Le livre du Dit de Poissy, Gainesville, University Press of Florida, 1998.
- avril 1400 : Le Livre du Dit de Poissy, éd. partielle Paul Pougin, Bibliothèque de l’École des Chartes, XVIII, 1857, p.535-555 -- éd. cit. M. Roy, t.II, p.159-222.
- 1400-1401 : L’Epistre Othea, publiée sous le titre Les Cent Histoires de Troye, Paris, Philippe Pigouchet, in 4°, probablement 1499-1500 -- éd. Gabriella Parussa, Genève, Droz, 1999.
- 1400-1401 : Enseignemens moraux -- OEuvres poétiques de Christine de Pisan, éd. cit. M. Roy, t.III, p.27-44.
- 1401-1402 : Les Epistres sur le Roman de la Rose, éd. Friedrich Beck, Neuburg, Griessmayersche, 1888 -- Le Livre des Epistres sur le Roman de la Rose, éd. Eric Hicks, Paris, Champion, coll. «Bibliothèque du XVe siècle», XXLIII, 1996 [1977].
- 1402 : Le Dit de la Rose, éd. Ferdinand Heuckenkamp, Halle a. S, Buchdruckerei des Waisenhauses, 1891 -- OEuvres poétiques de Christine de Pisan, éd. cit. M. Roy, t.II, p.29-48; éd. et trad. Thelma Fenster et Mary C. Erler, Poems of Cupid, God of Love: Christine de Pizan’s Epistre au dieu d’Amours and Dit de la Rose; Thomas Hoccleve’s The Letter of Cupid, Leiden et New York, Brill, 1990.
- 1402-1403 : Oroyson Nostre Dame, dans Raimond Thomassy, Essai sur les écrits politiques de Christine de Pisan, suivi d’une notice littéraire et de pièces inédites, Paris, Debécourt, 1838, p.171-181 -- éd. cit. M. Roy, t.III, p.1-9.
- 1402-1403 : Quinze joyes Nostre Dame, éd. cit. M. Roy, t.III, p.11-14.
- 1402-1403 : Oroyson Nostre Seigneur, éd. cit. M. Roy, t.III, p.15-26.
- octobre 1402-mars1403 : Le Livre du Chemin de longue étude, [texte en vers remanié dans Le Chemin de long estude de dame Christine de Pise ou est descrit le debat esmeu au parlement de Raison, pour l'election du prince digne de gouverner le monde. Traduit de langue Romanne en prose Françoyse par Jan Chaperon, dit lassé de Repos, Paris, Estienne Groulleau, 1549] -- éd. R. Püschel, Berlin/Paris, Damköhler/Le Soudier, 1881 [Genève, Slatkine reprints, 1974] -- éd. et trad. Andrea Tarnowski, Paris, Le Livre de Poche, coll. «Lettres gothiques», 4558, 2000.
- 1402-1407 : Autres ballades ou Ballades de divers propos, dans OEuvres poétiques de Christine de Pisan, éd. cit. M. Roy, t.I, p.207-269.
- février 1403 : Une Epistre a Eustache Mourel, dans OEuvres poétiques de Christine de Pisan, éd. cit. M. Roy, t.II, p.295-301.
- mai 1403 : Le Dit de la Pastoure, OEuvres poétiques de Christine de Pisan, éd. cit. M. Roy, t.II, p.223-294.
- 1404 : Le Livre de la mutacion de Fortune, éd. Suzanne Solente, Paris, Picard, 1959-1966, 4 vol.
- 1404 : Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V, éd. Claude B. Petitot, dans Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, Paris, Foucault, t.V, 1824, p.245-436 et t.VI, 1825, p.1-146 -- éd. Suzanne Solente, Paris, Champion, 1936-1940, 2 vol.
- 1404-1405 : Le Livre du Duc des vrais amans, dans OEuvres poétiques de Christine de Pisan, éd. cit. M. Roy, t.III, p.59-208 -- éd. Thelma Fenster, New York, Binghamton, coll. «Medieval and Renaissance Texts and Studies », 124, 1995.
- fin 1404-avril 1405 : Le Livre de la Cité des dames, éd. Maureen Cheney Curnow, thèse Vanderbilt University, 1975, 3 vol., DAI, 36, 1975-76, 4536-4537A -- La Città delle Donne, a cura di Patrizia Caraffi, Edizione di Earl Jeffrey Richards, Milan, Luni Editrice, 1998 (seconde édition).
- 1405 : Le Livre des trois Vertus, Paris, Antoine Vérard, 1497 [sous le titre de Trésor de la cité des dames] -- éd. Charity Cannon Willard et Eric Hicks, Paris, Champion, 1986.
- 1405 : Proverbes Moraux, éd. cit. M. Roy, t.III, p.27-44 -- éd. Gilbert Ouy et Christine M. Reno, dans «Pour acquerir honneur et pris», Mélanges de Moyen Français offerts à Giuseppe Di Stefano, textes réunis et publiés par Maria Colombo Timelli et Claudio Galderisi, Montréal, Cérès, 2004, p.557-572.
- 5 octobre 1405 : Epistre à la reine, dans R. Thomassy, Essai sur les écrits politiques de Christine de Pisan..., voir supra, p.133-140 [sous le titre Lettre à Isabelle de Bavière, reine de France] -- éd. Angus J. Kennedy, Revue des langues romanes, numéro spécial Christine de Pizan, dir. Liliane Dulac et Jean Dufournet, XCII, 1988, 2, p.253-264.
- 1405-1406 : Le Livre de l’advision Cristine, éd. Sister Mary Louise Towner, Washington D.C., The Catholic Univ. of America, 1932, reprinted New York, AMS Press, 1969 [sous le titre Lavision-Christine] -- éd. Christine Reno et Liliane Dulac, Paris, Champion, coll. «Études Christiniennes», 4, 2001.
- 1405-1406 : Le Livre de Prudence et/ou Livre de la Prod’hommie de l’homme [deux versions du même ouvrage], inédit.
- 1406-1407: Le Livre du corps de Policie, éd. Robert H. Lucas, Genève, Droz, 1967 -- éd. Angus J. Kennedy, Paris, Champion, coll. «Études Christiniennes», 1, 1998 -- The Body of Polycye [trad. en moyen anglais], Londres, John Scot, 1521 -- The Middle English Translation of Christine de Pisan’s ‘Livre du corps de policie’ ed. from ms CUL Kk. 1.5, éd. D. Bornstein, Heidelberg, Carl Winter, coll. «Middle English Texts», VII, 1977.
- 1410 : Cent ballades d’amant et de dame, éd. cit. M. Roy, t.III, p.209-317 -- éd. Jacqueline Cerquiglini, Paris, Union Générale d’Édition, coll. «10/18», 1982.
- 1407-1410 : Complainte amoureuse II, éd. cit. M. Roy, t.I, p.289-295.
- 1408-1414 : Encore autres ballades, éd. cit. M. Roy, t.I, p.271-279.
- juin 1409-janvier 1410: Les Sept Psaumes Allégorisés, éd. Ruth Ringland Rains, Washington, D.C., The Catholic University of America, 1965.
- 23 août 1410 : La Lamentacion sur les maux de la France, dans R. Thomassy, Essai sur les écrits politiques de Christine de Pisan, suivi d’une notice littéraire et de pièces inédites, Paris, Debécourt, 1838, p.141-149 -- éd. Angus J. Kennedy, Mélanges de langue et de littérature françaises du Moyen Âge et de la Renaissance offerts à Charles Foulon, Rennes, Université de Haute Bretagne, t.I, 1980, p.177-185.
- 1410 : Le Livre des Fais d'armes et de Chevalerie, Paris, Antoine Vérard, 1488 [sous le titre L'art de Chevalerie selon Végèce suivi du livre des faits d'armes et de chevalerie, texte modifié, l'auteur est présenté comme de sexe masculin]; le texte authentique est inédit -- Laennec Christine Moneera, «Christine Anyigrafe»: Autorship and Self in the prose Works of Christine de Pizan, with an edition of BN Ms 603, Le livre des fais d'armes et de chevallerie, PhD thesis, Yale University, 1988, DAI, 50, 1989-90, 3581 -- Traduction en moyen anglais: The Boke of the Fayt of Armes and of Chyvalrye, éd. William Caxton, Westminster, 1489 ou 1490, republiée sous le titre The Book of Fayttes of Armes and of Chyvalrie: translated and printed by William Caxton from the French original by Christine de Pisan, éd. A.T.P. Byles, Londres, Oxford, Univ. Press, 1932.
- 1412-1413? : Le Livre de paix, éd. Charity Cannon Willard, S-Gravenhage, Mouton, 1958.
- 1413 : L’Avision du coq, ouvrage perdu.
- janvier 1418 : Epistre de la prison de vie humaine, éd. Suzanne Solente, Un traité inédit de Christine de Pisan, L’Epistre de la prison de vie humaine, Bibliothèque de l’École des chartes, LXXXIV, 1924, extraits, p.282-301 -- éd. Angus J. Kennedy, Londres, Grant et Cutler, 1984.
- 1420 : Heures de contemplacion sur la Passion de Nostre Seigneur, inédit.
- 1429 : Le Ditié de Jehanne d’Arc, dans Rapport à M. le Ministre de l’Instruction publique, éd. Achille Jubinal, Paris, Librairie spéciale des Sociétés savantes, 1838 [sous le titre Un beau Ditié fait par Christine de Pisan à la louange de Christine de Pisan] -- éd et trad. Angus J. Kennedy et Kenneth Varty, Oxford, Society for the Study of Medieval Languages and Literature, 1977.

Choix bibliographique

- Brown-Grant, Rosalind, Reading Beyond Gender: Christine de Pizan and the Moral Defence of Women, Cambridge, Cambridge University Press, 1999.

- Dulac, Liliane et Bernard Ribémont (dir), Une Femme de lettres au Moyen Âge. Études autour de Christine de Pizan, Orléans, Paradigme, 1995.

  • Kennedy, Angus J., Christine de Pizan: A Bibliographical Guide, Londres, Grant et Cutler LTD, 1984; Supplement I, Londres, Grant et Cutler, LTD, 1994; Supplement II, Woodbridge, Boydell and Brewer, 2004.

- Solente, Suzanne, «Christine de Pisan», dans Histoire littéraire de la France, XL, Paris, Imprimerie Nationale et C. Klincksieck, 1969, p.1-88.

- Willard, Charity Cannon, Christine de Pizan: Her Life and Works, New York, Persea Books, 1984.

Choix iconographique

- Vers 1405, Anonyme [Atelier du maître de la Cité des dames, Paris], Raison, Droiture et Justice apparaissent à Christine. Raison l’aide à construire la Cité (enluminure sur parchemin, Paris, ms. du Livre de la Cité des Dames, BnF fr. 607, fol.2) -- Charles Sterling, La Peinture médiévale à Paris 1300-1500, Paris, Bibliothèque des Arts, 1987, t.I, p.288, fig.191.

- Après 1410, Anonyme, Christine et Minerve en conversation (enluminure sur parchemin,. Paris, ms du Livre des fais d’armes et de chevalerie, BnF fr. 603, fol.21) -- Margarete Zimmermann, Wege in die Stadt der Frauen: Texte und Bilder der Christine de Pizan, Zürich, Leib et Seele, 1996, p.108-109.

- Après 1410, Anonyme [Atelier du maître de la Cité des dames, Paris], Christine de Pizan contemple les peintures dans la Salle de Fortune (enluminure sur parchemin), Munich (ms. du Livre de la Mutacion de Fortune, Bayerische Staatsbibliothek, Cod. Gall, 11, fol.53) -- M. Zimmermann, voir supra, p.59.

- Après 1410, Anonyme, Christine dans son étude (enluminure sur parchemin), Paris (ms. du Livre de la mutacion de Fortune, BnF fr. 603, fol.81v) -- M. Zimmermann, voir supra, p.108-109.

- Vers 1414, Anonyme [Atelier du maître de la Cité des dames, Paris], Christine offre son livre à la reine Isabeau de Bavière (enluminure sur parchemin), Londres (Recueil des oeuvres de Christine offert à la reine Isabeau, ms. British Library, Harley 4431, fol.3) -- Ch. Sterling, voir supra, p.293, fig.196.

[Pour ces différentes enluminures, voir aussi Margarete Zimmermann, Christine de Pizan, Rowohlt Taschenbuch Verlag, Reinbek bei Hamburg, 2002].

Jugements

- «Muse eloquent entre les .IX., Christine,
Nompareille que je saiche au jour d’ui,
En sens acquis et en toute dotrine,
Tu as de Dieu science et non d’autruy;
Tes epistres et livres, que je luy
En pluseurs lieux, de grant philosophie
Et ce que tu m’as escript une fie
Me font certain de la grant habondanse
De ton sçavoir qui tousjours monteplie,
Seule en tes faiz ou royaume de France.» (Eustache Deschamps, Balade en réponse à une épître de Christine de Pizan datée du 14 février 1403, dans OEuvres complètes, éd. A. H. E. Marquis de Queux de Saint-Hilaire et G. Raynaud, Paris, SATF, 1878-1903, 11 vol.; réimp. New-York, Johnson Reprint Corp., 1966, t.VI, p.251-252).

- «Aux estrangiers povons la feste
Faire de la vaillant Cristine
Dont la vertu est manifeste
En lettre et en langue latine.
Et ne devons pas soubs courtine
Mettre ses euvres et ses dis
Affin que se mort encourtine
Le corps, son nom dure toudis.» (Martin Le Franc, Le Champion des Dames [1440-1442], éd. Robert Deschaux, Paris, Champion, 1999, t.IV, 1, p.78, v.18953-18960).

- «Et les suivoit Christine l’ancienne, Qui fut jadis grant rhetoricienne Et mere aussi de l’orateur Castel, Qui fit si bien que onc ne viz cas tel.» (Jean Bouchet, Le Temple de Bonne Renommée [1516], éd. Giovanna Bellati, Vita e Pensiero, Milan, 1992, p.341, v.4145-4148)

- «Je n’obliray la subtile Janette
Fille a Nesson, qui de rithme tant necte
Sceut bien user. Christine par après
Mere a Castel qui estoit ilec près,
Qui sceust escrire en latin et vulgaire
Elegamment, autant qu’on sçauroit faire.» (Jean Bouchet, Oeuvres complètes, I, Le Jugement poetic de l’honneur femenin, éd. Adrian Armstrong, Paris, Champion, 2006, p., 302, v.3028-3033).

- «D’avoir le prix en science, & doctrine
Bien merita de Pisan la Cristine
Durant ses jours; mais ta Plume dorée
D’elle seroit à présent adorée
S’elle vivoit par volunté divine.» (Clément Marot, Rondeau XIX, «A ma Dame Jehanne Gaillarde de Lyon, femme de bon sçavoir» [avant 1527], L’Adolescence clémentine, dans OEuvres poétiques, éd. Gérard Defaux, Paris, Bordas, 1990, t.1, p.143).

- «La douceur de l’âme et des expressions de Christine de Pisan donne à ses ouvrages un degré d’intérêt, dont le style de son siècle sembleroit peu susceptible aujourd’hui. Qu’on ne s’attende pas à trouver en elle ce degré d’innocence mâle et sublime que l’énergie d’une violente passion avoit fait atteindre à Héloïse. Christine n’avoit pas reçu comme elle de la nature ce génie supérieur qui lui avoit fait pénétrer les secrets des plus hautes sciences, et qui dans les siècles les plus éclairés auroit fait d’elle un prodige parmi les hommes. Christine nous présente partout une femme douce, peu éblouie par l’éclat de la fortune, et d’autant plus courageuse dans le malheur; une personne instruite, éclairée, mais simple et modeste.» (Louise-Félicité Guinement de Kéralio, ép. Robert, Collection des meilleurs ouvrages françois, composés par des femmes, dédiée aux femmes françoises, Paris, Lagrange, 1787, t.II, p.127).

- «Ne nous arrêtons pas à l’excellente Christine de Pisan, bonne fille, bonne épouse, bonne mère, du reste un des plus authentiques bas bleus de notre littérature, la première de cette insupportable lignée de femmes auteurs, à qui nul ouvrage ne coûte, et qui pendant toute la vie que Dieu leur prête n’ont affaire que de multiples preuves de leur infatigable facilité, égale à leur universelle médiocrité.» (Gustave Lanson, Histoire de la littérature française, Paris, Hachette, 1909, 11e édition, p.165-166).

- «Elle a fait honnêtement son métier d’homme de lettres. Elle en a eu une conception des plus élevées. C’est bien parce qu’elle se croyait muée en un écrivain de sens subtil qu’elle a touché à toutes les questions qui se posaient alors, qu’elle a abordé tous les genres d’ouvrages littéraires qu’elle connaissait. Elle ne l’a pas fait sans un travail acharné et de constantes méditations. Si le résultat de ses efforts n’a pas été une oeuvre d’art, il ne faut pas oublier qu’elle ne cherchait pas à faire beau, mais à faire bien.» (Marie-Josèphe Pinet, Christine de Pisan. 1364-1430. Étude biographique et littéraire, Paris, Ancienne librairie Honoré Champion, 1927, p.456)

- «Si son mérite fut grand, son abondance fut plus grande encore, a-t-on dit; il lui fallait en effet écrire beaucoup, faire tenir ses ouvrages au plus grand nombre possible de bibliophiles et de mécènes généreux; d’où ces dédicaces adressées à plusieurs princes, parfois pour un même ouvrage, ces doubles versions, l’utilisation de motifs ayant déjà servi, etc.; mais tout cela disparaît devant l’ampleur et la beauté de son oeuvre qui remplissait déjà d’admiration ses contemporains. Il est en effet surprenant qu’à cette époque une femme ait pu concevoir et mener à bien des ouvrages aussi importants et d’une telle qualité. Pleine de bon sens et de finesse, Christine a su exprimer de façon appropriée les sentiments qui l’animaient: reconnaissance, pitié, douleur, joie.» (Suzanne Solente, Christine de Pisan [1969], voir supra, choix bibliographique).

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