Anne Le Fèvre : Différence entre versions

De SiefarWikiFr

[version vérifiée][version vérifiée]
 
(Une révision intermédiaire par un autre utilisateur non affichée)
Ligne 1 : Ligne 1 :
 
{{Infobox Siefar
 
{{Infobox Siefar
| image =  
+
| image = image:Anne-LeFevre.JPG
 
| titres =  
 
| titres =  
 
| conjoints = 1. Jean Lesnier <br> 2. André Dacier
 
| conjoints = 1. Jean Lesnier <br> 2. André Dacier
Ligne 79 : Ligne 79 :
  
 
==Jugements==
 
==Jugements==
* «Quarum Historiam cum scribere mihi visum esset, eam tibi, ANNA FABRA DACERIA, feminarum, quot sunt, quot fuere, doctissima, inscribere mihi visum est : ut exstaret & hoc monumentum observantiae erga te meae / Quand je décidai d’écrire l’Histoire de ces femmes, c’est à toi, ANNE LE FEVRE DACIER, qui es la plus savante de toutes les femmes de notre époque et des époques passées, que j’ai jugé bon de la dédier, comme un  nouveau témoignage de mon estime pour toi» (dédicace, par Gilles Ménage, de son ''Historia mulierum philosopharum'' / ''Histoire des femmes philosophes'', à Madame Dacier, Lyon, chez Anisson, J. Posuel et Cl. Rigaud, 1690).
+
* «Quarum Historiam cum scribere mihi visum esset, eam tibi, ANNA FABRA DACERIA, feminarum, quot sunt, quot fuere, doctissima, inscribere mihi visum est : ut exstaret & hoc monumentum observantiae erga te meae / Quand je décidai d’écrire l’Histoire de ces femmes, c’est à toi, ANNE LE FEVRE DACIER, qui es la plus savante de toutes les femmes de notre époque et des époques passées, que j’ai jugé bon de la dédier, comme un  nouveau témoignage de mon estime pour toi» (dédicace, par Gilles Ménage, de son ''Historia mulierum philosopharum'' / ''Histoire des femmes philosophes'', à Madame Dacier, Lyon, Anisson, J. Posuel et Cl. Rigaud, 1690).
* «J’aime Mr. DE LA MOTHE, et j’estime infiniment Mad. DACIER. Notre sexe lui doit beaucoup: elle a protesté contre l’erreur commune qui nous condamne à l’ignorance. Les hommes, autant par dédain que par supériorité, nous ont interdit tout savoir. Mad. DACIER est une autorité qui prouve que les femmes en sont capables. Elle a associé l’érudition et les bienséances: car à présent on a déplacé la pudeur. La honte n’est plus pour les vices; et les femmes ne rougissent que de leur savoir. Enfin, elle a mis en liberté l’esprit qu’on tenoit captif sous ce préjugé; et elle seule nous maintient dans nos droits [La lettre n’est pas datée, mais on peut déduire du contexte qu'elle est contemporaine de la parution de l'«Homère en arbitrage» du Père Claude Buffier (1715), par les allusions de la marquise à ce texte].» (Anne-Thérèse de Courcelles, marquise de Lambert, «Lettre au R.P. B***», in ''Œuvres, avec un abrégé de sa vie'', Lausanne, M.-M. Bousquet, 1748, p.383)
+
* «J’aime Mr. DE LA MOTHE, et j’estime infiniment Mad. DACIER. Notre sexe lui doit beaucoup: elle a protesté contre l’erreur commune qui nous condamne à l’ignorance. Les hommes, autant par dédain que par supériorité, nous ont interdit tout savoir. Mad. DACIER est une autorité qui prouve que les femmes en sont capables. Elle a associé l’érudition et les bienséances: car à présent on a déplacé la pudeur. La honte n’est plus pour les vices; et les femmes ne rougissent que de leur savoir. Enfin, elle a mis en liberté l’esprit qu’on tenoit captif sous ce préjugé; et elle seule nous maintient dans nos droits [La lettre n’est pas datée, mais on peut déduire du contexte qu'elle est contemporaine de la parution de l'«Homère en arbitrage» du Père Claude Buffier (1715), par les allusions de la marquise à ce texte].» (Anne-Thérèse de Courcelles, marquise de Lambert, «Lettre au R.P. B***», dans ''Œuvres, avec un abrégé de sa vie'', Lausanne, M.-M. Bousquet, 1748, p.383)
 
* «Les lettres perdirent aussi Dacier […]. Il avoit une femme bien plus foncièrement savante que lui, qui lui avoit été fort utile, qui étoit consultée de tous les doctes en toutes sortes de belles-lettres grecques et latines, et qui a fait de beaux ouvrages. Avec tant de savoir, elle n’en montroit aucun, et, le temps qu’elle déroboit à l’étude pour la société, on l’y eût prise pour une femme d’esprit, mais très ordinaire, et qui parloit coiffures et modes avec les autres femmes, et de toutes les autres bagatelles qui font les conversations communes, avec un naturel et une simplicité comme si elle n’eût pas été capable de mieux» (Saint-Simon, ''Mémoires'' [année 1722], Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1961, t.VII, p.259-260).
 
* «Les lettres perdirent aussi Dacier […]. Il avoit une femme bien plus foncièrement savante que lui, qui lui avoit été fort utile, qui étoit consultée de tous les doctes en toutes sortes de belles-lettres grecques et latines, et qui a fait de beaux ouvrages. Avec tant de savoir, elle n’en montroit aucun, et, le temps qu’elle déroboit à l’étude pour la société, on l’y eût prise pour une femme d’esprit, mais très ordinaire, et qui parloit coiffures et modes avec les autres femmes, et de toutes les autres bagatelles qui font les conversations communes, avec un naturel et une simplicité comme si elle n’eût pas été capable de mieux» (Saint-Simon, ''Mémoires'' [année 1722], Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1961, t.VII, p.259-260).
 
* «Ses traductions de Térence et d’Homère lui font un honneur immortel» (Voltaire, article «Le Fèvre (Anne)», dans ''Le Siècle de Louis XIV, catalogue des «Ecrivains, dont plusieurs ont illustré le siècle»'', 1751)
 
* «Ses traductions de Térence et d’Homère lui font un honneur immortel» (Voltaire, article «Le Fèvre (Anne)», dans ''Le Siècle de Louis XIV, catalogue des «Ecrivains, dont plusieurs ont illustré le siècle»'', 1751)
Ligne 86 : Ligne 86 :
 
* «Je ne me suis pas même posé durant toute cette Etude, cette question, pourtant si française: madame Dacier était-elle jolie? Il n’est pas à croire qu’elle le fût; mais on a vu par un mot de la reine Christine que, dans sa jeunesse, elle dut être une assez belle personne, et sans doute assez agréable d’ensemble. Dans le seul portrait qu’on a d’elle, elle est représentée déjà vieille, avec une coiffure montante et, je l’avoue, un peu hérissée, le voile rejeté en arrière, le front haut, les sourcils élevés et bien dessinés, la figure forte et assez pleine, le nez un peu fort, un peu gros, la bouche fermée et pensive; elle a de la fierté dans le port et quelque épaisseur dans la taille. Sa physionomie se prête peu aux nuances; mais en tout il y respire un air de noblesse, d’ardeur sérieuse et de bonté.» (Sainte-Beuve, ''Causeries du lundi'', 13 mars 1854)
 
* «Je ne me suis pas même posé durant toute cette Etude, cette question, pourtant si française: madame Dacier était-elle jolie? Il n’est pas à croire qu’elle le fût; mais on a vu par un mot de la reine Christine que, dans sa jeunesse, elle dut être une assez belle personne, et sans doute assez agréable d’ensemble. Dans le seul portrait qu’on a d’elle, elle est représentée déjà vieille, avec une coiffure montante et, je l’avoue, un peu hérissée, le voile rejeté en arrière, le front haut, les sourcils élevés et bien dessinés, la figure forte et assez pleine, le nez un peu fort, un peu gros, la bouche fermée et pensive; elle a de la fierté dans le port et quelque épaisseur dans la taille. Sa physionomie se prête peu aux nuances; mais en tout il y respire un air de noblesse, d’ardeur sérieuse et de bonté.» (Sainte-Beuve, ''Causeries du lundi'', 13 mars 1854)
 
* «Pour traduire Homère, il faut un parti pris. Le parti pris dépend aujourd'hui pour une large part de l'état de la science; mais, jusqu'au XIXe siècle, il dépendait avant tout des conceptions esthétiques et sociales du temps; et c'est ainsi que la meilleure traduction d'Homère en France, la traduction de Madame Dacier, nous apparaît comme un des monuments littéraires les plus riches et les plus expressifs du siècle de Louis XIV. […] Je ne doute pas, pour ma part, que l'honnêteté foncière de Madame Dacier, si elle l'a égarée parfois dans l'interprétation de quelques détails de moeurs, ne l'ait aussi beaucoup aidée à comprendre Homère et à s'en faire une idée d'ensemble plus juste que celle qu'en ont encore nombre d'érudits.» (Paul Mazon, ''Madame Dacier et les traducteurs d’Homère en France'', The Zaharoff lecture for 1935, Oxford, Clarendon Press, 1936, p.4 et 11)
 
* «Pour traduire Homère, il faut un parti pris. Le parti pris dépend aujourd'hui pour une large part de l'état de la science; mais, jusqu'au XIXe siècle, il dépendait avant tout des conceptions esthétiques et sociales du temps; et c'est ainsi que la meilleure traduction d'Homère en France, la traduction de Madame Dacier, nous apparaît comme un des monuments littéraires les plus riches et les plus expressifs du siècle de Louis XIV. […] Je ne doute pas, pour ma part, que l'honnêteté foncière de Madame Dacier, si elle l'a égarée parfois dans l'interprétation de quelques détails de moeurs, ne l'ait aussi beaucoup aidée à comprendre Homère et à s'en faire une idée d'ensemble plus juste que celle qu'en ont encore nombre d'érudits.» (Paul Mazon, ''Madame Dacier et les traducteurs d’Homère en France'', The Zaharoff lecture for 1935, Oxford, Clarendon Press, 1936, p.4 et 11)
* «Voix inédite, et inattendue dans le concert trop sage de la philologie de l’âge classique, l’originalité d’Anne Dacier réside nettement dans les choix hérités de son père, mais menés jusqu’au bout d’une certaine logique «mondaine»: une femme seule avait peut-être alors  le privilège de ne pas passer pour «pédante». Traductrice attentive à son public, son souci de la langue française lui épargne ce soupçon; de surcroît, une vie que n’ont pas épargnée écueils et malheurs lui évite de porter le masque d’une pure intellectuelle; enfin, une véritable honnêteté de savante, scrupuleuse dans le respect de la source qu’elle veut vivifier et défendre, tout cela fait d’Anne, fille de Lefèvre et épouse de Dacier, un astre étrange et inclassable dans la galaxie des certitudes que partagent, peu ou prou, tous les historiens des idées et du savoir. […] elle représente excellemment ce que pouvait être alors, entre classicisme et Lumières, un authentique savoir féminin, forgé hors de l’école, hors de la religion dominante, mais fermement ancré dans la source vive de tous les savoirs humains, que nos lointains ancêtres humanistes appelaient litterae humaniores, ou, si vous préférez, lettres «trop humaines». (Emmanuel Bury, «Madame Dacier», in Colette Nativel (dir.), ''Femmes savantes, savoir des femmes: du crépuscule de la Renaissance à l’aube des Lumières'', Genève, Droz, 1999, p.219.
+
* «Voix inédite, et inattendue dans le concert trop sage de la philologie de l’âge classique, l’originalité d’Anne Dacier réside nettement dans les choix hérités de son père, mais menés jusqu’au bout d’une certaine logique «mondaine»: une femme seule avait peut-être alors  le privilège de ne pas passer pour «pédante». Traductrice attentive à son public, son souci de la langue française lui épargne ce soupçon; de surcroît, une vie que n’ont pas épargnée écueils et malheurs lui évite de porter le masque d’une pure intellectuelle; enfin, une véritable honnêteté de savante, scrupuleuse dans le respect de la source qu’elle veut vivifier et défendre, tout cela fait d’Anne, fille de Lefèvre et épouse de Dacier, un astre étrange et inclassable dans la galaxie des certitudes que partagent, peu ou prou, tous les historiens des idées et du savoir. […] elle représente excellemment ce que pouvait être alors, entre classicisme et Lumières, un authentique savoir féminin, forgé hors de l’école, hors de la religion dominante, mais fermement ancré dans la source vive de tous les savoirs humains, que nos lointains ancêtres humanistes appelaient litterae humaniores, ou, si vous préférez, lettres «trop humaines». (Emmanuel Bury, «Madame Dacier», dans Colette Nativel (dir.), ''Femmes savantes, savoir des femmes: du crépuscule de la Renaissance à l’aube des Lumières'', Genève, Droz, 1999, p.219)
  
  

Version actuelle en date du 25 avril 2014 à 15:57

Anne Le Fèvre
Anne-LeFevre.JPG
Conjoint(s) 1. Jean Lesnier
2. André Dacier
Dénomination(s) Anne Lefebvre
Mademoiselle Le Fèvre
Madame Dacier
Anna Tanaquilli Fabri filia
« La mère de l’Iliade »
Biographie
Date de naissance baptisée le 24 décembre 1645
Date de décès 17 août 1720
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779)


Notice de Eliane Itti, 2013

Anne Le Fèvre, fille de Tanneguy Le Fèvre et de Marie Olivier, demeurant à Grandchamp, près de Langres, est baptisée le 24 décembre 1645 au temple d'Is-sur-Tille, mais c’est à Saumur, l'une des capitales européennes du protestantisme, que se fixe sa famille. En 1651, son père obtient un poste de régent au collège royal rattaché à l'Académie protestante, puis de professeur de grec à l'Académie. Philologue réputé, Le Fèvre est aussi un excellent pédagogue qui, très en avance sur son temps, donne à sa fille aînée la même formation humaniste qu'à ses fils. En 1662, Anne épouse l'imprimeur préféré de son père, Jean Lesnier, mais la mort de leur enfant semble avoir entraîné la dissolution du couple. «L’affaire d’Huisseau» (la publication d’un livre prônant la réunion des Églises) ayant poussé Le Fèvre à démissionner, il s'apprête à quitter la France pour Heidelberg, quand il meurt brutalement en 1672. Anne décide alors d'aller à Paris, où elle bénéficie de la protection d’un ami de son père, Pierre-Daniel Huet, sous-précepteur du Dauphin. Il lui confie l'édition d'un ouvrage dans la collection Ad usum Delphini, qui vaut à l'auteure l’estime des savants et les félicitations de Christine de Suède. Seule femme parmi les «écrivains dauphins», Anne est aussi la seule auteure à commenter quatre textes: Florus, Dictys et Dares, Aurelius Victor, Eutrope. Parallèlement à ces ouvrages de commande qui lui rapportent environ 2000 livres chacun, elle publie un Callimaque, dicté par la piété filiale, puis, en 1681, sa première traduction, Les Poésies d'Anacréon et de Sapho. Veuve de Jean Lesnier en 1675, Anne se remarie en 1683 avec André Dacier, un des élèves préférés de son père qui l'avait suivie à Paris et dont elle a une fille, Anne Marie, née vers 1678. Puis les époux Dacier vont s’établir à Castres, la patrie d'André, à la fois pour fuir les convertisseurs et vivre à moindres frais qu’à Paris. C'est là que naît leur fils, Jean André. Mais bientôt «la grande dragonnade» réduit les protestants du Languedoc aux derniers abois et Castres abjure en masse, le 20 septembre 1685, à l'initiative des époux Dacier, si l'on en croit une lettre d'André à son ami Damien Mitton, publiée en octobre par le Mercure galant. L’abjuration vaut à André une pension de 1500 livres, à Anne de 500. De retour à Paris, les époux Dacier poursuivent leur œuvre de traducteurs, séparément (Horace, Aristote… pour André, Térence pour Anne) ou conjointement (Marc-Aurèle et Plutarque). Tandis qu'André entre enfin dans la carrière des honneurs (il est élu aux deux Académies en 1695, puis reçoit la charge de garde des livres du cabinet du Louvre), Anne ralentit le rythme de ses travaux pour se consacrer à l'éducation de leurs enfants: une petite dernière, Henriette Suzanne, est née vers 1691. Mais une version, fort mauvaise, de l' Iliade par La Valterie l’incite à entreprendre ce qui deviendra son œuvre maîtresse, la première traduction intégrale en prose, avec des Remarques, de l' Iliade et de l' Odyssée. L'Iliade (1711) lui vaut un immense succès et fait rebondir la Querelle des Anciens et des Modernes, car le poète Antoine Houdart de La Motte, qui ignore le grec, se sert de cette traduction pour écrire une nouvelle Iliade en vers, mise selon lui au goût du jour. «La mère de l’Iliade» oppose aussitôt aux «attentats de M. de La Motte» un gros ouvrage polémique, Des Causes de la corruption du goût: c'est le début de la Querelle d'Homère. Dès lors, partisans et adversaires des deux champions vont s’affronter pendant deux ans dans tous les genres littéraires. La traduction de l’Odyssée, achevée dès 1712, paraît enfin en 1716, et Madame Dacier ne reprend la plume que pour ajouter à la réédition de l’Iliade ses réflexions sur la préface de Pope. Usée par cette longue querelle, séparée de sa fille aînée, clarisse à l’abbaye de Longchamp, et profondément meurtrie par la mort de son fils, de sa dernière fille et de son frère Tanneguy, Madame Dacier a une fin de vie douloureuse. Frappée d’hémiplégie en mars 1720, elle meurt au Louvre, le 17 août. Ses traductions sont rééditées tout au long du XVIIIe siècle, certaines encore au XIXe. Voltaire et Sainte-Beuve célèbrent la savante, mais il faut attendre la deuxième moitié du XXe siècle pour voir paraître, à l’étranger (Italie, USA), les premières monographies. Aujourd’hui, la recherche s’intéresse autant à sa carrière d’«écrivain dauphin» qu’à son esthétique de la traduction.

Oeuvres

  • 1674: [Florus] Annaei Flori Rerum Romanarum epitome. Interpretatione et notis illustravit Anna Tanaquilli Fabri filia, Jussu Christianissimi Regis, in usum Serenissimi Delphini, Paris, Frédéric Léonard, In-4°.
  • 1675: [Callimaque] ΚΑΛΛΙΜΑΧOY ΚΥΡHΝΑΙOY ΥΜΝOΙ, ΕΠΙΓΡΑΜΜΑΤΑ ΚΑΙ ΑΛΛΑ ΑΤΤΑ. Callimachi Cyrenaei Hymni, Epigrammata et fragmenta : ejusdem poëmatium De coma Berenices a Catullo versum. Accessere alia ejusdem Epigrammata quaedam nondum in lucem edita ; & fragmenta aliquot in aliis editionibus praetermissa. Adjecta sunt ad Hymnos vetera Scholia Graeca. Adjectus et ad calcem index vocabulorum omnium. Cum notis Annae Tanaquilli Fabri filiae. Paris, Sébastien Mabre-Cramoisy In-4°.
  • 1680: [Dictys et Dares] Dictys Cretensis De Bello Trojano, et Dares Phrygius De Excidio Trojae. Interpretatione et notis illustravit Anna Tanaquilli Fabri filia. Jussu Christianissimi Regis, in usum Serenissimi Delphini, Paris, Lambert Roulland, In-4°.
  • 1681: [Aurelius Victor] Sex[ti] Aurelii Victoris Historiae Romanae compendium. Interpretatione et notis illustravit Anna Tanaquilli Fabri filia. Jussu Christianissimi Regis, in usum Serenissimi Delphini, Paris, Denys Thierry, In-4°.
  • 1681: Les Poesies d’Anacreon et de Sapho, traduites de Grec en François, avec des Remarques, par Mademoiselle Le Févre, Paris, Denys Thierry, In-12.
  • 1683: Comedie[s] de Plaute, traduite[s] en françois par Mademoiselle Le Févre, avec des Remarques et un Examen selon les Regles du Theatre, Paris, Denys Thierry et Claude Barbin, 3 vol. in-12 (comprend trois pièces : Amphitryon, Epidicus, Le Câble).
  • 1683: [Eutrope] Eutropii Historiae Romanae breviarium ab Urbe condita usque ad Valentinianum et Valentem Augustos, Notis et emendationibus illustravit Anna Tanaquilli Fabri filia, Jussu Christianissimi Regis, in usum Serenissimi Delphini, Paris, Veuve Antoine Cellier, In-4°.
  • 1684: Le Plutus et les Nuées d’Aristophane. Comedies greques traduites en François. Avec des Remarques et un Examen de chaque piece selon les regles du theatre, par Mademoiselle Le Févre, Paris, Denys Thierry et Claude Barbin, In-12.
  • 1688: Les Comédies de Térence, traduites en françois, avec des Remarques, Par Madame D***, Paris, Denys Thierry et Claude Barbin, 3 vol. in-12.
  • 1691: (en collaboration avec André Dacier) Réflexions morales de l’empereur Marc Antonin, avec des remarques (sans nom d’auteur en page de titre, mais le privilège est accordé «au sieur André Dacier, & à Damoiselle Anne le Fevre, sa femme», Paris, Claude Barbin, 2 vol. in-12.
  • 1694: (en collaboration avec André Dacier) Les Vies des hommes illustres de Plutarque traduites en françois, avec des Remarques, Tome premier (sans nom d’auteur ; privilège accordé «au sieur A. D. & à Damoiselle A. L. F. sa femme»), Paris, Claude Barbin, In-4° (le livre contient les six premières Vies: Thésée et Romulus, Lycurgue et Numa Pompilius, Solon et Publicola).
  • 1711: L’Iliade d’Homère traduite en françois, avec des remarques. Par Madame Dacier, Paris, Rigaud, 3 vol. in-12.
  • 1714: Des Causes de la corruption du goust, par Madame Dacier, Paris, Rigaud, in-12 -- Genève, Slatkine reprints, 1970.
  • 1716: L’Odyssée d’Homère traduite en françois, avec des remarques, par Madame Dacier, Paris, Rigaud, 3 vol. in-12.
  • 1716: Homère défendu contre l’Apologie du R. P. Hardouin, ou Suite des Causes de la corruption du goût. Par Madame Dacier, Paris, Jean-Baptiste Coignard, In-12 -- Genève, Slatkine reprints, 1971.

Sources manuscrites

  • Archives municipales de Saumur (Maine-et-Loire, France): Papier et registre des Affaires de l’Académie Royale établie à Saumur [1].
  • Archives départementales de la Côte-d’Or (France): BMS, microfilm 5 MI 17 R5 (Is-sur-Tille); E I 4: registres protestants, f.532 v.; IJ2573: Registre du Consistoire (10 janvier 1627-11 avril 1685).
  • Archives départementales du Tarn (France): B68, B331.
  • Bibliothèque de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français (Paris, France): ms 437.
  • Bibliothèque Nationale (Paris, France): ms fr 11662, f. 98 v.; ms fr 12 763, f.177-178.
  • Marsh’s Library (Dublin, Irlande): Fonds Bouhéreau, 44Z.2.
  • Bibliothèque universitaire de Leyde (Pays-Bas): ms BPL293-B.
  • Archives Nationales (Paris, France): TT: 239/1.

Sources imprimées

  • Bayle, Pierre, Nouvelles de la République des Lettres (1684-1687).
  • Bayle, Pierre, Dictionnaire historique et critique, 1695-1697.
  • Burette, Pierre, Eloge de Madame Dacier, Paris, P. Witte, s.d.
  • Henry, Charles, Un Erudit, homme du monde, homme d’Eglise, homme de cour (1630-1721) : lettres inédites de Mme de La Fayette, de Mme Dacier […], extraites de la correspondance de Huet, Paris, Hachette, 1879
  • Pélissier, Léon-Gabriel, A travers les papiers de Huet. Documents littéraires inédits, Paris, Techener, 1889.
  • Rousseau, Jean-Baptiste, Correspondance de Jean-Baptiste Rousseau et de Claude Brossette, publiée par Paul Bonnefon, Paris, E. Cornély, 1910.

Choix bibliographique

  • Dousset-Seiden, Christine et Grosperrin, Jean-Philippe (dir.), Les Epoux Dacier, Littératures classiques 72, été 2010.
  • Hepp, Noémie, Homère en France au XVIIe siècle, Paris, Klincksieck, 1968.
  • Itti, Eliane, Madame Dacier, femme et savante du Grand Siècle (1645-1720), Paris, L’Harmattan, 2012.
  • Santangelo, Giovanni Saverio, Madame Dacier, una filologa nella «crisi» (1672-1720), Rome, Bulzoni editore, 1984.
  • Zuber, Roger, Les «Belles Infidèles» et la formation du goût classique, Paris, A. Colin, 1968; nouvelle édition revue et augmentée, Paris, Albin Michel, 1995.

Choix iconographique

  • 1699 : Elisabeth-Sophie Chéron, portrait (perdu) de Madame Dacier présenté au Salon de l'Académie de peinture. La mention de ce portrait de Mme Dacier par E.-S. Chéron se trouve dans la Liste des tableaux et des ouvrages de sculpture et de peinture exposez dans la grande Gallerie du Louvre, par Messieurs les Peintres, & Sculpteurs de l'Académie Royale, en la presente année 1699, Paris, Jean Baptiste Coignard, 1699, p. 20.

Une série de portraits sont présentés sur le site du Groupe Renaissance Âge Classique (GRAC - UMR 5037)[2], notamment

  • Netscher (ou François de Troy), Madame Dacier, portrait à l’huile, château de Brissac (Maine-et-Loire).
  • Louis Elle dit Ferdinand : Anne Le Fèvre, portrait gravé par Gaillard. Dans son Homère déifié (1840-1865), Jean Auguste Dominique Ingres reproduit ce portrait pour placer Madame Dacier parmi les Modernes.
  • Nicolas de Largillière : Mme Dacier, portrait gravé par C. Motte.
  • Baptiste Feret : Anne le Fevre, portrait à l’antique gravé par E. Desrochers.
  • Anonyme, buste en marbre de Madame Dacier, XVIIIe siècle, Musée des Beaux-arts d’Angers (INV. MA 851-351-8).


Choix de liens électroniques

  • Site "Mondes humanistes et classiques" (Université de Lyon 2). Responsable scientifique : Eliane Itti. Conception et élaboration : Edwige Keller-Rahbé, Tristan Vigliano (GRAC, UMR5037). Dédié à celle que Ménage appelait « la femme la plus savante qui soit et qui fût jamais », le dossier Madame Dacier vise à rendre à Anne Le Fèvre Dacier sa véritable place dans l’histoire littéraire, tant pour son rôle dans la Querelle d’Homère que pour ses traductions de Térence ou d’Homère. En naviguant à travers textes et documents iconographiques, l’étudiant, le chercheur et tout « diligent lecteur », débutant ou chevronné, pourront découvrir, dans leur contexte historique, les multiples facettes d’une femme qui réussit à vivre de sa plume au siècle de Louis XIV. (Eliane Itti)[3]
  • Site « Saumur jadis » de Joseph-Henri Denécheau [4]
  • Anne Dacier (Wikipedia) [5]

Jugements

  • «Quarum Historiam cum scribere mihi visum esset, eam tibi, ANNA FABRA DACERIA, feminarum, quot sunt, quot fuere, doctissima, inscribere mihi visum est : ut exstaret & hoc monumentum observantiae erga te meae / Quand je décidai d’écrire l’Histoire de ces femmes, c’est à toi, ANNE LE FEVRE DACIER, qui es la plus savante de toutes les femmes de notre époque et des époques passées, que j’ai jugé bon de la dédier, comme un nouveau témoignage de mon estime pour toi» (dédicace, par Gilles Ménage, de son Historia mulierum philosopharum / Histoire des femmes philosophes, à Madame Dacier, Lyon, Anisson, J. Posuel et Cl. Rigaud, 1690).
  • «J’aime Mr. DE LA MOTHE, et j’estime infiniment Mad. DACIER. Notre sexe lui doit beaucoup: elle a protesté contre l’erreur commune qui nous condamne à l’ignorance. Les hommes, autant par dédain que par supériorité, nous ont interdit tout savoir. Mad. DACIER est une autorité qui prouve que les femmes en sont capables. Elle a associé l’érudition et les bienséances: car à présent on a déplacé la pudeur. La honte n’est plus pour les vices; et les femmes ne rougissent que de leur savoir. Enfin, elle a mis en liberté l’esprit qu’on tenoit captif sous ce préjugé; et elle seule nous maintient dans nos droits [La lettre n’est pas datée, mais on peut déduire du contexte qu'elle est contemporaine de la parution de l'«Homère en arbitrage» du Père Claude Buffier (1715), par les allusions de la marquise à ce texte].» (Anne-Thérèse de Courcelles, marquise de Lambert, «Lettre au R.P. B***», dans Œuvres, avec un abrégé de sa vie, Lausanne, M.-M. Bousquet, 1748, p.383)
  • «Les lettres perdirent aussi Dacier […]. Il avoit une femme bien plus foncièrement savante que lui, qui lui avoit été fort utile, qui étoit consultée de tous les doctes en toutes sortes de belles-lettres grecques et latines, et qui a fait de beaux ouvrages. Avec tant de savoir, elle n’en montroit aucun, et, le temps qu’elle déroboit à l’étude pour la société, on l’y eût prise pour une femme d’esprit, mais très ordinaire, et qui parloit coiffures et modes avec les autres femmes, et de toutes les autres bagatelles qui font les conversations communes, avec un naturel et une simplicité comme si elle n’eût pas été capable de mieux» (Saint-Simon, Mémoires [année 1722], Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1961, t.VII, p.259-260).
  • «Ses traductions de Térence et d’Homère lui font un honneur immortel» (Voltaire, article «Le Fèvre (Anne)», dans Le Siècle de Louis XIV, catalogue des «Ecrivains, dont plusieurs ont illustré le siècle», 1751)
  • «Parmi les ennemis de cette illustre savante, il faut compter encore l’abbé Cartaud de la Vilate. Il dit que le grec avait produit des effets singuliers dans la tête de cette dame; qu’il y avait dans sa personne un assemblage grossier et plaisant des faiblesses de son sexe et de la férocité des enfants du Nord; qu’il sied aussi mal aux femmes de se hérisser d’une certaine érudition que de porter des moustaches; qu’une femme savante a quelque chose de trop hommasse et conclut que Madame Dacier était peu propre à faire naître une passion. “Son extérieur avait, continue-t-il, un certain air de bibliothèque peu galant.”» (Augustin-Simon Irailh, Querelles littéraires […], Paris, Durand, 1761, t.II, p.315-316)
  • «Je ne me suis pas même posé durant toute cette Etude, cette question, pourtant si française: madame Dacier était-elle jolie? Il n’est pas à croire qu’elle le fût; mais on a vu par un mot de la reine Christine que, dans sa jeunesse, elle dut être une assez belle personne, et sans doute assez agréable d’ensemble. Dans le seul portrait qu’on a d’elle, elle est représentée déjà vieille, avec une coiffure montante et, je l’avoue, un peu hérissée, le voile rejeté en arrière, le front haut, les sourcils élevés et bien dessinés, la figure forte et assez pleine, le nez un peu fort, un peu gros, la bouche fermée et pensive; elle a de la fierté dans le port et quelque épaisseur dans la taille. Sa physionomie se prête peu aux nuances; mais en tout il y respire un air de noblesse, d’ardeur sérieuse et de bonté.» (Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 13 mars 1854)
  • «Pour traduire Homère, il faut un parti pris. Le parti pris dépend aujourd'hui pour une large part de l'état de la science; mais, jusqu'au XIXe siècle, il dépendait avant tout des conceptions esthétiques et sociales du temps; et c'est ainsi que la meilleure traduction d'Homère en France, la traduction de Madame Dacier, nous apparaît comme un des monuments littéraires les plus riches et les plus expressifs du siècle de Louis XIV. […] Je ne doute pas, pour ma part, que l'honnêteté foncière de Madame Dacier, si elle l'a égarée parfois dans l'interprétation de quelques détails de moeurs, ne l'ait aussi beaucoup aidée à comprendre Homère et à s'en faire une idée d'ensemble plus juste que celle qu'en ont encore nombre d'érudits.» (Paul Mazon, Madame Dacier et les traducteurs d’Homère en France, The Zaharoff lecture for 1935, Oxford, Clarendon Press, 1936, p.4 et 11)
  • «Voix inédite, et inattendue dans le concert trop sage de la philologie de l’âge classique, l’originalité d’Anne Dacier réside nettement dans les choix hérités de son père, mais menés jusqu’au bout d’une certaine logique «mondaine»: une femme seule avait peut-être alors le privilège de ne pas passer pour «pédante». Traductrice attentive à son public, son souci de la langue française lui épargne ce soupçon; de surcroît, une vie que n’ont pas épargnée écueils et malheurs lui évite de porter le masque d’une pure intellectuelle; enfin, une véritable honnêteté de savante, scrupuleuse dans le respect de la source qu’elle veut vivifier et défendre, tout cela fait d’Anne, fille de Lefèvre et épouse de Dacier, un astre étrange et inclassable dans la galaxie des certitudes que partagent, peu ou prou, tous les historiens des idées et du savoir. […] elle représente excellemment ce que pouvait être alors, entre classicisme et Lumières, un authentique savoir féminin, forgé hors de l’école, hors de la religion dominante, mais fermement ancré dans la source vive de tous les savoirs humains, que nos lointains ancêtres humanistes appelaient litterae humaniores, ou, si vous préférez, lettres «trop humaines». (Emmanuel Bury, «Madame Dacier», dans Colette Nativel (dir.), Femmes savantes, savoir des femmes: du crépuscule de la Renaissance à l’aube des Lumières, Genève, Droz, 1999, p.219)
Outils personnels