Camille de Morel

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Camille de Morel
Biographie
Date de naissance 1547
Date de décès Vers 1611
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)


Notice de Philip Ford, 2003.

Fille aînée de Jean de Morel et d'Antoinette de Loynes, Camille de Morel naît à Paris en 1547. Elle est baptisée en l'église Saint-André-des-Arts le 18 septembre 1547. Son père a été élève d'Erasme, et sa mère, veuve de l'avocat Lubin Dallier, a bénéficié elle-même d'une bonne éducation. En 1557, ses parents engagent comme précepteur le jeune professeur gantois Charles Utenhove pour offrir à Camille et à leurs autres enfants, Isaac, Lucrèce et Diane une éducation humaniste. Camille apprend avec lui le latin, le grec et l'hébreu, et ne tarde pas à jouir d'une réputation considérable pour ses compositions poétiques. Dans une ode qu'il lui adresse, Jean Dorat, lecteur royal en grec depuis 1556, impressionné par la vie studieuse qu'elle mène, demande à Camille d'être la marraine de son fils Charles, né en 1560, et indique qu'elle profite de ses propres cours par personne interposée: «Charles [Utenhove], ton précepteur, suit mes cours en personne: par son truchement, notre voix frappe tes oreilles.» Les compositions latines de Camille circulent en manuscrit, surtout dans le cercle d'humanistes et de poètes qui fréquentent la maison des Morel (rue Pavée): Salmon Macrin, Du Bellay, Ronsard, George Buchanan, Michel de L'Hôpital, Scévole de Sainte-Marthe parmi d'autres.
Grâce à Utenhove, qui quitte son poste chez les Morel pour partir en 1562 pour l'Angleterre, la réputation de Camille ne se limite pas au milieu humaniste parisien. Lorsque la reine Elisabeth Ire visite l'université de Cambridge en 1564, l'une des épigrammes de Camille figure dans un recueil de compositions latines réunies pour cette occasion. Le seul volume qu'elle publie elle-même consiste en unTumulus, consacré à son père, décédé en 1581, et imprimé à Paris en 1583 par Frédéric de Morel. Elle y réunit des poèmes en l'honneur de son père, ainsi que de sa mère et de sa soeur Lucrèce, toutes deux décédées avant Jean. En même temps, elle adresse des épigrammes à ceux d'entre les amis de son père qui ont tardé à donner suite à sa demande d'un poème pour figurer dans le recueil; Ronsard, Charles Utenhove et Scévole de Sainte-Marthe y sont tous les trois tancés. En revanche, Dorat et Jean-Antoine de Baïf contribuent au Tumulus par des compositions. Il semble que la réputation de Camille de Morel s'éclipse après cette publication, quoique l'Allemand Paul Melissus lui adresse des éloges en 1586 (Schediasmata poetica, secunda editio, Paris, 1586, I. p.194-96).
On ignore la date exacte de sa mort. Malgré les éloges qu'elle reçoit, assez peu de ses compositions ont été publiées, à l'exception du Tumulus et des pièces parsemées dans les oeuvres d'Utenhove. Ses poèmes ressemblent tout à fait aux vers latins composés par ses contemporains masculins, si ce n'est qu'elle se limite à des pièces de circonstance et à des éloges. Le style et les sentiments qu'elle exprime sont directs, parfois péremptoires dans le Tumulus, ce qui ne manque pas de surprendre, étant donné les contraintes auxquelles les écrivaines sont sujettes à cette époque. Mais elle évite les genres «suspects», comme la poésie amoureuse, ce qui lui permet de sauvegarder sa réputation de jeune fille chaste et docte qui, selon Dorat, «à force de pratiquer les arts virils [est] devenue un homme».
L'évolution des goûts au XVIIe siècle et l'influence croissante des Jésuites sur la littérature néo-latine ont entraîné l'impopularité d'écrivains comme Camille de Morel, qui écrivaient dans le sillage de la Pléiade. Avec le regain d'intérêt pour la poésie et l'humanisme du XVIe siècle, sa réputation s'est rétablie au XXe siècle, dans une large mesure grâce à Pierre de Nolhac. Par la suite, d'autres érudits, dont S. F. Will, ont loué ses talents.

Oeuvres

- 1583 : V. C. Ioan. Morelli Ebredun. Consiliarij Oeconomiq; Regij, Moderatoris illustrissimi principis Henrici Engolismaei, magni Franciae Prioris, Tumulus, Paris, Frédéric Morel.
- Poésies diverses, in Charles Utenhove, Epitaphium in mortem Herrici Gallorum regis christianissimi, ejus nominis secundi, Paris, R. Estienne, 1560 -- Xenia seu ad illustrium aliquot europae hominum..., Bâle, 1568.

Choix bibliographique

- Will, Samuel F. «Camille de Morel: A Prodigy of the Renaissance». Pub. of the Mod. Lang. Assoc., 51 (1936), p.83-121.
- Ford, Philip. «Camille de Morel: Female Erudition in the French Renaissance». In (Re)Inventing the Past: Essays on the French Renaissance in Honour of Ann Moss. Durham, Durham Modern Languages Series, à paraître (2003).

Jugements

- «Tu n'es pas comme les autres fillettes nées mortelles: quand tu étais petite, ton enfance ne s'est pas écoulée au milieu d'objets communs, quenouilles, laines, aiguilles. Mais tu n'as pas, à la manière de la Camille qui t'a donné son nom, renié le sexe féminin -- honteuse prétention -- en poursuivant les bêtes sauvages dans les forêts profondes. Mais, menant une vie studieuse au milieu des livres de ton père, entourée des parfaits préceptes de ta mère, à force de pratiquer les arts virils, tu es devenue un homme (comme Iphis).» (Jean Dorat, Les Odes latines, texte présenté, éd. Geneviève Demerson, Clermont-Ferrand, Fac. des Lettres et Sciences humaines de l'Univ. de Clermont-Ferrand II, 1979, p.178).
- «Camille joue si bien avec les rythmes latins qu'on croirait que Camille est une écolière latine. Camille parle si bien le grec qu'on jurerait qu'Athènes même est moins attique. Et quant aux caractères hébraïques, Camille les forme aussi bien que les Latins formaient les leurs. Dans la langue de ses pères, Camille fait des vers que Ronsard lui-même pourrait envier. Au son de la lyre, Camille chante si bien que Phébus lui-même pourrait l'envier.» (Joachim Du Bellay, Epigrammata 62, in Oeuvres poétiques VII, éd. Geneviève Demerson, Paris, STFM, 1984, p.128).
- «Camille devint bientôt l'émule des femmes humanistes que l'Italie produisait depuis longtemps en grand nombre, et qui étaient encore assez rares en France.» (Pierre de Nolhac, Ronsard et l'humanisme, Paris, Champion, 1921, p.175).

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