Catherine Savelli de Vivonne

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Catherine Savelli de Vivonne
Titre(s) Duchesse de Montauzier
Marquise de Rambouillet
Dame d'Angennes
Conjoint(s) Charles d'Angennes, marquis de Rambouillet
Dénomination(s) Arthénice
Biographie
Date de naissance Vers 1588
Date de décès 1665
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779)


Notice de Delphine Denis, 2004.

Fille de Jean de Vivonne, marquis de Pisani, ancien ambassadeur de France à Rome, et de Julia Savelli, issue d'une grande famille de l'aristocratie romaine, Catherine est naturalisée française en 1594. Mariée en 1600 à Charles d'Angennes (marquis de Rambouillet en 1611), elle en a six enfants, dont Julie (future duchesse de Montausier), Angélique-Clarisse (future comtesse de Grignan), et Léon-Pompée. L'hôtel de Rambouillet, rue Saint-Thomas-du-Louvre, s'ouvre dès 1613 à des hôtes réguliers, tel Malherbe qui invente pour la marquise l'anagramme d'«Arthénice». Les années 1618-1650 en constituent la période de pleine activité, dans un cadre imaginé par Mme de Rambouillet: la succession de pièces en enfilade, éclairées par de hautes fenêtres, déploie de vastes perspectives; des alcôves à l'espagnole ménagent des espaces plus intimes, voués à une sociabilité nouvelle centrée autour du lit d'apparat où reçoit la maîtresse de maison, que l'on dit de santé délicate et de complexion mélancolique. La «Chambre bleue» en est l'écrin luxueux: c'est autour de la ruelle (l'intervalle laissé vide entre le lit et le mur) que se retrouvent les familiers de Mme de Rambouillet. Fêtes et divertissements réunissent les hôtes de la marquise, qui aime à surprendre ses invités et à leur jouer de bons tours dont ils doivent être les premiers à rire. Mascarades, représentations théâtrales privées, lectures d'oeuvres en chantier, joutes poétiques et jeux d'esprit, témoignent d'une culture vivante dans laquelle anciens romans et pastorales modernes disputent la première place au théâtre, nourrissant un imaginaire avide de dépaysement et d'idéalisation. La société de l'hôtel, quoique partiellement mêlée, est avant tout une «compagnie choisie»: la fleur de l'aristocratie, quittant la Cour pour le plus prestigieux «réduit» de la Ville, côtoie des écrivains (Vaugelas, Chapelain, Racan, Ménage, les Scudéry, Gombauld, Méré, Saint-Amant, Saint-Sorlin, Benserade, Malleville, Godeau...), introduits au terme d'un exigeant processus de sélection où le mérite personnel vient s'ajouter à l'excellence des manières. Le poète Voiture, devenu dès 1625 «l'âme du rond» de la société de Rambouillet, en est le cas le plus radical, qui lie étroitement son activité littéraire aux loisirs raffinés de ses protecteurs. Lieu de médiation entre auteurs et public, l'hôtel de Rambouillet joue un rôle majeur dans la diffusion des nouveaux modèles esthétiques comme dans la promotion de la figure naissante de l'écrivain. Prestige social et notoriété littéraire se confortent, sans transformer le «salon» mondain en une académie privée.

Le départ de Julie d'Angennes (mariée en 1645) ainsi que la mort du jeune marquis de Pisani à Nordlingen, celle de Voiture en 1648, de M. de Rambouillet en 1652, scandent les derniers moments de la vie publique de la marquise, à qui ses contemporains ont d'emblée rendu les plus fervents hommages.

De fait, récits et portraits ont, du temps même de Mme de Rambouillet, fixé les traits d'un mythe: modèle de sociabilité où auraient triomphé les formes de «la plus fine galanterie» -naturel, enjouement, badinage léger, virtuosité discrète, raffinement des moeurs et du langage-, l'hôtel de Rambouillet se décrit dans le prolongement métonymique des qualités attribuées à sa propriétaire. D'essence aristocratique, d'inspiration proprement féminine, la politesse pratiquée autour de la marquise s'accomplit en un art de la conversation que livres et témoignages imprimés achèveront en lieu de mémoire.

La fonctionnalité critique de ce médaillon s'avère nettement au XIXe siècle: l'hagiographie sert de prétexte à l'anathème jeté sur les Précieuses, ancêtres fantasmées des bas-bleus, ou sur ces femmes galantes qu'aurait désavouées la divine marquise; nostalgique, le récit moderne des origines de la société polie d'Ancien Régime accompagne le credo de la Restauration; il permettra, quelques décennies plus tard, de légitimer le discours nationaliste soucieux de confirmer la France dans le rôle civilisateur qu'elle s'était très tôt rêvé. L'historiographie contemporaine gagne tout autant à interroger enjeux et effets de pareille instrumentalisation, qu'à tenter de reconstituer le «vrai» visage d'une femme du monde attachée à une culture du paraître qui, préservant l'intimité de tous regards indiscrets, s'efforçait d'élaborer des figurations de soi valant modèle -tels ces «Miroirs du Prince» dont le reflet enseigne l'Idée, non l'image fidèle.

Choix bibliographique

- Aronson, Nicole. Madame de Rambouillet ou la magicienne de la chambre bleue. Paris, Fayard, 1988.
- Krajewska, Barbara. Mythes et découvertes. Le salon littéraire de Madame de Rambouillet dans les lettres des contemporains. Papers on French Seventeenth Century Literature, coll. «Biblio 17», Paris/Seattle/Tübingen, 1990.
- Lougee, Carolyn. Le Paradis des femmes. Women, Salons and Social Stratification in the XVIIth Century in France. Princeton Univ. Press, 1976.
- Magne, Émile. Voiture et l'hôtel de Rambouillet. Tome I, Les Origines (1597-1635), Tome II, Les Années de gloire (1635-1648). Paris, Emile-Paul frères, 2e éd. 1929-1930.
- Viala, Alain. Naissance de l'écrivain. Sociologie de la littérature à l'âge classique. Paris, Éd. de Minuit, 1985.

Jugements

- «[...] vous ne sçauriés avoir de curiosité pour aucune chose qui le mérite davantage que l'hôtel de Rambouillet. On n'y parle point sçavamment, mais on y parle raisonnablement [...]» (Jean Chapelain à Jean-Louis Guez de Balzac, 22 mars 1638, Lettres de Jean Chapelain de l'Académie française, éd. Ph. Tamizey de Larroque, Paris, Imprimerie nationale, 1880-1883, lettre CLI, vol.I, p.215-216).
- «Il y a là une Mère et une Fille, en qui la pure teinture de l'Esprit Romain s'est conservée avec le bon sang et la générosité de l'ancienne République. Elles sont sçavantes l'une et l'autre de la science des Cornélies, des Julies et des Paulines, leurs Ayeules [...]. Mais qu'on ne croye pas qu'il y ait de l'enflure et de la présomption en cette science [...]. Qu'on ne la prenne pas pour un amas de notions indigestes et tumultuaires; pour un recueil de Fables et d'Histoires apprises par coeur. Elle est modeste et civile avec force: elle est solide sans suffisance et sans rudesse: elle va à la conduite de la vie, et à la justesse des moeurs: Et rien ne luy manque de tout ce qui peut donner de l'usage et de l'adresse aux Muses, de la bien-séance et des ornemens aux Graces. Il se peut donc faire de ces deux rares et sçavantes Personnes une illustre démonstration de la capacité des Femmes: Et par la mesme raison que l'on a dit autrefois qu'Athènes estoit la Grece de la Grece, on pourroit bien dire aujourd'huy visant à elles, que l'Hostel de Ramboüillet est la Cour de la Cour. Je ne dis pas de la Cour interessée, ambitieuse et corrompuë: je dis de la Cour ingénieuse et spirituelle, de la Cour galante et modeste» (Pierre Le Moyne, La Gallerie des femmes fortes, Paris, A. de Sommaville, 1647, p.253).
- «L'hostel de Rambouillet estoit, pour ainsy dire, le théatre de tous leurs divertissements, et c'estoit le rendez-vous de ce qu'il y avoit de plus galant à la Cour, et de plus poly parmy les beaux-esprits du siècle» (Gédéon Tallemant des Réaux, Historiettes [à partir de 1657], éd. A. Adam, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1960-1961, vol.I, p.443).
- «A l'hôtel de Rambouillet il n'y avoit que de la galanterie et point d'amour» (Gilles Ménage, Ménagiana [avant 1692], Paris, Fl. et P. Delaulne, 1693, p.223).
- «L'hôtel de Rambouillet nous offre d'abord le spectacle d'une société qui, sous les auspices d'une femme jeune, belle, spirituelle, de naissance illustre, épouse et mère d'une vertu exemplaire, se distingue par sa pureté, la décence, la délicatesse de ses moeurs, et se sépare de la cour et des gens du monde de la capitale, tous plus ou moins entraînés dans des habitudes de dissolution effrontée. Nous y voyons ensuite se contracter une triple alliance entre les gens de cour du plus d'esprit, les gens du monde choisis, et les hommes de lettres dont plusieurs sont encore aujourd'hui considérés dans la littérature; alliance qui n'a fait que s'étendre et se resserrer jusqu'au temps de la révolution» (Pierre-Louis de Roederer, Mémoires pour servir à l'histoire de la société polie en France, Paris, Didot, 1835, p.48).
- «Il faut en effet que ç'ait été une personne d'un mérite bien extraordinaire, pour avoir réuni les suffrages de tous ceux qui l'ont approchée, quels que fussent leurs opinions, leurs intérêts, leur rang, leur caractère. Nous avons en vain cherché sur son compte, ce qui ne manque d'ordinaire à aucune destinée un peu brillante, quelque calomnie ou quelque médisance, un mot équivoque, l'épigramme la plus légère: partout nous n'avons trouvé qu'un concert d'éloges vivement sentis qui traversent plusieurs générations. Il n'y a pas jusqu'aux gens de lettres, race peu portée à l'enthousiasme, [...] qui, divisés sur tout le reste et prêts à se déchirer entre eux, ne s'accordent d'une façon merveilleuse, dès qu'il est question de la marquise de Rambouillet» (Victor Cousin, La Société française au XVIIe siècle d'après Le Grand Cyrus, Paris, Didier et cie., 1905 [1re éd. 1858], vol.I, p.248-249).
- «[...] Mme de Rambouillet domine de toute la hauteur de son honnêteté intangible la société qui l'environne. Cette société, singulièrement vivante, se signale davantage par la vivacité de son intelligence que par la pureté de ses moeurs. On a voulu la travestir en une sorte de cénacle uniquement préoccupé de littérature. L'Hôtel de Rambouillet, à vrai dire, envisage la littérature comme un divertissement capable de varier les autres. Jamais il ne s'efforce de dénicher le génie obscur ou méconnu et de le produire. [...] Et, loin de provoquer des productions supérieures, il enfante à peine quelques modes littéraires. Le goût du badinage pervertit en lui le goût de la beauté» (Émile Magne, Voiture et l'hôtel de Rambouillet...[1911], voir supra, choix bibliog., vol.II, p.344-345).

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