Anne Marie Le Page/Fortunée Briquet

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DUBOCCAGE, (Marie-Anne Lepage, Dame) née à Rouen le 22 novembre 1710, fut élevée à Paris, au couvent de l'Assomption. Cette femme célèbre rappelle, pour les connaissances et pour la longévité, la muse d'Utrecht, M.lleSchurmann. La renommée a gravé son nom au temple de Mémoire, à côté des Milton, des Camoëns, des Gessner, des Dupaty et des Saint-Aulaire. Les Académies de Rouen, de Lyon, de Bologne, de Padoue, de Cortone, de Florence et de Rome, s'empressèrent de l'admettre au nombre de leurs membres. L'Athénée des Arts de Paris, et l'Athénée de Lyon l'associèrent à leurs travaux. Plusieurs poètes et savans de l'un et de l'autre sexe, étrangers et français, l'ont célébrée dans leurs vers; entr'autres, Voltaire, la duchesse d'Arce, Maty, Barthe, Madame de Beauharnais et Fontenelle. Ce dernier avait cent ans moins deux mois, quand il fit, pour le portrait de Madame Duboccage, les vers suivants:

Autour de ce portrait couronné par la gloire,

Je vois voltiger les amours;
Et le temple de Gnide, et celui de Mémoire,
Se le disputeront toujours.

Dans la séance qui eut lieu pour sa réception à l'Académie des Arcades de Rome, on lut tant de morceaux à sa louange, qu'il y en eut assez pour former un volume. L'Académie le fit imprimer. Doricela fut le nom qu'elle prit, lors de son admission dans cette assemblée. Cette société littéraire dut à M.Pougens, l'un de ses membres, la conservation fidelle des traits de Madame Duboccage, dans le portrait de cette Muse. Ce tableau avait éprouvé quelque dommage pendant la route: M.Pougens le restaura. Le conservateur du Musée de Londres demanda la permission à Madame Duboccage, de mettre son buste dans l'immortel sanctuaire confié à ses soins. Par-tout la gloire s'empressa de couronner son génie, et le bonheur lui sourit dans son domestique; elle le trouva particulièrement dans la société de son époux. Au talent de cultiver les lettres, l'un et l'autre joignait une grande conformité de caractère; Paris était leur séjour ordinaire; et l'étude, leur occupation principale. Son buste fut couronné, le 30 germinal an 4, dans la séance publique du Lycée des Arts de Paris. On lisait au bas de ce buste, des vers composés par le fondateur de cette réunion de savans et d'artistes. Les voici:

Cent ans d'aussi belle existence

Sont un tribut bien mérité;
Ce n'est qu'une bien faible avance
Que le ciel lui devait sur l'immortalité.

Dans cette même séance, son éloge fut prononcé par Demoustier. Elle a dit avec raison:

Que je suis heureusement née!

car, de son vivant, elle a joui de son immortalité. On place au rang de ses amis, Clairant, qui voyait en elle une seconde du Chastelet; Fontenelle, qui l'appelait toujours sa fille, et qui passa les trente dernières années de sa vie auprès d'elle; et Mairan, qui, enchanté de l'égalité de son caractère, autant que de la justesse de son esprit, lui disait souvent: «Vous êtes comme une montre bien réglée, qui marche sans qu'on aperçoive son mouvement». On distingue aussi, parmi les savans et les gens de lettres qui successivement se rassemblèrent chez elle: Gentil-Bernard, Marivaux, Moncrif, Barthe, Helvétius, la Curne de Sainte-Palaye, Burigny, Condillac, Foncemagne, Marmontel, Thomas, Bréquigny, Rabaut de Saint-Etienne, Dussaulx, Bailly, Condorcet, l'abbé Barthelemy, Pougens, la Porte Dutheil, l'abbé Cambacérès, Anquetil du Perron, Lalande, etc. Ses talens lui méritèrent du gouvernement une pension de 1800 livres. Elle mourut à Paris, au mois de thermidor an 10. Dans ses derniers momens, elle souriait encore à ses amis et aux soins que lui donnait son neveu, M.Duperron, qui pour elle fut le fils le plus tendre. Elle conserva, jusqu'à la fin de sa vie, l'amabilité de son caractère et les grâces de son esprit. Il semblait que son génie se ranimât à la vue des bustes de Pope, de Dryden, de Shakeaspear, de Voltaire et de Fontenelle, présens de l'estime et de l'amitié, dont elle avait orné son appartement. Madame de Beauharnais, à qui elle était très-attachée, a célébré son mérite dans un écrit intitulé: A la mémoire de Madame Duboccage.
Si l'on en juge par la date de la première production que fit paraître Madame Duboccage, elle commença à s'adonner décidément à l'étude, dans un âge où il est nécessaire de remplacer la beauté qui s'échappe, par le charme et les grâces de l'esprit. Elle débuta dans la littérature par un poème qui remporta le premier prix qui ait été décerné par l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen. On l'imprima dans le Mercure en septembre 1746. Il avait pour devise la lettre O, regardée par les Anciens comme l'emblème de l'éternité. Le sujet fut proposé en 1745, de la manière suivante: Fondation du Prix alternatif entre les Belles-Lettres et les Sciences, par M. le duc de Luxembourg, gouverneur de la province de Normandie, et protecteur de l'Académie. -- Le Paradis terrestre, poëme en six chants, imité de Milton, et dédié à l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen; Amsterdam, 1748, in-8; traduit en vers italiens par Gasparo Gozzi; Venise, 1758. -- Le Temple de la Renommée, poëme traduit de Pope, en vers français; Londres, 1749, in)8. -- Les Amazones, tragédie en cinq actes, jouée, pour la première fois, le 24 juillet 1749; imprimée la même année, in-8. Elle eut onze représentations. L'auteur a soutenu dans cette pièce la réputation qu'il s'était acquise. La comtesse Gozzi, habitante de Venise, voulut participer, ainsi que son époux, à la gloire d'enrichir la langue de Pétrarque, des ouvrages de Madame Duboccage: elle traduisit en vers italiens la tragédie des Amazones, et la fit imprimer. -- L'Opera, ode; 1750, in-12. -- La Colombiade, ou la Foi portée au Nouveau-Monde, poëme en dix chants, dédié à Benoît XIV; 1756, in-8.; trad. en vers espagnols par le comte Maldonado; trad. en prose allemande; Glogaw, 1762; trad. en vers italiens; Milan, Joseph Marelli, 1771, in-8. Cette dernière traduction fut faite pendant le voyage de Madame Duboccage en Italie, par onze académiciens Trasformati de Milan. Environ deux ans après qu'elle eut donné la Colombiade, un poète italien, Quirini, fit paraître un poëme en dix chants, composé en dix ans, et dont Colomb était le héros. Gambara et quelques autres littérateurs latins, avaient traité le même sujet avant Madame Duboccage; mais, en France, elle est la première qui ait embouché la trompette héroïque, en faveur de l'immortel Génois qui a fait la découverte du Nouveau-Monde. -- Conjuration de Walstein, traduite du français en italien; 1759. Pendant son séjour à Rome, Madame Duboccage fit cette traduction, pour s'exercer dans la langue du pays. Sitôt après son départ, le secrétaire de cardinal Passionei s'empressa de la faire imprimer. Oraison funèbre du prince Eugène de Savoie, traduite de l'italien, du cardinal Passionei, 1759, in-12. -- Stances sur l'Immaculée Conception de la Vierge, couronnées à Rouen, en 1768, imprimées la même année, in-8.; trad. en vers latins par M.Guyot. -- La Mort d'Abel, poëme en cinq chants, traduit de Gessner, en vers français. -- Lettres sur l'Angleterre, la Hollande et l'Italie, adressées à sa soeur Madame Duperron. On les a traduites en anglais, 1770. Cet ouvrage, qui est à-la-fois utile et curieux, renferme en partie les annales de sa gloire. En 1764, Voltaire lui écrivit au sujet de ces Lettres sur l'Italie: «Elles sont supérieures à celles de Madame de Montague. Je connais Constantinople par elle, et Rome par vous; et, grace à votre style, je donne la préférence à Rome». C'est au retour de son voyage d'Italie, qu'elle fut reçue aux Délices par le Virgile de Ferney. Ce poète lui dit qu'il manquait quelque chose à sa coiffure; il y plaça une couronne de laurier. -- DifférentesPièces fugitives, qui décèlent un talent aimable. Ses OEuvres ont eu plusieurs éditions; 1749, in-8; Lyon, 1762, 3 vol. in-8.; 1764, 3 vol. in-12; Lyon 1770, 3 vol. in-12.

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