Anne Le Fèvre : Différence entre versions

De SiefarWikiFr

[version vérifiée][version vérifiée]
Ligne 3 : Ligne 3 :
 
| titres =  
 
| titres =  
 
| conjoints = 1. Jean Lesnier <br> 2. André Dacier
 
| conjoints = 1. Jean Lesnier <br> 2. André Dacier
| dénominations = Anne Le Fèvre, Mademoiselle Le Fèvre <br>Madame Dacier <br>''Anna Tanaquilli Fabri filia''<br> « La mère de l’Iliade »
+
| dénominations = Anne Le Fèvre <br> Mademoiselle Le Fèvre <br>Madame Dacier <br>''Anna Tanaquilli Fabri filia''<br> « La mère de l’Iliade »
 
   
 
   
 
   
 
   
Ligne 14 : Ligne 14 :
 
| enligne =  
 
| enligne =  
 
}}
 
}}
== Notice de ==
+
== Notice de [[Eliane Itti]], 2013 ==
Cette notice est en cours de rédaction.
+
Anne Le Fèvre, fille de Tanneguy Le Fèvre et de Marie Olivier, demeurant à Grandchamp, près de Langres, est baptisée le 24 décembre 1645 au temple d'Is-sur-Tille, mais c’est à Saumur, l'une des capitales européennes du protestantisme, que se fixe sa famille. En 1651, son père obtient un poste de régent au collège royal rattaché à l'Académie protestante, puis de professeur de grec à l'Académie. Philologue réputé, Le Fèvre est aussi un excellent pédagogue qui, très en avance sur son temps, donne à sa fille aînée la même formation humaniste qu'à ses fils. En 1662, Anne épouse l'imprimeur préféré de son père, Jean Lesnier, mais la mort de leur enfant semble avoir entraîné la dissolution du couple. «L’affaire d’Huisseau» (la publication d’un livre prônant la réunion des Églises) ayant poussé Le Fèvre à démissionner, il s'apprête à quitter la France pour Heidelberg, quand il meurt brutalement en 1672. Anne décide alors d'aller à Paris, où elle bénéficie de la protection d’un ami de son père, Pierre-Daniel Huet, sous-précepteur du Dauphin. Il lui confie l'édition d'un ouvrage dans la collection ''Ad usum Delphini'', qui vaut à l'auteure l’estime des savants et les félicitations de Christine de Suède. Seule femme parmi les «écrivains dauphins», Anne est aussi la seule auteure à commenter quatre textes: Florus, Dictys et Dares, Aurelius Victor, Eutrope. Parallèlement à ces ouvrages de commande qui lui rapportent environ 2000 livres chacun, elle publie un ''Callimaque'', dicté par la piété filiale, puis, en 1681, sa première traduction, ''Les Poésies d'Anacréon et de Sapho''.
 +
Veuve de Jean Lesnier en 1675, Anne se remarie en 1683 avec André Dacier, un des élèves préférés de son père qui l'avait suivie à Paris et dont elle a une fille, Anne Marie, née vers 1678. Puis les époux Dacier vont s’établir à Castres, la patrie d'André, à la fois pour fuir les convertisseurs et vivre à moindres frais qu’à Paris. C'est là que naît leur fils, Jean André. Mais bientôt «la grande dragonnade» réduit les protestants du Languedoc aux derniers abois et Castres abjure en masse, le 20 septembre 1685, à l'initiative  des époux Dacier, si l'on en croit une lettre d'André à son ami Damien Mitton, publiée en octobre par le ''Mercure galant''. L’abjuration vaut à André une pension de 1500 livres, à Anne de 500. De retour à Paris, les époux Dacier poursuivent leur œuvre de traducteurs, séparément (Horace, Aristote…  pour André, Térence pour Anne) ou conjointement (Marc-Aurèle et Plutarque). Tandis qu'André entre enfin dans la carrière des honneurs (il est élu aux deux Académies en 1695, puis reçoit la charge de garde des livres du cabinet du Louvre), Anne ralentit le rythme de ses travaux pour se consacrer à l'éducation de leurs enfants: une petite dernière, Henriette Suzanne, est née vers 1691. Mais une version, fort mauvaise, de l'''Iliade'' par La Valterie l’incite à entreprendre ce qui deviendra son œuvre maîtresse, la première traduction intégrale en prose, avec des ''Remarques'', de l'''Iliade'' et de l'''Odyssée''. L'''Iliade'' (1711) lui vaut un immense succès et fait rebondir la Querelle des Anciens et des Modernes, car le poète Antoine Houdart de La Motte, qui ignore le grec, se sert de cette traduction pour écrire une nouvelle ''Iliade'' en vers, mise selon lui au goût du jour. «La mère de l’Iliade» oppose aussitôt aux «attentats de M. de La Motte» un gros ouvrage polémique, ''Des Causes de la corruption du goût'': c'est le début de la Querelle d'Homère. Dès lors, partisans et adversaires des deux champions vont s’affronter pendant deux ans dans tous les genres littéraires. La traduction de l’Odyssée, achevée dès 1712, paraît enfin en 1716, et Madame Dacier ne reprend la plume que pour ajouter à la réédition de l’''Iliade'' ses réflexions sur la préface de Pope.
 +
Usée par cette longue querelle, séparée de sa fille aînée, clarisse à l’abbaye de Longchamp, et profondément meurtrie par la mort de son fils, de sa dernière fille et de son frère Tanneguy, Madame Dacier a une fin de vie douloureuse. Frappée d’hémiplégie en mars 1720, elle meurt au Louvre, le 17 août.
 +
Ses traductions sont rééditées tout au long du XVIIIe siècle, certaines encore au XIXe. Voltaire et Sainte-Beuve célèbrent la savante, mais il faut attendre la deuxième moitié du XXe siècle pour voir paraître, à l’étranger (Italie, USA), les premières monographies. Aujourd’hui, la recherche s’intéresse autant à sa carrière d’«écrivain dauphin» qu’à son esthétique de la traduction.
 +
 
  
 
== Choix de liens électroniques ==  
 
== Choix de liens électroniques ==  

Version du 18 février 2014 à 08:38

Anne Le Fèvre
Conjoint(s) 1. Jean Lesnier
2. André Dacier
Dénomination(s) Anne Le Fèvre
Mademoiselle Le Fèvre
Madame Dacier
Anna Tanaquilli Fabri filia
« La mère de l’Iliade »
Biographie
Date de naissance baptisée le 24 décembre 1645
Date de décès 17 août 1720
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779)


Notice de Eliane Itti, 2013

Anne Le Fèvre, fille de Tanneguy Le Fèvre et de Marie Olivier, demeurant à Grandchamp, près de Langres, est baptisée le 24 décembre 1645 au temple d'Is-sur-Tille, mais c’est à Saumur, l'une des capitales européennes du protestantisme, que se fixe sa famille. En 1651, son père obtient un poste de régent au collège royal rattaché à l'Académie protestante, puis de professeur de grec à l'Académie. Philologue réputé, Le Fèvre est aussi un excellent pédagogue qui, très en avance sur son temps, donne à sa fille aînée la même formation humaniste qu'à ses fils. En 1662, Anne épouse l'imprimeur préféré de son père, Jean Lesnier, mais la mort de leur enfant semble avoir entraîné la dissolution du couple. «L’affaire d’Huisseau» (la publication d’un livre prônant la réunion des Églises) ayant poussé Le Fèvre à démissionner, il s'apprête à quitter la France pour Heidelberg, quand il meurt brutalement en 1672. Anne décide alors d'aller à Paris, où elle bénéficie de la protection d’un ami de son père, Pierre-Daniel Huet, sous-précepteur du Dauphin. Il lui confie l'édition d'un ouvrage dans la collection Ad usum Delphini, qui vaut à l'auteure l’estime des savants et les félicitations de Christine de Suède. Seule femme parmi les «écrivains dauphins», Anne est aussi la seule auteure à commenter quatre textes: Florus, Dictys et Dares, Aurelius Victor, Eutrope. Parallèlement à ces ouvrages de commande qui lui rapportent environ 2000 livres chacun, elle publie un Callimaque, dicté par la piété filiale, puis, en 1681, sa première traduction, Les Poésies d'Anacréon et de Sapho. Veuve de Jean Lesnier en 1675, Anne se remarie en 1683 avec André Dacier, un des élèves préférés de son père qui l'avait suivie à Paris et dont elle a une fille, Anne Marie, née vers 1678. Puis les époux Dacier vont s’établir à Castres, la patrie d'André, à la fois pour fuir les convertisseurs et vivre à moindres frais qu’à Paris. C'est là que naît leur fils, Jean André. Mais bientôt «la grande dragonnade» réduit les protestants du Languedoc aux derniers abois et Castres abjure en masse, le 20 septembre 1685, à l'initiative des époux Dacier, si l'on en croit une lettre d'André à son ami Damien Mitton, publiée en octobre par le Mercure galant. L’abjuration vaut à André une pension de 1500 livres, à Anne de 500. De retour à Paris, les époux Dacier poursuivent leur œuvre de traducteurs, séparément (Horace, Aristote… pour André, Térence pour Anne) ou conjointement (Marc-Aurèle et Plutarque). Tandis qu'André entre enfin dans la carrière des honneurs (il est élu aux deux Académies en 1695, puis reçoit la charge de garde des livres du cabinet du Louvre), Anne ralentit le rythme de ses travaux pour se consacrer à l'éducation de leurs enfants: une petite dernière, Henriette Suzanne, est née vers 1691. Mais une version, fort mauvaise, de lIliade par La Valterie l’incite à entreprendre ce qui deviendra son œuvre maîtresse, la première traduction intégrale en prose, avec des Remarques, de lIliade et de lOdyssée. LIliade (1711) lui vaut un immense succès et fait rebondir la Querelle des Anciens et des Modernes, car le poète Antoine Houdart de La Motte, qui ignore le grec, se sert de cette traduction pour écrire une nouvelle Iliade en vers, mise selon lui au goût du jour. «La mère de l’Iliade» oppose aussitôt aux «attentats de M. de La Motte» un gros ouvrage polémique, Des Causes de la corruption du goût: c'est le début de la Querelle d'Homère. Dès lors, partisans et adversaires des deux champions vont s’affronter pendant deux ans dans tous les genres littéraires. La traduction de l’Odyssée, achevée dès 1712, paraît enfin en 1716, et Madame Dacier ne reprend la plume que pour ajouter à la réédition de l’Iliade ses réflexions sur la préface de Pope. Usée par cette longue querelle, séparée de sa fille aînée, clarisse à l’abbaye de Longchamp, et profondément meurtrie par la mort de son fils, de sa dernière fille et de son frère Tanneguy, Madame Dacier a une fin de vie douloureuse. Frappée d’hémiplégie en mars 1720, elle meurt au Louvre, le 17 août. Ses traductions sont rééditées tout au long du XVIIIe siècle, certaines encore au XIXe. Voltaire et Sainte-Beuve célèbrent la savante, mais il faut attendre la deuxième moitié du XXe siècle pour voir paraître, à l’étranger (Italie, USA), les premières monographies. Aujourd’hui, la recherche s’intéresse autant à sa carrière d’«écrivain dauphin» qu’à son esthétique de la traduction.


Choix de liens électroniques

  • Site "Mondes humanistes et classiques" (Université de Lyon 2). Responsable scientifique : Eliane Itti. Conception et élaboration : Edwige Keller-Rahbé, Tristan Vigliano (GRAC, UMR5037). Dédié à celle que Ménage appelait « la femme la plus savante qui soit et qui fût jamais », le dossier Madame Dacier vise à rendre à Anne Le Fèvre Dacier sa véritable place dans l’histoire littéraire, tant pour son rôle dans la Querelle d’Homère que pour ses traductions de Térence ou d’Homère. En naviguant à travers textes et documents iconographiques, l’étudiant, le chercheur et tout « diligent lecteur », débutant ou chevronné, pourront découvrir, dans leur contexte historique, les multiples facettes d’une femme qui réussit à vivre de sa plume au siècle de Louis XIV. (Eliane Itti)[1]
Outils personnels