Anne de Lenclos/Fortunée Briquet

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LENCLOS, (Anne de) dite Ninon, fille d'un gentilhomme de Touraine, naquit à Paris, le 15 mai 1615 ou 1616. Sa mère voulait la rendre dévote; son père en fit une épicurienne. Elle n'avait que 15 lorsqu'elle perdit l'un et l'autre. Dès l'âge de dix ans, elle avait lu et médité les ouvrages de Montagne et de Charron. Elle touchait très-bien du clavecin, chantait avec tout le goût possible, et dansait avec beaucoup de grâce. Elle conserva sa beauté jusqu'à la caducité de l'âge. L'amour de la liberté la fit renoncer au mariage. St-Évremont donne une juste idée des moeurs de Ninon dans ces vers qu'il mit au bas de son portrait:

L'indulgente et sage nature

A formé le coeur de Ninon,
De la volupté d'Épicure
Et de la vertu de Caton.

Elle fut volage dans ses amours, constante en amitié, d'une probité scrupuleuse, d'une humeur égale, d'un commerce charmant et d'un caractère vrai. Sa maison était le rendez-vous de ce que la cour et la ville avaient de plus poli; et de ce que la république des lettres avait de plus illustre. Scarron la consultait sur ses romans; Saint-Evremont sur ses vers; Molière sur ses comédies; Fontenelle sur ses dialogues; l'abbé Gedoyn sur ses ouvrages. Les femmes les plus aimables et les plus respectables de son tems la recherchèrent. On remarquait parmi ses amies la comtesse de la Suze, la maréchale de Castelnau, la duchesse de Sully, Madame de Lafayette, Madame de Coulanges, Madame du Tort, la marquise de Lambert, et Madame Lassablière. Madame de Maintenon entretenait avec elle un commerce épistolaire, et lui fit des instances pour la fixer auprès d'elle. Ninon préféra sa liberté à l'esclavage brillant de la cour. Voltaire fut présenté chez elle à l'âge d'environ 13 ans: elle pressentit ce qu'il devait être un jour. Dans son testament, elle lui fit un legs de 2000 francs pour acheter des livres. A l'âge de 22 ans, elle eut une maladie dans laquelle on désespéra de sa vie. Ses amis déploraient sa destinée. «Hélas! dit-elle, je ne laisse que des romans». Elle conserva, jusqu'à la fin de sa carrière, la sérénité de son ame; et les agrémens de son esprit. «Si l'on pouvait croire, comme Madame de Chevreuse, disait-elle quelquefois, qu'en mourant on va causer avec tous ses amis dans l'autre monde, il serait doux de penser à la mort». Elle fut enlevée à la société le 17 octobre 1705 ou 1706. Sa Vie a été écrite par Bret; l'abbé Raynal a donné les Mémoires de Mademoiselle de Lenclos, et Douxmenil a publié: Mémoires et Lettres, pour servir à l'Histoire de Mademoiselle de Lenclos.
On lui doit quelques Lettres qui se trouvent dans les OEuvres de Saint-Evremont. Elle n'est point auteur de celles que Damours a publiées sous son nom. Les véritables Lettres de Ninon sont écrites avec plus de délicatesse et avec moins d'apprêt. La morale y est toujours assaisonnée par l'enjouement, et l'esprit ne s'y montre que sous les apparences d'une imagination libre et naturelle.

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