Anne de Xainctonge

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Anne de Xainctonge
Biographie
Date de naissance Vers 1567
Date de décès 1621
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Marie-Amélie Le Bourgeois, 2007.

Née probablement en 1567 et, donc, contemporaine de François de Sales, Anne de Xainctonge appartient au milieu parlementaire dijonnais: Jean de Xainctonge, son père, est conseiller au parlement et son frère y sera avocat. Sa soeur Françoise fondera les ursulines de Dijon. Une demi-soeur maternelle, plus âgée qu'elle, Nicole de Ligéras, tiendra une grande place dans son cheminement. Comme tous les gens de robe de cette époque, Jean de Xainctonge veut «tenir son rang». Les parlementaires et leurs entours constituent le groupe le plus ouvert aux curiosités de l'esprit. Ils contribuent à la fondation, en 1581, du collège des jésuites, qui, grâce à un succès prodigieux, devient l'un des moteurs de la vie intellectuelle à Dijon. Comme les autres filles de son milieu, Anne, outre les bonnes manières, apprend à lire et à écrire et comprend le latin. C’est sans doute dans son milieu familial qu'elle acquiert sa grande perspicacité dans le domaine du droit, qui sera pour elle un atout majeur pour la réalisation de son oeuvre. Aux élans de foi catholique qui caractérisent les notables bourguignons de ce temps s'ajoute le souci quotidien de l'assistance aux pauvres. Pour Anne, cela se traduit par un appel intérieur à se consacrer à l’instruction des filles et des femmes, «mesmement des pauvres et des servantes». Elle n'est pas la seule en Europe à élaborer un tel projet. Un peu partout et simultanément, d'autres filles dévotes ressentent le même appel. Anne, dont la maison touche le collège des jésuites, réservé aux garçons, envisage la création d’écoles destinées aux filles. Dirigée par ces mêmes jésuites et donc familiarisée avec la spiritualité ignatienne, elle décide de s'inspirer aussi de leur pédagogie pour fonder une communauté ou «compagnie» de «soeurs» entièrement consacrées à Dieu et à l'instruction des filles et des femmes. Son père, qui l’avait instruite pour qu’elle tienne son rang dans la bonne société, désapprouve le projet. En 1595, le Parlement de Dijon expulse les jésuites pour des raisons politiques. Anne voit ainsi une bonne partie de ses conseillers émigrer au collège de Dole, en Franche-Comté, alors sous domination espagnole. L'année suivante, ne voyant comment faire aboutir son projet à Dijon, dans un climat politique et familial peu propice, elle se décide à quitter la maison paternelle en cachette et rejoint Dole, accompagnée d'une servante. Jean de Xainctonge estime son honneur bafoué. Pendant dix ans et par tous les moyens, il tente de la faire revenir à Dijon. A Dole, Anne reçoit le soutien de Claudine de Boisset, fille d’un professeur de l’université locale et protecteur des jésuites. Les deux femmes parviennent à ouvrir une première maison. Les classes sont achevées en 1611. Les premières compagnes instruisent filles et femmes et demeurent en communauté sans être cloîtrées. Les dots fournies par leurs familles leur permettent d’offrir aux pauvres un enseignement gratuit. Ces réalisations ne vont pas sans difficultés. A Dole, Anne connaît les injures d'une population anti-française, mais aussi la disette, l'expulsion de son logement, le refus des jésuites de continuer à la diriger. Cependant, elle tient bon et résiste aux pressions de la société civile et ecclésiastique, adversaire des communautés féminines sans voeux solennels et sans clôture. Or, pour elle, cela constituerait une entrave à l'accueil des filles et des femmes et empêcherait ses compagnes d’aller se confesser chez les jésuites. Pour donner à son projet une allure acceptable aux yeux des autorités, elle emprunte alors le nom et la Règle des ursulines associées d'Avignon, déjà autorisées par un bref pontifical. Au moment des démarches entreprises en vue d'une approbation, les autorités civiles cherchent encore à la persuader d'accepter la clôture. Ses qualités de diplomate et la bienveillance de l'archevêque de Besançon lui permettent d’obtenir l'autorisation demandée. La fondation de la première communauté et école gratuite à Dole est datée du 16 juin 1606. Suivront, de son vivant, les fondations de Vesoul, Besançon, Arbois, Saint-Hippolyte et Porrentruy. Sa mort survient à Dole le 8 juin 1621.

Associée au destin des ursulines, mais davantage inspirée par la Compagnie de Jésus, Anne de Xainctonge est longtemps restée méconnue. L’intérêt porté aux filles dévotes et aux projets de femmes osant envisager une vie consacrée hors clôture l’a fait récemment sortir de l’ombre et a mis en valeur la grande originalité de son projet.

Oeuvres

Les écrits d’Anne de Xainctonge n’ont pas fait l’objet de publication de son vivant. On trouvera mention ou édition des principaux textes qui lui sont attribués dans la Positio (voir infra, choix bibliographique) et dans Marie-Amélie Le Bourgeois, Les Ursulines d’Anne de Xainctonge (voir infra, choix bibliographique).

- 1606-1621 : «Instructions que la vénérable Mère Anne de Xainctonge a laissées écrites de sa main en la maison de Sainte-Ursule de Dole, tirées sur l’original l’an 1745», dans Marie-Amélie Le Bourgeois, Les Ursulines d’Anne deXainctonge, voir infra, choix bibliographique, p.351-400.

Choix bibliographique

- Bernos, Marcel, Femmes et gens d'Eglise dans la France classique, XVIIe-XVIIIe siècle,Paris, Cerf, 2003, p.117, 182, 192, 207, 316-320.

- Les femmes et l'accès au savoir au temps d'Anne de Xainctonge, Dole 1596-1621, Actes du Colloque de Dole (juillet 1997), Cahiers dolois, 14, 1997.

- Le Bourgeois, Marie-Amélie, Les Ursulines d'Anne de Xainctonge (1606). Contribution à l'histoire des communautés religieuses féminines sans clôture, Saint-Etienne, Publications de l'Université Saint-Etienne, «C.E.R.C.O.R. Travaux et Recherches», 2003.

- Le Bourgeois, Marie-Amélie, «Une fondatrice d'avant-garde: Anne de Xainctonge et la Compagnie de Sainte-Ursule à Dole», Revue d’Histoire de l’Eglise de France, 80, 204, 1994, p.23-41.

- Positio super virtutibus ex Officio concinnata: Sancti Claudii, Beatificationis et canonizationis servae Dei Annae de Xainctonge, éd. Giovanni Papa, Cité du Vatican, Sacrée Congrégation pour la cause des saints, «Officium historicum», 19, 1972.

Choix iconographique

- 1680? : Anonyme, Portrait d’Anne de Xainctonge en adoration devant le Saint-Sacrement (huile sur toile, 96,5 x 120,5 cm), Dole, Couvent des Ursulines -- «Appendici. Ritratti della serva di Dio», dansPositio..., voir supra, choix bibliographique, no 4, p.793 et Tav. VIII.

- 1740? : Anonyme, Portrait d’Anne de Xainctonge en adoration devant le Saint-Sacrement (huile sur toile, 49 x 38 cm), Dole, Couvent des Ursulines -- «Appendici. Ritratti della serva di Dio», dansPositio..., voir supra, choix bibliographique, no 10, p.795.

- 1837? : Anonyme, Portrait d’Anne de Xainctonge en prière (huile sur toile,13,5 x 7,4 cm), Dole, Couvent des Ursuline -- Claude-Bonaventure Arnoulx, La Vie de la vénérable Mère Anne de Xaintonge, institutrice de la compagnie de Sainte-Ursule, au comté de Bourgogne, 2e éd., Lyon, Perisse frères, 1837 -- «Appendici. Ritratti della serva di Dio», dansPositio..., voir supra, choix bibliographique, no 12, p.795.

Jugements

- «Dès le début, elle embrassa notre compagnie au point qu'elle vint à Dole à l'insu de ses parents, quand les Nôtres furent obligés de quitter Dijon, afin d'user des Pères de Dole pour le soin de son âme. Rien ne put la détourner de sa décision, ni les pénuries, ni les menaces des membres de sa famille, ni les avertissements et les objurgations des Recteurs. Elle resta ferme dans sa décision, au milieu des douleurs presque perpétuelles: podagre, calcul, céphalalgie et autres maladies. En mourant, elle légua vingt pièces d'or aux Collèges de chacune des quatre villes dans lesquelles elle avait vécu.» («Commentaire de l’annaliste du collège des Jésuites de Dole» [1621], dans Marie-Amélie Le Bourgeois, «Une fondatrice d’avant-garde», voir supra, choix bibliographique, p.31)

- «Toutes fois, avec prudance, comme ie luy es veut pratiquer plusieurs fois de sa charité envers le prochain, elle estoit telle qu’elle ne trouvoit aucun travoux difficile pour le salut spirituel ou corporel de ces prochains; comme elle l’a faict paroistre en l’établicement de nostre Compagnie, en l’instruction des filles, où elle s’emploioit ordinairement avec beaucoup de travoux...» ([Catherine de Saint-Maurice], Quelques points remarquables de la vie de la soeur Anne de Xainctonge...[1623-1629], dans Marie-Amélie Le Bourgeois, Les ursulines d’Anne de Xainctonge, voir supra, choix bibliographique, p.321)

- «Ce sont petittes fantaisies de filles, qui pour s'affranchir de la subiection qu'on doit à une mère, veulent entrer en religion. Et puis elle nous entretient icy de ie ne sçai quelles idées inouyes de faire des ursulines, d'estre maistresse d'échole et de vivre sans cloistre, comme si iamais on avoit veu des filles vivantes en communauté sans estre enfermée. Quand il faudroit passer par là, voudroit il pas bien mieux choisir quelque bonne religion des anciennes, qu'en fabriquer une nouvelle. Et à tout rompre, s'il en falloit faire une, seroit il pas plus à propos de l'establir à Dijon, où elle pourroit donner de l'exemple à ceux de sa ville, servir sa patrie et consoler ses parents? Qui iamais approuvera cette extravagance, qu'une damoiselle de Dijon s'en aille au Conté de Bourgogne commencer une congrégation d'ursulines, en ce temps où tout est suspect? Quel mistère fera t-on là dessus, lors qu'on dira que la fille d'un conseiller quitte la France pour aller en une ville d'Espagne, fonder, pour le dire ainsy, des colonies nouvelles?» («Commentaire de Jean de Xainctonge, père d’Anne», Archives des Ursulines de Dole, La vie parfaitement humble et courageuse d’Anne de Xainctonge, institutrice des ursulines du conté de Bourgogne... par Étienne Binet s.j. [1636], f.51-52 -- reproduit dans Marie-Amélie Le Bourgeois, Les ursulines d’Anne de Xainctonge, voir supra, choix bibliographique, p.307)

- «Même lorsque [les fondatrices] ont joué un rôle déterminant dans la création d’une nouvelle famille religieuse, elles apparaissent habituellement dans l’histoire comme des exécutantes sous la coupe, de protection ou de contrôle, d’un homme [...]. Il y a des exceptions où la femme qui a eu l’intuition d’une institution originale tient ferme contre toute tentative de gauchissement. Anne de Xainctonge avec ses Ursulines de Dole est un bon exemple de cette forme de “résistance” [...]. On a bien affaire, ici, à l’un des bouleversements qui, sans théâtralité, ni scandale, ont modifié -lentement mais en profondeur- les comportements chrétiens [...]. La requête d’Anne de Xainctonge [à l’Archevêque de Besançon en janvier 1606] marque à la fois une prise de conscience par des femmes des limites que l’attitude des évêques français était capable de mettre à leurs résolutions, et une belle persévérance à poursuivre leurs desseins. Sa démarche dénote aussi ses capacités d’adaptation aux conditions politiques locales, puisque, pour faire aboutir son projet, Anne n’hésite pas à placer sa première implantation à Dole, en Franche-Comté, sous obédience espagnole, alors qu’en France, son propre père, conseiller au parlement de Dijon, disposait de suffisamment d’appuis pour faire éventuellement échouer la tentative. Elle révèle enfin une intelligente souplesse, puisque Anne et ses compagnes, respectant en cela la bienséance la plus “classique”, que ce soit par conviction ou par tactique, s’engagent à garder la “modestie”, vertu cardinale que l’on attend de l’honnête femme, inculquée par les familles aussi bien que par les couvents.» (Marcel Bernos, Femmes et gens d'Eglise,voir supra, choix bibliographique, p.317-318)

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