Anne de Lobera/Hilarion de Coste : Différence entre versions

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'''[II,824] ANNE DE LOBERA DITE DE JESUS.<br />
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[II,824] '''ANNE DE LOBERA DITE DE JESUS.'''
'''ENTRE les premieres Compagnes de sainte Terese a fleury la Reverende Mere Anne de JESUS, qui a estably son Ordre en nostre France et en Flandre. Cette devote Dame est née en Espagne, en cette Province qu'on appelle ''Estramadura'', de la noble Maison de Lobera, de laquelle estoit Christophle de Lobera Evéque d'Osma en Castille. Dés l'aage de dix ans elle offrit sa virginité à JESUS-CHRIST, et vestue [825] d'un habit fort simple et modeste elle se donna au service des malades à l'Hospital de Palence. A vingt-quatre ans elle receut l'habit de Carmelite de Sainte Terese, qui lors estoit Prieure du Monastere d'Alve, laquelle l'eut en telle estime qu'estant encore Novice elle la mena l'an 1570. à Salamanque, à la fondation du Monastere de cette ville et premiere Université d'Espagne. Depuis elle l'envoya à Madrid, où l'Imperatrice Marie d'Austriche veuve de l'Empereur Maximilien II. (dont nous avons écrit la vie dans les Eloges des illustres Maries) fit bastir un Convent de Carmelites avec une Royale dépense.<br />
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ENTRE les premieres Compagnes de sainte Terese a fleury la Reverende Mere Anne de JESUS, qui a estably son Ordre en nostre France et en Flandre. Cette devote Dame est née en Espagne, en cette Province qu'on appelle ''Estramadura'', de la noble Maison de Lobera, de laquelle estoit Christophle de Lobera Evéque d'Osma en Castille. Dés l'aage de dix ans elle offrit sa virginité à JESUS-CHRIST, et vestue [825] d'un habit fort simple et modeste elle se donna au service des malades à l'Hospital de Palence. A vingt-quatre ans elle receut l'habit de Carmelite de Sainte Terese, qui lors estoit Prieure du Monastere d'Alve, laquelle l'eut en telle estime qu'estant encore Novice elle la mena l'an 1570. à Salamanque, à la fondation du Monastere de cette ville et premiere Université d'Espagne. Depuis elle l'envoya à Madrid, où l'Imperatrice Marie d'Austriche veuve de l'Empereur Maximilien II. (dont nous avons écrit la vie dans les Eloges des illustres Maries) fit bastir un Convent de Carmelites avec une Royale dépense.<br />
 
En cette ville la Mere Anne de JESUS receut un favorable accueil de cette grande Princesse, et de son frere le Roy Philippe II. Aussi avoit-elle une admirable grace à gagner les coeurs des Grands, et une prudence admirable pour s'y entretenir et bien user de leurs faveurs pour la gloire de Dieu. Elle pleut aussi pour sa pieté à tous les Seigneurs et à toutes les Dames de la Cour. Mais ce qui la rend plus recommandable, c'est l'estime qu'ont fait de sa solide vertu Diego Iepez, alors Confesseur de Philippe II. et depuis Evéque de Tarazone; Alfonse Orosco, personnage d'insigne pieté, et Religieux de l'Ordre des Hermites de saint Augustin; le Reverend Pere Nicolas Doria de Jesus Maria premier General des Peres Carmes Déchaussez; Jean de la Croix; Ambroise de Jesus Maria, Antoine de Jesus, et les autres premiers Peres de l'Ordre, aprés le decez de Sainte Terese l'honoroient et la respectoient comme leur mere.<br />
 
En cette ville la Mere Anne de JESUS receut un favorable accueil de cette grande Princesse, et de son frere le Roy Philippe II. Aussi avoit-elle une admirable grace à gagner les coeurs des Grands, et une prudence admirable pour s'y entretenir et bien user de leurs faveurs pour la gloire de Dieu. Elle pleut aussi pour sa pieté à tous les Seigneurs et à toutes les Dames de la Cour. Mais ce qui la rend plus recommandable, c'est l'estime qu'ont fait de sa solide vertu Diego Iepez, alors Confesseur de Philippe II. et depuis Evéque de Tarazone; Alfonse Orosco, personnage d'insigne pieté, et Religieux de l'Ordre des Hermites de saint Augustin; le Reverend Pere Nicolas Doria de Jesus Maria premier General des Peres Carmes Déchaussez; Jean de la Croix; Ambroise de Jesus Maria, Antoine de Jesus, et les autres premiers Peres de l'Ordre, aprés le decez de Sainte Terese l'honoroient et la respectoient comme leur mere.<br />
 
Caterine d'Orleans Princesse de la tres illustre Maison de Longueville, voulant pour sa devotion établir en France l'Ordre des Meres Carmelites, selon la Reforme de Sainte Terese, la fit venir, par la permission du Roy Henry le Grand, en ce Royaume avec cinq autres l'an 1604. où elle jetta les fondemens des Monasteres de Paris, de Pontoise, d'Amiens, de Tours, de Dijon, et d'autres (1). Ayant esté la premiere Prieure du Monastere de l'Incarnation ou de Nostre-Dame des Champs la premiere Maison des Meres Carmelites ou Teresienes Françoises, elle alla fonder le Monastere de Dijon, ville Capitale de la Du-[826]ché de Bourgongne. Aprés y avoir fait peu de sejour elle y laissa une autre Prieure, et s'en revint à Paris d'où elle partit aussi tost pour aller en Flandre, où l'Infante Princesse tres-sage et tres-vertueuse demandoit l'établissement des Carmelites, et desiroit posseder un Ordre qu'elle aymoit autant pour la grace élevée dont il est remply, que parce qu'il avoit commencé dans l'Espagne son pays natal. Ce fut donc l'an 1606. que l'Archiduc Albert et l'Archiduchesse Isabelle sa femme la voulurent avoir auprés de leurs Altesses, et par son moyen établirent des Convents des Carmelites Déchaussées à Brusselle, à Mons en Hainaut, à Anvers, à Tournay, et en plusieurs autres villes de leurs terres, desquels on a tiré des filles qui ont esté fonder l'Ordre en Pologne.<br />
 
Caterine d'Orleans Princesse de la tres illustre Maison de Longueville, voulant pour sa devotion établir en France l'Ordre des Meres Carmelites, selon la Reforme de Sainte Terese, la fit venir, par la permission du Roy Henry le Grand, en ce Royaume avec cinq autres l'an 1604. où elle jetta les fondemens des Monasteres de Paris, de Pontoise, d'Amiens, de Tours, de Dijon, et d'autres (1). Ayant esté la premiere Prieure du Monastere de l'Incarnation ou de Nostre-Dame des Champs la premiere Maison des Meres Carmelites ou Teresienes Françoises, elle alla fonder le Monastere de Dijon, ville Capitale de la Du-[826]ché de Bourgongne. Aprés y avoir fait peu de sejour elle y laissa une autre Prieure, et s'en revint à Paris d'où elle partit aussi tost pour aller en Flandre, où l'Infante Princesse tres-sage et tres-vertueuse demandoit l'établissement des Carmelites, et desiroit posseder un Ordre qu'elle aymoit autant pour la grace élevée dont il est remply, que parce qu'il avoit commencé dans l'Espagne son pays natal. Ce fut donc l'an 1606. que l'Archiduc Albert et l'Archiduchesse Isabelle sa femme la voulurent avoir auprés de leurs Altesses, et par son moyen établirent des Convents des Carmelites Déchaussées à Brusselle, à Mons en Hainaut, à Anvers, à Tournay, et en plusieurs autres villes de leurs terres, desquels on a tiré des filles qui ont esté fonder l'Ordre en Pologne.<br />

Version du 4 septembre 2010 à 10:44

[II,824] ANNE DE LOBERA DITE DE JESUS.

ENTRE les premieres Compagnes de sainte Terese a fleury la Reverende Mere Anne de JESUS, qui a estably son Ordre en nostre France et en Flandre. Cette devote Dame est née en Espagne, en cette Province qu'on appelle Estramadura, de la noble Maison de Lobera, de laquelle estoit Christophle de Lobera Evéque d'Osma en Castille. Dés l'aage de dix ans elle offrit sa virginité à JESUS-CHRIST, et vestue [825] d'un habit fort simple et modeste elle se donna au service des malades à l'Hospital de Palence. A vingt-quatre ans elle receut l'habit de Carmelite de Sainte Terese, qui lors estoit Prieure du Monastere d'Alve, laquelle l'eut en telle estime qu'estant encore Novice elle la mena l'an 1570. à Salamanque, à la fondation du Monastere de cette ville et premiere Université d'Espagne. Depuis elle l'envoya à Madrid, où l'Imperatrice Marie d'Austriche veuve de l'Empereur Maximilien II. (dont nous avons écrit la vie dans les Eloges des illustres Maries) fit bastir un Convent de Carmelites avec une Royale dépense.
En cette ville la Mere Anne de JESUS receut un favorable accueil de cette grande Princesse, et de son frere le Roy Philippe II. Aussi avoit-elle une admirable grace à gagner les coeurs des Grands, et une prudence admirable pour s'y entretenir et bien user de leurs faveurs pour la gloire de Dieu. Elle pleut aussi pour sa pieté à tous les Seigneurs et à toutes les Dames de la Cour. Mais ce qui la rend plus recommandable, c'est l'estime qu'ont fait de sa solide vertu Diego Iepez, alors Confesseur de Philippe II. et depuis Evéque de Tarazone; Alfonse Orosco, personnage d'insigne pieté, et Religieux de l'Ordre des Hermites de saint Augustin; le Reverend Pere Nicolas Doria de Jesus Maria premier General des Peres Carmes Déchaussez; Jean de la Croix; Ambroise de Jesus Maria, Antoine de Jesus, et les autres premiers Peres de l'Ordre, aprés le decez de Sainte Terese l'honoroient et la respectoient comme leur mere.
Caterine d'Orleans Princesse de la tres illustre Maison de Longueville, voulant pour sa devotion établir en France l'Ordre des Meres Carmelites, selon la Reforme de Sainte Terese, la fit venir, par la permission du Roy Henry le Grand, en ce Royaume avec cinq autres l'an 1604. où elle jetta les fondemens des Monasteres de Paris, de Pontoise, d'Amiens, de Tours, de Dijon, et d'autres (1). Ayant esté la premiere Prieure du Monastere de l'Incarnation ou de Nostre-Dame des Champs la premiere Maison des Meres Carmelites ou Teresienes Françoises, elle alla fonder le Monastere de Dijon, ville Capitale de la Du-[826]ché de Bourgongne. Aprés y avoir fait peu de sejour elle y laissa une autre Prieure, et s'en revint à Paris d'où elle partit aussi tost pour aller en Flandre, où l'Infante Princesse tres-sage et tres-vertueuse demandoit l'établissement des Carmelites, et desiroit posseder un Ordre qu'elle aymoit autant pour la grace élevée dont il est remply, que parce qu'il avoit commencé dans l'Espagne son pays natal. Ce fut donc l'an 1606. que l'Archiduc Albert et l'Archiduchesse Isabelle sa femme la voulurent avoir auprés de leurs Altesses, et par son moyen établirent des Convents des Carmelites Déchaussées à Brusselle, à Mons en Hainaut, à Anvers, à Tournay, et en plusieurs autres villes de leurs terres, desquels on a tiré des filles qui ont esté fonder l'Ordre en Pologne.
Cette Mere pleine d'ans, d'honneurs, de merites, et de bonnes oeuvres mourut à Brusselle le 26. Fevrier 1621. avec opinion de Sainteté. Plusieurs Seigneurs et Dames de la Cour, et les Archiducs assisterent à son convoy. Lors de ses funerailles il y avoit une Religieuse en son Monastere de la noble Maison de Vandernoort en Brabant, appellée dans son Ordre Jeanne du Saint Esprit, laquelle depuis sept ans estoit affligée d'une paralysie, qui luy avoit osté l'usage de tous ses membres: il y avoit plus de dix mois qu'elle estoit couchée sur son lit, elle demanda d'aller au Choeur. Elle n'eut pas si tost baisé ce saint corps par le moyen des Soeurs qui la soûleverent, qu'elle fut guerie à l'instant, avec l'étonnement de toutes les Meres qui veirent cette merveille, et de François Pas Medecin de l'Infante, qui l'ayant par plusieurs années assistée avoit jugé sa maladie incurable.
Plusieurs illustres Autheurs ont écrit des eloges et publié dans leurs oeuvres les vertus de cette fervente Carmelite, entre autres Aubert le Myre, Doyen de Nostre-Dame d'Anvers en ses Fastes Belgiques, et du Comté de Bourgongne: Arnauld de Raisse en ses additions au Martyrologe du Docteur Molanus: André du Saussay Curé de Saint Leu et Saint Gilles et Official de Paris en son Martyrologe de France: le Pere Louis Jacob en sa Bibliotheque Latine des Femmes illustres par leur écrits.

(1) Aubert Miraus in fast. Belg. Arnal. de Raisse in auct. Molani. Ericius Puteanus in Espist.

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