Antoinette de Daillon/Hilarion de Coste : Différence entre versions

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[[Catégorie:Dictionnaire Hilarion de Coste]]

Version actuelle en date du 19 mai 2011 à 19:50

[I,164] ANTOINETTE DE DAILLON, COMTESSE DE LA GUICHE.

APRES avoir écrit les vies de deux Antoinettes Princesses de la Maison de France, je croy estre obligé de faire l'Eloge de cette vertueuse Dame Antoinette de Daillon Comtesse de la Guiche, qui estoit la seconde fille de Guy de Daillon Comte du Lude et de Pontgibaut, Baron d'Illiers, Chevalier des Ordres du Roy et Gouverneur de Poictou, et de sa femme Jaqueline de la Fayette, fille unique et heritiere de Louis Seigneur de la Fayette et d'Anne de Vienne, toutes Maisons illustres, comme n'ignorent pas ceux qui sont sçavans en la genealogie, et en la connoissance des familles relevées.
Antoinette eut pour frere François de Daillon, Comte du Lude et de Pontgibaut, Marquis d'Illiers, Gouverneur de Monseigneur Gaston fils de France Duc d'Orleans, Frere du Roy Louis XIII. et oncle de nostre jeune Monarque Louis XIV. qui a eu de sa femme Françoise de Schomberg, fille de Gaspar de Schomberg Comte de Nanteuille Haudouin, et de Jeanne Chastaigner de la Rochepozay, Timoleon de Daillon, à present Comte du Lude et Marquis d'Illiers; et pour soeur Anne de Daillon femme de Jean de Bueil Comte de Sancerre Baron de Chasteaux, Chevalier des deux Ordres du Roy, et Grand Eschançon de France. La vie de cette Dame là a esté toute sainte et digne du Ciel. Diane de Daillon épouse de Jean de Levis Comte de Charlus, Vicomte de Lugny et de Sanceaux: et Helene de Daillon 2. femme de François de Chabanes Comte de Sagnes.
Antoinette fut nourrie à la pieté et aux bonnes moeurs avec ses soeurs par la Comtesse du Lude sa mere, Dame fort [165] sage et vertueuse, issue de ce grand Heros le Seigneur de la Fayette Mareschal de France.
A l'âge de 12. ans elle fut donnée à la Reyne Louise, Princesse de rare vertu (comme je vous feray voir en sa vie) laquelle avoit un soin particulier et une affection de mere pour toute sa maison. Durant le mariage de la Reyne Louise avec Henry III. la famille de cette Princesse là estoit parfaitement bien reglée. Mais aprés le trépas de ce Monarque Louise de Lorraine fit un Cloistre de sa Maison, de sorte qu'elle vivoit en Religieuse à Chenonceau, à Bourges, à Angers et à Moulins, où le seul exemple de sa vertu servoit de loy pour y condamner le vice et y faire honorer la pieté.
Philibert Seigneur de la Guiche, Gouverneur pour le Roy du Lyonnois, estant veuf d'Eleonor de Chabanes sa premiere femme, fille de Charles de Chabanes et de Caterine de la Rochefoucaud, ne voulut point penser à de secondes noces, ny prendre de femme que de la main de la Reyne Louise, dont le Palais estoit une Cour toute sainte (comme j'ay dit cy-dessus) et ceux qui ont eu le bon-heur de voir cette devote Princesse là, ou qui ont leu le 27. chapitre de sa vie escrite par Antoine Mallet Theologien de la Faculté de Paris, et Confesseur de Mesdames les Duchesses de Vendosme et de Mercueur, ne l'ignorent pas.
La Reyne Louise fut fort contente de la recherche que fit Monsieur de la Guiche de Mademoiselle du Lude; car il estoit l'un des plus accomplis Seigneurs de ce Royaume, et fidele serviteur des Rois Charles IX. Henry III. et IV. lequel devant que d'estre Gouverneur de Lyonnois, l'avoit esté aussi du Bourbonnois, et Grand Maistre de l'Artillerie, sous le regne d'Henry III. qui l'honora de ses Ordres dés la premiere creation qu'il en fit le 31. de Decembre de l'an 1578. et le I. de Janvier de l'an 1579. Ce Monarque si judicieux et qui se connoissoit si parfaitement au choix des hommes, ayant confié la charge de l'Artillerie de France à ce Seigneur là, qui estoit issu de l'une des plus anciennes Maisons de Bourgongne, fertile en Heros, recommandables pour leur valeur et leur probité, entre autres, les Guichards, les Guillaumes, les Gabriels, les Jean-François, et sur tous Pierre [166] de la Guiche, tres-fidele serviteur des Rois Louis XI. Charles VIII. Louis XII. et François I. Ambassadeur pour leurs Majestez vers le Pape Leon X. l'Empereur Maximilian I. Henry VIII. Roy d'Angleterre, Ferdinand V. Roy d'Arragon ou d'Espagne, les Cantons des Suisses, et Charles Duc de Gueldre, Bailly d'Autun et de Mascon, qui acquit un grand renom au siege de Milan, sous Charles Duc de Bourbon, au gouvernement de Masconnois et au traitté qu'il fit avec les Suisses pour le Roy François, aprés la journée de Marignan. Les curieux qui voudront sçavoir toutes les particularitez et les actions heroïques des Seigneurs de cette Maison là, qui a donné un Mareschal à la France, des Gouverneurs au Masconois, au Bourbonnois, au Lyonnois et à la Bresse, pourront les apprendre de Pierre de saint Julien de la Maison de Balleure, Doyen de Chalon, au livre 3. des antiquitez de Mascon.
Antoinette de Daillon ayant épousé le Seigneur de la Guiche, fut receue à Lyon comme Gouvernante de cette ville du Lyonnois, estant accompagnée de la Comtesse du Lude sa mere, avec les applaudissemens, les joyes et les honneurs, que l'on peut voir dans le livre auquel est décrite l'entrée magnifique de cette Dame dans Lyon, où il y a plusieurs remarques en faveur des Maisons de la Guiche, de Daillon ou du Lude, et de la Fayette.
Cette Dame eut cinq enfans de ce sage Gouverneur des Lyonnois, un fils qui mourut en bas âge aprés avoir receu le baptéme, et quatre filles, dont deux sont decedées en jeunesse, et deux sont heritieres de ses biens et de ses vertus, particulierement de sa devotion et pieté. L'aisnée nommée Henriette par le Roy Henry le Grand son parrain, a épousé en premieres noces avec dispense, son cousin Pierre de Matignon, Comte de Thorigny et de Matignon, fils de Charles Goujon de Matignon, Comte de Thorigny et de Moyon, Seigneur de Matignon et Prince de Mortagne, et de Leonor d'Orleans, Princesse de la Maison de Longueville. Charles de Matignon, pere de Pierre, estoit fils du Mareschal de Matignon, Gouverneur de Bourdeaux et de la Guyenne, et de Françoise de Daillon sa femme; et en secondes, ce sage [167] Prince Louis Emanuel de Valois Comte d'Allais, Colonel general de la Cavalerie legere de France, et Gouverneur pour le Roy en ses pays et armées de Provence. Anne de la Guiche sa 2. a épousé Henry de Schomberg Comte de Nantueil, non moins genereux que prudent Chef de guerre et Mareschal de France, et Gouverneur pour le Roy de Limosin, de la haute et basse Marche, d'Angoumois, et de Languedoc, veuf de Françoise d'Espinay, Comtesse de Duretal sa 1. femme, qui est decedé à Bourdeaux, au mois de Novembre de l'an 1632. peu de jours aprés avoir esté honoré par le Roy Louis XIII. du Gouvernement de Languedoc, pour les fideles et signalez services rendus à sa Majesté, duquel elle a eu une seule fille posthume, Jeanne Armande de Schomberg.
Antoinette du Lude véquit en grande paix et amitié avec le Seigneur de la Guiche son mary, et aprés son decez elle prit un soin particulier de bien élever à la vertu et aux bonnes moeurs ses deux filles, à liquider la maison et à la sortir de grands procez.
Les affaires qu'eut cette Dame là durant les premieres années de sa viduité, ne la détournerent point de ses exercices de pieté, et particulierement de l'estude de l'Oraison, qui est une conversation avec Dieu et une élevation de l'esprit au Ciel. Car pour l'ordinaire cette devote Dame passoit les matinées 3. ou 4. heures en Oraison, avec l'edification de ceux qui la voyoient prier avec tant de ferveur et de zele. Aussi quelques-uns ont asseuré avoir esté excitez à bien servir Dieu, et vacquer à l'Oraison, avec plus de recollection, par les bons exemples qu'ils avoient receu de la pieuse Antoinette de Daillon. Cette Dame ayant fait provision de la devotion solide en ces trois conditions de fille, de femme et de veuve: il ne faut pas s'estonner si elle a vécu si vertueusement et si Chrestiennement tous les jours de sa vie, et gardé exactement les jeusnes commandez par l'Eglise, et si elle a esté la mere des veuves et des orphelins, des pauvres, et particulierement des plus chetifs et miserables, comme les borgnes, les boiteux, les manchots, les sourds et les muets qui n'avoient pas le moyen de pouvoir gagner leur vie, ou entrer [168] en quelque condition; et s'est rendu admirable au mépris de sa personne et de sa beauté, beauté tant estimée des Dames, quoy qu'elle ne soit qu'une tromperie du temps; un bien qui fuit; un esclair qui se precipite en Occident, une possession tousjours penible, estant tousjours enviée; conservée avec trop de sujettion, et adorée avec trop d'idolatrie; des-honneste si elle est pitoyable, cruelle si elle resiste: enfin il faut qu'une belle ame dise de la forme du corps, ce que disoit Lisandre de certains beaux habits qu'on luy envoya pour ses filles: Je ne veux pas (dit-il) que la beauté de ces ornemens fasse paroistre mes filles moins belles. Les plus sages ont creu que ce fameux peintre Timanthes avoit sacrifié à Consul le Dieu du Conseil, lors qu'ayant fait une image de Venus, excellemment belle en toutes les parties du corps, il luy couvrit le visage d'un voile: Non pas comme ont écrit les moins judicieux, qu'il eust perdu l'esperance de pouvoir l'achever avec la méme perfection qu'il l'avoit commencée: Mais ce fut que ce peintre prudent et avisé connut que cette beauté estoit tellement excessive, qu'en luy donnant la derniere perfection, elle pouvoit causer autant de peril à l'ame, que de plaisir à la veue.
Cette vertueuse Dame a laissé dans ses terres des marques de sa pieté, particulierement en la fondation du Convent de Jesus Marie, où elle a estably des Minimes prés son Chasteau de la Guiche en Masconnois, ausquels elle a donné la belle Eglise bastie par Pierre Seigneur de la Guiche; fondation qui a esté augmentée par sa fille aisnée. Elle communioit tous les Dimanches et les Festes, et aussi aux jours de ses particulieres devotions: comme és jours de nostre Dame du Mont Carmel, des deux saints Antoines, de saint Joseph, de saint Dominique, de saint Ignace de Loyole, des trois saints François, de saint Henry et de saint Bonaventure, de saint Bernardin de Sienne, de saint Nicolas de Tolentin, de sainte Claire, de sainte Terese et de saint Charles: mais tousjours avec des respects tres-grands, et des sentimens tres-extraordinaires.
Quand elle estoit obligée de faire quelque visite pour les devoirs de la charité, ou par les loix de la civilité, elle se re-[169]commandoit à Dieu, et luy faisoit une priere sortant de son Hostel, afin que rien ne se fist durant sa visite ny dans le chemin qui pûst déplaire à sa divine Majesté, et dés qu'elle estoit de retour, elle faisoit un exact examen de tout ce qui s'estoit passé en sa conversation, pour en tirer des mesures et des connoissances qui luy peussent servir pour une autre visite.
Elle haissoit les flateurs, les médisans, et les rapporteurs: comme les ruines des maisons et des familles; c'est pourquoy on pouvoit dire de cette devote et vertueuse Dame avec verité.

Les méchans et vicieux

Ne plaisent point à vos yeux:
Vous n'aymez la tyrannie,
Vous n'écoutez le flateur,
Ny le malin rapporteur,
Qui s'arme de calomnie (1).

Elle avoit un soin particulier d'envoyer à ses frais et dépens des Predicateurs de divers Ordres de Religieux, dans les bourgs et les villages de ses terres en Masconnois, en Chalonois, en Charolois, et en Auvergne, pour annoncer la parole de Dieu, catechiser et confesser ses vassaux; disant qu'il estoit bien raisonnable que recevant du bien temporel d'eux, elle s'estudia à procurer leur profit et leur bien spirituel: et lors qu'elle sçavoit les heureux succez qu'il plaisoit à nostre Seigneur de donner aux travaux et aux peines des Predicateurs, par le notable changement de moeurs en ces bons villageois, et par les instructions qu'avoient receu leurs petits enfans, elle ne manquoit pas d'en rendre graces à Dieu.
Antoinette de Daillon Dame de la Guiche, a eu pour ses Directeurs spirituels, le Reverend Pere Barthelmy Jacquinot Jesuite et le Pere Nicolas Courtois Minime. Celuy-là qui a composé plusieurs livres de devotion, entre autres un intitulé, L'adresse pour vivre selon Dieu dans le monde, lequel a esté imprimé plusieurs fois et mis en Latin par le Reverend Pere Monod de la méme Compagnie, sous le titre d'Hermes Chrestien. Celui-cy duquel le nom est venerable parmy ceux de ma robbe, [170] pour sa douceur, sa franchise, sa pieté et ses autres vertus. Cette Dame ayant tousjours bien vécu, mourut fort Chrestiennement au Chasteau de Grosbois (2), le 20. de Septembre 1631. aprés avoir receu tous ses Sacremens en presence du Curé de Villecrene, d'un Pere Jacobin, et de deux Minimes, dont l'un estoit le Reverend Pere Courtois son Directeur et Confesseur, du Duc et de la Duchesse d'Angoulesme, du Comte d'Alais son gendre, et de la Comtesse d'Alais sa fille aisnée, de la Mareschale de Schomberg sa 2. fille, et de tous ses domestiques qui fondoient en larmes pour la perte d'une si bonne maistresse.
Le lendemain son corps fut porté en depost à Paris, dans l'Eglise des Minimes de la Place Royale, en la Chapelle d'Angoulesme; d'où il a esté transporté par les soins du sieur des Ruisseaux, Aumosnier de Monseigneur le Comte d'Alais, et du sieur de la Forest Gentilhomme de Bourbonnois, en l'Eglise du Convent de la Guiche, et inhumé dans la Chapelle du Rosaire, en laquelle plusieurs Seigneurs de la Maison de la Guiche ont receu les honneurs de la sepulture. Au convoy de ceste Dame là, assisterent plusieurs Gentilshommes et Dames du Masconnois et du Charolois, et les paysans de ses terres, qui sont en ces deux Provinces là, qui par leurs souspirs et leurs regrets, faisoient paroistre l'affection qu'ils luy avoient porté durant sa vie, et les obligations qu'ils avoient à sa memoire.

(1) Joachim du Bellay.
(2) Grosbois Maison de plaisance de Charles de Valois Duc d'Angoulesme.

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