Charlotte de Bourbon-Montpensier

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Charlotte de Bourbon-Montpensier
Titre(s) Abbesse de Jouarre
Princesse d'Orange
Conjoint(s) Guillaume d'Orange, stathouder de Hollande
Biographie
Date de naissance Vers 1546
Date de décès 1582
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Jane Couchman, 2006

Née en 1546 ou 1547, Charlotte est la fille de Louis de Bourbon, duc de Montpensier, membre de la branche catholique des Bourbon, et de Jacqueline de Longwy, favorable aux idées de la Réforme. Confiée très tôt à sa tante Louise de Longwy, abbesse de Jouarre, Charlotte y fait profession en 1559, tout en protestant devant témoins avoir pris le voile contre sa volonté, sous la pression de ses parents. Élue abbesse à dix-huit ans (1565), elle réitère sa protestation devant les religieuses, dont plusieurs témoigneront après son départ. Elle entretient dès lors des relations étroites avec le milieu protestant et, en 1571, quitte sa communauté en annonçant sa conversion. Sur les conseils de Jeanne d’Albret, consultée par lettres, elle se réfugie à Heidelberg, chez l'Électeur Palatin, Frédéric III, dont la sympathie pour la Réforme calviniste est bien connue.

Pendant que son père fait procéder à une enquête à son encontre pour sauvegarder la réputation catholique de la famille, en 1572, Charlotte fait la connaissance de Guillaume d'Orange, qui la demande en mariage. Stathouder (gouverneur) de Hollande, Guillaume, dit «le Taciturne», est aussi réfugié à Heidelberg en raison de son opposition à la politique confessionnelle de Philippe II, souverain des Pays-Bas. La «fuite» de Charlotte lui vaut une réputation sulfureuse, même auprès des protestants, qui, en outre, comprennent mal l'engouement de Guillaume pour cette «nonnain» désormais sans ressource. Par ailleurs, les alliés de la précédente épouse du prince, Anne de Saxe, catholique, s’opposent à ce mariage, qui est pourtant célébré en juin 1575. Charlotte embrasse la cause de son époux, qui tente de faire valoir les droits des calvinistes aux Pays-Bas, puis ceux des Provinces Unies, après 1581. En témoigne la correspondance des époux; pendant les absences de son mari, la princesse lui fournit de précieux renseignements et assure la communication avec les officiers des États généraux des Provinces révoltées. Les lettres qu’échangent Charlotte, son mari, son frère François de Montpensier et Henri de Navarre, entre 1575 et 1582, révèlent aussi ses efforts pour être réhabilitée auprès de son père, qui l’a déshéritée au moment de son départ du couvent. Il s'agit de restaurer des liens affectifs, mais surtout de récupérer ses biens pour subvenir aux besoins de sa nouvelle famille. Guillaume d’Orange s’est en effet sérieusement endetté en poursuivant la lutte contre les Espagnols. Charlotte utilise alors judicieusement les documents produits au cours de sa vie monastique, ce qui permet à son père de la réintégrer dans sa famille, sans compromettre sa conscience ni son honneur. Jugés authentiques, ces documents forment la base de sa demande de réhabilitation familiale. Des alliances politiques et guerrières sous-tendent également ces négociations: Guillaume espère, par l’intermédiaire de son beau-frère François de Montpensier, s’allier avec le duc d’Alençon, frère d’Henri III, roi de France. La princesse d’Orange donne naissance à six filles: l'aînée est prénommée Louise, en l’honneur du père de Charlotte; naissent ensuite Élisabeth, filleule de la reine d'Angleterre, puis Catherine-Belgica, Charlotte-Flandrina, Charlotte-Brabantina et Émilia-Antwerpiana, ainsi appelées par leur père en vue d'amadouer les provinces du même nom dont il espère le soutien. À peine réhabilitée par son père, Charlotte meurt au printemps 1582, après s’être épuisée en soignant son mari réchappé d’une tentative d’assassinat. C’est Louise de Coligny, quatrième femme du Taciturne, qui prendra soin de ses filles, les éduquera et négociera pour cinq d'entre elles des mariages avantageux.

Charlotte de Bourbon a laissé une volumineuse correspondance, en grande partie inédite, conservée essentiellement à La Haye (Koninklijk Huisarchief, Fonds Guillaume d'Orange, Inventaire A 11). Dans son étude biographique, Jules Delaborde en reproduit de nombreux extraits, ainsi que les dépositions préparées lors de sa profession et de son élection (mars 1559 et août 1565). Au moment de son mariage, elle aurait suscité la production d'une série de pamphlets calomnieux des milieux aussi bien catholiques que protestants. Ses qualités de fidèle collaboratrice de son époux seront ensuite reconnues. Dans les travaux des historiens consacrés à la vie du Taciturne, elle apparaît surtout comme sa femme dévouée et comme la mère modèle de ses enfants.

Oeuvres

- 1559-1582 : Lettres et documents (extraits), dans Jules Delaborde, Charlotte de Bourbon, princesse d’Orange, Paris, Fischbacher, 1888.

- 1565-1582 : Lettres et documents, dans «Charlotte de Bourbon, Princess of Orange: Letters et documents (1565-1582)», éd. et trad. Jane Couchman, dans Writings by Pre-Revolutionary French Women, éd. Anne R. Larsen et Colette H. Winn, New York, Garland, 2000, p.107-121.

Choix bibliographique

- Bainton, Roland, «Charlotte de Bourbon», dans Ladies of the Reformation in France and England, Boston, Beacon Press, 1973, p.89-111.

- Couchman, Jane, «Charlotte de Bourbon’s correspondence: using words to implement emancipation», dans Women Writers in Pre-Revolutionary France, éd. Colette H. Winn et Donna Kuizenga, New York, Garland, 1990, p.101-117.

- Delaborde, Jules, Charlotte de Bourbon..., voir supra, OEuvres.

- Walker, Frances M. C., Cloister to Court: Scenes from the Life of Charlotte de Bourbon, Londres, Longmans, 1909.

Choix iconographique

- v.1580: Hendrick Goltzius (?), Charlotte de Bourbon-Montpensier (huile sur bois, 103 x 73 cm), copie à Siegen (Siegerlandmuseum), La Haye, Koninklijk Huisarchief -- Thera Coppens, De Vrouwen van Willem van Oranje, Baarn, M.C. Stok, 1977, entre les p.192 et 193.

Jugements

- «Le prince [Guillaume d’Orange] a si bonne mine et si bon courage, malgré le peu de bien qui lui arrive et la grandeur de ses peines, de ses travaux et de ses périls, que vous ne sauriez le croire, et que vous en seriez extrêmement joyeux. Certes, ce lui est une précieuse consolation et un grand soulagement que Dieu lui ait donné une épouse si distinguée par sa vertu, sa piété, sa haute intelligence, parfaitement telle, enfin, qu’il eût pu la désirer. Il la chérit tendrement.» (Jean «le Vieux» de Nassau, frère de Guillaume d’Orange, au comte Ernest de Schauenbourg, le 9 avril 1580, dans J. Delaborde, Charlotte de Bourbon..., voir supra, OEuvres, p.111).

- «Encores que j’aye senty de plus près la perte que j’ay faicte de ma femme pour plusieurs raisons, si est-ce que je ne laisse pas de cognoistre que plusieurs gens de bien y ont perdu avecques moy, pour la grande amytié et affection qu’elle a portées à tous ceulx qui ont aimé Dieu.» (Guillaume d’Orange au prince de Condé, le 29 mai 1582, dans Archives ou correspondance inédite de la Maison d’Orange-Nassau, éd. Guillaume Groen van Prinsterer, Leyde, série 1, t.8, 1847, p.100).

- «[Les lettres qu’échangent Guillaume d’Orange et Charlotte de Bourbon font preuve] de la confiance qu’inspiraient à Guillaume la capacité et le zèle de sa femme à soutenir, en son absence et sur sa recommandation, des rapports directs avec divers hommes d’État qu’il lui désignait.» (J. Delaborde, Charlotte de Bourbon..., voir supra, OEuvres, p.114).

- «Gradually she lifted from his shoulders the personal and private and social burdens, releasing all his energies for his public duties.» (Cecily Wedgewood, William the Silent, New Haven, Yale University Press, 1944, p.156).

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